Pierre-Yves GENET

L’état peut-il saisir ou geler votre épargne ?

L’état peut-il saisir ou geler votre épargne ?

Il a été entendu lors de la campagne législative, des propositions visant à venir saisir une partie des sommes figurant sur les PEL ou les livrets A , et même pour certain candidat sur les assurances vie des épargnants français pour financer les réformes proposées par leurs partis politiques.

Pour les plus radicaux il s’agirait d’une ponction directe, pour d’autres d’une nouvelle taxe sur l’épargne et pour les derniers de la réinstauration de l’ISF.

Sans être alarmiste, rappelons que de telles mesures ont déjà été mises en place (instauration de l’ISF sous François Mitterrand, mise en place par Chypre en 2013, d’une taxe d’un montant de 47,5 % sur dépôts bancaires de la Bank of Cyprus supérieurs à 100 000 euros en échange d’un plan d’aide européen de 10 milliards d’euros,…). On sait l’imagination de nos politiciens sans limite lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles taxes.

Il n’est pas l’objet pour nous de faire ici de la politique fiction, mais uniquement de faire un point sur les dispositifs existants.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, l’épargne, dite sécurisée, des Français est déjà utilisée pour le financement de l’économie et nous le verrons, il existe déjà plusieurs dispositifs qui permettent, sous certaines conditions, de geler, voire de prélever des sommes sur notre épargne.

Dans cet article, nous allons présenter quelques notions peu connues sur les dépôts bancaires et les assurances vie puis nous présenterons un dispositifs européens qui permettrait en dernier recours de renflouer une banque en faillite avec une partie de l’épargne de ses clients. Nous en profiterons pour introduire des notions comme les ratios prudentiels des banques, et les accords de Bâle.

Enfin nous présenterons la capacité qu’à la France de geler temporairement les avoirs des épargnants depuis la loi Sapin II.

C'est quoi la loi "Anti-Squat"

1 Êtes vous propriétaire de l’argent que vous avez déposé en banque ?

Oui mais….

L’article L312-2 du code monétaire et financier indique que « Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer ».

L’article 511-5 du même code institue un monopole au profit des « établissement de crédits », c’est-à-dire des banques pour percevoir ces fonds « remboursables ». L’article 511-6 atténue ce monopole en permettant également aux assureurs, mutuelles de percevoir des fonds notamment pour les contrats de capitalisation, assurance vie, et plans d’épargne retraite qu’ils soient individuels ou collectifs

En d’autres termes,

à condition qu’elle soit en mesure de vous les restituer lorsque vous le lui demandez. Elle a donc le droit de les utiliser comme le ferait un propriétaire, et vous avez un droit de créance sur elle.

Pour autant il n’y a pas de transfert réel de propriété sur les comptes de dépôt. Si vous avez un créancier, ce dernier peut, tout à fait, faire saisir vos comptes bancaires (en y laissant toutefois à minima 635.71e ou le montant des sommes dites insaisissables (AAH, APA, RSA, Prime d’activité, Rente pour accident de travail, etc…))

Les banques en disposent généralement pour accorder des crédits ou faire des placements financiers afin de rémunérer les comptes de ses clients ou faire du profit.

Note : Les sommes que vous placez sur les livrets A, les livrets de développements durables et solidaires (LDDS) et les Livrets d’épargne Populaire (LEP) sont transférés partiellement (environ 65%) à la caisse des dépôts et consignation (CdC) qui les utilise pour le financement des logements sociaux, de la rénovation urbaine et quelques autres infrastructures. Le taux de transfert peut évoluer car les fonds transférés à la CdC doivent couvrir 125% du montant des prêts que cette dernières accorde. Donc s’il elle octroie plus de prêts ou s’il y a beaucoup de retrait sur les livrets, le taux de transfert doit augmenter pour respecter ce ratio de 125%.

Les politiques cherchent souvent à utiliser une partie des sommes déposées sur les livrets A, à d’autres fins. Ainsi rien qu’en 2024, il y a eu une proposition pour flécher une partie des sommes disponibles sur les livret A, pour le financement des industries de défenses et une autre pour le financement du projet de création de 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR.

La banque ne peut donc disposer librement au plus que 35% des sommes figurant sur ces livrets.

2  Qui est propriétaire de l’argent déposé sur une assurance vie ?

On a vu qu’il n’y avait pas de transfert de propriété sur les comptes de dépôts même si la banque a le droit de disposer des sommes qui y figurent.

Il en va différemment pour les contrat d’assurance vie.

En effet, l’assurance vie est à la fois un contrat d’assurance et une stipulation pour autrui prévue à l’art 1205 du code civil.

Dans la stipulation pour autrui, le souscripteur (appelé le stipulant dans le code civil) , en souscrivant le contrat fait promettre à l’assureur (le promettant dans le code civil) de délivrer le montant du contrat d’assurance vie (moins les taxes) au  bénéficiaire du contrat.

L’assurance vie étant un contrat d’assurance, le souscripteur se dépouille irrévocablement de la propriété des sommes qu’il y verse, en contrepartie de l’engagement de l’assureur de délivrer la garantie en cas de la survenance d’un risque aléatoire (le décès de l’assuré).

C’est donc l’assureur qui devient propriétaire des primes versées.

Les contrats d’assurance vie font naitre parallèlement, un droit personnel de créance du souscripteur sur l’assureur. C’est ce qui lui permet de « racheter » les sommes placées sur son contrat (sauf acceptation par l’assuré et le bénéficiaire de la clause bénéficiaire).

Comme le droit de rachat est personnel au souscripteur, et que les sommes sont dans le patrimoine de l’assureur, il s’en suit que les créanciers du souscripteur, de l’assuré et du bénéficiaires ne peuvent saisir les sommes placées sur ces contrats (sauf primes manifestement exagérées ou lors de saisies pénales (art  131-21 du code pénal) ou fiscales (art l262 du code de procédure fiscale) et dans ce dernier cas uniquement si le contrat n’a pas été nantis ou n’a pas fait l’objet d’une acceptation préalable par l’assuré de l’acceptation du bénéficiaire.

3  Que se passe-t-il si la banque ou l’assureur font faillite ?

Deux dispositifs sont mis en place.

  • D’une part le contrôle prudentiel qui fait l’objet des accords de Bale (I,II, III) et de plusieurs règlements européens (CRR3 pour le dernier en date) que nous allons présenter rapidement ci-dessous.
    • Il vise à garantir que les banques conservent toujours un socle de liquidités suffisant pour faire face à des périodes difficiles
  • D’autre part à la création en France d’un fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) en cas de faillite d’un établissement bancaire, d’un assureur ou d’un organisme de caution, qui malgré ses liquidités disponibles ne serait pas en mesure de faire face à ses obligations

Pour les dépôts, le FGDR doit permettre de rembourser les clients de l’établissement défaillant à hauteur de 100 000e.

Ce plafond de garantie s’applique quel que soit le nombre de comptes de dépôt ouverts auprès du même établissement et est déterminé par déposant.

Ainsi si vous disposez d’un compte joint avec votre conjoint, vous êtes considérés comme deux déposants distincts (ce qui vous permet de prétendre à une garantie de 200 000 € pour le compte joint), mais si vous avez seul,  15 000€ sur un compte à terme, un PEL à 60 000€, un compte courant à 20 000€ un solde espèce de 2 000e sur un PEA, et un CEL à 15 000€ soit un total de 112 000e auprès d’un même établissement , vous ne serez remboursé que de 100 000€ ce qui devrait inciter certains épargnants à répartir leur épargne auprès de plusieurs banques.

IMPORTANT : Les livret A, LDDS et LEP sont garantis à 100% par l’état, indépendamment du FGDR, et ne sont donc pas pris en compte dans le calcul du plafond des 100 000€

Note  Le montant de la garantie peut même être porté à 500 000 € en cas de « dépôt exceptionnel temporaire » (somme provenant d’une succession, d’une donation, de la vente d’un bien immobilier, du versement d’une indemnité suite à un dommage ou une rupture du contrat de travail…).

En cas de pluralité d’événements (vente d’un bien immobilier et indemnité de licenciement par exemple), le plafond rehaussé s’applique à chacune des sommes concernées

Le FGDR garanti également les titres lorsque la banque ou l’entreprise d’investissement prestataire n’est plus en mesure de les restituer à ses clients. Attention il ne s’agit pas de compenser une baisse des titres mais de faire face à la défaillance de l’établissement auxquels ont été confiés ces titres.

La garantie des titres i couvre tous les titres financiers (actions, obligations, parts d’OPCVM, SICAV ou FCP, titres de créance négociables), jusqu’à 70 000 € par client et par établissement. C’est par exemple le montant maximale qui vous serait rembourser si l’assureur auprès duquel vous avez souscrit une assurance vie venait à faire faillite.

C’est pour cela que les investisseurs ayant de gros montants à placer, privilégient les contrats Luxembourgeois (qui protègent 100% des capitaux investis en cas de faillite de l’assureur) ou répartissent leurs fonds auprès de plusieurs compagnies d’assurances.

Cependant pour les PEA et les compte titres, cette garantie ne devrait pas avoir à jouer car la banque n’est pas propriétaire des titres qui y figurent, elle en est uniquement le dépositaire. Vous devriez donc retrouver l’ensemble de vos titres. Ce n’est que si vous aviez nanti ces titres auprès de la banque (par exemple pour obtenir un prêt) que cette garantie pourrait jouer.

Au 31/12/2023, les fonds disponibles sur le FGDR étaient de 7.73 Milliard d’Euros dont 7.44Millaird pour la garantie des dépôts et 172 millions pour la garantie des titres (le solde étant réservé à des remboursements que nous n’avons pas mentionnés comme les organismes de cautions, les filiales à l’étranger d’organismes bancaires français et à des établissement de crédit monégasques).

