Pierre-Yves GENET

La protection du cadre de vie des séniors

La protection du cadre de vie des séniors

Il est important d’anticiper la vulnérabilité qui pourra nous atteindre lorsque l’on avance en âge. 

Si nous attendons, le conjoint, le partenaire, le concubin survivant ou les héritiers devront alors passer par le juge pour gérer notre patrimoine, et tout ce qui a été mis en place pour que nous ou celui des deux qui survivra ayons des revenus supplémentaires; sera très probablement gelé par le juge des contentieux de la protection (ex-juge des tutelles). Ce dernier sécurisera, dans la plupart des cas, l’ensemble du patrimoine et limitera les possibilités de gestion des actifs.

Il est également important de permettre au conjoint survivant de conserver son lieu d’habitation quelques soit la composition de la famille et les relations entre ses membres.

C’est l’ensemble des ces points que nous allons aborder dans cet article.

1  Attachement aux résidences principales et secondaires

Le maintien au domicile est une attente très générale.

En effet, 75% des séniors souhaitent se maintenir dans leur logement ainsi que dans leur environnement immédiat (voisins, commerces, médecins, etc…) car ils y ont leurs habitudes.

Il est nécessaire de se poser et de faire un point sur ses objectifs et sur ses possibilités réelles. En effet certains souhaitent rester dans le même logement, d’autres acquérir un logement plus petit (62%) à proximité de leur logement actuel, d’autres envisagent la location voire la colocation, ou plus rarement un passage en résidence sénior à proximité mais sans avoir réellement envisagé les coûts de ces solutions.

Les questions à se poser sont :

  • Est-ce que mon habitat se prête à mon avancée en âge
    • Existence de marches ou d’étages,Adaptation des installations sanitaires (baignoire, douche avec marche, possibilité d’utiliser un fauteuil roulant, etc…)
    • Si le logement est en milieu rural ; existe-t-il des difficultés de transports pour se rendre dans les commerces, ou chez le médecin,
  • Est-ce que j’ai les moyens d’effectuer les travaux nécessaires pour adapter mon logement actuel,
  • Est-ce que j’ai les moyens de financer une résidence pour séniors,
  • Est-ce qu’il a, à proximité, des membres de ma famille pouvant venir m’aider en cas de besoin ?
  • Quelle est la proximité des relations sociales (amis, associations, club,…) ?
  • Quel est le coût du maintien à domicile :
    • Travaux (les locaux sont-ils adaptés à la personne âgée mais également à recevoir une personne devant aider le sénior : par exemple une chambre supplémentaire pour la garde de nuit)
    • Montant des charges fixes (énergie, assurances, taxes, charges de copropriété…)
    • Coût des transports
    • Coût des aides à domicile (Une garde de nuit coûte entre 150 à 200e la nuit, et l’accompagnement de jour de 12€à 14/h pour une personne en perte légère d’autonomie, 15 à 16/h pour une personne en situation de dépendance lourde et de 20 à 30de l’heure pour une personne en de dépendance totale)
    • Quels sont les revenus du couple mais également dans le futur du survivant (aura-t-il droit à une pension de réversion, devra-t-elle être partagée avec des ex époux(ses) ?)
    • Le coût d’entretien du logement sera-t-il supportable par le seul survivant et ensuite par les héritiers ?
  • Si le coût est trop important
    • La cession est-elle possible (existe-il déjà un démembrement)
      • Si démembrement, en cas de vente, me restera-t-il assez pour me reloger dignement, a-t-il été prévu une clause de remploi ou de quasi-usufruit sur le prix de vente ?
      • Les enfants nus-propriétaires :
        •  Accepteront-ils de céder le bien ?
        • De réinvestir avec les seniors dans un lieu qui leur convienne ?
    • Quel est ou sera l’état du marché au moment où l’état de vulnérabilité surviendra ?
  • Est-il réellement opportun de me maintenir dans mon logement
    • La maison prévue initialement pour une grande famille, n’est-elle pas trop grande pour une seule personne ?
    • La maison n’est-elle pas trop éloignée
      • de mes proches qui sont partis vivre ailleurs
      • de toutes les commodités
    • La conservation de la résidence secondaire est-elle légitime (oui pour des regroupements familiaux par exemple).
    • Si oui, l’indivision future est-elle envisageable ?

La partie de l’audit concernant l’adaptation du cadre de vie au grand âge peut être réalisée par un ergothérapeute. Certaines mairies ou conseils généraux offrent ce service gratuitement, sinon compter environ 300 pour cette intervention. Les retours d’expérience montrent qu’une première chute suivie d’une période d’immobilisation et de rééducation est souvent le facteur déclenchant de la mise en établissement surtout si la personne est seule ; avec malheureusement souvent un non-retour au domicile. Il faut donc éviter les tapis, les baignoires, les petites marches, …).

Une fois cette analyse, réalisée, il faut soit initier les mesures qui seront nécessaires (apport en société, donation, cession, etc…) soit rédiger avec un professionnel un mandat de protection future définissant les modalités de maintien au domicile et d’aménagement éventuel du cadre de vie.

La loi du 7 mars 2007  (entrée en vigueur le 01/01/2009) a prévu la protection du domicile de la personne vulnérable

L’article 425 du code civil définit le majeur protégé comme ayant des capacités mentales ou corporelles altérées au point d’empêcher l’expression de la volonté. Ce n’est pas le médecin de famille qui peut statuer sur cet état mais un médecin inscrit sur les listes auprès du tribunal.

L’article 426 du même code, envisage plus spécifiquement la protection du logement. Plus globalement, il définit le « cadre de vie » comme étant le logement, les effets personnels, les meubles, la résidence principale ou secondaire. Il indique ensuite que ce cadre de vie doit être conservé à disposition de la personne protégée aussi longtemps qu’il est possible.

Il précise que si le cadre de vie doit être quitté que ce soit par une vente du logement ou par la conclusion ou résiliation d’un bail, alors cela nécessite l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et que même dans ce cas, la décision du juge doit être motivée par un avis médical.

De plus si ce départ à pour but la mise en établissement spécialisée de la personne protégée, l’avis ne doit pas émaner d’un médecin dépendant de l’établissement de destination.

Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l’intéressé.

Ces articles s’appliquent à tous les régimes de protection (conventionnel (mandat de protection future), mixte (habilitation familiale), ou juridique (curatelle, tutelle))

2 Introduction aux mesures de protection

Note :Se référer à notre article « La protection des personnes vulnérables » pour une présentation plus complète de nombreux dispositifs de protection qu’ils soient conventionnels, judiciaires, mixtes ou matrimoniaux

Le juge des contentieux de la protection est une autorité judiciaire chargée de décider des mesures de protection à mettre en œuvre pour la protection des majeurs incapables ou en situation de vulnérabilité.

Il est compétent pour

  • Examiner les situations individuelles,
  • Évaluer en se basant sur l’avis de médecins experts inscrits sur la liste du tribunal d’instance du lieu de résidence habituelle de la personne à protéger
  • Prononcer la mise en place des mesures de tutelle, curatelle, sauvegarde de justice et habilitation familiale

Il a donc vocation à protéger la personne vulnérable et aura souvent tendance à figer et sécuriser son patrimoine en arbitrant les placements sur des fonds sans risque, en bloquant les cessions, les donations et les apports de biens immobilier en SCI ou SARL de famille ; empêchant ainsi la mise en place de stratégies permettant à la fois de protéger le patrimoine du sénior et son cadre de vie tout en préparant sa transmission à ses enfants.

Avant d’entrer dans la description de ces dispositifs de protection, indiquons brièvement les types d’actes qui peuvent être réalisés par une personne.

On parle d’actes de disposition pour ceux qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. Il s’agira par exemple de la réalisation d’emprunt, l’achat ou la vente d’un bien immobilier, la souscription à une assurance vie, ….

On parle d’actes d’administration, lorsqu’il s’agit de gérer son patrimoine enen conservant sa valeur, en le faisant fructifier et en maintenant ses droits (par exemple la réalisation de travaux d’entretien de son domicile ou arbitrer des titres dans un portefeuille de type compte titre, pea, assurance ou contrat de capitalisation)

Les actes conservatoires sont ceux qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire. La pose d’une hypothèque est par essence un acte de disposition, mais s’il s’agit de protéger le domicile du seniors fasse au remboursement immédiat d’une créance, il pourra alors s’agir d’un acte conservatoire.

Enfin les actes strictement personnels sont ceux qui concernent la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Ces actes ne peuvent jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée par un tuteur ou un curateur

La nuance est parfois étroite.

Par exemple un arbitrage entre deux fonds d’une assurance vie est généralement considéré comme un acte d’administration. Cependant, s’il porte sur une somme importante et si le fond destinataire de l’arbitrage présente un risque élevé, cet acte devient un acte de disposition car il peut conduire à une diminution significative du patrimoine.

A l’inverse la vente de titres détenus en direct (c’est-à-dire en dehors d’un compte titre ou d’un PEA) par la personne protégée est un acte de disposition, sauf si le montant de l’opération est faible par rapport au reste du patrimoine de la personne qui permettrait alors de le considérer comme un acte d’administration.

Aussi, le législateur a dans un décret du 22 décembre 2008 (n° 2008-1484 ) cf : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020017088,  définit une liste non exhaustive d’actes de disposition et d’administration en précisant ceux qui devront toujours être considérés comme des acte de disposition ou d’administration et ceux dont la nature dépendra des circonstances d’espèce

3 Les moyens de conservation du logement en pleine propriété

Le senior peut vouloir conserver la pleine propriété de son logement et le transmettre également en pleine propriété au survivant.

On trouve souvent cette situation dans des familles recomposées avec une mésentente entre les enfants du premier lit et le nouveau conjoint.

L’objectif est alors de conserver toute latitude pour vendre ou louer le bien et d’éviter toute indivision entre le survivant et les enfants de son conjoint, partenaire de PACS ou concubin prédécédé.

Ici encore, une anticipation tant juridique qu’économique est nécessaire. Juridique afin de préparer la transmission selon les souhaits des séniors ; économique car le survivant devra avoir les moyens financiers de ses volontés. Il pourrait en effet y avoir des soultes à verser aux héritiers.

Nous étudierons ci-après quelques moyen juridiques permettant de préparer la transmission en pleine propriété au survivant.

Rappel : Si on ne prépare rien et qu’il y a un partage judiciaire car les héritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord, le choix des lots (hors droits préférentiels défini aux art 831 à 834 du code civil) se fait par tirage au sort.

3.1 Le legs par testament

Il est possible via un testament de léguer sa résidence principale ou secondaire en laissant le choix au survivant de choisir le mode de détention. On parle alors de legs alternatif.

Par exemple : « je veux que mon conjoint puisse jouir sa vie durant de la maison située à …. constituant actuellement notre résidence secondaire. Cette jouissance pourra s’exercer par le choix de la pleine propriété, de l’usufruit , du droit d’usage et d’habitation ou d’un prêt d’usage (commodat) »

Cette solution est envisageable pour les couples mariés et les partenaires de PACS puisqu’ils sont exonérés de droits de succession entre eux.

Elle est à proscrire pour les concubins car ils sont, eux, soumis à des droit au taux de 60 %, après un abattement de seulement 1 594 €.

Rappel  :

La résidence principale est protégée pour les couples mariés, pendant un an uniquement. C’est un droit matrimonial dont le conjoint ne peut jamais être privé. Ce droit d’un an existe également pour le partenaire de PACS survivant (art 515-6 al 3 du code civil) mais pas pour le concubin survivant.

Il existe également un droit viager au logement mais uniquement pour les couples mariés cette fois. Le droit viager n’est pas d’ordre public. Le survivant peut en être privé par un testament authentique (764 cc). De plus ce n’est pas un droit automatique comme le droit temporaire d’un an. C’est un droit testamentaire, et le survivant doit en exprimer le choix dans les 12 mois de l’ouverture de la succession. (cf paragraphe 4.2)

Attention avant de rédiger un tel testament, il faut vérifier que l’on en a bien les droits nécessaires sur le bien. Pour cela il est plus prudent de vérifier les titres de propriété afin de s’assurer de qui possède effectivement le bien (possibilité de réemploi de fond propres, construction sur terrain d’autrui, indivision, détention en propre, démembrement, etc…) et si le bien vient d’une donation vérifier s’il n’y a pas un droit de retour en cas de prédécès du donataire.

Second point de vigilance en présence d’héritiers réservataires, il faut vérifier que le bien ainsi transmis ne dépasse pas la quotité disponible. Si tel était le cas, une renonciation anticipée à l’action en retranchement pourrait être envisagée, mais dans les familles où règne une mésentente cela sera difficilement possible, ou une soulte leur sera due.

Note ; on pourrait aussi envisager d’une donation de biens présents entre époux mais cela présente deux désavantages. D’une part au niveau fiscal, la donation de biens présents entre époux est taxée au-delà d’un montant de 80 724€ alors que le legs ne l’est pas. Et d’autre part une donation, sauf ingratitude, n’est pas annulable ce qui pourrait être problématique en cas de divorce, alors qu’un testament peut lui toujours être résilié. Le cas de la donation au dernier vivant sera présenté au paragraphe 4.1.4

Le legs peut également être complété par plusieurs dispositifs que nous allons évoquer ci-dessous.

3.1.1  Le Changement de régime de pacs

Cette solution peut être intéressante lorsque les deux partenaires ont des revenus significativement différents et que l’un va financer une grande partie du bien.

Depuis 2006, les PACS sont par défaut soumis au régime de séparation de bien. Ainsi, si celui qui décède en premier est celui qui a financé la majeure partie du bien, alors la transmission par legs au survivant va certainement dépasser la quotité disponible.

Il est donc intéressant dans ce cas, avant l’acquisition du logement, d’opter pour le régime de l’indivision. Le changement de régime du PACS n’est pas un changement de régime matrimonial. Le mode de possession des biens déjà acquis n’est pas modifié, seuls les biens futurs seront concernés

L’art 515-5-1 prévoit alors que les biens acquis sont réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale même si l’un en a financé 95%.

Il faut ici, privilégier une acquisition via un emprunt.

En effet l’art 515-2 du code civil limite la portée de cette solution lors de l’utilisation de fonds propres à l’un des partenaires (la part acquise à l’aide de fonds propres reste la propriété exclusive de celui qui l’a financée si une déclaration de réemploi a été faite dans l’acte d’acquisition ou s’il est créée une créance de restitution entre les partenaire).

Si le bien a déjà été acquis avant le changement de régime du PACS, alors l’apport en société pourra être envisagé (cf §4.4)

3.1.2  L’Attribution préférentielle du LOGEMENT

Le testament peut également prévoir une clause d’attribution préférentielle permettant de donner un bien particulier en priorité au survivant (ce n’est pas un préciput car il y a charge de verser une soulte si on dépasse la quotité disponible (QD)).

Pour les couples mariés, l’art 831-2 du code civil donne, au conjoint survivant, le droit d’attribution préférentiel du logement du couple au jour du décès ainsi que du mobilier le garnissant, et du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante.

Pour les partenaires de PACS, , l’article 515-6 prévoit également cette même attribution préférentielle mais uniquement si le partenaire prédécédé l’a expressément prévu par testament.

 Les concubins n’y ont pas droit.

Le testament doit prévoir une attribution préférentielle du cadre de vie plus le legs. En effet s’il mentionne uniquement l’attribution préférentielle, celle ci ne s’imputera pas sur la quotité disponible et la soulte à verser aux héritiers par le survivant en sera d’autant plus importante.

Note : Lorsque le bien est détenu en indivision, plutôt que de faire un transfert à titre gratuit, on peut prévoir une convention d’indivision prévoyant une faculté d’acquisition par le survivant de la quote-part du de cujus. Cela permet d’éviter toute indivision avec les héritiers. Encore faut-il que le survivant en ait les moyens. La convention doit être notariée (art 1873-13 cc). C’est une option et le prix sera déterminé au moment de l’acquisition.

3.2 La tontine (clause d’accroissement)

La tontine (ou clause d’accroissement) est une clause incluse dans un contrat d’acquisition à plusieurs qui prévoit qu’en cas de décès d’un des cotitulaires, la part du défunt revient automatiquement aux autres cotitulaires survivants, et ce, sans qu’elle fasse partie de sa succession.

Depuis 1980, l’administration fiscale (art 754 du CGI) considère que le bien est réputé transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l’accroissement dès lors que le bien a une valeur dépassant 76 000 € et qu’il n’est pas la résidence principale commune des deux coacquéreurs. Ainsi s’il s’agit de concubins, le survivant sera soumis à des droits de mutation à hauteur de 60 %.

Cette technique sera donc réservée aux couples mariés et aux partenaires de PACS.

Elle a cependant perdu de son intérêt fiscal depuis la loi TEPA avec l’exonération de droits de succession pour le conjoint ou le partenaire de PACS survivant.

Elle conserve pourtant un intérêt civil pour les cas où règne la mésentente familiale car elle permet le cas échéant de « contourner » les règles de la réserve héréditaire et évite les requalifications du contrat en libéralités donnant un maximum de protection au conjoint survivant en lui accordant la possession exclusive du bien en pleine propriété.

Si le bien a déjà été acquis, il faut alors apporter le bien à une société (SCI par exemple) et reporter la tontine sur les parts de la société.

Il faut toutefois prendre quelques précautions :

  • Il faut qu’il y ait une inconnue sur qui va mourir en premier. Il faut donc des conjoints d’âges similaires, sans que l’un ait des problèmes de santé connus réduisant son espérance de vie par rapport à l’autre. Les héritiers ne peuvent agir contre la tontine que si l’aléa n’est pas respecté
  • L’acquisition doit être réalisée dans des proportions équivalentes (max 55/45) ou prenant en compte l’écart d’espérance de vie des co-contractants.
  • Si les deux conditions ci-dessus ne sont pas respectées, il y aura possibilité pour les héritiers de requalifier la clause en donation déguisée qui sera alors rapportable à la succession et réductible au titre de l’article 843 du code civil.
  • Le recours à la technique de la tontine devra s’accompagner d’une vérification, d’une part, de la possibilité de mise en œuvre dans un contexte international et, d’autre part, de la fiscalité applicable.

Pour plus de détail sur le pacte tontinier, se référer à notre article dédié sur https://www.linkedin.com/pulse/connaissez-vous-la-tontine-pierre-yves-genet/?trackingId=%2FGzkLLbeQRShwdhxCETBfw%3D%3D

Attention la tontine peut également être un piège en cas de divorce. Il faut pour y renoncer, l’unanimité des cotitulaires.

3.3 Les avantages matrimoniaux (pour les COUPLES mariés UNIQUEMENT)

Il s’agit ici d’aménager le régime matrimonial des époux afin de favoriser le conjoint survivant par rapport aux autres héritiers, sur un bien qui serait un propre à l’un des époux ou des biens communs. D’ailleurs l’avantage matrimonial ne peut porter que sur des biens communs. Si le bien appartient en propre à l’un des époux, ou si les époux sont mariés sous un régime séparatiste, il faudra donc tout d’abord rendre le bien commun.

L’aménagement passe obligatoirement par un acte devant notaire qui décidera s’il est nécessaire ou non de liquider l’ancien régime (et donc du coût de l’opération). Depuis le 25/03/2019, le changement de régime peut être réaliser à tout moment (n’y a plus de délais de 2 ans entre 2 aménagements ou depuis le mariage) et il n’y a plus judiciarisation systématique des aménagements. C’est à dire plus d’homologation systématique de l’acte par un juge aux affaires familiales en présence d’enfants mineurs, sauf si le notaire juge que le changement leur est préjudiciable.

Les enfants majeurs sont informés par recommandé avec accusé de réception et les tiers par annonces légales (durée d’opposition de 3 mois à la plus tardives des deux dates (enfants ou tiers))

En présence uniquement d’enfants communs, il n’y aucune restrictions aux aménagements. Les enfants ne sont donc, dans ce cas, plus protégés car le survivant aura tous les droits et donc celui de tout dépenser. Ils n’auront donc aucune réserve au premier décès.

En présence d’enfant d’un autre lit, il existe une action en retranchement permettant à ces enfants de protéger leur réserve héréditaire (art 1527 du code civil alinéa 2). Cette action en retranchement n’est ouverte qu’aux enfants d’un autre lit, mais si elle est déclenchée, elle profite aussi aux enfants communs.

Il est possible s’il y a une bonne entente familiale de s’en protéger en faisant signer, devant notaire, à ces héritiers, une renonciation anticipée à l’action en retranchement (RAAR).

Enfin, toujours s’il y a des enfants d’une précédente union, il est également possible d’envisager une adoption de l’enfant du conjoint s’il existe plus de 10 ans entre l’enfant du conjoint et l’adoptant (sauf cas très particuliers nécessitant l’autorisation du tribunal)  pour permettre tous les aménagements matrimoniaux.

  • L’adoption sera simple si l’enfant est majeur.
  • Elle est dite plénière si l’enfant est mineur.
  • Dans les deux cas l’adopté est héritier réservataire de ses parents (mais dans le cas de l’adoption simple, son droit de représentation en cas de prédécès de l’adoptant peut lui être retiré par ses grands-parents de la ligne adoptive).
  • Au niveau des droits de succession, l’adopté « pleinier » a droit sans condition aux abattements en ligne directe. L’adopté « simple » doit lui avoir la capacité de démontrer   qu’il a reçu des soins non interrompus par l’adoptant pendant 5 ans durant sa minorité ou 10 ans pendant sa minorité et sa majorité pour bénéficier de cet abattement

Attention également au fait qu’en cas de divorce le lien d’adoption perdure avec les obligations alimentaires qui en découlent.