Juste pour fixer un ordre d’idée, le solde des comptes courant des Français en 2023 était de 592 milliards d’Euros, le montant global des PEL était de 239 milliard d’Euros et les encours sur les assurances vie s’élevaient à 1 965 Milliards d’Euros (même pas de quoi rembourser la dette de l’état français qui s’élève à ce jour à 3 101 Milliard d’Euros 😉).

Autre élément de comparaison : BNP Paris bas pèse à elle seul 2 300 Milliards d’Euros, le Crédit Agricole 2054 Milliards d’Euros , la banque populaire 1 443 Milliard d’Euros, la société générale 1 396 Milliard d’Euros,  le crédit mutuel 970 Milliards d’Euros,  etc…

Espérons, qu’aucune des grandes banques françaises ne vienne à faire faillite car le FDGR n’y suffira pas et de loin… même si dans les bilans annoncés ci-dessus, tout n’est pas couvert par ce fond de garantie..

 4 L’état peut-il geler notre épargne ?

Depuis la loi SAPIN II du 9 décembre 2016,le code monétaire et financier (au 5e ter de l’art L631-2-1) permet au Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) de :

  1. Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements ;
  2. Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;
  3. Limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat ;
  4. Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ;
  5. Limiter temporairement la distribution d’un dividende aux actionnaires, d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.

pour une période maximale de trois mois, qui peut être renouvelée si les conditions ayant justifié la mise en place de ces mesures n’ont pas disparu. Seul le point « c » est limité à une durée maximale de 6 mois consécutifs

Ce pouvoir est limité aux assureurs aussi bien pour les contrats d’assurance vie que de capitalisation.

Les HCSF peux donc geler aussi longtemps qu’il le juge nécessaire :

  • Le versement des primes
  • Les arbitrages
  • Les avances

Et pour une durée maximale de 6 mois consécutifs, les rachats que ce soit sur des fonds Euros ou des Unités de compte et le paiement des capitaux décès.

Il est à noter que l’article 612-33 du code monétaire est financier donnait déjà depuis 2010 des pouvoirs similaires à l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) mais uniquement  dans le cas où un assureur risquait de se trouver dans une situation d’insolvabilité immédiate ou dans les 12 mois à venir, ou qu’il ne respectait pas les ratios définis par Bâle III (cf ci-dessus).Les pouvoirs de l’ACPR sont cependant limités au seul organisme insolvable alors que ceux du HCSF peuvent s’étendre à tout ou partie du secteur des assurances.

Ici encore, le passage par des contrats Luxembourgeois peut permettre de contourner la loi Sapin II, puisque le pouvoir du HCSF ne s’étend pas au Luxembourg.

Attention toutefois aux placement sur des fonds Euros dans des filiales Luxembourgeoises de Société d’assurance Françaises.

En effet, ces fond sont le plus souvent détenus par la maison mère Française et un contrat de réassurance lie la filiale Luxembourgeoise à sa société mère. De fait, si la mesure de gèle venait à s’appliquer en France, la maison mère ne serait plus en mesure de disposer de ses actifs pour répondre à la demande de de sa filiale Luxembourgeoise et le fond Euro du contrat Luxembourgeois serait lui aussi, de fait, gelé.

Il faut donc veiller, à ce que les fonds euros de l’assureur Luxembourgeois sélectionné, soit exclusivement constitué dans le bilan de la société luxembourgeoise.

5 Le rôle du contrôle prudentiel

C’est quoi ça… ?

Suite aux différentes crises passées, les états se sont aperçus que les faillites bancaires avaient un impact fort sur l’économie en général, avec souvent un effet domino et qu’ils n’avaient que peu de moyens de les prévenir et encore moins d’y remédier.

Ils ont donc décider à partir de 1974 de renforcer la solidité du système financier en créant le Comité de Bâle

Il rassemble aujourd’hui les superviseurs de 28 pays ou juridictions  (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Espagne, États- Unis, France, Hong Kong, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Suisse, Turquie, Union européenne).

Le comité publie des règles qui définissent des exigences minimales que les banques et superviseurs nationaux doivent respecter.

Ces règles ne sont pas directement contraignantes juridiquement. Mais les états s’engagent à les retranscrire, au moins partiellement, dans leurs lois internes. Pour l’Europe cela passe en premier lieu par les règlements européens qui sont alors, eux-mêmes, transposés en droit national. Par exemple les recommandations de Bâle III concernant la titrisation, ont été publiées le 12/12/2017, puis transcrites en droit Européen par la directive européenne 2019/878 (dite CRD 5) et le règlement 2019/876 (dit CRR II) en Juin 2019 et enfin transcrites en droit français par ordonnance le 23/12/2020.

La directive Européenne 2014/59/UE a été prise suite à la crise de 2008 pour mettre en place, au niveau européen, des instruments permettant de faire face à la défaillance d’établissements de crédit ou d’entreprises d’investissement.

Elle vient en compléments des accords de Bales qui renforcent les capitaux propres des établissements bancaires.

Ces accords de Bâle ont, dans un premier temps, définis un ratio de fonds propres ((dit ratio de Cooke) que doivent posséder les établissements de crédit. Il est défini de la manière suivante :

Ratio de Cooke  =  (Fonds Propres / Risques). Il doit être supérieur à 8% (en fait 10.5% avec l’introduction du volant de conservation de 2.5% par Bâle III)

Ce qui signifie que si une banque française vient à passer en dessous de 10.5% de fonds propres, elle n’est d’une part plus en mesure d’octroyer de nouveaux prêts à ses clients et est d’autre part mise sous surveillance par les autorité de régulation françaises voir européenne si la situation l’exige.

Les fonds propres sont constitués par

  • Le Capital social de l’établissement, ses réserves (bénéfices non distribués des années antérieures). Ces deux premiers éléments étant appelé le « Tiers 1 » et
  • Les emprunts dits subordonnés appelés « Tiers 2 »
    • Pour faire simple, les emprunts subordonnés émis par les banques sont des obligations qui sont soient convertibles en actions au grès de l’émetteur soit remboursées après tous les autres créanciers de l’établissements. Ainsi, si la banque est défaillante, les détenteurs de ces obligations seront les derniers avec les actionnaires à pouvoir espérer récupérer quelques miettes.
  • En 2023, les ratio de Cooke des principales banques Européenne s’élevaient à 16.0%. Et ce, en ne prenant en compet que les fonds propres « Tiers 1 » (Bâle III impose que les fond propres utilisés dans le ratio de Cooke soient composés à minima de 75% de fonds « Tiers 1 » dont à minima 75% de capital social. Cela ne signifie pas que la banque doive respecter ces plafonds de 75% pour son financement mais que les fonds Tiers 2 qui dépassent 25% et les réserves qui dépasseraient 25% du Tiers 1 ne sont pas pris en compte pour la détermination du ratio de Cooke)

Les risques regroupent

  • Les risques de crédits : Ce sont les risques liés aux non-remboursement des prêts qu’ont octroyés les banques. Il s’agit des prêts classiques comme les prêts immobiliers et les prêts à la consommation des particuliers, mais également des avances de trésorerie, de la souscriptions aux emprunts d’états, des prêts interbancaires, ou des achats d’obligations.
    • Les accords de Bâle prévoient que les niveaux d’engagement de l’établissement puissent être pondérés en fonction de la qualité de l’emprunteur. Au début en fixant une grille fixe pour Bâle 1 (0% de risque pour les états, 20% pour les banques, 50% pour les prêts immobiliers, 100% pour les autres types de prêts) puis une grille plus souple, depuis Bales 2, basée sur des systèmes de notation des emprunteurs.
    • Exemple d’une banque ayant prêté 100 à 4 emprunteurs : un état, une banque, un particulier pour de l’immobilier et un particulier pour un prêt conso. Les notations internes ou externes donnent pour Bâle 2 les risques suivants : 20% pour l’état, 20% pour la banque, 50% pour le prêt immobilier et 50% pour le prêt conso. Le règlement Bale 1 aurait conduit à une évaluation du risque de 100×0%+ 100*20% + 100*50% + 100*100% = 170, alors que Bâle 2 conduirait à 100*20% + 100*20% + 100*50% + 100*50% = 140. Bale 1 conduisait à une exigence de fonds propre de 13.6 alors que Bale 2 la réduirait à 11.2.
    • L’accord Bale 3 ajoute de nouvelles catégories de risques ayant des pondérations pouvant aller jusqu’à 4 fois l’engagement de l’établissement pour des investissements très spéculatifs.
    • Il limite également les systèmes de notation internes des banques qui pouvaient conduire à sous pondérer les niveaux de risque de certains emprunteurs.
      • Le règlement Européen CRR3 prévoit tout de même des périodes d’adaptation jusqu’en 2032 pour l’évaluation des risques emprunteur pour les crédits immobiliers.
      • Ce même règlements permet également, pour les banques françaises, de considéré les prêts avec Caution au même niveau de risque que des prêts avec une hypothèques (ce qui est un peu risqué car si crise il y a, l’organisme de caution risque d’être défaillant, alors que le bien immobilier hypothéqué sera lui toujours présent, même si temporairement sa valeur peu diminuer pendant ladite crise).
      • Le règlement CRR3 est également un peu plus souple que Bâle III sur l’évaluation du risque immobilier. En effet pour la détermination du niveau de risque (la pondération) il permet de prendre en compte la valeur actuelle du bien immobilier (en la lissant sur six ans dans le résidentiel et 8 ans dans le commercial) alors que BALE III plafonnait la valeur du bien à sa valeur initiale à la date du prêt.
  • Les risques opérationnels : ce sont les pertes pouvant résulter d’une erreur humaine, d’un problème technique, d’une cyber attaque, d’une fraude, d’un délit d’initié interne à la banque, d’un manque de contrôle interne à la banque.
    • On peut citer l’affaire Kerviel en 2008 où cet employé a généré à lui seul 4.9 Millard d‘Euros de pertes à la Société générale sans que personne s’en aperçoivent et la faillite de la banque Baring, en 1995, suite aux agissements d’un seul Golden Boy (Nick Leeson) de 28 ans à l’époque, qui avait engagé, seul, la banque pour plus de 20 milliards de dollars.
    • Ces risques ne sont pas facilement identifiables. Ils devraient faire l’objet d’un nouvel accord Bale IV en 2024 (pour rappel la transcription de l’accord Bale III datant du 16/12/2010 a été faite en décembre 2023 et est applicable au 1 Janvier 2025)
    • Il est également à noter que le règlement CRR3 de la communauté européenne est plus souple que l’accord BALE III puisqu’il n’évalue ce risque qu’en se basant sur les revenus des établissements sur les 3 dernières années, mais en ne prenant pas en compte l’historique dès les pertes passées
  • Les risques de marchés : Ce sont les risques de perte qui peuvent résulter des fluctuations des prix des instruments financiers détenus par la banque. Ces fluctuations peuvent porter sur les cours des actions, sur les prix des matières premières, sur les taux de changes, d’intérêts, etc…
    • L’accord BALE III, repris dans la réglementation européenne CRR3, précise les méthodes d’évaluation standard de ces risques. Il permet toujours aux établissements d’avoir des outils plus pertinents en interne, mais sans que ces derniers ne puissent aboutir à des niveaux de risques inférieurs à 72.5% des niveaux calculés à partir des méthodes standards.
    • Le règlement CRR3 ajoute à ces risques de marchés, les risques climatiques et les risques liées aux cryptoactifs. (pondération à 250% pour les investissements dans les crypto actifs respectant le règlement Européen  MiCa et de 1250% pour les autres)