NOTE : Le notaire ne peut refuser d’instrumenter l’aménagement que si

  • Il est impliqué (cas d’un acte de sa famille)
  • Si l’acte est contraire aux bonnes mœurs
  • S’il n’a pas le prix de l’acte en comptabilité
  • S’il estime qu’il y a dol ou que le consentement de l’une des parties est vicié

Le client peut donc obliger le notaire à instrumenter un aménagement même si ce dernier le juge non opportun. Le notaire se protégera en indiquant dans l’acte toutes les conséquences de cet aménagement. Nous allons maintenant étudier les aménagements possibles.

3.3.1  Le préciput

Le préciput est une clause insérée dans le contrat de mariage prévoyant que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature (art 1515 du code civil).

L’article 1516, précise que le préciput ne doit pas être regardé comme une donation. Il est donc non réductible et non rapportable en présence uniquement d’enfants communs.

Le préciput est une option, une faculté mais en aucun cas une obligation.

Le prélèvement étant fait avant la liquidation du régime matrimonial, il n’en est pas tenu compte dans l’établissement de la masse commune et donc dans la masse successorale du défunt. Le bien peut donc être transmis en pleine propriété au conjoint survivant sans entacher la quotité disponible en présence uniquement d’enfants communs.

 S’il y a des enfants d’un autre lit, ils auront une possibilité d’action en retranchement si leur réserve est attaquée.

Le préciput peut être en pleine propriété ou en démembrement. Il peut être commun ou unilatéral (il n’y a qu’un des deux conjoints qui peut bénéficier du préciput)

On peut aussi prévoir un prélèvement avec indemnité dans le cas d’une famille recomposée

Le préciput est une clause de prélèvement avant partage mais il arrive que les services de l’enregistrement prennent, à tort nous semble-t-il, les frais de partage à 2.5% . Plusieurs jurisprudences de 2023 ont donné raison aux contribuables en exigeant le remboursement des 2.5% mais cette jurisprudence n’est pas encore reprise au BOFIP. Pour les conseillers : penser à rédiger un avis de conseil donné si le client ne veut pas payer les 2.5%.

En cas de divorce, l’art 265 al 2 du code civile prévoit que « Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. »

3.3.2  L’ameublissement des lieux de vie

L’ameublissement consiste à rendre commun un immeuble indivis ou qui appartenait en propre à un seul des époux.

La clause d’ameublissement peut être accompagnée de la clause dite « alsacienne » permettant un retour au propriétaire initial en cas de divorce.

3.3.2.1 La communauté universelle

C’est l’artillerie lourde.

Il s’agit ici, en effet, d’étendre la masse commune en faisant rentrer TOUS les biens des époux dans la communauté universelle (1526 cc). Il est nécessaire de prévoir également une clause de préciput sur certains biens ou d’attribution intégrale afin de transmettre le ou les biens au survivant.

Cela à un cout pour les biens immobiliers :

  • La taxe de publicité foncière soit 0.715% sur 50% de la valeur du bien
  • Plus 0.1% de sécurité immobilière sur 100% de la valeur du bien

Il est prudent de prévoir une clause de reprise des apports en cas de divorce (art 265cc al 3). Sans cette clause il y aura partage du bien propre apporté car « Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme. »

3.3.2.2     La société d’acquêts (régimes séparatistes)

Dans un régime séparatif, pour ameublir un bien, il sera nécessaire de créer d’abord une société d’acquêts (Cass civ 20/11/2017 n°16-29056) et y apporter le ou les biens qui étaient propres à l’un des époux ou en indivision et également de prévoir un préciput sur ce bien.

Cet apport à un coût :

  •  Si bien indivisaire :
    • si achat à quotité équivalente par les deux indivisaire (50/50) => droit fixe de 125€ car on ne change pas la proportion de détention du bien + 0.1% de sécurité immobilière sur la totalité
    • si autre répartition : 0.715% sur la moitié de la différence + 0.1% sur la totalité
  • Si bien propre :
    • 0.715% sur la totalité + 0.1% sur 100%

Note : Il ne faut pas mettre l’adresse du bien dans le contrat ou alors prévoir une subrogation en cas de changement du domicile.

4 Les alternatives à la pleine propriété 

4.1 Le démembrement du cadre de vie

Il est possible pour le senior de ne conserver que l’usufruit du bien et de transmettre ou non un usufruit successif à son conjoint.

Plusieurs intérêts :

  • L’usufruitier conserve le droit d’utiliser et de louer le bien
  • Le nu-propriétaire, supposé ici héritier, paye moins de droits puisque ceux-ci ne sont calculés que sur la seule valeur de la nue-propriété, déterminée selon l’âge du donateur, conformément à l’art 669 du CGI.
  • Les charges d’entretien et de réparation et la taxe foncière sont normalement à la charge de l’usufruitier et les gros travaux à charge du nu propriétaires selon les articles 605 et 606 du code civil.
  • Mais ces deux articles ne sont pas d’ordre public, on peut donc y déroger conventionnellement. Il faut cependant faire attention au fait que dans le temps les enfants puissent devenir plus riches et que les parents voient leurs revenus baisser. Il est ainsi possible d’anticiper la vulnérabilité du donataire en prévoyant que ce dernier sera en charge de tous les travaux jusqu’à ses 70 ans par exemple, puis de diminuer sa participation régulièrement en fonction de son âge ou de son état de santé (en prévoyant par exemple des taux de prise en charge en fonction de sa qualification GIR). (Note : Le GIR (groupe iso-ressources) correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée. Il est calculé à partir de l’évaluation effectuée à l’aide de la grille AGGIR. Il existe six GIR : le GIR 1 est le niveau de perte d’autonomie le plus fort et le GIR 6 le plus faible.)
  • L’usufruitier peut dans la donation se réserver également le droit, passé un certain âge ou sous d’autres conditions objectives, de demander que son usufruit soit converti en rente selon une convention entre les parties. (Attention ce n’est pas l’application de l’article 759 du CC qui permet la conversion sur demande du conjoints possédant l’usufruit ou d’une des héritiers nus propriétaires et qui est d’ordre public et ne peut pas être refusé par celui qui transmet l’usufruit. Ce n’est pas non plus le 761 du CC qui permet la conversion de l’usufruit du conjoint en capital, cette fois, avec accord entre le conjoints et les héritiers)

Il faut faire attention au fait que si l’usufruitier n’est pas en mesure de remplir ses obligations, le nu-propriétaire peut demander au juge de supprimer le démembrement (l’inverse n’est pas prévu par la loi) et ainsi de priver l’usufruitier de rester dans son cadre de vie (art 618 du cc)

Le démembrement peut avoir lieu par une donation de biens présents au cours du mariage (ce qui est irrévocable), par testament ou par une donation entre époux qui nécessite d’aménager le régime matrimonial. Ces deux dernières solutions étant révocables.

Le legs ou la donation de biens présents peuvent intervenir entre époux, entre partenaire de PACS ou entre concubin (attentions aux droits de transmission à 60% dans ce dernier cas)

NOTE : Pour les PACS, il est important de vérifier l’acte de naissance des seniors afin de connaitre la date du pacs, le régimes choisi et les éventuels changements de régimes. En cas de changement de régime, il n’y a pas d’effet rétroactif, il faut donc connaitre les dates d’acquisition des biens pour connaitre leur mode réel de détention.

  • Avant 2006 : présomption de l’indivision des acquêts. Même si l’un des pacsés achète seul un bien et ne fait pas de clause de remploi de fond propre, il y a présomption de possession à 2 du bien.
  • A partir de janvier 2006 : présomption de séparation mais possibilité d’opté pour le régime d’indivision.

Il existe différentes variantes à ce démembrement.

Le donateur peut se réserver soit l’usufruit, soit le droit d’usage et d’habitation soit même un usufruit temporaire suivi d’un droit d’habitation avec ou sans usufruit successif.

Si le conjoint survivant bénéficiant de l’usufruit successif est très jeune par rapport au donateur, les héritiers nus-propriétaires peuvent demander, dans les deux ans du décès du premier usufruitier, le remboursement du trop-perçu lors de la donation ou de la première succession (car l’usufruit en second sera plus long que le premier sur lequel a été basé les droits de transmission à titre gratuit).

4.1.1     Cas de la vente de la nue-propriété a un tiers ou vente à prix ajusté

Pour conserver son cadre de vie, un sénior peut décider, non pas de transmettre à titre gratuit la nue-propriété mais de vendre son bien à un tiers en conservant un usufruit viager ou temporaire calé sur l’espérance de vie. Ce sera souvent un institutionnel qui réalisera l’achat.

Cette solution se pose comme une alternative à la vente en viager, avec une ambition : écarter les réticences des candidats au viager, liées aux effets désagréables d’un décès prématuré pour le vendeur. Elle a été fort bien décrite dans « Le prix de vente Ajusté, Jean Aulagnier, 11/07/2023 »

Pour prévenir le cas où l’usufruitier survivrait bien au-delà de son espérance de vie théorique, il faut prévoir dans l’acte de cession, un droit d’usage et d’habitation à la fin de l’usufruit temporaire.

Etape 1 : vente de la nue-propriété avec une clause dans l’acte indiquant le versement d’un complément de prix aux héritiers en cas de décès prématuré du vendeur correspondant à la valeur de l’usufruit temporaire non consommé. La convention prévoit alors un usufruit temporaire suivi d’un droit d’usage et d’habitation. La durée de l’usufruit temporaire conservé par le vendeur est prévue contractuellement et correspond à une durée d’occupation théorique, fixée en fonction de l’âge du vendeur. et basée généralement sur la durée de vie probable calculée à partir des tables de mortalité de l’INSEE. Cette durée d’usage permet de calculer le prix de vente de la nue-propriété en déduisant de la valeur vénale du bien la valeur de l’usufruit temporaire, évaluée en valeur économique en appliquant la méthode d’actualisation des flux de loyers nets sur la durée de l’usufruit. Le vendeur senior perçoit, ainsi, immédiatement un capital. A la fin de l’usufruit temporaire, la continuité d’occupation est garantie à vie au vendeur grâce à la conservation d’un droit d’usage et d’habitation à vie, consécutif à l’usufruit temporaire réservé. Quoi qu’il arrive, le vendeur est ainsi assuré de rester chez lui jusqu’à la fin de sa vie sachant que les droits réservés (usufruit temporaire suivi d’un droit d’usage et d’habitation à vie) peuvent l’être au profit des deux membres du couple lorsqu’il s’agit de seniors mariés ou pacsés

Etape 2 : souscription par le vendeur d’un contrat d’assurance vie au bénéfice de l’acheteur pour le cas où le vendeur serait encore en vie à la fin de l’usufruit temporaire afin de dédommager l’acheteur par le versement d’une rente tant que le vendeur occupe les locaux au-delà de la durée de l’usufruit temporaire.

Etape 3 : La convention prévoit qu’à tout moment le vendeur peut décider de ne plus occuper le bien et de renoncer à son droit d’usage et d’habitation L’acheteur récupère alors le logement et en informe l’assureur. La rente est alors versée au vendeur jusqu’à son décès.

Etape 4 : Si la durée d’occupation du bien par le vendeur est inférieure à la durée de l’usufruit temporaire pour cause de décès prématuré, il est stipulé une compensation financière revenant aux héritiers du vendeur. L’acquéreur nu-propriétaire verse un complément de prix aux héritiers du vendeur en contrepartie du fait de devenir plein propriétaire du bien plus tôt que prévu. Le montant de ce complément est précisé dans l’acte notarié, décroissant d’année en année. Ce complément de prix permet de protéger le patrimoine familial du vendeur et l’acquéreur n’est pas pris au dépourvu puisqu’il sait dès l’origine ce qu’il aura, le cas échéant, à payer s’il devenait plein propriétaire plus tôt que prévu. Il pourra pour ce faire mobiliser un financement bancaire (puisqu’il sera plein propriétaire), revendre le bien (il bénéficie de temps pour cela) ou mobiliser ses fonds propres. De son côté, la succession bénéficie des garanties précisées dans l’acte notarié, quant au fait que l’acquéreur honorera son engagement de verser le complément de prix convenu

Toute la difficulté de ce montage réside dans la juste estimation du montant que doit placer le vendeur sur le contrat d’assurance-vie, afin d’assurer une rente acceptable à l’acheteur en cas de très longue vie et au complément de prix à payer en cas de décès prématuré.

4.1.2     Cession à titre onéreux de la nue-propriété aux héritiers

Il n’y a plus cette fois ni donation, ni legs mais les enfants décident d’acheter la nue-propriété.

L’intérêt de cette solution est de contourner le barème d’évaluation de la nue-propriété et de l’usufruit prévu à l’article 669 du CGI car on peut utiliser cette fois une évaluation économique de la nue-propriété.

Présomption fiscale : Il faut faire attention à l’article 751 du CGI qui prévoit une présomption d’appartenance à la succession de l’usufruit si l’héritier est le nu-propriétaire => Pour cela il faut justifier dans l’acte la réalité du paiement de la nue-propriété car la présomption prévue à l’art. 751 est une présomption simple qui peut être contrer par la preuve contraire.

A noter également que cette présomption ne joue pas si le cédant s’est réservé le droit d’usage et non l’usufruit ou si le droit a été acquis par une société civile (ou si la nue-propriété est issue d’une donation régulière faite plus de 3 mois avant le décès, mais ce n’est pas le cas traité ici).

Présomption civile : Attention, la présomption de l’article 918 du code civil est plus embêtante car elle est irréfragable (c’est-à-dire que l’on ne peut pas apporter la preuve contraire). Cet article prévoit que si l’un des héritiers en ligne direct est nu-propriétaire, alors au moment de la succession il y a un présomption irréfragable qu’il y a eu donation hors part successorale. On devrait donc rapporter la valeur du bien en pleine propriété et si cela dépasse la quotité disponible, le nu-propriétaire devra une soulte aux autres héritiers. Pour éviter cette présomption, il faut faire intervenir au moment de l’acquisition (attention : ce n’est pas possible au moment de la succession ni par un acte qui serait fait entre l’achat et la succession), les frères et sœurs pour qu’ils renoncent de manière anticipée à l’application du 918 (ce qui est généralement le cas lors d’une donation-partage, le 918 ne trouvant principalement à s’appliquer que lorsqu’un seul des héritiers en ligne direct est gratifié). Le 918 ne s’applique pas non plus si on interpose une SCI ou si le parent se réserve un droit d’usage et d’habitations et non un usufruit. C’est une présomption irréfragable, si cela n’est pas prévu dans l’acte d’achat cette présomption sera obligatoirement appliquée par le notaire même si les frères et sœurs n’en demandent pas l’application.

4.1.3     Cas d’exonération de plus value

La résidence principale est exonérée de plus-value.

Mais que se passe-t-il si la vente a lieu après que la personne est partie en établissement de soins ?

L’art. 150 U du CGI ( au II.1 ter) exonère sous conditions, le bien qui a constitué la résidence principale de son propriétaire avant son entrée dans un établissement social ou médico-social.

Condition 1 : Le bien doit avoir constitué la résidence habituelle et effective de la personne. Il doit être détenu soit en direct par la personne soit par une société transparente dont il est associé. Dans ce dernier cas, l’exonération porte sur la fraction de l’immeuble occupé à titre de résidence principale par l’associé et la quote-part revenant à cet associé.

Condition 2 : Pour ouvrir droit au bénéfice de l’exonération, l’ancienne résidence principale du cédant ne doit avoir fait l’objet d’aucune occupation depuis que le bien a cessé de constituer sa résidence principale. Par suite, le logement doit rester inoccupé : il ne doit être ni loué ni mis à la disposition gratuite d’un tiers, y compris pour une courte période.

L’exonération n’est pas remise en cause lorsque les membres du foyer fiscal du cédant (conjoint ou personnes à charge) ou son concubin, qui résidaient dans le logement au jour de son départ, ont continué à occuper le logement alors même que le cédant n’y réside plus.

Condition 3 : L’occupation du logement à quelque titre que ce soit, par toute autre personne, entraîne la remise en cause de l’exonération.

Condition 4 : Pour bénéficier de l’exonération, le cédant doit être domicilié fiscalement en France et résider dans un établissement destiné à accueillir des personnes âgées ou handicapées (EHPAD, foyers de vie,  foyers d’accueil médicalisé, maisons d’accueil spécialisées.

Condition 5 : La personne ne doit pas être redevable de l’IFI au titre de l’avant dernière année précédent la vente (il peut l’être avant ou après mais pas en N-2)

Condition 6 : Le revenu fiscal de référence de la personne ne doit pas dépasser, au titre de l’année N-2, le plafond défini au II de l’article 1417 du CGI (en 2024 :  29 288e pour la première part majorée de 6 843 pour la première demi-part supplémentaire et de 5 387€ pour les suivantes. Pour la Martinique, la Réunion, et la Guadeloupe ces montants sont portés respectivement à 35 395€, 7 508 et 7 159€ pour la 2e demi part et 5 387e pour les suivantes, Pour la Guyane et Mayotte les montant €sont fixés à 38 790, 7508e pour les 2 premières demi-parts, 6 392 pour la 3e et 5 387 pour les suivantes)

Condition 7 : La cession doit intervenir dans un délai inférieur à deux ans suivant l’entrée dans cet établissement

Rappel : Il est aussi possible d’obtenir une exonération pour la vente d’un autre bien que la résidence principale aux conditions que

  • La somme soit réemployée dans les 2 ans pour la construction ou l’acquisition d’une nouvelle résidence principale
  • Que la personne n’ai pas été propriétaire directement ou indirectement d’un autre logement qui lui aurait servi de résidence principale dans les 4 années précédant la cession
  • Cette exonération ne peut être obtenue qu’une fois dans sa vie
  • Voir BOI-RFPI-PVI-10-40-30 pour plus de détails

4.1.4 Le cantonnement

Le cantonnement permet au conjoint survivant ou au légataire de limiter le bénéfice de la transmission à une partie des biens auxquels il pourrait prétendre. Le reste étant alors transmis aux autres héritiers.

Le cantonnement est possible soit pour les couples mariés par une donation entre époux conformément à l’article 1094-1 du code civil soit par un testament (par une clause du type « Je lègue à ……, mon appartement situé à ………. En pleine propriété ainsi que les meubles qui le garnissent. …. Pourra éventuellement cantonner cette libéralité au seul usufruit voir au seul droit d’usage ou même en limiter l’étendue dans le temps. Dans le cas de l’exercice de ce cantonnement, les droits non retenus reviendront à …… »).

En fait, seule la dévolution légale ne permet pas le cantonnement.

Pour rappel, la donation entre époux ou encore donation au dernier vivant, prévue à l’art 1094-1 du code civile, permet au survivant de choisir (sauf mention contraire dans la donation ou dans un testament) soit la totalité de la masse successorale en usufruit, soit de la quotité disponible, soit de ¼ en pleine propriété plus les trois autres quarts en usufruits soit d’une liberté de cantonner son émolument.

Attention pour les donations entre époux enregistrées avant 2006, la donation entre époux ne permettait pas le cantonnement. Si le senior veut en profiter, il faut en refaire une nouvelle.

4.2 Droit sur le logement du conjoint survivant

Il s’agit ici de rappeler les droits du conjoint et dans une certaine limite du partenaire de PACS sur le domicile commun.

Droit temporaire d’une année après le décès (art. 763 du CC)

  • Ce droit est d’ordre public. On ne peut donc pas en priver le survivant
    • Pour y avoir droit, le survivant doit vivre avec le défunt au moment de son décès
    • Il porte sur le logement ainsi que sur le mobilier, compris dans la succession, qui le garnit, que ce logement soit la propriété exclusive du défunt, ou qu’il soit détenu en communauté ou en indivision où qu’il s’agisse d’une location ou d’une jouissance à titre gratuit d’une indivision.
    • Ce droit s’exerce gratuitement => S’il y a loyer, ou indemnité d’occupation et/ou des charges de copropriété c’est la succession qui doit payer pendant l’année (c’est un passif de succession).
    • Ce droit est aussi applicable pour le partenaire de PACS survivant (art 515-6 al 3) mais n’est pas dans ce cas d’ordre public (le défunt peut l’en priver par un testament même olographe)
  • Au-delà de cette année, on passe pour les couples mariés au droit viager d’habitation Art 764 cc (attention, les Pacsés n’en bénéficient pas).
    • Le défunt peut refuser ce droit au conjoint survivant
    • L’option du droit viager peut être intéressant pour le conjoint survivant s’il n’y a pas eu de donation entre époux et s’il y a un enfant d’un autre lit qui ne lui aurait permis de n’avoir qu’un quart en PP avec les risques liés à l’indivision.
    • Le conjoint survivant doit en faire la demande dans les 12 mois suivant l’ouverture de la succession
    • Ce droit d’usage et d’habitation est valorisé à 60% de la part en usufruit (ex si survivant à 75 ans au moment du décès, usufruit de 30% donc droit viager égal à 18%)
    • Art. 765 cc : le droit viager s’impute sur les droits du survivant mais si le droit viager dépasse ce droit, le survivant n’est pas tenu à récompense aux autres héritiers.
    • ATTENTION : Le droit d’usage et d’habitation ne permet habituellement pas la mise en location du bien mais pour le conjoint le dernier alinéa de l’article 764 du code civile stipule que  « Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d’habitation n’est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement. » => De ce fait, le conjoint survivant pourra mettre le logement en location pour partir par exemple en EHPAD ou en résidence sénior. C’est le conjoint lui-même qui juge que le logement n’est plus adapté (par exemple difficile d’accès, trop vaste, trop excentré, ne permettant pas l’accueil d’un garde malade, etc…)

4.3 Le commodat

C’est un contrat, prévu à l’article 1875 du code civil, par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir à la charge de le rendre après s’en être servi.

Ce prêt est essentiellement gratuit et engage les héritiers du prêteur comme de l’emprunteur sur la durée convenue (sauf convention contraire prévue au 2e alinéa de l’article 1879 du cc) en cas de décès de l’emprunteur.

C’est donc un moyen de garantir la disposition du lieu de vie au concubin survivant qui pourra ainsi demeurer dans les lieux « prêtés » pour une durée choisie (par exemple jusqu’à son décès), sans droits de mutation ni opposition possible des éventuels autres héritiers. (la cour de Cassation a d’ailleurs statué le 1/10/2017 (n°16-21419) sur le cas d’héritiers attaquant un commodat en prétendant qu’il s’agissait en fait d’une donation indirecte. Elle les a déboutés en rappelant que le commodat n’étant qu’un droit d’usage et d’habitation, il n’entrainait donc aucun transfert de droits patrimoniaux, de fruits ou de revenus de sorte qu’il n’en résultait aucun appauvrissement pour le prêteur, et qu’il ne pouvait donc en aucun cas s’agir d’une donation).

NOTE : Attention toutefois, le prêteur peut lui décider que la valeur des loyers non versés par l’emprunteur (plutôt dans le cas d’un commodat mis en place du vivant du préteur et non après son décès) soit rapportable lors de sa succession. Ainsi la Cour de cassation dans son arrêt du 19 mars 2014 (n° 13-14.139) a décidé que si le prêteur avait expressément manifesté une intention libérale (dans un testament par exemple) de constituer un avantage pour l’un des héritiers en mettant en place le commodat, alors l’emprunteur devra rapporter à la succession une somme correspondant à l’avantage indirect consenti (dans ce cas d’espèce , le testament, même révoqué avant le décès , a constitué un élément de preuve déterminant de l’intention libérale)

L’emprunteur doit veiller à conserver la chose prêtée qu’il devra rendre dans le même état au terme convenu.

Le prêteur puis ses héritiers restent propriétaires du bien. Ils restent donc tenus des gros travaux et restent redevables de l’IFI sur le bien prêté.

L’emprunteur est tenu des dépenses d’assurance et d’entretien. Toutefois si, pour user de la chose, il engage des dépenses, il ne peut pas la répéter (art 1886). Voir cependant https://www.actu-juridique.fr/civil/exclusion-de-la-repetition-des-depenses-ordinaires-engagees-par-lemprunteur-dans-le-contrat-de-pret-a-usage/ sur ce point (Cass. 1re civ., 13 juill. 2016, no 15-10474,)

ATTENTION : Le prêt à usage n’est pas considéré comme un contrat de location, Il rentre donc dans le cadre du point II de l’article 15 du CGI qui prévoit que les mises à disposition à titre gratuit d’immeuble n’ouvrent pas droit à impôt, mais en retour que le propriétaire ne peut pas déduire le coût des gros travaux qu’il pourrait engager (sauf cas exceptionnel des monuments historiques)

4.4 La détention sociétaire

Il s’agit ici d’acquérir un logement via une société ou d’y apporter un bien immobilier déjà détenu par le ou les seniors.

Cette solution peut s’adresser aussi bien aux couples mariés, qu’aux partenaires de PACS et aux concubins et permet également de traiter les stratégies présentées aux paragraphes précédents lorsque de bien est déjà détenu par les séniors avant la mise en place des solutions proposées.

Le but est principalement d’éviter les règles de gestion des biens indivis et de pouvoir commencer à transmettre tout en gardant le pouvoir sur les biens dans leur gestion et la capacité pour les séniors de les vendre et d’en racheter d’autres.

Les statuts de sociétés comme les SCI permettent en effet beaucoup de latitudes sur les pouvoirs des gérants.

  • Notamment en les partageant entre les 2 époux, partenaires ou concubins.  
  • De même le dernier alinéa de l’article 1844 prévoit un exercice conventionnel du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ce qui permet de donner des droits élargis aux usufruitiers (les seules limitations étant que les nus-propriétaires puissent toujours participer aux assemblées même si on peut les priver totalement de droits de vote à l’exception des décisions pour lesquelles les statuts ou la loi imposent l’unanimité des associés car c’est le nu-propriétaire qui est l’associé)

Note sur la notion d’unanimité des associés :

  • L’article 1852 du code civil prévoit que dans une société civile, « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. »
  • La cour de cassation (cass civ du 03/01/2022 n° 20-17.428) a rappelé que ce texte ne réduisait pas seulement l’ « unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais visait la totalité des associés de la société » *
  • Les statuts devront donc être « bavards » afin soit de donner un maximum de pouvoir aux gérants (ce qui n’est pas toujours souhaitable) soit définir les règles d’adoption des décisions ne figurant pas par exemple dans l’objet social. Par exemple en renvoyant à une assemblée extraordinaire définissant elle-même une règle de majorité aux seuls présents ou à un quorum plus faible que l’unanimité des associés.
  • Ceci est d’autant plus vrai, qu’avec une personne vulnérable parmi les associés, le refus du juge de permettre la cession d’un actif immobilisé (acte de disposition) pourrait bloquer l’opération même avec une minorité de voix si la règle de l’unanimité des associés trouvait à s’appliquer faute d’avoir prévu le cas dans les statuts.

Les époux gérants pourront seuls céder tout ou partie des biens et droits possédés par la société, à la double condition que :

  • Le pouvoir d’arbitrage et de cession de ces biens figurent clairement dans l’objet social (gérer par exemple ne suffit pas pour les cessions, l’objet doit bien comprendre les mots « céder », « échanger », et « acquérir »)
  • Que les statuts ne stipulent pas de limites à l’exercice de ces droits.

La société permet également d’anticiper la vulnérabilité éventuelle de l’un ou des deux époux, partenaires ou concubins :

  • Si l’un des associés gérants devient incapable, il ne peut plus rester gérant mais le second associé gérant peut continuer à gérer et faire ce qui est prévu à l’objet social sans avoir à passer par le juge.
  • Il n’est pas possible de nommer des gérants successifs dans les statuts (mêmes si certains greffes l’acceptent parfois), mais ceux-ci peuvent prévoir qu’en cas d’incapacité des deux gérants, une assemblée générale soit provoquée pour l’élection d’un ou plusieurs gérants en remplacement, même si ces derniers étaient initialement nommés à vie.
  • Pour la mise en place d’un mandat de protection future en cas de vulnérabilité du gérant voir l’article: https://revuefiduciaire.grouperf.com/article/3759/hb/20180604101520576.html. Pour rappel le mandataire ne peut en aucun cas représenter le gérant dans ses fonctions statutaires mais il peut le représenter s’il est associé ou usufruitier dans ses droits de vote.

En plus des intérêts civils présentés ci-dessus, l’interposition d’une société présente également un intérêt fiscal si le bien est acquis à l’aide d’un emprunt. En effet, en temps normal, la donation d’un bien avec charge (l’emprunt dans notre cas) n’est pas déductible du montant transmis sur lequel s’applique les droits et abattements (sauf cas particuliers). Alors que dans le cas d’une société, on va déduire le passif de la valeur des parts (ce qui sera intéressant pour la transmission des parts que ce soit en pleine propriété ou en nue-propriété).

4.4.1 Le démembrement combiné à la société civile :

Le démembrement des parts, ne peut pas être fait ab initio sauf à faire remploi de sommes ou de biens apportés, dont on peut prouver le démembrement antérieur.

Pour les partenaires de PACS et les concubins, on peut également prévoir un démembrement croisé permettant au survivant d’être plein propriétaire sur une partie des parts et usufruitier sur l’autre partie.

Le démembrement croisé se fait une fois le bien acquis par la société à l’aide d’un emprunt ou avant son apport s’il est apporté sans être grevé d’un passif.

Pour ce faire, on réalise un échange des usufruits des parts appartenant à chacun des séniors, en appliquant de la répartition prévue à l’article 669 du CGI car il y a génération de droits d’enregistrement.

Notes :

  • L’échange (Art 1702 du code civil) , est une double vente simultanée taxée à 5%
  • L’échange étant à titre onéreux, on ne risque aucune atteinte à la réserve, ni requalification.

Attention : s’il n’y a que le cadre de vie dans la SCI, cette dernière n’aura pas de revenus. Il faudra donc gérer un compte courant d’associés (CCA) qui sera taxable lors de la succession (il faut donc prévoir que le CCA ne soit pas immédiatement exigible après la succession pour que le survivant ne soit pas obliger de vendre le bien pour le rembourser) .

5 Les séniors locataires

Il nous reste à étudier ici le cas où le senior n’est pas propriétaire, mais locataire de sa résidence principale.

Pour les baux conclus à compter du 27/03/2014, le propriétaire ne peut pas s’opposer au renouvellement du bail si le locataire à plus de 65 ans et dispose de ressources inférieures au plafond d’attribution d’un logement conventionné sauf si le propriétaire veut se réserver ce bien pour son usage personnel avec toutefois quelques limitations énumérées plus loin dans ce paragraphe.

Cette mesure est également applicable lorsque le locataire a, à sa charge, une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur à ce même plafond.

L’époux du titulaire du bail peut exiger de rester dans les locaux (art 1751 cc) jusqu’au terme des 3 ans du bail, même si son nom n’est pas mentionné dans le bail. La cotitularité pour l’époux survivant est automatique. Le partenaire de PACS a également ce droit mais il doit lui en informer le propriétaire.

Le plafond 2024 de ressources, en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, est consultable sur https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16296 (il est en 2024, pour une personne seule compris entre 26 491€ en région et 33 857€ à Paris, et pour un couple compris entre 35 378€ en région et 50 603€ à Paris)

Si le propriétaire veut reprendre le bien pour son usage personnel, il doit reloger le locataire sauf si le bailleur est lui-même un senior de plus de 65 ans OU s’il a un revenu inférieur au plafond mentionné précédemment.

Le relogement doit se faire dans un logement correspondant aux besoins et aux possibilités du senior et être à proximité du logement actuel. La proximité est définie par l’art 13 bis de la loi 48-1360 du 01/09/1948 (modifiée par la loi du mars 2009) comme se trouvant :

  • Dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l’arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;
  • Dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ;
  • Dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d’une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km

L’usage personnel est limité à 3 cas :

  • Reprise du logement pour y habiter, pour y loger son conjoint, partenaire de pacs ou ascendants et descendants,
  • Pour vendre le bien libre d’habitation,
  • Pour un motif légitime est sérieux et ce uniquement à l’échéance du bail (six mois avant)

S’il y a résiliation pour vente, la résiliation vaut offre de vente au senior et ce dernier bénéficie d’un droit de préemption.

Enfin, un locataire sénior peut demander un départ avec un préavis de seulement un mois (même hors zone tendu) pour aller en résidence médicalisée

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire
Les séniors : Statistiques et rappels sur les aides sociales

Les séniors : Statistiques et rappels sur les aides sociales

Cet article est une introduction à une série d’articles traitant de la gestion et de la transmission du patrimoine des séniors, de la protection de leur cadre de vie et des mesures de protection pouvant être mises en place.

Il commence par rappeler quelques éléments statistiques importants puis rappelle les principales aides qui peuvent être attribuées soit en raison de l’âge soit de l’autonomie tout en soulignant la prohibition d’ingénierie sociale sur l’obtention ou l’optimisation de ces aides.

1 Quelques statistiques sur le grand age

On constate qu’en moyenne les éléments marquants de la vie se produisent aux âges suivants : :

  • 53 ans départ du dernier enfant du foyer
  • 55 ans premiers petit enfant
  • 58 ans début de la fin de vie sociale
  • 62 ans début de la retraite
  • 63 ans décès de premier des parents
  • 73 ans premier incident de santé
  • 82 ans préparation de la dépendance (amélioration du foyer)
  • 85 ans premières démarches vers la maison de retraite (dont certain pour avoir une vie sociale plus que pour des vraies raisons de santé)

On distingue plusieurs notions d’âges

  • L’âge social c’est l’âge que les autres vous donnent.
  • L’âge cognitif : c’est l’âge que l’on a l’impression d’avoir.
    • Quand on est jeune on a l’impression d’être un peu plus vieux que l’âge que l’on a réellement (en général on se donne entre 1 et 1.5 an de plus que son âge entre 15 et 20 ans)
    • Puis la tendance s’inverse. Vers 30 ans on se donne 1.5 ans de moins, vers 40 ans 7 ans de moins , vers 60 ans on a l’impression de n’avoir que 48 ans , entre 65 et 79 ans, 16 ans de moins puis on se fait rattraper par les problèmes de santé et à partir de 80 ans on a l’impression de n’avoir que 8 ans de moins que son âge réel.
  • L’âge chronologique. C’est notre âge réel :
    • 55/60 ans : changement de comportement d’achat60/65 ans : seuil d’accès à certaines prestations70/75 ans : pour les pro de la santé, c’est en général l’âge des premiers gros soucis de santé
    • 75/80 ans : on commence à ressentir le risque d’une relative dépendance

Plus on avance en âge, plus notre reste à vivre augmente

Ainsi, à 60 ans un homme peut espérer vivre plus de 23 ans et une femme près de 28 ans. A 80 ans, il reste, statistiquement, à un homme presque 9 ans de vie  et à une femme plus de 11 ans.

L’espérance de vie augmente de 5.5h par jour de vie (ou encore de 3 mois par an).

Il y a également une progression de l’espérance de vie en fonction de son année de naissance. Ainsi un bébé qui naissait en 2010 avait une espérance de vie de 77.5 ans si c’était un garçon et de 84.4 ans s’il s’agissait d’une fille. Alors qu’en 2020 les espérances de vie étaient déjà respectivement de 79.3 et 85.7 ans et que les projections indiquent 83.8 ans et 89 ans pour des naissances en 2050.

Cependant ce n’est pas toujours une vie en bonne santé.

La dépendance concerne :

  • 10% des personnes de plus de 75 ans
  • 35% des personnes de plus de 85 ans
  • 90% des personnes de plus de 90 ans

Elle est définie comme étant le besoin d’une aide pour réaliser un ou plusieurs des 4 actes essentiels de la vie quotidienne :

  • Se laver et s’habiller
  • Préparer les repas et se nourrir
  • Changer seul de position (Couché, assis, debout)
  • Se d placer

Les maladies d’Alzheimer et apparentées (Parkinson, Pick, Levy,…) touchent

  • 13% des hommes et 20% des femmes à 85 ans
  • 22% des hommes et 30% des femmes à 90 ans.

Un couple a une espérance de vie supérieure à un célibataire. Exemple : à 70 ans : espérance de vie d’un homme seul est de 15.8 ans, et pour une femme de 19.5 ans, alors que pour le couple elle est de 22.3 ans (c’est une information importante à utiliser lorsque l’on fait une évaluation économique de l’usufruit lorsque l’on met den place le démembrement d’un bien)

La durée de vie moyenne en situation de dépendance est relativement faible

  • 3.7 ans pour les hommes
  • 4.7 ans pour les femmes
  • A 80 ans, le risque de décès d’une personne dépendante est 4 fois supérieure à celle d’une personne autonome.

Le rapport 2023 de l’AMF sur les populations vieillissantes indique que

  • En 2020 , 9% de la population a plus de 75 ans. Ce sera 15% en 2040.
  • Les personnes de plus de 50 ans détiennent plus de 75% du patrimoine net des Français alors qu’ils représentent environ 35% de la population
  • Les plus de 70 ans détiennent eux plus de 19% alors qu’ils ne représentent que 9.5% de cette population
  • L’étude indique que  « Cette concentration du patrimoine chez les personnes les plus âgées s’explique non seulement par l’accumulation des revenus du travail, qui augmente au fil de la carrière, mais surtout par l’augmentation des transmissions patrimoniales, qui interviennent majoritairement aux alentours de 60 ans . En plus de concentrer une part importante du patrimoine, les catégories les plus âgées de la population se distinguent par une proportion plus importante de patrimoine financier dans leur patrimoine global»
  • Elle montre également que l’appétence ou l’aversion au risque est plus lié à la proportion de détention d’actifs financier qu’à l’âge. Ainsi, elle indique : » c’est avant tout le niveau de patrimoine qui détermine la propension à prendre des risques sur les marchés financiers. À titre d’exemple, l’investissement dans des actifs risqués dépend en premier lieu du patrimoine financier : 76 % des ménages appartenant aux 1% les plus dotés en patrimoine financier détiennent des actions en direct (contre 10% de l’ensemble des ménages, et 38% pour les 10% les mieux dotés en patrimoine financier) »

En 2020, le patrimoine moyen des seniors de 60 à 69 ans s’élevait à 361 000€ net dont 72% d’immobilier et 28% de patrimoine financier.

Pour garantir une rente annuelle de 30ke

  • En 1954 pour une femme de 68 ans dont l’espérance de vie était de 10 ans, il suffisait d’un capital de 230ke (taux technique à 5%)
  • En 2020, l’espérance de vie a doublée, le taux technique est à 1%, le capital à aliéner est de 490 000€

43% des encours des assurances-vies sont détenus par des personnes de 65 ans et plus (représentant actuellement 21% environ de la population majeure)

Les deux inquiétudes principales des séniors sont

  • Pourrais-je conserver et demeurer dans mon cadre de vie familier ?
  • Disposerais-je de suffisamment de ressources, facilement mobilisables, pour faire face aux dépenses de la vie et aux éventuelles adaptations nécessaires de mon domicile ?

En moyenne les dépenses de santé sont de 3 000 par an pour l’ensemble de la population française. Elles se montent à 6 000e pour les plus de 60 ans et 8 000par an au-delà de 75 ans. On peut se poser la question de la capacité de la collectivité à continuer à prendre en charge ce niveau de dépense avec l’accroissement de la proportion de personnes vieillissantes et en corolaire une augmentation possible du reste à charge par chaque individu ou sa famille.

2 LA TYPOLOGIE DES SENIORS

Il existe plusieurs classifications. Nous en présentons les principales ci-dessous.

2.1       Classification selon le mode de vie : Les couples et les personnes seules

  • Avec souvent un objectif de protéger le conjoint survivant pour les couples
  • La gestion de la solitude (souvent féminine, les femmes survivent souvent à leur époux ou partenaire

2.2      Classification selon l’age

  • Les « jeunes » séniors de 55 à 65 ans, généralement très actifs. Préoccupation : le plaisir, on a les moyens enfin de profiter de la vie
  • Les nouveaux retraités de 65 ans à 75 ans : adaptation à une nouvelle vie. Préoccupation : La liberté. On peut enfin voyager, organiser sa vie sans contraintes, mais aussi la fin de la socialisation liée à l’environnement professionnel. Il faut se réinventer une vie sociale.
  • Les grands séniors : de 75 ans à 85 ans : période dite de zone grise. Préoccupation : Sa santé. On ne bénéficie souvent pas encore de mesures de protection mais on commence à voir apparaitre des altérations cognitives (pertes de mémoire, diminution de l’attention, plus facilement influençable,…)
  • Les séniors vulnérables : + de 85 ans . Préoccupation : La dépendance et la fin de vie. L’appétence au risque décroit fortement, on limite nos efforts et on cherche la simplicité dans tout y compris dans la gestion de son patrimoine.

2.3      Classification selon l’état de santé

  • Actifs
  • Vulnérables
  • Protégés

2.4      selon le niveau d’autonomie : La grille AGIR pour » Autonomie Gérontologique Iso Ressources » (décret 2008-821)

  • Le GIR 1 C’est le e degré de dépendance le plus élevé. Il comprend des personnes confinées au lit ou au fauteuil, ayant perdu leur activité mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants.
  • Le GIR 2 :  les personnes qui sont confinées au lit ou au fauteuil tout en gardant des fonctions mentales non totalement altérées (les « grabataires lucides ») et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante, une surveillance permanente et des actions d’aides répétitives de jour comme de nuit OU les personnes dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités locomotrices (les « déments perturbateurs ») ainsi que certaines activités corporelles que, souvent, elles n’effectuent que stimulées. La conservation des activités locomotrices induit une surveillance permanente, des interventions liées aux troubles du comportement et des aides ponctuelles mais fréquentes pour les activités corporelles
  • Le GIR 3 : Les personnes ayant conservé des fonctions mentales satisfaisantes et des fonctions locomotrices partielles, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour les activités corporelles. Elles n’assurent pas majoritairement leur hygiène de l’élimination tant fécale qu’urinaire
  • GIR 4 : Les personnes n’assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur du logement, et qui doivent être aidées ou stimulées pour la toilette et l’habillage, la plupart s’alimentent seules OU les personnes qui n’ont pas de problèmes locomoteurs mais qu’il faut aider pour les activités corporelles, y compris les repas
  • GIR 5 : Les personnes assurant seules les transferts et le déplacement à l’intérieur du logement, qui s’alimentent et s’habillent seules. Elles peuvent nécessiter une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques.
  • GIR 6 : C’est le niveau d’autonomie le plus élevé. Il s’agit des personnes pouvant effectuer seules tous les actes essentiels de la vie quotidienne, ainsi que toutes les activités domestiques et sociales.

3  Rappel concernant les aides sociales

De nombreuses aides sont disponibles pour les séniors. Certaines seront remboursables en cas de retour à meilleure fortune ou sur succession, d’autres uniquement si certaines condition sont remplies , d’autres enfin ne seront jamais remboursable.

Nous allons les présenter sommairement dans les paragraphes suivants.