De la même manière que la France à mis en place le FGDR, le règlement européen 806/2014 a également prévu la mise en place d’un fond équivalent au niveau Européen, le FRU (Fond de Résolution Unique).

Toutes les banques européennes y contribuent. Il a atteint son objectif cible qui était de représenter au moins 1% des comptes de dépôts couverts soit un montant de 78 milliards d’Euros au 31/12/2023 (donc pour 7 800 Milliards d’Euros de fonds couverts). Le Comité de Résolution Unique (CRU) décide de son utilisation lors du sauvetage d’un établissement de crédit.

L’article 22 de ce règlement 806/2014 prévoit en dernier recours un renflouement interne de la banque c’est-à-dire par ces clients. L’article 27 précise que ne peuvent toutefois pas être utilisés, les fonds couverts (donc jusqu’à 100 000€), les fonds garantis (en France les Livret A, LDDS, et LEP), les titres déposés à la banque (OPCVM ou FIA), les fiducies

En bref, une fois que les actionnaires et les créanciers de la banques ont vu leur capital et leur créances disparaitre, les clients de la banque qui y ont des liquidité pour un montant supérieur à 100 000€ (hors livret A, LDD S et LEP) peuvent être mis à contribution pour renflouer la banque, ce qui de toute façon reviendrait au même que la perte occasionnée par la liquidation de cette dernière.

Pour finir, les accord Bâle III définissent égalent un ratio de liquidité qui impose aux banques d’avoir à tout moment des actifs de haute qualité rapidement transformables en liquidités pour un montant supérieur aux sorties nettes prévisionnelles sur 30 jours ( somme des retraits attendus sur 30 jours moins somme des dépôts attendus sur la même période)

Ils définissent également d’autres ratios mais qui sortent du cadre de cet article. 

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, 0 commentaire
La loi «anti-squat»

La loi «anti-squat»

C'est quoi la loi "Anti-Squat"

La loi anti-squat vise à protéger les propriétaires de logements contre les occupations illicites.

Elle crée de nouveaux délits et donne une nouvelle définition du domicile d’une personne tout précisant que cette définition ne s’applique qu’à cette loi.

Elle prévoit également une amende supplémentaire contre les locataires mauvais payeurs qui se maintiendraient dans les lieux malgré une décision d’expulsion.

Elle intéresse donc au premier chef tous les particuliers ayant des biens en location.

Elle est entrée en vigueur le 29 juillet 2023 après qu’un de ces articles ait été censuré par le conseil constitutionnel. (décision n02023-853 du 26/07/2023) Il s’agissait de l’article 7 qui libérerait les propriétaires, d’un bien immobilier, occupé illicitement, de leurs obligations d’entretien et de les exonéreraient de leur responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien. Il en découle qu’un propriétaire est bien tenu de maintenir son appartement dans des conditions décentes de logement et de sécurité même si le locataire (titulaire d’un bail ou squatter) s’y maintient frauduleusement.

Elle est attaquée par une partie des parlementaires et, selon le gouvernement qui sera mis en place à la fin de l’été 2024, elle risque d’être sérieusement amendée. En effet le programme du Nouveau Front Populaire prévoit purement et simplement son abrogation.

Nous allons présenter dans cet article les nouveaux délits et en profiter pour faire un point sur la notion de domicile et de sa protection.

Nous aborderons aussi sommairement les procédures permettant à un bailleur de retrouver la libre disposition de son bien placé en location.

Si vous n’êtes pas intéressé par la notion de domicile et de sa violation, vous pouvez aller directement au chapitre 2 pour découvrir les nouvelles protections offertes aux propriétaires par la loi « anti-squat » ou aux chapitres 3 et 4 pour les procédures d’expulsions.

1 La notion de domicile et sa protection

La notion de domicile est définie depuis 1804 par l’article 102 du code civil. Ce dernier indique que « Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement »

Cet article a été amendé à plusieurs reprises afin préciser d’une part le domicile des personnes vivant à bord d’un bateau de navigation intérieure immatriculé en France, puis d’autre part le « domicile » des personnes sans domicile fixe. Il indique depuis 2014 que ces dernières doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.

La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, dite loi « anti-squat » a complété l’article 226-4 du code pénal par un alinéa qui précise désormais que :« constitue notamment le domicile d’une personne, au sens cet article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ».

Les locaux non meublés et ceux à autre destination que l’habitation, semblent donc ne pas être considérés comme pouvant être le domicile d’une personne.

Cependant le second alinéa utilise l’adverbe « notamment ».

Il en résulte que l’alinéa ajouté à l’article 226-4 ne constitue pas une définition exhaustive et limitative de la notion de domicile.

De plus un autre article ajouté par cette loi « Anti Squat », (le 315-1 du code pénal, que nous détaillerons au §2), permet également de protéger d’autres immeubles qui sortent du cadre de la notion de domicile.

Pour s’assurer qu’un local non meublé puisse constituer un domicile, il convient donc, de se référer également à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère que « constitue un domicile le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. Sans toutefois que ce texte n’ait pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation ». De cette seconde partie, viennent des décisions qui peuvent paraitre contradictoires :

  • Exemple 1 : ° (Cass chambre criminelle du 22/01/1997 n°95-81.186). Dans cet arrêt, la cour de cassation indique qu’ « un local est réputé occupé, au sens de l’article 226-4 du Code pénal, dès lors qu’au moment où le prévenu y pénètre contre le gré de son possesseur, ce local est utilisé ou à vocation à l’être, par une personne privée, à quelque destination que ce soit ; que, par suite, même en l’absence de locataire effectif dans les lieux au moment de l’effraction, le[propriétaire] était en droit de s’y considérer comme chez elle, et d’y pénétrer à quelque moment, ne serait-ce que pour qu’il soit procédé à des visites, à des travaux ou activités diverses, de sorte que ce local constituait bien, au moment des faits, un domicile »
  • Exemple 2  (Cass chambre criminelle  du 8 février 2024 n° 92-83.151.) où la cour a jugé que le fait de venir sur une terrasse constituant une dépendance du domicile était également considéré comme une violation de domicile.
  • Exemple 3 : A l’inverse, elle indique qu’un terrain (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 octobre 2006, 06-80.680) ne peut pas constituer un domicile
  • Exemple 4 : De même dans son jugement du 28 février2001 (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 février 2001, 00-83.686), elle ne reconnait pas le caractère de domicile à un bien immobilier au prétexte que les nouveaux acquéreurs de ce bien n’avaient jamais occupé eux même les lieux, qui restaient occupés par les anciens locataires qui s’y étaient réinstallés le lendemain de leur expulsion.

L’article 226-4 du code pénal incrimine le fait, or les cas où la loi le permet, de s’introduire dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, d’une part, ou de s’y maintenir à la suite d’une telle introduction, d’autre part. (Note : nous verrons plus loin, dans cet article, ces cas autorisés par la loi)

La présence de meuble pourrait être considéré comme un indice supplémentaire du domicile. Il faut ici, à notre avis, entendre la notion de meuble,  au sens de l’art 534 du code civil, c’est-à-dire des meubles meublant comme les « les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements » . Ainsi un vélo, des livres,… ne constituent pas, selon nous, des meubles pouvant permettre de caractériser un domicile.

Note importante : dans le cas d’une séparation, si l’ordonnance de non-conciliation a été prononcée ou si un jugement de séparation a été prononcé ou encore, en cas de violence conjugale, si une ordonnance de de protection a été obtenue et que ces ordonnances ou jugements attribuent le domicile à l’un des conjoints, (ou partenaires ou concubins également en cas d’ordonnances de protection), alors le fait, pour l’autre, de se rendre dans l’ancien domicile commun sans l’accord de l’attributaire, constitue une violation de domicile.