Attention toutefois, le CGP ne doit pas aller trop loin dans ses conseils pour la perception ou non de ces aides. Il doit se limiter à tenir compte de l’impact de ses préconisations sur les aides existantes et à un devoir d’information général. En effet l’ingénierie en matière d’aide sociale est strictement prohibée et réservée aux assistantes sociales

  • Art L262-51 du CASF : « Le fait d’offrir ou de faire offrir ses services à une personne en qualité d’intermédiaire et moyennant rémunération, en vue de lui faire obtenir le revenu de solidarité active, est puni des peines prévues par l’article L. 853-1 du code de la construction et de l’habitation » . Mais ce dernier article n’existe pas !!!. Il doit s’agir de l’art 852-3 du même code mais le texte n’ayant pas été corrigé depuis 2019 ce n’est pas sûr. Il s’agirait dans ce cas d’une amende de 4 500€
  • Art L815-15 du code de la sécurité sociale : Est puni d’une amende de 3 750 euros le fait d’offrir, moyennant rémunération, ses services à autrui en vue de lui permettre d’obtenir le bénéfice de l’allocation de solidarité aux personnes âgées »
  • L377-2 du code de la sécurité sociale : « Sera puni d’une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive dans le délai d’un an, d’une amende de 7 500 euros, tout intermédiaire convaincu d’avoir offert ou fait offrir ses services moyennant émoluments convenus à l’avance à un assuré social en vue de lui faire obtenir le bénéfice des prestations qui peuvent lui être dues »
  • L244-13 du code de la sécurité sociale : « Tout intermédiaire convaincu d’avoir offert ses services […] en vue d’obtenir, au profit de quiconque, le bénéfice d’une remise, même partielle, sur les sommes réclamées par les organismes de sécurité sociale […] sera puni d’une amende de 1 500 euros  et, en cas de récidive, d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 3 750 euros »

3.1      L’allocation de Solidarité aux personnes âgées (ASPA)

Elle est versée sous conditions de ressource (percevoir moins de 1 052.02€ brut/mois en 2024 pour un célibataire et 1 571.16 pour un couple) et d’âge.

Il faut, en effet, pour la percevoir, avoir dans le cas général, au moins 65 ans ou avoir un taux d’incapacité de travail permanente d’au moins 50% ou percevoir une retraite anticipée pour handicap

Dans ces derniers cas, la date de perception dépend de l’année de naissance

  • 60 ans si né avant le 01/07/1951
  • 60 ans + 4 mois si né entre le 01/07/1951 et le 31/12/1951
  • 60 ans et 9 mois si né en 1952
  • 61 ans et 2 mois si né en 1953
  • 61 ans et 7 mois si né en 1954
  • 62 ans si né en 1955 ou après

Les revenus pris en compte sont pour la condition de ressource sont :

  • Les revenus pro moins 2 650.37/ an si la moyenne des 3 derniers salaires est utilisée pour la détermination du plafond de revenu ou moins 10 601.5€ si c’est la moyenne des 12 derniers mois qui est utilisée
  • Les pensions (retraite, alimentaire, invalidité)
  • Les revenus de son patrimoine (estimé à 3% de la valeur vénale de ses biens) sauf pour la résidence principale qui n’est pas prise en compte

Ne sont pas pris en compte les autres aides perçues (AAH, APL, ALS, APA, PCH, distinction honorifique.

Pour un couple, le montant versé est en 2024 de :1 012.02€/mois si les revenus du couple sont inférieurs à 559€/mois, ou la différence entre 1 571.16€  et les revenus du couple si supérieurs à ce montant. Si les revenus sont supérieurs à 1 571.16€ l’aide n’est pas versée. Pour un célibataire l’aide est de 1 012.02€/mois moins ses revenus mensuels.

Les sommes versées pour l’ASPA sont récupérées sur la succession de la personne qui l’a reçu, uniquement si l’actif net de la succession est supérieur à

  •  105 300€ en métropole si le décès est intervenu après le 01/01/2024 (ou 100 000e s’il est intervenu avant cette date),
  • 150 000€.pour une personne résident dans les DOM.

3.2      L’allocation Adulte Handicapé (AAH)

Pour l’obtenir il faut avoir un taux d’incapacité déterminé par la CDAPH (Commission des droits pour l’autonomie des personnes handicapées) d’au moins 80% ou comprise entre 50 et 79% si la personne rencontre des difficultés importantes d’accès à un emploi qui ne peuvent pas être compensées par des mesures d’aménagement (du poste de travail par exemple) et durable (c’est-à-dire pendant plus d’un an)

Il faut avoir au moins 20 ans pour la percevoir.

Elle est attribuée à vie si le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 80%, ou  par période de 3 à 5 ans si le taux d’invalidité est compris entre 50 et 79%.

ce dernier cas l’aide s’arrête à l’âge légal de la retraite (64 ans en général actuellement) et, est remplacé par ASPA ,qui comme on l’a vu précédemment, est récupérable.

Elle est soumise à condition de ressource, percevoir moins de 12 193e/an pour un célibataire et 22 069€ pour un couple.

Le montant perçu est de 1 016.05€ moins les autres revenus et pension.

Le CGP cherchant à protéger une personne handicapée, devra faire attention, que les revenus générés ne viennent pas juste effacer l’AHH que cette personne aurait perçu au tire de l’AAH. Cette aide n’est pas récupérable

3.3      L’allocation Social à l’Hébergement (ASH)

L’ASH sert à payer tout ou partie des frais d’hébergement que facture l’établissement (Ehpad : la résidence autonomie, ou l’unité de soins de longue durée) ou l’accueil familial à la personne âgée.

L’ASH paie la différence entre le montant des frais d’hébergement et ce que peut payer la personne âgée, voire ce que peuvent payer ses obligés alimentaires (enfants, gendres, belles-filles)

Pour la percevoir il faut :

  • Avoir plus de 65 ans (ou plus de 60 ans si la personne a été reconnue inapte au travail),
  • Avoir des revenus inférieurs aux frais d’hébergement facturés.
    • Sont également pris en compte
      • Les revenus du conjoint, du partenaire ou du concubin
      • Les revenus du patrimoine frugifère
      • Les ressources du patrimoine non frugifère à hauteur de
        • 50% de la valeur locative des immeubles bâtis
        • 80% de la valeur locative des terrains
        • 3% du montant des capitaux
      • Les contributions des obligés alimentaires

Le montant versé dépend de chaque département

L’aide est récupérable :

  • Sur retour à bonne fortune de la personne (par exemple si elle reçoit un héritage, ou un gain au jeu, …)
  • Sur les donations faites par cette même personne dans les 10 ans qui ont précédé la demande d’ASH et après celle-ci
  • Sur l’actif net de sa succession.

Note : Si la personne âgée est également handicapée, alors il n’y a ni recours aux obligés alimentaires, ni remboursement sur la succession des proches (conjoints, enfants, personnes ayant assuré la charge de l’allocataire) mais le remboursement reste ouvert sur les actifs transmis à d’autres personnes.

3.4      L’allocation personnalisée d’Autonomie (APA)

L’APA sert à payer (en totalité ou en partie) les dépenses nécessaires pour permettre de rester à son domicile.

Pour la percevoir, il faut :

  • Avoir au moins 60 ans
  • Être dans une situation de perte d’autonomie (entre Gir 1 et Gir 4). Le montant versé dépend du niveau d’invalidité.
Gir 1Au maximum 1 955,60 € par mois
Gir 2Au maximum 1 581,44 € par mois
Gir 3Au maximum 1 143,09 € par mois
Gir 4Au maximum 762,87 € par mois
  • A ce maximum est déduit un reste à charge qui dépend des ressources de l’allocataire.
    • Ces ressources sont déterminées à partir :
      • Des revenus figurant sur le dernier avis d’imposition et également ceux soumis au prélèvement forfaitaires libératoire (y compris ceux du conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire)
      • des ressources du patrimoine non frugifère à hauteur de
        • 50% de la valeur locative des immeubles bâtis sauf la résidence principale
        • 80% de la valeur locative des terrains
        • 3% du montant des capitaux
  • Rester à son domicile ou celui d’un proche, d’un accueillant familiale ou en résidence autonomie.

Elle n’est pas cumulable avec certaines autres aides.

L’aide n’est récupérable qu’en cas de retour à meilleure fortune de l’allocataire.

3.5      L’Aide personnalisée au Logement (APL)

Elle est accessible aussi bien pour la personne âgée qui reste à son domicile (si elle est locataire) que si elle réside en EHPAD

L’APL est attribuée pour l’ensemble des personnes qui composent le foyer mais pour un seul logement (la résidence principale) Il n’y a pas de condition d’âge et uniquement des conditions de ressources et de loyer maximal.

Cf https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Brochure-bareme-2024-APL.pdf pour le détail des règle de calcul de l’APL qui dépendent des ressources, de la composition du foyer, du montant des loyers et des charges.

Elle n’est pas remboursable

3.6     La prestation de compensation du Handicape(PCH)

Elle est accordée en cas de difficulté absolue de réaliser au moins une activité du quotidien ou grave d’en réaliser au moins deux.

Elle doit être demandée avant les 60 ans de la personne.

Elle est attribuée sans condition de ressources, toutefois ces dernières sont prises en compte pour le taux de prise en charge des dépenses couvertes par la PCH.

Elle permet de couvrir

  •  L’intervention d’un aidant,
  •  L’aide technique destinée à l’achat ou la location d’un matériel pour compenser la situation de handicap
  • L’aménagement du logement par la prise en charge d’une partie des travaux du logement de l’allocataire pour compenser sa situation de handicap
  • L’aménagement du véhicule et les surcoûts liés aux trajets
  • Des dépenses exceptionnelles liées au handicap et non prises en compte par un des autres éléments de la PCH. Il peut s’agir, par exemple, de frais de réparations d’un lit médicalisé ou d’un fauteuil roulant
  • Une aide animalière comme l’acquisition et à l’entretien, par exemple, d’un chien d’aveugle. Dans ce cas, l’animal doit avoir été éduqué par des éducateurs qualifiés.

Elle n’est pas remboursable

3.7      La couverture santé

Pour les séniors les plus démunis, il est possible d’obtenir la Complémentaire santé solidaire (CSS) ex CMU

Elle permet

  • L’affiliation automatique au régime générale de la sécurité sociale et donc l’accès aux soins
  • L’accès aux professionnels conventionnés du secteur 1  et supprime les dépassements d’honoraires pour les professionnels conventionnés du secteur 2(remboursement à 100%)
  • La prise en charge du ticket modérateur, du forfait hospitalier, de certains soins dentaires, des soins de lunetterie et les prothèses

Conditions d’affiliation :

  • Être à l’ASPA (Allocation de Solidarité aux personnes âgées)
  • ou percevoir moins de 10 166e de revenus pour une personne seule ou 15 249e/an pour un couple. Sont compris dans les revenus les pensions retraites, les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers mais aussi les gains aux jeux.

3.8      Autres aides

Il existe encore d’autres aides

  • L’aide sociale pour l’aide à Domicile :
    • Elle permet aux personnes ayant des difficultés pour réaliser certaines taches ménagères d’employer une personne à son domicile (ménage, repas, toilette, linge,…) à conditions d’avoir des ressources inférieures au montant de l’ASPA (soit 1 012€/mois en 2024 pour une personne seule et 1 571 pour un couple) et d’avoir plus de 65 ans (60 ans en cas d’inaptitude au travail)
    • Elle est récupérable sur la succession si l’actif successoral est supérieur à 46 000€ ou en cas de retour à meilleure fortune ou sur les donations faites dans les 10 années ayant précédées la demande ou après celle-ci)
  • L’aide sociale pour les repas
    • Elle permet à la personne âgée de se faire porter des repas à domicile si elle n’est plus en état de se les préparer elle-même (avec une attestation médicale le certifiant) à conditions d’avoir des ressources inférieures au montant de l’ASPA (soit 1 012€/mois en 2024 pour une personne seule et 1 571 pour un couple) et d’avoir plus de 65 ans (60 ans en cas d’inaptitude au travail)
    • Elle est récupérable dans les même conditions que la précédente
  • Ma prim’Adapt
    • Cette aide regroupe depuis l e01/01/2024, l’ensemble des aides destinées à l’adaptation des logements pour les personnes âgées ou celles en situation de handicap.
    • Il faut pour l’obtenir
      • Être âgé de plus de 70 ans ou avoir entre 60 et 69 ans est être en GIR de 1 à 6, ou être en situation de handicap (en étant soit bénéficiaire de la PCH soit en ayant un taux de handicape supérieur à 50%)
    • Cette prime n’est pas récupérable
  • Il est aussi possible de solliciter les fonds d’actions sociales des caisses de retraite versant des pensions au sénior pour financer par exemple du matériel para médical. Les études sont alors réalisées au cas par cas. La caisse d’assurance maladie et les mutuelles peuvent également exceptionnellement fournir une aide sur demande tres circonstanciée.

3.9      Le remboursement des aides sociales

Cela concerne entre autres les aides versées aux personnes âgées placées dans un établissement pour les frais d’hébergement et d’entretien, essentiellement l’ASPA

Le département peut activer la demande de remboursement

  • D’une partie des aides au titre de l’aide alimentaire prévu l’article 205 (depuis avril 2024, sont dispensé de fournir cette aide :  les petits enfants de la personnes ayant reçu l’aide ainsi que les enfants qui ont été retirés pendant au moins 36 mois  de leur milieu familial avant leur 18 ans par décision de justice et pour le parent condamné, les enfants dont ce parent a été condamné comme auteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle sur l’autre parent)
  • Sur la succession du bénéficiaire de l’aide,
  • Par le donataire sur les sommes qu’il a reçu par donation de la personne ayant reçu les aides, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (1° de l’art 132-8 du code de l’action social et des familles)
  • Auprès du ou des légataires du testament de cette même personne
    • Le légataire universel ou le légataire à titre universel sont assimilés aux héritiers et sont tenus aux dettes de la succession
    •  le légataire particulier, celui qui reçoit un bien déterminé  n’est pas tenu de payer les dettes de la succession. Le recours à son encontre est exercé jusqu’à concurrence de la valeur du ou des biens légués au jour de l’ouverture de la succession.
  • Enfin et à titre subsidiaire auprès du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie souscrit par le bénéficiaire de l’aide sociale, à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans. Quand la récupération concerne plusieurs bénéficiaires, celle-ci s’effectue au prorata des sommes versées à chacun de ceux-ci (4° du même article).

Ne sont pas concerné par ces remboursements l’APA et les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées dans des établissements spécialisées

Pour garantir les recours prévus ci-dessus, le représentant de l’état ou le président du conseil départemental peut poser une hypothèque légale sur les biens immobiliers détenus par le bénéficiaire de l’aide.

De plus si le bénéficiaire est titulaire de créance (par exemple il était nu-propriétaire d’un quasi-usufruit, ou a consentit un prêt familial, etc..) alors l’état ou le département pourront percevoir ces créances dans la limite des prestations allouées.

L’action en recouvrement est prescrite par cinq ans après le décès de l’allocataire.

Il peut aussi y avoir un recours contre une société civile mais cela nécessite une autorisation délivrée par le conseil d’état. Il n’est donc dans la pratique jamais fait

Enfin il y a répétition de l’indu c’est-à-dire le remboursement d’un trop versé ou des aides versées après le décès de l’allocataire. En cas d’erreur, la prescription est de 2 ans à compter du paiement et 5 ans en cas de fraude et dans ce dernier cas s’ajoutent 10% de pénalité

En synthèse

 : Ne sont pas récupérables :

  • La prestation de compensation du handicap (PCH) ;
    • Le revenu de solidarité active (RSA) ;
    • L’allocation personnalisée d’autonomie (APA). 
    • L’allocation aux Adultes Handicapés (AAH)
    • L’alide personnalisée au logement (APL)
    • L’allocation compensatrice pour tierce personne (ACFP)
    • L’aide-ménagère quand elle est versée les caisses de retraite
  • Sont récupérables selon différentes modalités
    • L’aide sociale à l’Hébergement (ASH)
    • L’allocation de Solidarité aux Personnes Agées (ASPA)
    • Les aides sociales à domicile versées par le département (portage de repas, aide-ménagère…

3.9.1      La notion de retour à meilleure fortune

Celle-ci doit avoir lieu du vivant du bénéficiaire et correspondre à un évènements nouveau : (la vente d’un appartement n’est pas un retour à meilleure fortune car le bien appartenait déjà au bénéficiaire)

Elle doit correspondre à une amélioration de la situation en capital ou en revenu de manière significative

  • Exemple : héritage, mariage avec une riche épouse, gain loto, perception d’une assurance vie

3.10      Rester en dessous des seuils

Comme nous avons pu le constater précédemment, dans certains cas les aides étaient conditionnées à soit à des ressources globales englobant des revenus fictifs du patrimoine soit à des revenus effectivement perçus.

Dans le second cas, le CGP devra conseiller à son client des solutions qui n’auront pas comme unique résultat de remplacer les aides perçues par un revenu issu de son patrimoine.

Pour cela il existe plusieurs pistes :

  • On peut trouver des contrats à bénéfices différés (par exemple chez ODDO et Generali). Dans ces contrats, la participation aux bénéfices n’est pas immédiatement distribuée et est conservée par l’assureur dans un compartiment indépendant et indisponible pour l’assuré. Pendant 8 ans les rachats sont faits sur le capital et ne sont donc ni sujet à fiscalité, ni considéré comme des revenus. Les intérêts ne deviennent taxables, qu’après la huitième année. Mais là encore, il est possible de « différer » pour une période supplémentaire la participation aux bénéfices du contrat sans ouvrir un nouveau contrat.
  • Les livrets A, les LDDS, LEP (livret jeune si la personne vulnérable est jeune) sont envisageables
  • Attention pour la location meublée, on regarde les revenus avant amortissements donc ça ne marche pas (cf code de la sécu et de l’action sociale)
  • Il est également envisageable d’utiliser des structures sociétaires permettant pendant un temps de faire des remboursements de compte courant d’associés dans une société à l’IS avant d’avoir à prélever des dividendes..

En solution de dernier recours, si la personne a des participations dans une société, elle peut décider de distribuer massivement les dividendes sur une année seulement, en perdant les aides, cette année-là, mais en ayant des revenus forts cette même année et en retrouvant les aides les années suivantes

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire
Que penser de la finance responsable ?

Que penser de la finance responsable ?

Le 23 Mai 2023, la répression des fraudes (DGCCRF) publiait un rapport sur une enquête menée en 2021 et 2022 sur les pratiques commerciales des sociétés qui mettent en avant des critères de durabilité, de responsabilité et de respect de l’environnement pour elle-même ou pour leur produits. L’enquête ne concernaient pas que les produits financiers, elle ciblait plus largement les étiquettes en grande distribution, les sites internet institutionnels des entreprises, les produits cosmétiques, les textiles, les meubles, les articles de sports, etc….

Sur 1 100 établissements contrôlés, 25% étaient en infraction. La DGCCRF a ainsi dressé 141 avertissements, 114 injonctions et 18 procès-verbaux pénaux ou administratifs.

Bien que le bilan publié ne précise pas la proportion d’infraction par typologie d’activité on peut néanmoins espérer que le monde de la finance soit pour cette fois l’un des meilleurs élèves car ce domaine est particulièrement contrôlé et que de nombreuses règles ou label sont mis en place.

Parmi ceux-ci, vous trouverez toutes une série de sigles ou de labels censés aider les investisseur dans leur choix d’investissement : ESG, RSE, ISR, Finansol , GreenFin,  Taxonomie Européenne, etc….

Mais que signifient-ils et que valent-ils réellement ?

C’est ce que nous allons essayer d’éclaircir dans cet article.

Les critères ESG

Les critères ESG sont des éléments d’analyse extra-financière concernant la prise en compte d’impact environnemental, sociétal et de gouvernance d’une entreprise.

  • Pour le « E » d’environnement on va chercher à connaitre l’impact de l’entreprise en termes d’émission de carbone, de protection de la biodiversité, de la consommation d’eau ou d’électricité, le recyclage des déchets, par exemple,
  • Pour le « S » de sociétal on s’intéresse à l’impact de la politique de l’entreprise sur des thèmes comme l’éthique, les actions de mécénat, l’égalité des salaires hommes-femmes, la politique de non-discrimination, la promotion d’un emploi décent dans l’entreprise et chez les sous-traitants, la participation des salariés aux bénéfices de l’entreprise, la qualité du dialogue social, etc…
  • Enfin pour le « G » de gouvernance, il faut vérifier l’existence ou l’absence de code de déontologie et de bonne conduite, la politique de l’entreprise en termes de transparence et de lutte contre la corruption, la transparence sur la rémunération des dirigeants, le ratio homme/femme dans les organes de direction,…

Depuis la loi « Énergie et Climat » du 8 novembre 2019, les sociétés de gestion de portefeuille doivent obligatoirement indiquer aux investisseurs :

  • Leur politique sur la prise en compte dans leur stratégie d’investissement des critères ESG et des moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique
  • Les critères et les méthodologies utilisées ainsi que la façon dont ils sont appliqués
  • Les informations sur les risques associés au changement climatique ainsi que sur les risques liés à la biodiversité

Cependant, pour avoir lu plusieurs déclarations des sociétés de gestion sur leur méthodologie d’évaluation, on y trouve des grand principes, des beaux discours mais peu de concret. Elles indiquent parfois envoyer des questionnaires aux entreprisses cibles mais rien sur la manières donc elles vérifient la pertinences des réponses reçues ( qui demeurent donc du simple déclaratifs) . Dans d’autres cas, elles se reposent sur des agences de notation dont les résultats diffèrent très sensiblement les unes des autres.

Autre problème la note ESG globale peut être bonne, car l’entreprise est performante sur le S et le G des critères ESG mais l’activité elle-même être contraire au développement durable. On pourra ainsi trouver des industries minières ou pétrolière avec une assez bonne note ESG.

Il y a également des disparités liées au pays de la société cible ou de l’agence de notation. Par exemple des pays ayant une forte activité pétrolière attribuent généralement une pondération plus forte aux S et G des critères qu’à la partie environnementale. Ce qui explique des différences notables pour une même entreprise en fonction de l’agence de notation.

Pour donner quelques éléments de réflexion, voici le classement de quelques sociétés très connues, donné en Mai 2023 par une des agences de notation (données disponibles sur www.issgovernance.com/esg)

  • Classées en B : Kering (entreprise de luxe regroupant entre autres Gucci et  St Laurent) , SANOFI (laboratoire pharmaceutique) , STMicroelectronics (fabricant de composant électronique)
  • Classées en B- : Total Energy, Repsol (compagnie pétrolière Espagnole) , Veolia environnement , l’Oréal, Wipro Limited (Société de service informatique)
  • Classées en C+ : BAYER (ex monsantos), Air France KLM, Air Liquide, BNP Paris Bas, AXA
  • Classéées en C : Airbus , Moderna 
  • Classées en C- : Stellantis (ex Peugeot) , Exxon Mobil (compagnie pétrolière américaine), Meta (Anciennement Facebook), OVH (datacenters Français),

On peut s’étonner que le luxe bénéficie d’une des meilleures notations en termes de développement durable (B ou B-) et que des entreprises pétrolières soient également en haut de tableau.

Note : Il existe également maintenant un CAC 40 ESG regroupant 40  sociétés parmi les 100 plus grandes capitalisations boursières Française ayant  une coloration ESG.

Le sigle ESG n’est donc ni une norme, ni un label. Il fait donc juste référence à la prise en compte d’éléments extra-financiers pour noter l’engagement d’un fond un d’une entreprise envers l’environnement, son impact sociétal et sa gouvernance chacun étant libre de sa propre méthode de notation

RSE et DPEF

Le RSE est le Rapport Sociétal et Environnemental de l’Entreprise.  Il tend à être complété voir remplacé par la déclaration de performance extra-financière (DPEF). C’est un rapport officiel publié par les entreprises (souvent au sein du Rapport Annuel) qui indique l’impact de ses activités sur l’environnement et son impact sociétal.

Il est maintenant obligatoire pour les grandes entreprises (la loi Grenelle II du 12/07/2020 le rend obligatoire pour les entreprises cotées et celles ayant plus de 500 salariés ou 40M€ de chiffre d’affaires et la directive européenne sur le « reporting » extra financier a étendu cette obligations aux sociétés non cotées de plus de 500 salariés et 100M€ de CA).

Ce rapport doit indiquer les actions, les résultats et les plans d’amélioration des critères ESG de l’entreprise L’article 225-102*-1 du code du commerce précise les éléments qui doivent à minima y figurer. On y retrouve :

  • Les informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société et de l’usage des biens et services qu’elle produit, avec en particulier :
    • Les informations sur les postes d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l’activité
    • Un plan d’action visant à réduire ces émissions, notamment par le recours aux modes ferroviaire et fluvial ainsi qu’aux biocarburants dont le bilan énergétique et carbone est vertueux et à l’électromobilité.
    • Ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire, de la lutte contre le gaspillage alimentaire, de la lutte contre la précarité alimentaire, du respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable,
    • Les accords collectifs conclus dans l’entreprise et leurs impacts sur la performance économique de l’entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés,
    • Les actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités,
    • Les actions visant à promouvoir la pratique d’activités physiques et sportives,
    • Les mesures prises en faveur des personnes handicapées.

Les entreprises qui ont l’obligation de publier ce rapport doivent également se soumettre à la vérification des données publiées par un organisme indépendant.

Mais ceci signifie en corolaire que toutes les entreprise n’atteignant pas ces critères de nombre de salariés ou de chiffres d’affaires peuvent publier des chiffres sans que ces derniers ne soient contrôlés.

Là encore, il ne s’agit malheureusement pas d’un label permettant facilement à l’investisseur de se positionner.

Mais il s’agit cependant d’un pas dans la bonne direction. C’est un élément qui permet :

  • Aux agences de notation et aux sociétés de portefeuille d’avoir des données validées par des organismes indépendants pour les grands groupes (mais par pour les autres pour l’instant)
  • et pour les investisseurs, qui en ont le temps et l’envie, de se forger par eux même une opinion sur l’engament de l’entreprise dans laquelle ils souhaitent investir en termes de développement durable , de responsabilité sociétale et sur sa gouvernance.


ISR

ISR signifie « Investissement Socialement Responsable ». Les placements « ISR » cherchent à concilier la performance financière et une bonne performance ESG.

Le label ISR a été mis en place en 2016 en France par le ministère de l’économie et des finances dans le but de permettre aux épargnants, ainsi qu’aux investisseurs professionnels, de distinguer les fonds d’investissement mettant en œuvre une méthodologie robuste d’investissement socialement responsable (ISR), aboutissant à des résultats mesurables et concrets.

Il s’applique à des fonds (OPCVM) et depuis 2021 à des FIA (par exemple les OPCI, SCPI)

Parmi les principales stratégies d’investissement socialement responsable, on retrouve (source AMF) :

  • L’approche « best-in-class », consistant à sélectionner les meilleures entreprises de chaque secteur sans en exclure aucun,
  • L’exclusion, consistant à exclure de l’univers d’investissement les entreprises ne répondant pas à des critères socio-environnementaux minimaux. Il peut s’agir d’exclusions sectorielles (alcool, tabac, armement, OGM, nucléaire, etc.) ou bien d’exclusions normatives (non-respect ou non-ratification de traités et conventions internationaux), mais c’est à chaque fond de définir son périmètre d’exclusion ;
  • L’engagement actionnarial, consistant à influencer les entreprises en utilisant les droits d’actionnaire, afin de les pousser à améliorer leurs pratiques ESG,
  • L’approche thématique consistant à investir dans des entreprises présentes dans les secteurs d’activité liés au développement durable (changement climatique, énergies renouvelables, eau, etc.),
  • L’ impact investing », consistant à investir dans des entreprises, souvent dans le non coté, qui cherchent à générer un impact social ou environnemental mesurable.

On peut également trouver

  • L’approche « Best in universe » sélectionnant les entreprises les plus performantes sur les critères extra-financiers, tous secteurs confondus. Elle comporte donc des biais sectoriels : certains secteurs comme le recyclage ou les énergies renouvelables par exemple seront surreprésentés par rapport à d’autres secteurs d’activité comme la grande consommation ou le transport aérien.
  •  L’approche « Best-effort » contrairement aux précédentes, s’appuie sur une notation relative à l’évolution des pratiques des entreprises. Elle consiste à sélectionner les sociétés démontrant une amélioration ou de bonnes perspectives de leurs pratiques et de leurs performance ESG dans le temps. Un fonds adoptant une stratégie Best-effort pourra par exemple investir dans les titres d’entreprises du secteur des transports qui cherchent à améliorer leurs empreintes carbone, ou encore du secteur de l’industrie qui développent des programmes de réinsertion professionnelle.

Un même fonds peut regrouper plusieurs de ces stratégies d’investissement.

A ce jour (Juin 2023), 1174 fonds sont labellisée ISR

Le problème du label ISR est , que s’il implique la prise en compte de critères ESG , il n’inclut par contre aucune vérification par les sociétés de gestion de l’accomplissement d’objectifs d’investissement durable des sociétés cibles, ni la prise en compte des indicateurs de « Principle Adverse Impact » c’est-à-dire concernant l’activité de l’entreprise ayant un  impact négatifs sur le développement durable ou l’éthique (par exemple activité pétrolière ou production d’armes).

Le second problème de ce label concerne l’approche « Best Effort ». En effet, cette approche permet de sélectionner des entreprises qui n’ont rien de durable ni de socialement responsable. On pourrait par exemple sélectionner des chaines de fastfood, ou des entreprise gérant des datacenters (grands consommateurs d’eau pour le refroidissement et d’énergie) parce qu’elles déclarent s’engager dans des voies d’amélioration.

Dans des fonds labellisés ISR, j’ai ainsi pu en trouver qui investissaient dans des entreprises comme Ferrari, Repsol (pétrolière), Porsche, Chrysler, Luftansa ,Sodexo,…dont le cœur de métier ne va pas dans le sens du développement durable.

Finansol

Le label Finansol a été créé en 1997 par l’association FAIR pour distinguer les produits d’épargne solidaire des autres produits d’épargne auprès du grand public. Il concerne donc uniquement les produits d’épargne (il ne labellise donc jamais une association, une entreprise ou un établissement financier dans son ensemble).

Ce label est attribué par un organisme indépendant qui vérifie également chaque année que le label attribué une année précédente peut être maintenu (par exemple en 2022 , 18 labellisation ont été accordées mais 9 ont été retirées)

Les produits d’épargnes doivent cibler des investissements dans des activités à forte utilité sociale et/ou environnementale.et en particularité dans les secteurs suivants :

  • Emploi et création d’entreprises :
    • Insertion par l’activité économique,
    • Création d’entreprises par des personnes en situation de précarité,
    • Maintien d’emplois dans des zones rurales prioritaires…
  • Logement social :
    • Réhabilitation et construction de logements à destination de personnes en difficulté.
  • Activités écologiques :
    • Développement d’activités respectueuses de l’environnement (agriculture biologique, énergies renouvelables…)
  • Entrepreneuriat dans les pays en développement :
    • Microcrédit,
    • Commerce équitable…

Il existe à ce jour un peu plus de 150 produits labelisé Finansol (contre 1174 ayant le label ISR)

Qu’apporte le label Finansol par rapport au label ISR ?

Comme vu précédemment, le label ISR labelise des fonds qui sélectionnent leur investissement cible via des critères ESG qui leurs sont propres.

 Le label Finansol repose sur un degré d’engagement plus fort puisque les activités financées sont choisies en fonction de leur utilité effective en matière de lutte contre l’exclusion, de cohésion sociale ou de développement durable.

GreenFin

Le label Greenfin (anciennement label « TEEC » pour « Transition énergétique et écologique pour le climat ») a été lancé fin 2015 par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire au moment de la COP 21.

Il est destiné à garantir aux investisseurs que les produits financiers auxquels il est attribué contribuent effectivement au financement de la transition énergétique et écologique.

Il peut être attribués à des OPCVM et des FIA (fonds de dettes privées, OPCI, SCPI)

Le label est attribué par l’AFNOR Certification qui vérifie que le cahier des charges défini par l’état pour l’obtention de ce label est bien respecté.(Cf https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Label_TEEC_labellisation_nouveau_r%C3%A9f%C3%A9rentiel.pdf%20.pdf pour la version de septembre 2022 de ce cahier des charges)

Il est accordé pour une durée d’un an, renouvelable, après vérification que le fond est bien toujours respectueux des exigences du label.

Il y a 4 critères à respecter pour pouvoir être labelisé

  1. Critère 1 : Les entreprises cibles du fond doivent avoir une des 8 activités rentrant dans le cadre de la transition énergétique. La liste de ces activités et le détail de chaque sous-activité a été défini dans le cahier des charges mentionné ci-dessus.
    • Chacune des sociétés cibles doit réaliser au minimum 50% de son activité dans les secteurs ci-dessous et le fond doit détenir à minima 75% de telles sociétés.
    • Les huit secteurs d’activités sont définis dans le tableau suivant : 
1) Énergie  
▪ Énergie solaire ▪ Énergie éolienne ▪ Bioénergie ▪ Énergie hydraulique ▪ Énergie géothermique ▪ Autres énergies renouvelables ▪ Distribution et gestion de l’énergie ▪ Stockage de l’énergie ▪ Capture du carbone ▪ Services
2) Batiments  
▪ Bâtiments verts ▪ Efficacité énergétique ▪ Systèmes de capture de l’énergie ▪ Services  
3) Économie circulaire  
▪ Technologies et produits ▪ Services ▪ Valorisation énergétique des déchets ▪ Valorisation énergétique des combustibles existants ▪ Gestion des déchets  
4) Industrie  
▪ Produits d’efficacité énergétique ▪ Systèmes et processus d’efficacité énergétique ▪ Cogénération, tri génération, etc. ▪ Récupération de chaleur ▪ Réduction des GES non liés à la production d’énergie ▪ Réduction de la pollution ▪ Processus industriels éco-efficients ▪ Services ▪ Agro-alimentaire bio  
5) Transport  
▪ Système de fret et transport ferroviaire ▪ Système de transport ferroviaire urbain ▪ Véhicules électriques ▪ Véhicules hybrides ▪ Véhicules à carburant alternatif ▪ Transit rapide bus ▪ Transport maritime ▪ Transport à vélo ▪ Biocarburants ▪ Biocarburant pour l’aviation ▪ Logistique de transport  
6) Technologies de l’information et de la communication  
▪ Centre de données fonctionnant aux énergies renouvelables ▪ Infrastructures bas carbone ▪ Produits et technologies fonctionnant sous smart grid ▪ Technologies de substitution  
7) Agriculture & forêt  
▪ Agriculture biologique ▪ Agriculture durable ▪ Activités forestières moins émettrices de carbone et liées à la séquestration du carbone ▪ Agriculture à basse émission de GES, séquestrant le carbone et résiliente au climat  
8) Adaptation  
▪ Adaptation à l’eau (recyclage, amélioration des infrastructures contre la montée des eaux,..) ▪ Infrastructures (protection contre dilatation, sous l’effet de la chaleur, des ponts et des voies ferrées ; protection contre les fortes chutes de pluies ;…)  
 
  • Critère 2 : Exclusions de certaines activités.
    • Une société cible doit être exclue dès qu’elle réalise plus de 5% de son activité (chiffre d’affaires) dans l’un des secteurs ci-dessous :
      • Les activités de la chaîne de valeur des combustibles fossiles listées ci-dessous :
        • L’exploration, extraction, raffinage de combustibles fossiles solides, liquides et gazeux.
        • La production de produits dérivés de combustibles fossiles solides, liquides et gazeux.
        • Le transport/distribution et stockage de combustibles fossiles solides et liquides
        • La production d’énergie sous forme d’électricité et/ou de chaleur, de chauffage et de refroidissement à partir de combustibles fossiles, liquides et gazeux
        • La fourniture de combustibles fossiles solides et liquides
      • L’ensemble de la filière nucléaire, c’est-à-dire les activités suivantes : extraction de l’uranium, concentration, raffinage, conversion et enrichissement de l’uranium, fabrication d’assemblages de combustibles nucléaires, construction et exploitation de réacteurs nucléaires, traitement des combustibles nucléaires usés, démantèlement nucléaire et gestion des déchets radioactifs
    • Pour d’autres activités, l’exclusion n’est réalisée qu’à partir de 30% du chiffres d’affaires. Cela concerne :
      • Le transport, la distribution et le stockage de combustibles fossiles gazeux
      • Les services de fourniture de combustibles fossiles gazeux
      • Les centres de stockage et d’enfouissement sans capture des gaz à effet de serre
      • L’incinération sans récupération d’énergie
      • L’efficience énergétique pour les sources d’énergie non renouvelables et les économies d’énergie liées à l’optimisation de l’extraction, du transport et de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles
      • L’exploitation forestière, sauf si elle gérée de manière durable au sens indiquée dans l’annexe 1, et l’agriculture sur tourbière
      • La production, transport et la distribution/vente d’équipements et services réalisés auprès/à destination de clients des secteurs strictement exclus (tels que définis ci-dessus)
    • Ainsi une société réalisant 90% de son chiffre d’affaires dans les énergies renouvelable (critère 1) et 10% dans la production d’électricité à partir d’énergie fossiles serait exclue du label GreenFin (règle des 5% du critère 2)

  • Critère 3 : Prise en compte des « controverses » ESG.
    • C’est peut-être le critère le moins efficace et le plus sujet à caution de ce label. En effet il n’implique pas un contrôle à priori de la qualité ESG d’une entreprise mais de son exclusion si elle venait à être impliquée dans un incident liés à des facteurs ESG ( Par exemple Allégation de corruption,  de pollution, de prix excessifs des médicaments d’une entreprise pharmaceutique, de greenwashing, …)
    • Cela passe souvent par l’analyse des articles de presse. Ainsi une entreprise qui maitrise parfaitement sa communication, ou étouffe les affaires par des chèques avant que l’incident ne devienne public restera « GreenFin Compatible » alors qu’une autre qui subit une campagne organisée de dénigrement pourra se retrouvée exclue à tort.
  • Critère 4 : L’impact positif sur la transition énergétique et écologique.
    • Le fonds labellisé doit avoir mis en place un mécanisme de mesure de la contribution effective de ses investissements à la transition énergétique et écologique.Cela passe par le définition et le suivi d’indicateurs dans au moins un des quatre domaines suivants
      • Changement climatique (Exemple d’indicateur :  le bilan d’émission de Gaz à effet de serre des entreprises dans lequel le fond investit)Gestion de l’eau (Exemple d’indicateurs : Consommation d’eau totale, Volume des eaux réutilisées)Préservation des ressources naturelles : (Exemple d’indicateurs : Consommations totale de ressources naturelles jugées critiques, Part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, parts de recyclage de matières premières,..)Préservation de la biodiversité : : (Exemple d’indicateurs : surface de sols réhabilités°
      Le fond doit suivre ces indicateurs (dans au moins 1 des 4 domaines) sur 3 années glissantes et indiquer si les améliorations mesurées sont conformes aux objectifs du fond.
    • Cependant en l’état actuel du cahier des charges, il ne semble pas que la non-atteinte des objectifs soit un éléments faisant perdre la labellisation au fond. On lui demande juste d’avoir des indicateurs et de les suivre dans le temps et éventuellement les comparer à des benchmarks s’ils existent.

A ce jour une centaine de fonds sont labellisé GreenFin

La double labellisation ISR et Greenfin  commence effectivement a cibler des fonds à la fois engagé sur la partie sociétale et gouvernance d’une part et sur les aspects environnement et développement durable d’autre part, même si l’on a vu qu’il restait encore quelques trous dans la raquette.

SFDR

Le 27 novembre 2019, le parlement Européen adoptait le règlement UE 2019/2088 concernant la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers dit règlement SFDR ( pour (Sustainable Finance Disclosure Regulation). Il vise notamment à combler un vide dans la réglementation européenne concernant d’une part la publication par les fonds d’information sur :

  • L’intégration des risques en matière de durabilité (c’est-à-dire de la prise en compte de l’impact qu’un évènement ou ’une situation dans les domaines ESG  pourraient avoir sur la valeur de l’investissement)
  • La prise en compte des incidences négatives en matière de durabilité
  • Les objectifs d’investissement durable
  • La promotion des caractéristiques environnementales ou sociale

et d’autre part la prise en compte, par les conseillers financiers, de la sensibilité des investisseurs à ces informations dans leur processus de décision d’investissement. Ainsi depuis le 1Janvier 2023, chaque conseiller doit interroger son client sur sa sensibilité aux investissement ESG et doit pouvoir prouver en cas de contrôle qu’il a bien réaliser ce questionnaire.

Le règlement SFDR,  défini en particulier au point 17 de son article 2, ce qu’est un investissement durable :

  • Un investissement durable est:
    • un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif environnemental, mesuré par exemple au moyen d’indicateurs clés en matière d’utilisation efficace des ressources concernant l’utilisation d’énergie, d’énergies renouvelables, de matières premières, d’eau et de terres, en matière de production de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre ou en matière d’effets sur la biodiversité et l’économie circulaire,
    • OU un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif social, en particulier un investissement qui contribue à la lutte contre les inégalités ou qui favorise la cohésion sociale, l’intégration sociale et les relations de travail,
    • OU
    •  un investissement dans le capital humain ou des communautés économiquement ou socialement défavorisées,
    • ET  pour autant que ces investissements ne causent de préjudice important à aucun de ces objectifs et que les sociétés dans lesquels les investissements sont réalisés appliquent des pratiques de bonne gouvernance, en particulier en ce qui concerne des structures de gestion saines, les relations avec le personnel, la rémunération du personnel compétent et le respect des obligations fiscales

On le voit il y a beaucoup de « Ou » dans cette définition. On peut donc supposer qu’une entreprise performante dans la lutte contre les inégalités puisse ainsi se permettre d’avoir une activité quelconque non orienté développement durable (à condition quand même de ne pas avoir un impact négatif sur l’environnement) et se targuer d’avoir quand même une activité durable.

Heureusement l’article 4 du règlement SFDR, oblige également les entreprises, soit à communiquer sur les incidences négatives de leur activité concernant les « facteurs de durabilité» ( c’est-à-dire se rapportant aux activité ayant un impact sur les questions environnementales, sociales et de personnel, le respect des droits de l’homme et la lutte contre la corruption et les actes de corruption) soit à clairement afficher qu’elles ne s’en préoccupe pas le moins du monde. ( On peut par exemple trouvez parfois la mention : « Ce fond n’intègre aucun critères Environnemental, Sociétal ou de Gouvernance », mais tous ne respectent pas encore cette obligation).

On va ainsi trouver 3 catégories de fonds.