1.1 La violation de domicile

Le préambule à la constitution Française du 4/10/1958 réaffirme solennellement, par un renvoi au préambule à la constitution du 27/10/1946, les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Concernant le domicile, cette déclaration rappelle dans son article 17 que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »

Concomitamment, La charte des droits fondamentaux de l’union Européenne protège également le domicile notamment dans ses articles 7 « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. ») et 17 : « Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte »

Cependant, en droit interne français, si la protection du droit de propriété est clairement affirmé dans la constitution de 58, le respect et l’inviolabilité du domicile ne l’est pas aussi clairement. Enfin, ce n’est pas aussi explicitement exprimé que dans les constitutions antérieures. Notamment celle du 22 frimaire an VIII : qui indiquait dans son article 76 que « La maison de toute personne habitant le territoire français, est un asile inviolable. – Pendant la nuit, nul n’a le droit d’y entrer que dans le cas d’incendie, d’inondation, ou de réclamation faite de l’intérieur de la maison. -Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé ou par une loi, ou par un ordre émané d’une autorité publique »

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a reconnu expressément la valeur constitutionnelle de l’inviolabilité du domicile dans ses décisions du 29 décembre 1983 (n° 83-164 DC). et du 16 juillet 1996 (n° 96-377 DC)

Pour caractériser un violation de domicile, il faut, comme mentionné au paragraphe précédent, que le local soit, tout d’abord,  considéré comme un « domicile ».

Il faut ensuite que les personnes s’y soient introduit à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

La circulaire du Garde des sceaux de novembre 2023 indique à ce titre que

  • Les manœuvres recouvrent tout procédé astucieux ou ruse mis en œuvre pour favoriser l’entrée dans le domicile (exemple : se faire passer pour un agent EDF devant contrôler un compteur, un démarcheur, un livreur, prétexter la recherche de son animal de compagnie qui se serait introduit dans la propriété,..)
  • Les menaces peuvent être caractérisées par des comportements inquiétants ou des paroles d’une personne prête à accomplir des actes de violence.
  • La voie de fait recouvre tout acte de violence à l’encontre des biens ou des personnes. Constituent également une voie de fait le fait d’enlever une partie de la toiture, de défoncer au moyen d’une masse la porte d’entrée, ou de passer par une fenêtre laissée ouverte.
  • La violence contre les choses peut consister dans l’escalade d’un mur, d’une terrasse, d’un portail bas et en mauvais état, le forçage d’une serrure, le bris d’un carreau ou d’une vitre ou le descellement des barreaux d’une fenêtre.

Ainsi, l’existence d’une introduction illicite n’a pu être retenue lorsque la porte d’un local violé n’était pas fermée à clés. En effet il n’y avait eu ni ruse, ni menace, ni voie de fait contre les personnes ou les biens, ni violence…

Il faut également rappeler l’art 1301 du code civil, qui tempère cette notion de violation dans des cas bien particuliers. Cet article traite de la « Gestion d’affaire » et permet entre autres, à chacun de pénétrer dans le domicile d’autrui dans le but de préserver ce dernier d’un péril imminent en l’absence de son propriétaire ou si ce dernier est inconscient. On peut citer par exemple l’introduction dans le domicile d’autrui pour venir en aide à une personne inconsciente, pour éteindre un incendie, pour faire des travaux urgent afin d’arrêter une fuite d’eau, etc….

1.2  Prescription

Le délai de prescription pour violation de domicile est en générale de 6 ans. Cependant si la violation de domicile est suivie de viol, d’un meurtre ou d’autres circonstances aggravantes, elle devient un crime et la période pour déposer plainte est alors portée à 20 ans. Les circonstances aggravantes sont précisées aux article 311-4 à 311-11 du code pénal. On peut citer

  • Le fait de commettre un vol à plusieurs,
  • Lorsque l’infraction est commise par une personne qui est détentrice de l’autorité publique ou prend indûment avoir la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique
  • Lorsque qu’un vol est accompagné ou suivi de violences ou porte sur du matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours,
  • Lorsque le vol est facilité par l’état d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur
  • Lorsque l’infraction est commise avec usage ou menace d’une arme.

1.3 L’absence de violation de domicile

Comme mentionné au dernier alinéa du paragraphe 1.1, la gestion d’affaire est l’un des cas, où l’on peut intervenir dans le domicile d’autrui sans que cela puisse être qualifié de violation de domicile.

Un officier de police judiciaire peut également, dans le cadre d’une procédure de flagrant délit (prévue à l’art 53 du code de procédure pénale), se rendre au domicile des personnes qui paraissent avoir participé au crime pour y procéder à une perquisition (art 56 du Code de procédure pénale). Cette perquisition ne peut se faire qu’en présence de la personne incriminée ou à défaut en présence d’un représentant désignée par elle ou à défaut de 2 témoins ne dépendant pas de l’autorité judiciaire.

De plus, l’article 59 du même code précise que « Sauf réclamation faite de l’intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures. »

Mais quelles sont les autres cas prévus par la loi que mentionnent les article 226-4 du code pénal.

Il peut s’agir

  • Des cas déjà mentionnés :
    • Gestion d’affaire
    • Procédure de flagrant délit
  • Des procédures d’exécution forcées, faites suites à des titres exécutoires.
    • Les titres exécutoires sont (art L111-3 du code des procédures civiles d’exécution)
      • Les décisions judiciaires ou administratives lorsqu’elles ont acquis leur caractère exécutoire (délais, enregistrement,)
      • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution,
      • Des extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties,
      • Des actes notariés revêtus de la formule exécutoire,
      • Des accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce ou à leur séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire
      • Des titres délivrés par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur.
    • Seuls peuvent procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice
    • Comme pour les cas de flagrant délits, l’intervention ne peut intervenir qu’à certaines heures. En effet l’art L141-1 du code de procédure civile d’exécution précise que « Aucune mesure d’exécution ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié, si ce n’est en vertu d’une autorisation du juge en cas de nécessité. Aucune mesure d’exécution ne peut être commencée avant six heures et après vingt et une heures si ce n’est en vertu d’une autorisation du juge en cas de nécessité et seulement dans les lieux qui ne servent pas à l’habitation »*
    • De plus l’huissier ne peut pénétrer dans les locaux qu’avec l’accord de la personne ou sinon, uniquement (art L141-2 du même code) « en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution »
  • Des intervention d’ouvriers mandatés pour des travaux décidés en Assemblée générale de copropriété (article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)
    • Pour cela l’habitant ou le propriétaire doit avoir été informé par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), au moins 8 jours à l’avance, de la date de réalisation des travaux, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens
  • Des interventions des agents de la force publique chargés de l’exécution d’un mandat d’amener, d’arrêt et de recherche ou d’une demande d’extradition ou d’un mandat d’arrêt européen (art L134 du code de procédure pénale).
    • Comme précédemment, l’agent ne peut pas s’introduire dans le domicile d’un citoyen avant 6 heures ni après 21 heures.
  • Des interventions des agents de la force publique sans mandat mais dans ce cas uniquement avec l’assentiment express et écrit de la personne chez laquelle l’opération a lieu,
  • Des interventions des agents de la force publique avec autorisation, écrite et motivée, du juge des libertés et de la détention, et ce uniquement si l’enquête est relative à un crime ou à un délit qui est puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal le justifie. (art 76 du code de procédure pénale).
    • Il s’agit des biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre ou de ceux qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction. Il peut aussi s’agir, lorsque la loi le prévoit de tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
  • Des visites domiciliaires des agents de l’administration fiscale, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, dans le cadre de la recherche la preuve d’une fraude fiscale (art 16B du Livre des procédures fiscales)
    • Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter,
    • Le juge désigne le chef du service qui nomme l’officier de police judiciaire chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement
    • La visite, ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures.
    • Elle est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l’administration des impôts
  • Des agents assermentés de l’Agence régionale de santé (ARS) dans le cadre d’opérations de contrôles prévues aux articles  1421-1 et 1435-7 du code de santé publique
    • Entre 6h et 21h
    • Soit avec l’autorisation de l’occupant du local d’habitation soit sinon avec une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
  • Des visites du maire ou du représentant de l’état dans le département (dans ce dernier cas uniquement pour l’insalubrité mentionné au 4e du l’art 511-2 du code de la construction et de l’habitation) ,en vue de protéger la sécurité et la santé des personnes relativement aux situation suivantes :
    • Risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants ou des tiers
    • Le fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation
    • L’entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu’il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers
    • L’insalubrité, telle qu’elle est définie aux articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du code de la santé publique. C’est dire des locaux présentant un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes. Sont déclarés insalubres :
      • Les locaux avec présence de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils et aux conditions mentionnés à l’article L. 1334-2
      • les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante,
      • les pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ou dépourvues d’éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë,
      • les locaux par nature impropres à l’habitation,
      • locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation
    • Art (511-7) du CCH : « Lorsque les lieux sont à usage total ou partiel d’habitation, les visites ne peuvent être effectuées qu’entre 6 heures et 21 heures. L’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux est nécessaire lorsque l’occupant s’oppose à la visite ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès aux lieux ne peut pas être atteinte »

1.3.1      Protection des abus

Or les cas mentionnés au paragraphe précédent, l’art 432-8 du code pénal protège l’inviolabilité du domicile en punissant de 2 ans de prison et de 30 000e d’amende toute personne « dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, qui s’introduire ou tente de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci ».

Quoi de neuf ?

2 Les Nouveauté de la loi « Anti Squat »

Cette loi étend la notion de squat par un nouvel article 315-1 qui est ajouté au code pénal.

Le squat concerne dorénavant également les locaux à usage commercial, agricole ou professionnel. Il étend également la notion d’habitation prévu à l’article 226-4 du même code, car il n’exige pas que le local d’habitation contienne des meubles.

Si, comme nous l’avons mentionné au §1, les locaux non meublés et ceux à autre destination que l’habitation, semblaient ne pas pouvoir être considérés comme pouvant être le domicile d’une personne, cet article 315-1 permet donc de réprimer une atteinte aux biens qui ne sont ni des domiciles principaux ni des résidences secondaire. Ainsi un propriétaire non occupant,(un bailleur par exemple), s’il ne peut se prétendre victime d’une violation de domicile, peut en maintenant se déclarer victime de l’occupation frauduleuse des locaux qui lui appartiennent. Il en va de même pour le propriétaire d’un local commercial, d’un entrepôt ou d’un bureau,…

Il est même possible d’envisager qu’un locataire élisant son domicile dans le local loué et son propriétaire puissent, pour l’un au titre du 226-4, et pour le second au titre du 315-1, se porter ensemble partie civile en cas d’occupation illicite par une tierce personne du local loué.

La loi « anti Squat » augmente les peines encourues :

  • L’article 226-4 du code pénal prévoit maintenant une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000e d’amende au lieu d’un an et 15 000e précédemment en cas de squat.
  • Elle triple également les peines prévues à l’article 316-6-1 du code pénal qui réprime la mise à disposition illégale d’un bien appartenant à autrui en les passant également à 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amendes. Il peut par exemple s’agir du cas d’une agence immobilière ayant en charge la location d’un appartement et qui le loue sans en prévenir le propriétaire en s’accaparant ainsi la totalité des loyers ou du cas d’une sous location illicite.

Comme mentionné précédemment, la loi étend également la notion de domicile à « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non » faisant ainsi rentrer les résidences secondaires, occupées ou non, dans le cadre du délit de squat.

Elle crée à l’article 226-4-2-1 du code pénal un nouveau délit visant à réprimer la propagande ou la publicité de méthode visant à faciliter ou inciter à commettre des actions de squat. Sont ici visées, bien que le gouvernement s’en défende, les associations qui encourageaient l’occupation des locaux non occupées dans les grandes villes. Sont également viser les sites ou autres médias indiquant comment forcer une serrure ou fournissant des conseils en vue de pérenniser l’installation dans un squat.

Elle crée également un nouveau délit, qui nous parait plus anecdotique, tellement il y a de conditions d’application, faisant encourir une amende de 7 500€ à un locataire qui se maintiendrait plus de 2 mois dans un local

  • en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux
  • sauf en période de trêve hivernale (du 1 Novembre au 31 Mars)
  • sauf si le logement appartient à un bailleur social ou à un établissement publique
  • sauf si le locataire s’est vu octroyer des délais supplémentaires par le juge pour se reloger

Plus prosaïquement la loi modifie les articles 412-6 du code des procédures civiles relatives à la période hivernale et 412-3 du même code relatives aux délais accordé par le juges pour permettre au locataire de se reloger, en excluant de leur domaine d’application les introductions sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. En d’autres termes les squatters ne bénéficieront plus de la trêve hivernale ni du bénéfice de délais supplémentaires pour trouver un autre logement.

Elle modifie également l’article 38 de la loi 2007-290 du 5 Mars 2007, instituant un droit opposable au logement ; en permettant les mesures d’expulsion par le préfet aux squat dans tous les locaux d’habitation après que le propriétaire ou son ayant droit ait déposé plainte, et fait la preuve que le logement constitue son domicile ou simplement sa propriété et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, par le maire ou par un commissaire de justice. Le préfet conserve cependant toujours le droit de ne pas engager la mise en demeure de quitter les lieux en motivant sa décision par un motif « impérieux d’intérêt général ». Pourront notamment être mis en avant à ce titre, des motifs liés à l’ordre public, à la sécurité publique et la santé publique, au maintien des objectifs de politique sociale.

La loi ajoute également l’obligation d’ajouter une clause résolutoire dans tous les contrats de location signés après le 29/07/2023 prévoyant « la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ». Elle réduit le délai de remboursement de la dette à 6 semaines au lieu de 2 mois. Elle précise que les dettes supérieures à 2 mois de loyer doivent être signaler, à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions, par l’huissier chargé de la mise en demeure de payer,

3 Que faire en cas d’abandon du domicile par le locataire

C’est dans ce cas, à l’article 14 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 qu’il faut se référer. Il indique qu’:« en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :

  • au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ;
  • au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
  • au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
  • au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.

Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :

  • au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ;[c’est-à-dire s’il n’est pas déjà co-titulaire du bail]
  • aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
  • au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
  • aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier. »

Mais que se passe-t-il si tous les éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants ?

C’est cette fois l’article 14-1 de la même loi, dans sa version du 27/07/2023 qui précise la procédure à suivre pour ne pas risquer d’être attaqué pour violation de domicile. Elle renvoie au décret 2011-945 du 10/08/2011 pour le détail de la procédure.

Le propriétaire doit effectuer une mise en demeure, au locataire, par commissaire de justice, de justifier de son occupation du logement.

Si après 1 mois, il n’y a eu aucune réponse, le commissaire de justice peut dans le cadre des procédures d’exécution forcées mentionnées au §1.3 constaté l’abandon du logement.

Une requête doit alors être faite auprès du greffe du tribunal judiciaire dont dépend le logement, accompagnée du procès-verbal de l’huissier constatant l’abandon.

Le juge des contentieux de la protection peut alors constater la résiliation du bail et ordonner la reprise des lieux.

Son ordonnance doit être signifiée par huissier au dernier domicile connu du locataire dans les 2 mois à compter de son prononcé. Cette signification doit obligatoirement informer le locataire de la manière dont il peut contester l’ordonnance du juge. Le défaut de signification rend l’ordonnance caduque.

Lorsque l’inventaire contenu dans le procès-verbal de l’huissier de justice fait état de biens laissés sur place, le juge statue sur leur sort.

Le locataire peut contester la résiliation du bail dans le délai d’1 mois à compter de la signification par l’huissier.

Lorsque le délai d’opposition d’1 mois est expiré, l’Ordonnance devient définitive. L’huissier dresse alors un procès-verbal de reprise des lieux. C’est uniquement à partir de ce moment que le propriétaire-bailleur peut retrouver son logement et le relouer.

Si, à l’inverse, le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le bailleur sauf, pour celui-ci, à procéder selon les voies de droit commun mentionnées au chapitre suivant.

4 La procédure classique de récupération du logement

Cette procédure est régie par l’article 15 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 et permet au bailleur de donner congés à son locataire soit pour reprendre ou vendre l’appartement soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant comme le paiement des loyers.

Cet article 15 peut être invoqué par

  • les bailleurs personnes physique,
  • les bailleurs *, société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus,
  • Par tout membre d’une indivision qui a donné le bien en location

Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.

Mais comme nous le verrons ci-dessous, la procédure n’est pas un long fleuve tranquille et dépend du motif du congé.

4.1 La reprise

La reprise ne peut être faite que pour le bailleur lui-même, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Si le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, la reprise peut également être faite au profit de l’un des associés.

Si le locataire était déjà présent au moment de l’acquisition du bien et que le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur ne peut intervenir qu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la date d’acquisition.

4.2 La vente

Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis et le locataire peut donc ainsi préempter le logement.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Le locataire peut de nouveau décider d’acquérir le biens à ces nouvelles conditions.

De manière générale, le congé pour vente ne peut intervenir qu’au terme du contrat de location en cours.

Si le locataire était déjà présent au moment de l’acquisition du logement, et que le terme du contrat de location intervient moins de 3 ans après l’acquisition, le congé pour vente ne peut être donné qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours.

4.3 Le NON-PAIEMENT des loyers

La procédure en cas de non-paiement s‘apparente pour le propriétaire à un parcourt du combattant et va s’étaler sur plusieurs mois.

Elle est explicitée en détail sur le site du service publique à l’adresse : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31272.

Comme nous le verrons ci-dessous, même avec une décision de justice en faveur du propriétaire, il est possible que le locataire reste dans les lieux, si le préfet refuse de prêter son concours à l’expulsion. Certes, la loi anti squat, prévoit dans ce cas une amende de 7 500€ mais c’est l’état qui, éventuellement, la percevra et non le propriétaire.

Pour la suite de ce paragraphe, la date de l’impayé est le lendemain de la date d’exigibilité du loyer indiqué dans le bail.