  • Les fonds dit article 6. Ceux-ci se limitent a expliquer en quoi il prenne (ou pas) en compte les « Risques en matière de durabilité ». ATTENTION, il ne s’agit pas ici de prendre en compte l’impact des entreprises sur les « facteurs de durabilité » mais plutôt (cf point 22 de l’article 2 du règlement) d’expliquer comment le fond prend en compte l’impact qu’un événement ou une situation dans le domaine environnemental, social ou de la gouvernance, qui, s’il survient, pourrait avoir une incidence négative importante, sur la valeur de l’investissement. Un fond investissement dans l’extraction pétrolière peut donc tout à fait se targuer d’être conforme à l’article 6 du règlement SFDR si tant est qu’il a expliquer qu’une marée pétrolière pourrait faire baisser significativement le court du fond, voir même juste dire clairement qu’il ne s’en préoccupe pas le moins du monde !!!!
  • Les fonds dits article 8 :  Ce sont des fonds qui mettent en avant leur impact Environnemental et/ou Sociétal (à condition que les sociétés dans lesquels ils investissent appliquent toujours des pratiques de bonne gouvernance). Ces fond se doivent de communiquer les règles de sélections des sociétés cibles en termes de critères ESG. Mais  aucun niveau minimum en termes de facteur de durabilité n’est exigé.  
  • Les fonds dits article 9 : Ce sont des fonds article 8 qui en plus soit définissent un indice de référence permettant de les » benchmarker » soit qui doivent se fixer un objectif d’amélioration mesurable et indiquer les moyens qu’ils mettent en place pour l’atteindre. Mais de nouveau, aucun niveau minimum en termes de facteur de durabilité n’est exigé. Cependant comme nous le verrons ci-dessous, le règlement « Taxonomie » oblige les fonds article 9 à préciser dans qu’elle activité environnementale de la Taxonomie Européenne ils sélectionnent leur entreprises cibles

Le règlement SFDR demande donc essentiellement aux acteurs financiers de publier des informations relatives à leurs allégations et pratiques en matière de durabilité mais ne définit aucun minima d’engagement ni aucune typologie d’activité cible ou à exclure

C’est pour cela qu’il existe un second règlement européen dit « Taxonomie » (cf ci-dessous) et que  l’AMF a publié en Février 2023 des propositions visant à fixer des minima (en terme d’engagement environnemental mais pas sociétal) et d’exclure certaines activités (celles des combustibles fossiles notamment) . Il ne s’agit cependant que de propositions à destination de l’Union Européenne.

Mais cette dernière a adressé une fin de non-recevoir le 14 avril de cette même année en indiquant laisser au marché financier le soin de s’auto réguler.

Pour éviter le greenwashing (ou écoblanchiment, en français), il revient donc à l’investisseur ou à son conseiller financier d’analyser les documents d’informations clef ou les rapports annuels pour vérifier le réel engagement du fond dans l’environnement, la société sans pouvoir malheureusement se référer aux article 8 ou 9 SFDR. On en revient donc à ce qui devait se faire avant ce règlement.

La montagne a donc accouché d’une souris !!!

Taxonomie Européenne

Le 18 juin 2020, donc à peine 7 mois après le règlement ci-dessus, l’union européenne publiait le règlement (UE 2020/852) visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (le fameux SFDR) mais sans pour autant l’annuler ou le remplacer.

Ce règlement établit les critères permettant de déterminer si une activité économique est considérée comme durable sur le plan environnemental. On peut donc se demander pourquoi dans sa décision d’avril 2023, la commission Européenne refuse d’appliquer cette taxonomie aux fonds article 8 et 9.

Il complète le règlement SFDR sur les aspects environnementaux MAIS pas sur les aspects sociétaux et de gouvernance.

Est donc considéré comme un investissement environnementalement durable, un investissement qui à la fois se fait dans au moins un des domaines suivants et ne cause de préjudice important à aucun autre d’entre eux :

  • L’atténuation du changement climatique (c’est-à-dire en contribuant de manière substantielle à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère soit directement, soit en innovant, soit en créent des puits de carbone);
  • L’adaptation au changement climatique (c’est-à-dire soit réduisent sensiblement le risque d’incidences négatives sur climat actuel de certaines activités économiques, soit contribuent de manière substantielle à réduire l’impact du changement climatique sur les populations, la nature ou les biens)
  • L’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines (c.a.d en contribuant soit à assurer le bon état des masses d’eau, y compris les masses d’eau de surface et les masses d’eaux souterraines ou marines, soit à prévenir la détérioration de ces masses d’eau qui sont déjà en bon état)
  • La transition vers une économie circulaire (c.a.d en réduisant la consommation de matières premières primaires ou en augmentant l’utilisation de sous-produits et de matières premières secondaires, ou en augmentant la durabilité, la réparabilité, l’évolutivité ou la réutilisabilité des produits, ou encore en réduisant sensiblement la teneur en substances dangereuses ou en réduisant la production de déchets)
  • La prévention et la réduction de la pollution (c.a.d en prévenant ou en réduisant les émissions de polluants dans l’air, l’eau ou le sol, autres que les gaz à effet de serre, ou en améliorant les niveaux de qualité de l’air, de l’eau ou des sols ou en réduisant ou éliminant l’utilisation de substances chimiques ayant un impact négatif sur la santé humaine et l’environnement ou en nettoyant les dépôts sauvages de déchets et autres formes de pollution);
  • La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes (c.a.d : En contribuant à protéger, conserver ou restaurer la biodiversité et à assurer le bon état des écosystèmes ou à protéger les écosystèmes qui sont déjà en bon état, en mettant en œuvre des pratiques agricole sou de gestion des forêts durable

Ce règlement oblige les fonds qui se prévalent de l’article 9 SFDR, à préciser à laquelle, ou auxquelles des activité énumérées ci-dessus ils contribuent et à hauteur de quel pourcentage de leur investissement global.

En conclusion, la taxonomie ne concerne que les activité environnementales d’une part et ne définit aucun domaine d’exclusion d’autre part. Un fond pourra toujours être SFDR 9 pour des aspects sociétaux et non environnementalement durable, 

Conclusion

Comme nous venons de le constater, il existe à ce jour de nombreux règlements ou labels français ou Européens. Mais aucun ne garantit à l’investisseur qu’il va placer son argent dans un fond qui s’engage à avoir un impact réellement positif sur le changement climatique ou l’amélioration de la prise en compte de l’impact sociétal d’une entreprise (Sauf Finansol pour cet aspect) ou de la qualité de sa gouvernance.

Le règlement européen SFDR, souvent présenté comme la panacée avec son article 9, mis en avant par de nombreuses sociétés de gestion, est en fait une machine à écoblanchiment puisqu’aucun domaine d’exclusion n’existe ni aucun objectif minimum à attendre n’a été défini !!!

Le label Finansol, apparait comme un label exigeant mais ne concerne que l’impact sociétal sans donner réellement d’indication sur l’engagement en termes de durabilité environnementale.

Seule la combinaisons de plusieurs label (par Exemple ISR+ Greenfin, ou ISR + article 9) peut permettre à l’investisseur de se repérer plus facilement.

Notons toutefois les engagements de certaines sociétés de gestion qui vont au-delà des règlements et qui par exemple s’engagent dans le fonds SFRD article 9 à exclure des domaines d’activité qu’ils désignent nommément.

D’autres au contraire, en reste au verbiage et contournement des règlement !!!

Prenons par exemple la politique d’une société de gestion très connue sur la place qui pour sa politique de suivi des fonds SFDR article 9 indique :

  • Lorsque nous estimons qu’une entreprise sous-performe, que ses structures de gouvernance ou de direction ne répondent pas aux normes que nous avons définies (NDLR : reste donc à connaitre ce qu’ils ont définis comme norme)  ou que nous avons d’autres préoccupations concernant, par exemple, la stratégie de l’entreprise ou les questions environnementales ou sociales  (…) nous mettons en place une procédure d’escalade consistant à
    • discuter avec les représentants de l’entreprise,
    • puis nous  plaçons l’entreprise sous surveillance
    • puis nous  pouvons (NDLR : ce n’est donc pas systématique)  aussi être amenés à voter contre la direction lors des assemblées générales de l’entreprise.
    • Puis nous pouvons aussi envisager de soutenir des résolutions d’actionnaires déposées à l’initiative de tiers (NDLR : c’est-à-dire en creux, qu’elle ne prendra même pas la peine de déposer elle-même ces résolutions)
    • Et en fin de compte, si les différentes voies d’escalade sont épuisées et que nous constatons des progrès insuffisants dans le temps, nous pouvons décider de réduire ou de vendre nos positions (NDLR : mais là encore ce n’est pas une obligation)

Autant dire qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir…..

Publié par Pierre-Yves GENET dans Non classé, 0 commentaire
Réforme 2023 du régime des retraites,

Réforme 2023 du régime des retraites,

Quand la Com. noie le poisson…

Pour beaucoup la réforme d’avril 2023 des retraites consiste au passage de l’âge légal de départ en retraite de 62 ans à 64 ans.

Tout le débat s’est focalisé sur cette mesure.

Pourtant ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

De plus, comme nous le verrons plus loin, cela aura peu d’impact pour les cadres et les diplômés ayant fait des études longues, car pour ces derniers il fallait déjà partir à plus de 64 ans pour bénéficier du « taux plein ».

Il est important pour la bonne compréhension du reste de cet article, de bien faire la différence entre trimestres cotisés, assimilés et validés car le diable se cache dans les détails et selon dans les textes, qu’ils s’agissent des uns ou des autres, cela aura un impact important sur votre âge effectif de départ en retraite et le montant de votre pension.

  • Les trimestres cotisés sont ceux (tous régimes de base confondus), ayant donné lieu à cotisations à la charge des assurés, à titre obligatoire ou volontaire. Il s’agit donc des périodes travaillées, des périodes de formation professionnelle et d’apprentissage.
  • Les trimestres assimilés sont des trimestres qui n’ont pas donné lieu à cotisation en France mais qui sont néanmoins pris en compte pour la durée requise pour bénéficier du taux plein. Il s’agit des périodes de chômage, de maternité/paternité, d’éducation, de maladie, du service militaire, d’expatriation dans des pays ayant signés des conventions avec la France pour les retraites, des personnes en détention provisoire.
  • Les trimestres validés sont la somme des trimestres cotisés et des trimestres assimilés.

1       Ce qui ne bouge pas

Si l’âge minimal de départ en retraite passe de 62 à 64 ans (cf Tableau 1 plus loin dans cet article) l’âge de départ pour obtenir le taux plein si on n’a pas validé le nombre suffisant de trimestres reste, lui, fixé à l’âge de 67 ans.

La majoration de 10% de la rente retraite à partir du 3e enfant (art R351-12) est maintenue. Elle est même étendue au régime des avocats et aux professions libérales.

Pour chaque enfant la mère bénéficie toujours d’une majoration de 4 trimestres de maternité au titre de l’incidence de la naissance sur sa vie professionnelle.

Il avait été, un temps, envisagé de passer à un système de retraite à point pour les cotisations versées après 2025 et pour les assurés nées à partir de 1975 et de supprimer les régimes AGIRC/ARRCO pour que l’URSAAF soit le seul organisme chargé du recouvrement des cotisation. 

Cette réforme a été abandonnée.

Le calcul de la pension reste donc, pour l’instant identique avant et après réforme. La pension est déterminée par la formule suivante pour le régime général :

Pension brute versée = SAM x Taux  x Nb trimestres validés (limité au nombre de trimestre à obtenir) / Nb Trimestres à Obtenir (cf tableau 2 plus loin dans cet article)

Avec SAM = Salaire annuel brut moyen de vos 16 à 25 meilleures années revalorisées (le nb d’années prises en compte dépend de votre année de naissance cf Tableau 2)

Et Taux = 50% si taux plein (c’est à dire si atteinte du nombre de trimestres validés du tableau 2) sinon décote de 1,25% par trimestre manquant avec un maximum de 25% de décote soit un taux minimum de (50%*(1-25%)) = 37,5% .

Il peut également y avoir une surcote de 1.25% par trimestre cotisé au-delà du minimum de trimestres à obtenir (attention les trimestres assimilés ne sont pas pris en compte pour le calcul de cette surcote)

Pour plus des explications plus détaillées voir :

http://www.acacias-patrimoine.fr/2021/09/30/faut-il-racheter-des-trimestres-de-retraite-et-des-points-agirc-arrco/

2       Modification du partage des trimestres d’éducation entre le père et la mère

Il y avait déjà avant la réforme 4 trimestres de majoration pour l’éducation de l’enfant né ou adopté. Ces trimestres pouvaient auparavant être répartis librement entre le père et la mère. (Note : Pour les familles ayant un enfant handicapé, les pères ou mères bénéficient également d’un trimestre assimilé supplémentaire par période de 30 mois d’éducation (2.5 ans) dans la limite de 8 trimestres supplémentaires à répartir entre eux)

La réforme oblige maintenant que la mère bénéficie d’au moins deux de ces trimestres au titre de l’éducation (soit au minimum 6 trimestres assimilés avec les 4 trimestres de maternité)

Note : Les assurés ayant obtenu un congé parental d’éducation bénéficient également d’une majoration de leur durée d’assurance égale à la durée effective du congé parental (on prend alors la durée la plus favorable entre cette durée et les trimestres assimilés au titre de la maternité et de l’éducation.

Ainsi dans un couple, où l’homme décide de prendre un congé parental, la femme aura intérêt à conserver les 8 trimestres de majoration pour elle, afin de maximiser ceux obtenables par son conjoint au titre du congé parentale. A l’inverse, si c’est la femme qui prend un congé parental, elle aura intérêt à prendre le minimum de trimestres possibles (6 à partir de l’entrée en vigueur de la réforme, ou 4 avant la réforme) et que son conjoint prenne les autres afin qu’elle puisse cumuler un maximum de trimestres avec le congé parental tout en permettant à son conjoint d’obtenir des trimestres assimilés. Note : Dans le cadre du congé parental, les trimestres sont comptés pour une période de 90j de congé parental, date à date et arrondi à l’entier supérieur : exemple congé parental du 15 Juin 2023 au 31/08/2024 soit 444j, correspond à 444/90= 4.93 trimestres qui donneront après arrondi  5 trimestres assimilés supplémentaires)

3       Une surcote pour les père et mères de famille ayant suffisament cotisé à 63 ans

Pourquoi cette surcote ?

 D’après le gouvernement pour ne pas trop pénaliser les mères de famille.

Les femmes seront-elles plus pénalisées par la réforme ?

Oui pour les mères de familles qui ont eu des carrières courtes. En effet, une femme à qui il manquait des trimestres cotisés pouvait souvent partir à l’âge de 62 ans au taux plein grâce aux 4 à 8 trimestres assimilés acquis par enfant. Mais avec la réforme, même si elles ont acquis le nombre de trimestres validés nécessaires pour le taux plein (cf Tableau 2) elles devront continuer à travailler jusqu’à 64 ans en ayant alors peut-être 8, 16 voire 24 trimestres de plus que nécessaires.

Mais, me direz-vous, il y a une surcote de 1.25% par an pour les trimestres en plus, alors elles auront une rente plus importante !

Et bien non, seuls les trimestres « Cotisés », au-delà de la durée d’assurance requise, et non les trimestres assimilés ouvrent droit à cette surcote

Le gouvernement, ayant admis ce problème, a ajouté un article (11.7) permettant aux assurés (homme et femme) qui ont :

  • acquis au moins un trimestre assimilé au titre de la maternité, de l’éducation, de l’adoption ou d’un congé parental
    •  ET qui auront, à 63 ans, accumulés suffisamment de trimestre cotisés (attention les trimestres assimilés ne sont pas pris en compte) pour le taux plein (cf Tableau 2)

de bénéficier d’une surcote de 5% (4×1.25%) sur les rentes touchées à partir de 64 ans.

On le voit les conditions sont assez drastiques, mais les hommes auront maintenant tout intérêt à prendre au moins un trimestre éducation à leur compte pour un de leur enfant afin de pouvoir éventuellement bénéficier également de cette surcote. Et finalement, cette mesure présentée pour équilibrer les rentes entre les hommes et les femmes pourra permettre également aux hommes d’avoir 5% de surcote.

4       Une hausse de la retraite Minimale

Pour les personnes ayant travaillé

  • à temps complet
    • avec un revenu équivalent au SMIC
    • et ayant cotisé (il s’agit là de trimestres effectivement cotisé et non assimilés) pour un nombre de trimestres leur permettant d’atteindre le taux plein,

il est prévu une majoration de leur rente afin de leur permettre d’avoir à minima 85% du SMIC net de cotisations sociales.

La encore, les conditions sont assez drastiques, et peu profiterons dans les faits de cette retraite minimale revalorisée.

5       Possibilité de demander le remboursement des trimestre rachetés

Dans notre article https://www.linkedin.com/pulse/faut-il-racheter-des-trimestres-de-retraite-et-points-genet/ nous vous avions fournis les éléments pour calculer les couts de rachat de trimestres et pour vérifier si cela était intéressant pour vous.

Souvent ce rachat était envisagé afin de partir à 62 ans au taux plein. Il s’avère maintenant qu’en allant jusqu’à 64 ans, le taux plein sera souvent acquis, ce qui rend moins intéressant ces rachats.

De plus comme mentionné dans notre article, il fallait 10 à 15 ans minimum après le départ en retraite pour que le cout de rachat des trimestres soit compensé par le gain sur les rentes de versées à la retraites. En partant 2 ans plus tard et avec une décote plus faible même sans rachat de trimestre, cela rallongera alors significativement l’âge où on aura gagné plus que ce que l’on aura versé.

Conscient de ce problème, le gouvernement a prévu dans la loi, qu’un assuré né à compter du 1er septembre 1961 puisse demander le remboursement de ses rachats de trimestres (trimestres d’études, année incomplètes hors redressement judiciaire, expatriation dans des pays sans convention retraite avec la France) . A condition que les rachats aient été effectués avant la date de publication de la loi au Journal officiel (donc avant le 15/04/2023).

Note importante : La demande devra être faite dans un délai de 2 ans suivant la date de publication de la loi (soit au plus tard le 15 avril 2025). Elle ne sera recevable qu’à la condition que l’assuré n’ait pas déjà fait valoir ses droits à la retraite.

De plus lors des rachats de trimestre, l’assurée bénéficie d’une déduction fiscale qui peut être répartie sur plusieurs années. Il est certain que les sommes rendues devront être réintégrés dans les revenus de l’année et créeront un surplus d’impôts l’année du remboursement. Sera-t-il possible de bénéficier du système du quotient ou d’une mesure d’étalement ? Il est encore trop tôt pour le dire.

6       Comparaison des ages de départ à la retraite avant et après la réforme pour les salariés

Le tableau suivant compare les âges de départ en retraite en fonction des différents dispositifs et des années de naissance.

7       Augmentation de l’age de départs en retraite pour les fonctionnaires

L’âge maximal de départ à la retraite d’un fonctionnaire passe de 67 à 70 ans pour les fonctionnaires sédentaires et les contractuels et de 35 à 67 ans pour les fonctionnaires « actifs (cf ci-dessous pour la notion de sédentaire et d’actifs) ».

L’âge minimal après réforme est lui indiqué dans le tableau ci-dessous. Il augmente progressivement de 2 ans.

Le montant de la pension pour les fonctionnaires est calculé de la manière suivante :

Montant de la pension = Dernier traitement indiciaire brut x (Nombre de trimestres rémunérés dans la pension) / Nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite au taux maximal) x 75 %

La pension peut ensuite être soit minorée de la décote, soit majorée de la surcote et/ou de la majoration pour enfants au même titre que les salariés.

Note le calcul de la surcote et de la décote est différent pour les militaires :

  • Gain de 4 trimestres, pour le militaire qui arrête de travailler pour s’occuper d’un enfant né avant 2004,
  • Gain de 2 trimestres, pour les femmes militaires ayant accouché postérieurement à leur recrutement, pour chaque enfant né après 2004,
  • Bonification d’un trimestre par période de 30 mois pour le militaire qui élève à son domicile, un enfant handicapé de moins de 20 ans, atteint d’une invalidité supérieure ou égale à 80%
  • Bonification lorsque le militaire participe à une campagne militaire ou à des opérations aériennes ou sous-marines (bonification dépendant du type d’activité menée)
  • Bonification de 5 ans maximum ou de 1/5ème de la durée de service si celle-ci dépasse 17 ans
  • Note : Ces bonifications peuvent augmenter le niveau de pension à taux plein : fixé normalement à 75 %, il peut atteindre 80 %

Pour rappel :

  • sont considéré comme « Super Actifs », les fonctionnaires Identificateur de l’Institut médico-légal de la préfecture de police de Paris, les égoutiers, les surveillant pénitentiaire, et le personnel actif de la police nationale ayant exercé au moins 12 ans dont la moitié de manière consécutive, pour les  fonctionnaires ou anciens fonctionnaires des réseaux souterrains ou fonctionnaire ou ancien fonctionnaire du corps des identificateurs de l’institut médico-légal et au moins 27 ans (y compris éventuellement la durée du service militaire obligatoire) si vous êtes fonctionnaire ou ancien fonctionnaire des services actifs de police ou surveillant ou ancien surveillant pénitentiaire
    • Sont considéré comme « actifs », les fonctionnaires qui exerce une fonction présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. On y retrouve par exemple :
      • Pour la fonction publique nationale : les agent technique des haras nationaux, les agents de l’ONF, les géomètres de l’IGN, les instituteurs, les gardiens de phare, les agents de tri postal, …
      • Pour le secteur hospitalier : les infirmiers et infirmières diplômés d’état, les sage-femmes, les aides-soignantes, les kinés ,…
      • Pour la fonction publique territoriale : les policier municipaux, les sapeurs-pompiers, …
    • Sont considérés comme sédentaires les fonctionnaires n’appartenant pas aux deux catégories précédentes

8       Conditions de départ anticipé en retraite pour les salariés du régime général

9       Augmentation du nombres de trimestres à valider pour pouvoir bénéficier du taux plein

L’augmentation de l’âge légal de la retraite s’accompagne également de l’augmentation du nombre de trimestres à valider pour obtenir le taux plein. (Pour rappel le taux plein correspond à 50% du salaire moyen calculé sur les 16 à 25 meilleures années en fonction de l’âge de naissance, cf Tableau ci-dessous).