En résumé, en cas de loyers impayés, vous devez :

  • 1) Faire un courrier simple demandant la régularisation du loyer dans le mois de la date de l’impayé (un SMS ou un mail peut aussi convenir)
  • 2) Sans retour du locataire, le mettre en demeure, dans le mois suivant la date d’exigibilité, par LRAR, de payer les loyers impayés sous 8 jours
  • 3) En cas de non-paiement, activer la caution du locataire ou l’assurance loyer impayé dans les 60j de l’impayé (ces délais sont importants si vous êtes passé pas la garantie Visale d’Action Logement) et il est important qu’à minima, deux relances au locataire aient été effectuées (cf fiche « déclaration de l’impayé » sur le site de la garantie Visale.
  • 4) Lorsque le locataire bénéficie d’une aide au logement (APL, ALF, ALS), vous devez en plus signaler l’impayé à la Caf (ou la MSA),
  • 5.1) Pour les baux sans clause résolutoire
    • Vous devez saisir le juge des contentieux de la protection dont dépend le logement, pour demander le paiement de la dette et des frais de justice, la résiliation du bail, l’expulsion du locataire et la fixation du montant d’une indemnité d’occupation.
    • Le juge détermine ensuite s’il y a lieu de résilier le bail et procéder à l’expulsion du locataire ou s’il est possible de mettre en place un échéancier de remboursement
    • Si le juge a ordonné la résiliation du bail, ou si le locataire ne respecte pas l’échéancier de remboursement déterminé par le juge, vous devez alors demander à un commissaire de justice de signifier au locataire la décision du juge au locataire et de lui délivrer un commandement à quitter les lieux
    • le locataire a alors 2 mois pour quitter le logement (mais le juge peut avoir réduit ou supprimé ce délai au locataire de mauvaise volonté). Durant le délai qui lui est accordé pour quitte le logement, le locataire peut saisir le juge de l’exécution pour lui demander un délai supplémentaire (ou délai de grâce). Ce délai supplémentaire peut aller d’un mois à 1 an maximum. Le juge prend sa décision en tenant compte de la situation du locataire (âge, état de santé…) et de sa bonne volonté.
      • Note 1 : Dès que le bail est résilié, le locataire devient occupant sans droit ni titre, à qui vous facturez une indemnité d’occupation et non plus un loyer. Son montant est fixé par le juge qui décide de résilier le bail.
      • Note 2 : Si le locataire a déposé un dossier de surendettement, la commission de surendettement peut, dès que le dossier de surendettement est déclaré recevable, saisir le tribunal judiciaire pour que le juge suspende provisoirement les mesures d’expulsion.
    • À l’issue du délai laissé au locataire pour quitter le logement, vous devez charger un commissaire de justice de procéder à l’expulsion du locataire (
      • Attention   Seul un commissaire de justice peut se charger de l’expulsion du locataire :
      • Vous ne devez pas entrer dans le logement avant l’intervention du commissaire de justice, ni faire changer la serrure, ni toucher aux meubles. Dans le cas contraire, vous risquez d’être poursuivi pour violation de domicile.
      • Si vous faites l’expulsion par vous-même, vous risquez jusqu’à 3 ans de prison et 30 000 € d’amende.
  • 5.2) Pour les baux avec clause résolutoire
    • Vous devez charger un commissaire de justice de faire parvenir au locataire puis à sa caution un commandement à payer
    • Le locataire a alors 6 semaine pour payer sa dette. S’il ne le fait pas vous devez saisir le juge des contentieux et de la protection en lui demandant de condamner le locataire à payer sa dette et les frais de justice, de constater que le bail est résilié, d’ordonner l’expulsion du locataire et de fixer le montant d’une indemnité d’occupation.
    • L’audience a lieu au moins 6 semaines après que le locataire a reçu l’assignation
    • La suite de la procédure est alors la même qu’au point 5.1.

Si le locataire refuse de quitter le logement, l’huissier doit alors avoir recourt au représentant de l’état dans le département (généralement le préfet). Si ce dernier accepte de prêter son concours, l’huissier peut alors procéder de force à l’expulsion accompagné d’un serrurier et de la police ou la gendarmerie.

Mais il est également possible que le représentant de l’état refuse de procéder à l’expulsion. Dans ce cas un indemnisation devrait être dû au propriétaire conformément à l’article 153-1 du code des procédures civiles d’exécution. Mais à notre connaissance, en date du mois d’Aout 2024, le décret précisant le montant ou le mode de calcul de cette indemnisation n’a toujours pas été promulgué.

Enfin Lorsque le locataire a une solution de relogement, l’expulsion peut avoir lieu tout au long de l’année, dès que le délai pour quitter le logement est dépassé. Mais s’il n’a pas de solution de relogement, l’expulsion n’est pas possible durant la trêve hivernale (du 1ier novembre au 31 mars (inclus) de l’année suivante). Si le terme du délai pour quitter le logement intervient durant cette période, l’expulsion est reportée

4.4      Le cas des personnes âgées

Si le locataire a plus de 65 ans, ou s’il héberge une personne de plus de 65 ans et si ses ressources (ou les ressources cumulées du locataire et de la personne âgée hébergée) sont inférieures en 2024, pour une personne seule, à 26 044 € à Paris ile de France et 22 642 € en province ou pour un couple à 38 925e à Paris et région parisienne et 30 238e en province, alors il doit lui être proposé un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi du 01/09/1948 c’est-à-dire selon la localisation dans l’arrondissement, le canton ou la communes ou les arrondissements, cantons ou communes limitrophes de son lieu actuel d’habitation (rayon de 5 km)

Cependant si le bailleur est lui-même une personne répondant à une des condition du précédant alinéa (âge ou ressources) alors il n’est pas tenu de reloger le locataire.

De plus, la Cour de cassation (3e chambre civile, 15 octobre 2014 décision 13-16.990)jugé que la règle de protection du locataire âgé ne s’applique pas en cas de résiliation judiciaire du bail pour manquement du locataire à ses obligations, quelle que soit la faute commise (impayés de loyers, défaut d’assurance, sous-location…). Le propriétaire pourra donc mettre en œuvre la procédure de non-paiement des loyers mentionnées au §4.3 mais il risquera probablement de faire face à un refus du préfet de prêter son concours à l’expulsion par le commissaire de justice, en cas du refus du locataire âgé de quitter les lieux. En effet les préfets sont tenus de reloger les demandeurs reconnus prioritaires.

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, 0 commentaire
TRANSMETTRE LE PATRIMOINE DES SENIORS

TRANSMETTRE LE PATRIMOINE DES SENIORS

1 Introduction

Comme mentionné à l’article « Protéger le cadre de vie des séniors, au point 4.2 » la transmission peut parfois se faire à titre onéreux, c’est-à-dire en vendant un bien à ses héritiers en pleine ou en nue propriété.. Mais dans la très grande majorités des cas, la transmission se fera via une libéralité.

Les libéralités sont définies à l’art 893 du code civil, comme pouvant être une donation entre vif ou un testament.

Mais avant de proposer la mise en place d’une libéralité, le conseiller doit être au fait de la dynamique familiale.

 Nous commencerons donc par étudier les notions psychologiques de la transmission avant de définir et présenter les différentes libéralités.

Nous aborderont au deux derniers chapitres, la protection du conjoint survivant et du disposant lui même.

2 Dettes et loyauté

Dans nos sociétés latines, il y a cette conviction qu’il faut laisser quelques choses à nos enfants.

Les statistiques indiquent qu’il y a aujourd’hui 17% de « Tanguy », et à l’inverse 17% des cas où se sont les enfants qui doivent payer pour leurs parents. Et comme un « Tanguy » ne suffit pas, dans 7% des cas « Tanguy » apporte avec lui son enfant.

Un fois passé la cinquantaine, nous avons donc de forte de chance de devoir aider nos parents ou nos enfants voire nos petits-enfants.

La première succession reçue est passée statistiquement de 55 ans dans les années 70 à 67 ans en 2024. Il existera donc une période de plus en plus longue durant laquelle nous pourrons être appelé à aider nos ascendants et nos descendants.

Le cout d’une EHPAD de base est de 1 100e/mois sans les soins. Le 4e âge est donc en train de « siphonner » son capital et parfois celui de ses enfants seniors. Il y a donc un sentiment d’être pressurisé par les séniors. De plus comme l’espérance de vie augmente ce sentiment risque d’être exacerbé dans le futur.

Il y a des biais

  • Cognitifs (le monde a changé mais pas nous, on prend donc des décisions sur des facteurs qui ne sont plus pertinents)
  • Et émotionnel (frustration d’enfance, sentiment de devoir quelques choses,…).

 Toute décision est donc irrationnelle.

Il peut aussi y avoir des basculement des besoins. Par exemple dans une famille recomposée, l’arrivée d’un petit dernier ayant une forte différence d’âge avec les premiers enfants créera un besoin de ressources pour ses études alors que l’un des parents sera peut-être déjà à la retraite. Il consommera donc des ressources que les enfant du premiers lits ne capteront pas.

Le conseiller donc prendre en compte tous ces aspects émotionnels

On dit que le « bébé est surendetté »…., enfin c’est ce que croit son cerveau. En effet, il a reçu la vie, la nourriture, l’hébergement le blanchiment l’amour de ses parents. Il y a pour sa calculette interne une importante différence entre ce qu’il a reçu, et ce que lui a donné, et donc un sentiment de dette envers ses parents. Cela crée une notion de dépendance tant que le cerveaux n’a pas l’impression soit d’avoir payé sa dette soit de s’en être détaché. C’est le rôle des parents d’inculquer à chacun de leurs enfants qu’il est unique et maitre de son destin afin qu’il puisse parvenir à se libérer de cette notion de dette.

L’arrivée du 2nd enfant entraine pour l’ainé le sentiment de perte car il va devoir partager ses parents, ses jouets, sa chambre, etc….C’est sa première expérience de dépossession.

La pratique montre qu’il n’y a en conséquence que très peu de loyauté entre frères et sœurs. Tout dépendra de ce qu’ils vivront ensemble. On entend souvent au moment des partage des phrases du type « Je ne dois rien à mon frère ou à ma sœur. On appartient au même clan ou à la même famille mais c’est tout ».

Équité n’est pas égalité. On peut donner un peu plus à l’un qui a plus de besoins qu’à l’autre.

Exemple : Un père à 3 enfants de tailles différentes qu’il emmène voir un match de foot. La barrière en bordure de terrain est trop haute pour que ses enfants puissent voir le match. Doit-il être égalitaire en leur fournissant la même caisse à tous pour qu’ils montent dessus (de ce fait le grand verra parfaitement, le moyen un peu et le plus petit pas du tout) ou équitable en fournissant une petite caisse au grand, une moyenne au second et une grande au petit ?