Tout le monde est-il concerné de la même façon par cette augmentation du nombre de trimestre à valider ?

La réponse est non.

Tout d’abord pour les personnes nées avant 1962 ou à partir de 1973 cela ne change strictement rien puisque on est sur le même nombre de trimestres à obtenir avant et après la réforme.

Pour les autres ils ont une augmentation de 1 à 3 trimestres à valider.

Il ne faut pas oublier non plus que le nombre de trimestres cotisés ne correspond pas à une durée effective de travail mais à un montant de cotisation.

En effet 1 trimestre correspond aux cotisations versées pour l’équivalent de 150 SMIC horaire brut (au premier janvier de l’année de cotisation) soit pour 2023, un salaire brut de 150*11.27€ = 1 690.5€. Pour valider 4 trimestres il faut donc que l’assuré perçoive sur l’année à minima 6 792e brut.

On peut supposer qu’un cadre percevra ce revenu brut sur quelques mois seulement sans qu’il soit obligé de travailler effectivement 3 trimestres de plus. Selon son mois de naissance, il se peut donc qu’il n’ait pas, dans les faits, à travailler plus longtemps avec la nouvelle réforme qu’avec l’ancienne.

Et le passage de 62 à 64 ans ?

 Là aussi, l’impact ne sera pas le même pour tout le monde.

On l’a vu ci-dessus, les mères sont plus pénalisés que les hommes par cette augmentation de l’âge légal.

Les personnes qui auraient pu partir à 62 ans seront bien entendu pénalisées. Il en va de même pour ceux qui avaient racheté des trimestres en espérant partir au taux plein à 62 ans et qui devront maintenant attendre également d’avoir 64 ans (cf paragraphe 5)

Pour les personnes ayant démarré tard  leur carrière (souvent à cause des études), là encore, cela a dans les faits un impact très faible.

En effet en commençant tard leur carrières, ces assurés étaient déjà souvent obligés de travailler jusqu’à 64 voire 65 ans pour obtenir le taux plein.

Prenons par exemple un ingénieur né en 1966 et ayant terminé ses études à 23 ans.

  • Il devait avant la réforme valider 169 trimestres (cf Tableau 2), soit 42 ans et un trimestre, ce qui l’amenait à 65 ans et un trimestre.
  • Avec la nouvelle réforme, il devra certes cotiser 3 trimestres de plus (172 au lieu de 169) mais comme on l’a indiqué ci-dessus, le nombre de trimestres cotisés ne correspond pas à une durée effective de travail mais à un montant.
  • Il y a de forte chances qu’avec un revenu de fin de carrière, il valide 4 trimestres en 1 à 2 mois de travail effectif.
  • La réforme n’aura don, en pratique, aucun impact sur sa date de départ au taux plein

Note technique : en fait les cotisations sont calculées sur le PMSS (Plafond mensuel de la sécurité sociale soit 3 666e en 2023). Pour cotiser l’équivalent de 4 trimestres, nous avons vu plus haut qu’un salarié doit percevoir un salaire annuel brut minimal 4x 150 SMIC horaire soit 6 792e en 2023.

Un salarié qui percevrait ces 6 792e sur un seul mois, cotiserait en fait seulement sur 3 666e pour la cotisation plafonnée au taux de 6.9% puis à 0.4% sur ce qui dépasse.

Or pour acquérir un trimestre il faut cotiser 150 SMIC horaire x 6.9% = 150*11.27*6.9% = 116.65€ en 2023.

Le salarié qui percevrait 6 792e sur un mois cotiserai lui à hauteur de 3 666*6.9%+(6 792 – 3666)*0.4% = 265.48€ soit l’équivalent de 265.48/116.65 = 2.27 trimestres seulement.

Il aurait donc, s’il en la possibilité, intérêt à répartir ce salaire sur 2 mois soit 3 396€/mois. La cotisation serait alors de 2*3 696*6.9% = 468.65€ soit 468.65/116.65 = 4 trimestres cotisés.

L’impact réel sera pour les cadres qui souhaitaient partir à 62 ans quitte à perdre un peu sur leur pension retraite qui devront maintenant attendre à minima 64 ans et également pour tous ceux qui ont commencé à travailler tôt mais pas suffisamment pour bénéficier du dispositif carrière longue.

Pour autant la réforme aménage aussi le dispositif carrière longue en permettant à ceux qui ont travaillé avant 21 d’en profiter alors que le régime actuel limitant les carrières longues aux périodes travaillées avant 20 ans (cf Tableau 3)

NOTE IMPORTANTE: La règle de validation de trimestres est différente pour la dernière année d’activité. En effet, la validation de trimestres au cours de l’année de départ ne correspond plus à un montant de cotisation mais à une durée. C’est-à-dire qu’une cessation d’activité effective le 1er juillet permet de valider deux trimestres. Pour en obtenir un troisième, le cotisant doit continuer de travailler jusqu’au 30 septembre.

10    Suppression de certains régimes spéciaux

Les personnes qui seront recrutés à partir du 01/09/2023 seront affiliés au régime général en lieu et place des régimes spéciaux pour

  • Les clercs de notaire
  • Les agents de la banque de France
  • Les agents des industries électriques et gazières
  • Les membres du Conseil économique, social et environnemental
  • Les agents de la RATP

11    Attribution de trimestres assimilés pour les sportifs de haut niveau

Depuis le Décret n° 2012-1202 du 29 octobre 2012, les périodes d’inscription sur la liste des sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau ainsi que sur la liste des sportifs Espoirs sont  prises en compte pour les retraites à condition :

  • Que le sportif ait au minimum 20 ans,
  • A raison d’un trimestre par période d’inscription sur l’une de ces listes de 90j continus
  • Que le revenu du sportif sur une année civile pendant cette période soit inférieur à 75% du plafond annuel de la sécurité social

Et ce pour un maximum de 16 trimestres et sans que le sportif ne puisse cumuler sur une même année plus de 4 de trimestres d’assurance validés dans un ou plusieurs régimes de base d’assurance vieillesse obligatoire.

Le nombre maximum de trimestres devrait être porté de 16 à 32 par un prochain décret.

Cependant ce dispositif n’est pas rétroactif. De ce fait les sportifs qui ont été sur cette liste avant 2012 ne bénéficient pas de trimestres assimilés.

On pouvait espérer que la réforme corrigerait cette injustice, mais finalement elle ne permet,  pour les inscrits sur une de ces listes avant le 29/10/2012 que de pouvoir racheter un maximum de 12 trimestres correspondant aux périodes pendant lesquels ils avaient été inscrit sur une de ces listes et ce à condition que pendant ces périodes ils n’aient pas acquis des trimestres dans un régime de base, ce qui aurait été le cas s’ils avait un revenu de 75% du plafond annuel de la sécurité social. Un décret supplémentaire devrait préciser les conditions de ce rachat.

On voit donc que peu d’ancien sportifs de haut niveau seront concernés et que de plus ils n’auront pas de trimestres automatiquement validés mais qu’ils devront les racheter. Ii reste donc encore une grande disparité entre les sportifs d’avant et après 2012.

12    Possibilité de rachat de trimestre pour les membres d’organes délibérant d’une collectivité territoriale

Sous cette expression un peu complexe, sont concerné des élus aux conseil municipaux, aux conseils généraux, aux conseils régionaux, aux communautés de communes et aux collectivité d’outres mer.

Ces élus peuvent depuis la réforme racheter les trimestres correspondant aux périodes où ils ont siégé dans l’une de ces collectivités.

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Introduction au Droit International Privé (DIP)

Introduction au Droit International Privé (DIP)

Commençons par quelques exemple pour présenter la matière….

Cas joueur de foot Anglais

Cas  1 : Imaginez un joueur de foot Anglais ayant signé dans un grand club de la côte d’Azur dans les année 2000. Il tombe amoureux d’une jeune Française qu’il épouse en l’emmenant convoler en justes noces dans son jet privé en Angleterre. Éperdument amoureux, les deux amoureux décident de ne pas faire de contrat de mariage.

Le temps passe, vieillissant, il finit sa carrière en retournant jouer dans un club anglais. Les 2 époux s’installent dans la vile anglaise du club. Hélas, loin de ses amis et du soleil de la méditerranée, son épouse, après quelques années seulement en Angleterre, s’étiole, s’ennuie et demande le divorce. Elle engage la procédure en France. L’époux a acquis seul la quasi-totalité du patrimoine familial. Il pense donc que comme il se sont marié en Angleterre et que la loi Anglaise sur les mariages peut être assimilée à une séparation de bien, il est seul propriétaire de l’ensemble de ce qu’il a acquis et que madame n’aura droit à presque rien. C’est d’ailleurs ce que lui indique son avocat Anglais qui ignore les circonstances de son mariage. Malheureusement en l’absence de choix de loi applicable, le système juridique Français considère dans ce cas, que c’est la convention de La Haye de 1978 sur les régimes matrimoniaux qui s’applique et que donc c’est la loi de l’état de première résidence des époux qui prévaudra, donc dans notre cas, la loi Française. Les époux sont donc considérés comme étant mariés sous un régime de communauté de biens réduite aux acquêts et non de séparation. Madame a donc droit à la moitié de tout ce que Mr à acheter pendant le mariage (savoir si la communauté doit une récompense à Mr est encore une autre question que nous n’aborderons pas ici)

Weeding Chapel Las Vegas

Cas 2 : Une jeune Française de 18 ans tombe amoureuse d’un jeune algérien de 18 ans. A l’occasion d’un voyage à Las Vegas la même année, en 2015, les deux jeunes tourtereaux se marient pour le fun à la Wedding Chapel de Las Vegas où officie un sosie d’Elvis Presley. Malheureusement, six mois après les deux jeunes se séparent sans plus penser à ce coup de folie qu’ils pensent être juste du folklore. Puis la vie avançant, la jeune demoiselle retombe amoureuse et désire, en 2022, se remarier. Elle raconte son histoire au notaire qui doit s’occuper de son contrat de mariage. A son grand désarroi le notaire lui indique qu’elle ne peut pas se marier à moins que…. En effet l’article 202-2 indique que les mariages sont reconnus en France s’ils sont valides dans la forme d’après la loi du lieu de célébration.

Or il s’avère que les mariages dans la wedding chapel sont valides dans état du Nevada. Le mariage devrait être donc être reconnu en France. Certes, les jeunes mariés n’ont pas fait publier leur mariage ni en France, ni en Algérie. Il n’a donc pas été inscrit en marge de leur état civil mais il produit tout de même ses effets entre les deux époux. C’est-à-dire qu’il oblige les époux à une communauté de vie, d’assistance et surtout interdit un remariage car la polygamie est interdite en France. Voilà donc notre jeune fille bien embêtée. Heureusement, son notaire sort de sa besace, l’article 202-1 du code civil qui indique que pour être reconnu valable en France, un mariage doit aussi respecter des conditions de fond qui concernent l’âge, le sexe et le consentement des époux. Cet article indique, entre autres, que pour se marier il faut que la loi personnelle de chacun des époux le permette. Si cela va de soit pour la jeune demoiselle, il s’avère que la loi Algérienne fixe la majorité civile à 19 ans et interdit tout mariage avant cette majorité. Le mariage n’est donc pas valide en France sur le fond et ne sera pas reconnu en France puis que le jeune Algérien n’avait que 18 ans au moment de sa célébration. La jeune demoiselle peut donc finalement se marier en France. Son notaire lui indique cependant qu’elle devrait engager une procédure de divorce aux états unis car son mariage y reste certainement reconnu, mais que n’étant pas un spécialiste du droit interne Américain il ne peut que lui conseiller de consulter un avocat spécialiste du droit de l’état du Nevada.

Accident de voiture en Espagne

Cas 3: Un jeune Français part avec des amis faire la fête à Barcelone. Malheureusement ils ont un accident mettant en cause un automobiliste Allemand. De retour en France, notre jeune ami décide de porter plainte devant un tribunal Français en responsabilité civile.  Il s’aperçoit alors que deux conventions internationales peuvent s’appliquer à son cas. La convention de la Haye du 4 Mai 1971 relatives aux accidents de la route ainsi que le plus récent règlement Européen du 11 juillet 2007 relatifs aux obligations non contractuelles dit ROME II. Lequel des deux doit s’appliquer ? Il s’avère dans ce cas que c’est la convention de La Haye qui sera applicable et que celle-ci désigne, toujours dans ce cas, la loi Espagnole. Le juge français devra donc prendre connaissance de la loi Espagnole pour juger ce cas.

Retraite au Portugal

Cas 4 : Conseiller par un ami, Mr X décide d’aller prendre sa retraite au Portugal car outre le soleil, il y serait exonéré d’impôt les 10 premières années car considéré comme résident fiscal non habituel, s’il y passe plus de 183j par an. Confiant, il part donc s’installer au Portugal tout en percevant sa retraite de source Française. Il a également gardé son appartement en France pour y résider lorsqu’il viendra voir ses enfants (tout en veillant bien, bien sûr, à rester moins de 183j par an en France). Ne connaissant pas bien la législation Portugaise, il a également conservé en France les différents placements financiers qu’il avait fait et qui lui apportent un complément de retraite. Deux an plus tard, il reçoit une notification de redressement fiscal de la part des autorités Françaises. Il s’en offusque, mais a-t-il raison ? Et bien non, il a juste été très mal conseillé par son ami. En effet, au titre de l’article 4 b du code des impôts, en percevant sa retraite de source Française, principale source de ses revenus, Mr X a gardé le centre de ses intérêts économiques en France. Il est donc à la fois fiscalement résident en France et au Portugal. Comme la France et le Portugal ont signé ensemble une convention fiscale, il faut aller vérifier son contenu pour savoir quel état est effectivement en droit de l’imposer. Confiant Mr X se dit que comme il habite au Portugal et que l’article 4 indique comme second critère le lieu d’habitation, il est donc sauvé. Que nenni !  Un foyer d’habitation, n’est pas le domicile de la personne mais un endroit dont il a la jouissance et où il peut demeurer. L’appartement qu’il a conservé en France et dont il s’est gardé la jouissance, est donc un foyer d’habitation au sens de cette convention. Il faut donc passer au 3e critère de la convention.  Celui-ci indique alors le centre de ses intérêts vitaux. Comme Mr X perçoit l’intégralité de ses revenus (sa retraite et ses revenus mobiliers) de source Française, qu’il a conservé sa famille en France et son appartement, on peut dès lors considérer qu’il a le centre de ses intérêts vitaux en France (peu importe le fait qu’il y passe plus ou moins de 183j par ab). L’état Français est donc bien en droit de l’imposer !

Comme on peut s’en apercevoir au travers de ces 4 exemples le droit international privé peut intervenir dans tous les compartiments de la vie.
De plus, il ne faut pas se limiter à la photo au moment présent mais il faut aussi connaitre l’historique de la situation pour vérifier qu’il n’y a pas eu, par le passé, un élément d’extranéité qui pourrait encore produire ses effets aujourd’hui.

Enfin c’est sujet complexe, qui peut faire intervenir plusieurs niveaux de normes : la loi nationale, la jurisprudence nationale, et celle de la cour Européenne de justice ainsi des traités internationaux qui parfois se recouvrent partiellement sur même sujet (c’est souvent le cas entre des règlement Européens d’une part de les convention de La Haye (ou Rome, Washington) d’autres parts. Ces dernières ayant vocation a intégrer plus d’états que les seuls états Européens.

Il ne faut surtout pas se limiter à ce que l’on entend ici où là ou se fier uniquement au sens des mots Français.

Par exemple pour un Anglais, être « domicilié » en Angleterre signifie avoir des liens étroit avec ce pays, comme y être né. Un anglais vivant en France depuis plusieurs année peut donc parfois être encore considéré comme « domicilié » en Angleterre.

Ce présent article n’a pas l’objectif de faire le tour, ne serait-ce que partiel, du DIP (Droit privé International), il ne souhaite qu’ouvrir l’esprit du lecteur afin d’une part qu’il puisse tirer à un moment le signal d’alarme en se disant que sa situation rentre peut-être dans le cadre du DIP et d’autre part pour lui indiquer les principes de base régissant le Droit International Privé.

Nous présenterons dans un prochain article, les principaux traités internationaux applicables au droit international privé ainsi que principales règles de conflit de loi.

Présentons maintenant le Droit International Privé

1 Qu’est-ce que le Droit International Privé (DIP) ?

Comme sont non l’indique, c’est un droit qui concerne les personnes privées qu’elles soient physiques (les individus) ou morales (les entreprises ou les sociétés) dès qu’il y a un élément d’extranéité. C’est-à-dire dés que le sujet de droit concerne plus de deux états. Par exemple une succession avec un défunt dans un pays et des héritiers dans un ou plusieurs autres, une entreprise d’un pays qui envoie en salarié en expatriation, un consommateur qui achète un produits à une entreprise située dans un autre pays, l’imposition de revenus perçus hors de France, etc….

Il se distingue du droit international public qui régit lui les droits et les obligations des états et des organisations internationales entre eux. Dans de rares cas, des individus peuvent également être soumis au droits public international. C’est les cas par exemple des crimes internationaux comme les crimes contre l’humanité.

2 Quelques principes de base du DIP

2.1 Prédominance du civil

Le DIP peut concerner aussi bien des aspects civil que fiscaux, mais le civil a toujours la prédominance.

Par exemple lorsqu’un notaire français va devoir gérer une succession ayant un élément d’extranéité, il va tout d’abord déterminer :

  1. la loi applicable au régime matrimoniale pour déterminer ce qui appartient au défunt (on parle de masse successorale),
  2.  puis la loi applicable au civil à la succession (qui peut ne pas être celle du régime matrimonial) pour déterminer qui à droit à quoi dans la succession (par exemple entre le conjoint survivant et les enfants)
  3. enfin et seulement une fois que les étapes du civil auront été réalisées, il devra déterminer au niveau fiscal quel(s) état(s) est(sont) en mesure d’imposer la succession et selon quel critères et s’il existe des conventions ou des éléments de loi interne permettant d’éviter ou de limiter les doubles impositions.

2.2 Prédominance des conventions internationales.

Selon l’article 55 de la constitution Française, les traités, règlements ou accords internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois françaises à condition toutefois qu’ils aient été ratifiés ou approuvés régulièrement en France ET qu’ils soient également applicables dans l’état tiers. Cette hiérarchie est également promue au niveau international par la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités rentrée en vigueur le 27 janvier 1980 et ratifiée par plus d’une centaine de pays (à l’exception notoire de la France)

Attention toutefois, ce n’est pas si simple. Ce n’est pas, parce qu’un état tiers n’a pas ratifié une convention, que celle-ci ne s’imposera pas à un juge français.

Par exemple le règlement européen du 24/06/2016 concernant la loi applicable au régimes matrimoniaux précise dans son article 20 que « La loi désignée comme la loi applicable par le présent règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre. ». Ainsi, si le règlement européen désigne comme loi applicable, la loi des USA, le juge français devra appliquer cette loi même si USA n’ont jamais ratifié ce règlement européen et ne l’appliqueront jamais.

Notons enfin que l’article 54 de notre constitution énonce que si le Conseil constitutionnel, constate qu’un traité comporte une disposition contraire à la Constitution, il peut en bloquer la ratification jusqu’à ce qu’une éventuelle révision de la Constitution puisse lever cette contradiction.

2.3 La règle de conflit de loi.

Il s’agit ici de déterminer qu’elle sera la loi applicable à une situation donnée.

Cette loi est déterminée par une règle qui n’indique pas la solution sur le fond mais qui permet de déterminer la loi de l’état qui sera appliquée à la résolution du problème de droit international.

Il peut y avoir des règles de conflit de lois :

  1. en droit interne. Par exemple Article 202-1 du code civil « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle »,
  2. ou au sein de traités internationaux.

Note : Il existe des cas très particuliers, où un texte international ne donne par la direction de la juridiction compétente ou de la loi applicable, mais indique directement un règle matérielle donnant une solution sur le fond. Tel est par exemple la convention de Vienne du 11/04/1980 sur les contrats de ventes internationales de marchandises. Cela reste un exception mais il est important de se rappeler que si deux traités internationaux peuvent s’appliquer à une situation alors celui qui indique directement une loi matérielle internationale sera d’application prioritaire.

Là encore le droit international prévaut. S’il existe à la fois des traités internationaux et des textes internes de désignation de loi applicable (par ex les art 14 et 15 du code civil) qui peuvent être appliquée à la situation en question, alors ces textes internes s’effaceront devant les règles de conflit de loi des traités internationaux (sauf comme nous le verront plus loin pour les lois de polices et pour l’ordre public international)

Notons enfin que la loi applicable peut être déterminé par défaut ou elle peut dans de nombreux cas (divorce, succession, régime matrimonial, etc..) être librement désignée par les parties.

2.4 Les conflits de juridiction

Il s’agit ici de déterminer la juridiction compétente pour trancher une situation internationale litigieuse.

Par exemple : Cas d’un couple Franco-Russe, vivant en équateur. L’époux Français demande le divorce devant une juridiction Française. Est-ce que cette dernière est compétente pour prononcer le divorce ?