La justice perçue ce n’est pas d’avoir la même quantité mais c’est aussi la façon dont cette quantité est donnée (servi en premier ou non, avec le sourire ou désinvolture, etc…)

Exemple réel : Le défunt possédait 2 vases Ming identiques qu’il légua à ses 2 enfants. Aucun n’est content car le premier a reçu celui qui était dans le bureau du père et qui a été soumis à la poussière et a pu recevoir des coups, le second hérite de celui qui est dans un coffre-fort mais il n’est pas content non plus car ce vase n’a pas été aux côtés de son père et regardé par lui, et a donc à ces yeux moins de valeur sentimentale que l’autre.

On conseillera donc toujours, dans un testament, de prévoir un préambule qui explique la décision (les comptes se (Ra)content). Les éventuelles rancœurs des ayants droits seront dirigées vers les parents et pas entre eux.

Dans le couple, la culture des deux partenaires est souvent différente et le rapport à l’argent aussi (l’un veut épargner, l’autre profiter, l’un est fidèle aux biens familiaux, l’autre n’y voit que de nouveaux moyens pour le couple, l’un est solidaire de ses parents l’autre non ou pense uniquement aux siens,). Les intérêts de l’un peuvent également provoquer des comportements particuliers

Exemple vécu : Madame impose, à son nouveau mari, tous les ans plusieurs voyages dispendieux alors que celui-ci préférerait passer du temps avec ses enfants. Qu’elle en était la raison ?  Madame anticipait un futur divorce. Elle augmentait ainsi son train de vie en estimant qu’en cas de divorce son nouveau mari-devrait lui verser une prestation plus conséquente afin de maintenir ce niveau de vie au détriment de ce qui restera à ses premiers enfants.

Rappel : Le taux de divorce le plus fort est atteint dans les 2 à 3 ans qui suivent la retraite.

La transmission peut être :

  • Une façon de protéger le patrimoine familiale (le bien de la famille qui doit rester coute que coute dans la famille)
  • Un moyen de maintenir l’unité de la fratrie
  • Un moyen d’aider les nouvelles générations
  • Un moyen de reconnaitre l’implication d’un enfant à son égard

Ce n’est pas véritablement un acte gratuit car derrière se cachent souvent des attentes et des désirs.

3. Les libéralités

La « libéralité » est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. (art 893 du code civil)

Pour être valide, une libéralité ne doit pas contenir de conditions ou de charges qui soient contraires aux lois ou aux mœurs. De telles clauses ne conduiraient pas à la nullité de la libéralité mais seraient réputées non écrites.

Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime.

Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige. (art 900-1 du cc). Pour aller plus loin, l’art 900-8 précise même qu’ « Est réputée non écrite toute clause par laquelle le disposant prive de la libéralité celui qui mettrait en cause la validité d’une clause d’inaliénabilité ou demanderait l’autorisation d’aliéner »

Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.

3.1 Qui peut transmettre ?

Toute personne peut disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celle que la loi en déclare incapable.

Pour ces dernières il s’agit :

  • Des mineurs non émancipés (sauf pour les testaments rédigés par des mineurs d’au moins 16 ans pour au maximum la moitié de la quotité disponible en cas général ou comme un majeur pour un nombre limité de personnes (la famille jusqu’’au 6e degré) en cas de conflit armé art 904 du cc)
  • Des personnes sous mesures de protections judiciaires (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle)
    • Pour les donations
      • Sous le régime de la sauvegarde de justice, le majeur protégé peut consentir, seul, à une donation mais cette dernière est susceptible de réduction pour excès (art 435 du cc)
      • Sous le régime de curatelle, le majeur protégé peut consentir à une donation avec l’assistance de son curateur (art 470 du cc al 1)
      • Sous le régime de la tutelle, le majeur protégé doit être assisté ou représenté (, ce qui constitue une des rares exception aux actes d’aliénation à titre gratuit que peut faire le tuteur en représentation cf art 509) après autorisation du juge des tutelles
    • Elles peuvent faire des testaments seules en curatelle ou après autorisation du tuteur ou du conseil de famille en tutelle. Il est important de noter qu’aussi bien en curatelle qu’en tutelle après autorisation, la personne protégée doit rédiger seule son testament sans l’assistance de son curateur ou la représentation de son tuteur.
  • Des personnes sous habilitation familiale. Dans ce cas, la personne habilitée ne peut accomplir pour la personne protégée une libéralité qu’avec l’autorisation du juge des tutelles (art 494-6 al4). Cependant elle peut assister la personne protéger lors d’une donation sans cette fois avoir besoin de l’autorisation du juge
  • Sous mandat de protection futur, le mandant ne peut consentir à une libéralité que s’il est représenté par le mandataire et uniquement après autorisation du juge des tutelles (art 490 pour le mandat authentique, art 493 pour mandant sous seing privé)

3.2 Qui peut recevoir ?

Pour recevoir il faut:

  • Être en vie ou au moins conçu (et naitre viable) au moment de la donation (sauf cas des donations graduelles et résiduelles et des donations faites aux enfants à naitre dans un contrat de mariage : (art 1082 du cc)
  • Être capable de recevoir (sont exclues les même personne que pour la capacité de donner c’est-à-dire, les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle ou curatelle ainsi qu’en cas d’habilitation familiale. Voir plus loin dans ce chapitre pour les conditions d’acceptations des personnes vulnérables)

D’autres personnes ne peuvent pas recevoir une libéralité. Il s’agit

  • Art 907 du cc : du tuteur d’un enfant mineur (même de plus de 16 ans) tant que le compte de tutelle n’a pas été rendu et apuré
  • Art 909du cc :
    • Les membres des professions médicale, pharmacien et autres auxiliaires de santé qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt (si la libéralité a été faite pendant cette maladie. Les libéralités antérieures restent valables)
    • Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (que ce soient des personnes physiques ou morales), qui protège la personne ayant fait une libéralité qu’elle que soit la date de cette dernière
    • Les ministres du cultes ayant été au chevet de la personne
    • Ne sont pas concernées par ces règles les personnes qui occupant l’un de ces rôles sont aussi un parent proche de la personne ayant fait la libéralité (jusqu’au 4e degré de parenté) à la condition que cette personne n’ait pas d’héritiers en ligne directe ou que le recevant soit l’un de ses héritiers.
    • IMPORTANT : Par extension, la cour de cassation applique l’article 909 du cc aux bénéfice des assurance vie.
  • L’art 911 du cc étend également l’interdiction de recevoir à toute personne physique ou morale interposée en vue de dissimuler la donation à l’une des personnes visées par l’art 909.  Les personnes physiques interposées sont sauf preuve du contraire Les pères, mères, descendants et époux de la personne appelée à recevoir. Ne sont pas cités les partenaires de PACS et les concubins notoires. A ma connaissance aucune décision n’a été rendu pour étendre l’application du 911 à ces personnes, mais l’insécurité juridique relative à une libéralité faits à ces personnes pour dissimuler celle à l’une des personnes visée par l’art 909 me parait de nature à prohiber de telle dispositions.
  • Ce même article 911, rend nulle toute libéralité directe ou déguisée (mais ne mentionne pas les libéralité indirectes) faites à une personne incapable de recevoir
  • L’art 116-4 du CASF interdit également aux gérants, salariés et bénévoles d’ EHPAD  de recevoir dans les mêmes conditions qu’aux art 909 et 911 du code civil de libéralité de leur pensionnaires ainsi qu’aux accueillant familiaux (en ajoutant cette fois les partenaires de PACS , les ascendant et les concubin à la listes des personnes considérées comme interposées.

Attention au vocabulaire

En droit des succession la notion de charge englobe les clauses que nous verrons plus loin comme l’inaliénabilité, les libéralité graduelles, résiduelles, etc…

En droit des personnes vulnérable, la charge est celle qui impose au bénéficiaire de s’acquitter d’une dette

Exemple : l’acception d’une donation avec une clause d’aliénation (charge en droit des successions) est un acte d’administration alors que l’acceptation d’une donation avec une clause de rente viagère (charge en droit des succession et des personnes vulnérables) est un acte de disposition

Ainsi :

  • Si le donataire est placé sous sauvegarde de justice, il peut recevoir une donation qu’elle soit au non assortie d’une charge sauf si le juge a désigné un mandataire spécial (art 435 cc)
  • Si le gratifié est sous curatelle, il peut accepter seule un donation si elle n’a pas de charge au sens des personnes vulnérables et assisté de son curateur dans le cas contraire
    • Le curalélaire peut accepter seul une succession à concurrence de l’actif net et doit être assister de son curateur pour une acceptation pure et simple ou une renonciation à la succession.
  • Si le donataire ou héritier est sous tutelle, si la libéralité ne comporte aucune charge, il peut être représenté par son tuteur pour la recevoir, dans le cas contraire, il faut l’accord du juge des tutelles avant qu’il puisse être représenté par son tuteur
    • Le tuteur peut aussi accepter seule une succession à concurrence de l’actif net ou si l’actif de succession est manifestement supérieur au montant des dettes
    • Pour renoncer à une succession, le tuteur doit obtenir l’accord du juge
  • Si le gratifié est sous habilitation familiale
    • En représentation, l’habilité peut accepter la donation avec ou sens charge (sauf s’il en est le bénéficiaire). Il peut accepter seul les successions à concurrence de l’actif net et avec l’autorisation du juge les acceptation pure et simple ou renonciation.
    • En assistance le majeur accepte seul les libéralités sans charge et avec l’assistance de la personne habilité s’il y a des charges au sens des personnes vulnérables. Pour une acceptation pure et simple ou renonciation à une succession, il est nécessaire d’obtenir l’accord du juge. L’acception à concurrence de l’actif net est faite par la personne protégée seule.
  • Si mandat de protection future
    • Sous seing privé : le majeur protégé peut accepter seul les libéralités sans charges et en étant représenté par le mandataire après accord du juge des tutelle si charges
    • Sous forme authentique : Le mandataire peut accepter les libéralités en représentation du mandant qu’il y ait ou non des charges.