IMPORTANT : il faut bien noter l’autonomie entre la résolution du conflit de juridiction et celle du conflit de loi applicable. Le premier peut désigner la juridiction d’un état appelée à se prononcer sur une question de droit mais en utilisant la loi d’un autre état.

Exemple :

  • Prenons pour exemple deux époux français vivant en Angleterre. Après quelques temps le couple se sépare et Mme part vivre en Belgique. Au début le couple ne souhaite pas divorcer pour les enfant mais après un peu plus d’un an, la situation se dégrade et le couple décide alors d’entamer une procédure de divorce.
  • Quels pays est compétent pour juger du divorce ?
  • D’après le règlement Bruxelles II Ter applicable aux procédures intentées à partir du 01/08/2022, la France (état de nationalité des deux époux), la Belgique (état de résidence habituelle de Mme depuis plus d’un an ) et l’Angleterre (ancien pays de résidence du couple et de résidence actuelle Mr) peuvent tous les trois se déclarer compétent.
  • Pour déterminer le pays qui sera amené à se prononcer si Mr demande le divorce en Angleterre et Mme en Belgique, on fait alors appel à l’article 20 de ce même règlement qui indique que c’est la première des deux juridictions saisies qui sera compétente (on parle de litispendance que l’on décrira un peu plus loin dans cet article).
  • Admettons que ce soit Mme qui ait engagé en premier le divorce. Ce sera donc la Belgique qui sera compétente pour prononcer le divorce.
  • Cependant le règlement Bruxelles II ter ne traite que de la compétence. Pour connaitre la loi applicable, il faut dans ce cas se référer au règlement dit ROME III qui indique qu’à défaut de loi entre les parties, c’est (dans ce cas précis ; attention ce n’est pas une généralité) la loi de nationalité commune des époux, donc la loi Française qui s’applique.
  • Mais là encore ROME III ne traite que des seules causes de dissolution (divorce par consentement mutuel ou autres) et du prononcé du divorce.
  • Les effets du divorce comme la liquidation du régime matrimonial, les obligations alimentaires ou la garde des enfants dépendent encore d’autres traités internationaux qui pourront eux aussi déterminer d’autres juridictions compétentes et d’autres loi applicables.

NOTE : La résolution du conflit de juridiction porte également sur l’effet qu’un jugement prononcé dans un pays aura dans un autre pays.

2.5 L’importance de la juridiction saisie

Un juriste français va toujours partie de la loi Française pour caractériser un élément de droit (s’agit-il d’un problème de fond, de forme, de contrat, de droits personnel, de capacité, de filiation, de droit parental, etc…. ?). Il détermine alors la catégorie de la question qui lui est posée.

Il va ensuite rechercher soit en droit interne soit dans des traités internationaux la règle de conflit de loi qui lui permettra de vérifier qu’il a bien la compétence pour répondre à la question (un juge français peut par exemple se démettre en faveur d’un juge étranger si une convention internationale déclare que c’est l’autre état qui à la compétence de juger) puis, s’il est compétent, la loi applicable à la catégorie. Ainsi, si la question est posée en France ou dans un autre pays, la réponse internationale qui y sera apportée peut être différente.

Prenons l’exemple d’un citoyen Portugais vivant en France et possédant des biens en France et au Portugal. Il rédige à la main un testament qu’il date et signe. Il s’agit donc d’un testament Olographe. Pour la France, la validité de ce testament est une question de forme. Il est donc valable en France même s’il a été rédigé par un citoyen Portugais. Pour un juriste Français , c’est le règlement européen du 04/07/2012 « Successions » qui s’applique car le Portugal n’est pas signataire de la convention de La Haye de 1961 sur la reconnaissance des testaments.  Ce règlement indique alors que le Portugal devrait reconnaitre le testament car il est valide en France, état où il a été rédigé.

A l’inverse, si la question est posée à un juriste Portugais, il s’agira pour lui d’une question de capacité des personnes ce qui implique que la loi applicable est la loi de nationalité de la personne qui a conclu le testament. Or la loi portugaise ne reconnait pas les testaments olographes. Le testament sera donc considéré comme nul pour un juriste Portugais. Si la question est posée des deux coté à la fois, il faut alors appliquer le principe de litispendance qui sera développé plus loin dans cet article.

2.6 Les lois de polices

Bien que l’on ait mentionné précédemment que les traités internationaux ratifiés ont une force supérieure aux loi françaises, il existe quelques exceptions à la règle.

La première concerne les lois de police. Il s’agit des lois dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable. (par exemple une loi d’embargo fondées sur des données de santé publique).

La loi de police court-circuite la recherche d’un traité international. Exemple : Supposons que dans un couple entre un Marocain et une Française, le mari soit seul propriétaire de l’appartement où vit le couple. Il demande à un juriste français s’il peut décider seul de vendre l’appartement. Dans ce cas, le juriste Français n’aura pas à rechercher à quelle catégorie juridique appartient la cession d’un immeuble et s’il existe un traité international relatif à cette question. En effet, l’article 215 du code civil est considéré comme une loi de police. Cet article stipulant que « Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. » il répond directement à la question qui lui est posée. Il n’y a pas en France de code ou d’indication particulière permettant de lister toutes les lois de police. C’est la jurisprudence qui année après années définit le contour de ces lois de police.

2.7 L’ordre public international (OPI)

C’est en fait une notion assez floue qui regroupe un ensemble de valeurs qu’un état considère comme intangibles et supérieures à toutes autres. Cet ensemble mêle des intérêts généraux (ou publics), comme des intérêts politiques, moraux, économiques et sociaux. Il regroupe donc les principes de justice universelle considérés dans l’opinion française comme douée de valeur absolue et qui ne sauraient être remis en cause par une loi étrangères.

Cet ordre public international permet d’écarter les lois étrangères qui heurtent les valeurs essentielles d’un pays car elle y produirait des effets jugés intolérables par son peuple. Par exemple une loi étrangère qui appliquée à un divorce conduirait à une inégalité entre les parents du fait du sexe de chacun d’eux serait rejeté en France car contraire au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

IMPORTANT : Il ne faut pas confondre l’ordre public international dont on vient de parler et l’ordre public interne qui englobe lui les lois auxquels les citoyens français ne peuvent déroger en droit interne. Un exemple célèbre permettant de comprendre cette distinction est le cas d’un célèbre compositeur de musique Jean-Michel J. En droit interne français, on ne peut pas déshériter ses enfants (sauf cas d’indignité) et ceux-ci ont droit une part minimal d’héritage, définie par la loi française. Or dans notre exemple le défunt, Maurice J., vivait aux USA et avait fait un testament dans lequel il ne léguait aucun bien à son fils Jean-Michel. Ce dernier porta l’affaire devant les tribunaux français en arguant que la réserve héréditaire était d’ordre public et qu’il fallait à ce titre écarter l’application de la loi Californienne au profit de la loi Française. Telle ne fut pas l’avis de la court de cassation qui dans son jugement du 27/09/2017 affirma que « une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels » comme par exemple à maintenir les héritiers dans une situation de précarité économique ou de besoin. Ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce.

Il ne faut pas non plus confondre l’OPI avec les lois de police. Les lois de police s’appliquent avant même que l’on recherche une loi applicable, alors que l’OPI rejettera une loi étrangère qui aurait été rendu applicable suite à l’application des règles de conflits de loi.

L’ordre public international peut évoluer dans le temps. Il n’est donc pas si intangible que ça. Ainsi, l’exception d’ordre public naguère opposée contre les lois étrangères qui admettaient la légitimation des enfants adultérins évince dorénavant celles qui l’interdisent. La question de la validité du mariage des personnes de même sexe suit également le même retournement de situation.

C’est la première chambre civile de la Cour de cassation qui est compétente pour définir l’ordre public international Français.

L’OPI peut avoir un effet atténué. L’idée est qu’on ne peut pas s’opposer avec la même force à l’application des lois étrangères, selon qu’il s’agit:

  1. Soit de créer une situation juridique en France (par exemple l’OPI refusera qu’une personne déjà mariée puisse contracter un nouveau mariage en France et devenir ainsi bigame en raison de l’applicabilité d’une loi étrangère désignée par les règles de conflit de lois) ,
  2. Soit de laisser une situation, qui s’est créée à l’étranger, produire des effets en France (cas d’un époux avec deux femmes marié dans un pays autorisant la polygamie et venant s’installer en France avec ces deux épouses) ce qui est constitutif de l’effet atténué de l’OPI.
  3. Afin de bénéficier de l’effet atténué de l’ordre public, la situation considérée doit ainsi être née valablement à l’étranger, et elle pourra produire ces effets en France alors même qu’elle n’aurait pu y être valablement constituée. Les personnes concernées pourront se prévaloir de cette situation afin d’acquérir des droits en France (toujours pour poursuivre notre exemple la seconde épouse de notre époux bigame pourra prétendre en France à une fraction de la pension de réversion qui est ainsi partagée avec la première épouse).

Il est important de se rappeler que l’OPI joue aussi dans d’autres pays pour des décisions prises selon la loi française.

Exemple un juge des USA a refusé de prendre en compte un contrat de mariage en séparation de biens, fait en France par deux français devant notaire qui ont quelques années plus tard déménagé au USA et y ont divorcé. Le contrat aurait dû être considéré comme valide aux USA en vertu des convention internationales car conforme à la loi du pays de signature.

Cependant le juge New-yorkais à fait jouer l’OPI américain car aux USA les contrats prénuptiaux doivent impérativement être passés avec le concours 2 avocats distincts pour défendre les intérêts des deux parties. Le contrat passé en France n’avait été rédigé que par un seul notaire. Le juge US a donc considéré que les droits fondamentaux de l’une des parties n’avaient pas été respectés.

2.8 L’applicabilité des traités

Avant de pouvoir appliquer les règles de désignation de compétence ou de désignation de loi applicable d’un traité, encore faut-il s’assurer que ce dernier peut à juste titre être sollicité par la situation juridique étudiée, et ce à plusieurs titres.

  1. Applicabilité Spatiale : Il s’agit ici de vérifier que le texte de source supranationale est bien applicable dans l’état ayant été saisie de l’affaire. A ce titre il faut vérifier que cet état est bien partie à la convention est que celle-ci y soit rentrée en vigueur. On peut, en effet,  trouver de nombreuses conventions signées par des états mais qui n’y ont jamais été ratifiées. Il y a également le cas du Royaume unis qui n’est plus partie depuis le Brexit aux règlements européens. Il faut également vérifier qu’il y a bien des éléments dans la situation internationale qui permettent son rattachement à l’état saisi.
  2. Applicabilité Temporelle : Les règlements internationaux indiquent leur date d’entrée en vigueur. Il faut donc vérifier que les faits en question ou selon les cas, la date de début de la procédure, soient bien postérieures à l’entrée en vigueur du traités. Par exemple pour la détermination du régime matrimonial il faut se référer aux droits internes des états pour les mariages conclus avant le 1/09/1992, à la convention internationale de la Haye pour ceux consacrés entre le 01/09/1992 et le 29/01/2019 puis au règlement Européen « Régimes matrimoniaux » pour ceux survenus après cette dernière date.
  3. Applicabilité matérielle : Il s’agit cette fois de vérifier les matières couvertes par le texte supranational. Le domaine d’application est généralement décrit dans les tous premiers articles du traité international
  4. Les exclusions : Afin de déterminer plus précisément leur domaine d’applicabilité matériel de nombreuses conventions indiquent explicitement les sujets proches qui ne sont pas concernés
  5. Les réserves : Une réserve est une déclaration unilatérale, faite par un Etat lorsqu’il signe ou ratifie un traité, par laquelle il entend exclure ou modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité à son égard. Il s’agit donc, ici de vérifier que certains états bien qu’ayant signés et ratifié la convention, n’ont pas émis des réserve à son application. Il peut s’agir de réserve territoriales (On peut par exemple citer le cas de nombreux pays musulmans qui indiquent que leur signature de la convention n’implique pas la reconnaissance de l’état d’Israël), de réserve d’équivalence( un état indique ne pas s’acquitter d’une obligation en vertu du traité da la manière imposée par le traité mais d’une manière qui lui est équivalente) , d’exclusion de certains articles du traités ou d’interprétation (un état subordonne son consentement à être lié par ce traité à une interprétation spécifiée du traité ou de certaines de ses dispositions). Note : certains traités rejettent explicitement toutes réserves.
  6. L’outil multilatéral pour les conventions OCDE. De nombreuses conventions bilatérales en matière de fiscalité suivent un format dit « modèle OCDE ». Le droit fiscal évoluant, plutôt que de devoir modifier toutes les conventions bilatérales de ce modèle et devoir les ratifier une nouvelle fois, plusieurs états ont décidé d’une modification commune qui s’appliquerait à l’ensemble des conventions bi latérales les concernant. Bien sur certains états n’ont pas signé cette convention multilatérale et de nombreux y ont mis des réserve. Ainsi lorsque l’on veut appliquer une convention fiscale bilatérale, modèle OCDE, applicable entre deux états, il faut bien vérifier si elle est impactée ou non par cette convention multilatérale car les versions disponibles ne sont pas consolidées avec les éventuelles impacts de cet outils. Le texte de la convention multilatérale et des réserves est disponible sur :  https://www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/convention-multilaterale-pour-la-mise-en-oeuvre-des-mesures-relatives-aux-conventions-fiscales-pour-prevenir-le-beps.htm

2.9 La coordination entre les traités.

Il peut arriver que plusieurs textes supranationaux soient applicables à une même situation. Il faut donc les départager de sorte qu’un seul ne puisse être appliqué.

On a déjà mentionné précédemment que les traités qui contiennent directement des règles matérielles et non pas des règle de désignation de juridictions compétentes ou de lois applicables sont prioritaires.

 En cas de conflit entre deux traités équivalent il faut vérifier s’ils n’indiquent pas déjà en leur seins des règles de coordination. Ce peut être des cas :

  1. D’abrogation de traités précédents comme Bruxelles II Ter qui abroge dans sont Article 104 le règlement Bruxelles II Bis,
  2. Ou des règles d’effacement partiel comme ROME II(art 28 al 2) vis-à-vis de la convention de La Haye de 1961 sur les accidents de la route puisque cette dernière n’est pas signée exclusivement par des états de l’UE),
  3. Ou des règles de prééminence (comme l’art 24 du règlement ROME I qui indique qu’il s’appliquera pour les pays de l’UE en lieu et place de la convention de Rome de 1991 sauf pour le Danemark).
  4. Ou de désignation d’un traité applicable à certaine matières (par exemple le traité « Obligation alimentaire » renvoie à la convention de la Haye de 2007 pour la désignation de la loi applicable.

2.10 La litispendance

C’est une exception de procédure qui demande à une juridiction compétente qu’elle se dessaisisse d’une affaire lorsqu’un même litige portant sur le même objet avec les mêmes causes et opposant les mêmes parties est également de la compétence d’une autre juridiction également saisie de ce litige.

La notion de même objet doit être interprété dans un sens très large. Par exemple il a été estimé que la demande en exécution d’un contrat par une partie devant une juridiction avait le même objet et la même cause qu’une demande en nullité par la seconde devant une seconde juridiction puisque les deux affaires avaient en fait comme objet la force exécutoire du contrat.

Ce n’est pas toujours la première juridiction choisie qui aura gain de cause. Par exemple le règlement européen Bruxelles I Bis prévoit des compétences exclusives pour la juridiction de l’état de situation d’un bien immobilier pour les droits réels et les baux concernant ces immeubles ainsi que pour la juridiction de l’état du siège social des sociétés pour les décisions concernant leur validité, dissolution ou la validité des décisions prises par leurs organes internes. Dans ces cas la première juridiction saisie devrait s’effacer devant celle qui a la compétence exclusive.

2.11 La connexité

C’est un cas légèrement différent de la litispendance. Ici, les deux juridictions sont saisies de deux litiges distincts mais suffisamment proche pour que dans le cadre de la bonne administration de la justice ce soit la même loi qui s’applique.

L’exception de connexité s’applique aux fins d’économie de procédure et de prévention des décisions inconciliables. Elle est admise aux seules conditions que deux juridictions relevant de deux Etats soient également et complètement saisies de deux instances faisant ressortir entre elles un lien de nature à créer une connexité

L’exception de connexité se rapproche « Forum non conveniens » des pays de common Law. La loi de ces pays reconnait un pouvoir discrétionnaire aux juges, de ne pas exercer leur compétence internationale à l’égard d’un litige qui relève pourtant de leur pouvoir juridictionnel, dès lors qu’ils estiment qu’il serait plus opportun que ce litige soit tranché par un for étranger également compétent, mieux placé et plus approprié pour connaître du litige.

2.12 La fraude à la loi

Un droit étranger peut, être écarté lorsque l’une des parties a volontairement manœuvré dans le seul but de faire appliquer la loi de ce pays et de se soustraire ainsi à la loi normalement applicable.

Un exemple célèbre est le cas de la princesse de Beaufremont (à la fin des années 1800) qui voulait divorcer alors que le divorce n’était, à l’époque, pas reconnu en France. Après avoir été séparée de corps selon le droit français, elle s’est installée provisoirement en Allemagne pour y obtenir la nationalité allemande, recouvrer aussitôt sa liberté matrimoniale, par application de la loi allemande qui procédait à la conversion automatique de la séparation de corps en divorce, et pouvoir ainsi se remarier avec un autre prince, roumain cette fois. La Cour a jugé que « la demanderesse avait sollicité et obtenu cette nationalité nouvelle non pas pour exercer les droits et accomplir les devoirs qui en découlent mais dans le seul but d’échapper aux prohibitions de la loi française ». La France a donc refusé de reconnaitre son divorce.

Attention : Il faut qu’il y ait une intention frauduleuse. Il n’est par exemple pas interdit d’apporter les immeubles situés en France à une SCI (ce qui a pour conséquence qu’ils sont alors considérés par la France comme des biens meubles et non plus comme des immeubles). Ce n’est que si l’on peut prouver que cet ameublissement n’a été fait que dans l’intention de rendre inapplicable la loi Française à ces immeubles que l’on pourra écarter une décision rendue par une loi applicable étrangère.

2.13 Le renvoi.

C’est un mécanisme d’après lequel le juge saisi d’un litige et qui doit trancher selon une loi étrangère n’applique pas le droit matériel de ce pays (c’est-à-dire le droit qui règle la question au fond) mais utilisera plutôt les règles de conflit de loi de ce pays (c’est-à-dire les règles qui désignent le droit applicable) qui pourront alors renvoyer à la loi d’un autre pays.

Exemple :

  • Un Français vit depuis de longues années avec sa seconde épouse, native du pays, à Québec où il possède des biens mobiliers et immobiliers. Il vient de décéder en octobre 2022. Il possédait également un immeuble à Toulouse et un à Marrakech. Ses enfant vivants toujours en France saisissent un notaire Français pour régler sa succession.
  •  Le notaire Français établit qu’il est compétent et que le règlement européen « Succession » est temporellement, spatialement et matériellement applicable à cette succession. Ce règlement désigne la loi de dernière résidence habituelle du défunt (donc le Québec) comme loi applicable.
  • La loi Québécoise désigne à son tour la loi de dernier domicile du défunt pour les meubles MAIS la loi de situation des immeubles comme étant applicable en matière de succession. Il s’agira donc de la loi québécoise pour les immeubles situé au Québec, de la loi Française pour l’immeuble de Toulouse et de la loi Marocaine pour celui de Marrakech. Il y a donc ici renvoi à deux autres lois.
  • Le notaire français doit -il accepter ces renvois ?
  • Oui pour l’immeuble Français car l’art 34 du règlement succession prévoit au point 1.a l’acceptation du renvoi vers un état de l’UE.
  • Pour l’immeuble situé à Marrakech, la loi marocaine désigne à son tour une autre loi applicable, cette fois la loi de nationalité du défunt. Il y a donc un renvoi de second niveau à la loi Française. Le notaire doit-il accepter ce renvoi ?
  •  La Cour de cassation a admis un renvoi de Second niveau à la loi Française (arret Riley du 11/02/2009), mais uniquement s’il assure l’unité successorale entre les biens meubles et immeubles. Ce ne sera pas le cas ici puisqu’une partie de la succession restera régit par la loi Québécoise. Le notaire doit donc refuser les renvois pour l’immeuble de Marrakech et lui appliquer la loi québécoise.
  • Note :il ne s’agit là que d’un exemple théorique, car en l’espèce il semble résulter de l’énoncé de cet exemple que le défunt possède des liens manifestement plus étroit avec le Québec qu’avec la France et que dans ce cas l’exception prévu à l’article 21.2 du règlement succession trouverait à s’appliquer et il aurait lieu de retenir l’application de la loi Québécoise pour tous les immeubles afin d’assurer une unité de loi successorale.

Les renvois peuvent être accepté totalement ou partiellement comme dans l’exemple précédent.

Ils sont acceptés pour les successions (renvoi de niveau 1 si pays de l’UE,  renvoi de niveau 2 si e second renvoi permet une unité successorale) ainsi que pour les questions ayant trait au statut personnel.

Ils sont cependant refusés

  • pour les divorces (Art 11 Rome III),
  • pour les régimes matrimoniaux (en général sauf exception)
  • et pour les questions portant sur le fond et forme des contrats.

Enfin lorsque le choix de la loi applicable par les parties est admis, celle ci désigne les lois matérielles du pays choisi, il n’y a donc alors pas de renvoi.

 

Publié par Pierre-Yves GENET dans International, Juridique, 0 commentaire