3.3 L’influence du régime matrimonial sur la chose transmise

Sous régime de séparation de biens, une personne ne peut disposer que de ses biens propres et personnels sans l’accord de son conjoint (art 1536 du cc).

Sous le régime de la participation réduite aux acquêts, elle ne peut transmettre sans l’accord de son conjoint, que les biens de son patrimoine originel (art 1573 et 1574 du cc). Pour rappel, le patrimoine originel est constitué par les bien qu’un époux possédait avant le mariage ainsi que ceux qu’il a reçu par donation ou succession et les biens propres par nature du régime de communauté légale.

Sous régime communautaire : on ne peut transmettre que ses biens propres (1428 cc). Le consentement du conjoint est nécessaire à peine de nullité (1422cc) pour tous les biens communs. En pratique soit les époux sont co-donateurs, soit l’un se porte seul donateur avec le consentement de son conjoint.

Pour rappel (art 215-3 du code civil) dans tous les cas, l’aliénation du logement de la famille et des meubles meublants dont il est garni nécessite le consentement des deux époux. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement peut en demander l’annulation (pendant 1 an à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte d’aliénation et au plus tard 1 ans après la dissolution du régime matrimonial)

Note : si la donation comporte une réserve d’usufruit, même sans usufruit successif, l’accord du conjoint n’est pas nécessaire pour la libéralité sur la nue-propriété d’un bien propre, fusse-t-il le logement familiale (cass 22/06/2022 20 20.387). Dans cet arrêt, le père avait donné la nue-propriété d’un bien propre qui constituait le logement familial de son nouveau couple, avec une réserve d’usufruit à son seul profit. A son décès, sa nouvelle épouse attaqua la donation au titre de l’alinéa 3 de l’article 215. Cependant la Cour de cassation considère que l’article 215 alinéa 3 ne protège le logement familial que pendant le mariage et que la donation de la nue-propriété seule n’avait pas porté atteinte à la l’usage et la jouissance du logement familiale tant que le mariage avait perduré (donc jusqu’au décès de Mr). La nouvelle épouse fut donc déboutée.

3.4  Les libéralités partages

Ces libéralités sont prévues aux articles 1075 et suivants du code civil. Elles concernent aussi bien les testaments que les donations.

Cette libéralité peut être faite à destination de ses héritiers présomptifs mais également (art 1075-1) « entre des descendants de degrés différents, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs ». On parle alors de libéralités transgénérationnelles

Nous verrons un peu plus loin dans cet article les particularité de ce type de libéralités selon qu’il s’agit de donation ou de testament

3.5 Les libéralités graduelles ou résiduelles

Il s’agit de libéralités qui sont, dans la plus part des cas, transgénérationnelles, et dans lesquelles le disposant impose au premier gratifié :

  •  la charge de conserver, sa vie durant, le bien donné et de le transmettre à son décès au second gratifié dans le cas de donations graduelles
  • Ou de transmettre ce qu’il en reste au second gratifié dans le cas de donations résiduelles

Les libéralités graduelles sont définies aux articles 1048 à 1056 du cc et les résiduelles aux articles 1057 à 1061.

Elles peuvent également être utilisées pour protéger une personne vulnérable. Par exemple les parents ayant plusieurs enfants dont un vulnérable peuvent décider de transmettent un bien immobilier à leur enfant vulnérable afin qu’il en tire des revenus, et à son décès le bien revient au reste de la fratrie.

Elles ne peuvent porter que sur des biens présents et identifiables. Ainsi, si le donateur souhaite transmettre une somme d’argent, il semble qu’il lui faille passer par un compte bancaire dédié ou mieux un contrat de capitalisation ou un compte titre dont le premier gratifié pourrait percevoir les fruits, sur lequel sera déposé cette somme d’argent. Le fait que le bien soit identifiable, exclu également nous semble-t-il, que le biens soit subrogés. (sauf cas de valeurs mobilière explicitement prévu au 2e alinéa de l’art 1049)

Si le second gratifié venait à décéder avant le premier, la charge serait caduque.

Dans le cas de la libéralité graduelle, la charge de conserver et transmettre ne peut porter que sur le premier gratifié.

Les deux gratifiés sont réputés tenir leurs droits directement du disposant (C. civ., art. 1051). Au niveau fiscal, ils se verront donc appliquer l’abattement et le tarif relatif à leur lien avec le disposant au moment de la première libéralité pour le premier gratifié et au décès de ce dernier pour le second.

En outre, les droits payés par le premier disposant grevé seront imputés sur ceux dus par le second gratifié (CGI, art. 784, al. 3). Cette imputation est également admise lorsque les droits dus sur la première transmission ont été pris en charge par le donateur (ENR-DMTG-10-20-50-10 point 90).

Dans le cas d’une libéralité résiduelle, pour déterminer le montant des droits imputables lors la seconde mutation, il y a lieu de liquider à nouveau les droits dus lors de la première libéralité sur une base réduite, en fonction du reliquat existant au jour de la seconde libéralité.Particularité : En cas de décès du donateur avant celui du premier gratifié, lors de la seconde transmission, il est admis que l’abattement applicable demeure celui existant en cas de mutation à titre gratuit entre vifs. Ainsi, par exemple, en cas de décès du grand-père donateur, lorsque le second gratifié est un petit-enfant, ce dernier bénéficiera de l’abattement prévu à l’article 790 B du CGI (31 865€) et non de celui prévu au IV de l’article 788 du CGI( 1 594€).

3.6 Les libéralités transgénérationnelles

L’article 1075-1 du code civil permet à tout ascendant de faire la distribution et le partage de ses biens entre ses descendants de degrés différents, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs, sous réserve du consentement de ses enfants (article 1078-4 du code civil).

Il peut s’agit de donation ou testament transgénérationnels. Ces deux types de libéralité seront étudiées plus loin dans cet article.

3.7 Les clauses particulières pouvant être associées à la libéralité

3.7.1 La clause d’inaliénabilité

Elle permet d’interdire que la chose transmise ne soit hypothéquée, vendue ou donnée par celui qui la reçoit. Elle permet généralement de préserver un capital transmis à un enfant afin qu’il ne l’utilise que pour ces études ou son entrée dans la vie adulte ou pour préserver un bien dans le patrimoine familial.

Elle doit être limitée dans le temps et être justifiée par un intérêt légitime et sérieux. Il peut s’agir de la durée de vie du donateur par exemple afin d’assurer l’efficacité d’un droit de retour conventionnel ou d’assurer que la nue-propriété donnée ne peut être cédé à un tiers lorsque le donateur s’est réservé l’usufruit.

Ce n’est pas au banquier ou à l’assureur de faire respecter les charges. C’est aux donateurs ou à des tiers intervenant à la donation de le faire et qui en cas de non-respect de la clause qui peuvent alors invoquer la nullité de la libéralité initiale.

Pour un mineur, on va généralement limiter inaliénabilité aux 25 ans de l’enfant.

A défaut d’intérêt légitime et sérieux ou de caractère temporaire, la clause est nulle et réputée non écrite.

Cette clause rend aussi le bien donné temporairement insaisissable par les créanciers du donataire (mais finalement à la fin de la durée prévue, le créancier retrouve son droit)

Attention : si on fait une vente de parts sociales issues d’une donation il faut donc vérifier s’il n’existe pas une telle clause sinon la vente sera nulle

Les effets

  • Les biens sont inaliénables et incessibles aussi bien à titre gratuits qu’à titre onéreux et insaisissables
  • S’agissant d’immeuble :
    • Opposable aux tiers sous réserve de publication de la clause au service de publicité foncière (D 55-2, 04/0/1955 art 28-2)
    • La clause n’interdit pas l’inscription d’une hypothèque judiciaire (cass 9/10/85 84-13.306) mais elle rend impossible l’inscription d’une hypothèque conventionnelle (23/02/2012 09-13.113)
  • S’agissant de droits sociaux : la clause interdit tout nantissement conventionnel des droits sociaux

La violation de la clause entraine la nullité de l’acte de vente et une révocation de la libéralité elle-même si le disposant le demande en justice ou si la clause le prévoit expressément.

La clause peut être levée par le donateur de son vivant ou par l’autorisation du juge si lorsque l’intérêt sérieux et légitime a disparu ou qu’un intérêt plus important ne l’exige.

3.7.2 La clause de réserve d’usufruit

Le disposant peut se réserver l’usufruit de la chose donnée ou d’en disposer au profit d’une autre personne (art 949 du cc) et est dispensé d’en fournir la caution prévue à l’art 601 du cc (cependant en cas d’usufruit successif, si l’usufruit est réservé par le conjoint survivant lors de la succession, la caution peut alors être demandé par les nus propriétaires)

Le disposant doit être informé que :

  • La vente du bien nécessitera l’accord du nus propriétaires. Le nu-propriétaire peut également vendre son droit (sauf clause inaliénabilité) sans en informer l’usufruitier qui conserve pour autant ses droits d’usufruitier
  • Le prix sera par défaut ventilé après la vente entre le nu-propriétaire et l’usufruitier selon la valeur respective de chacun de ses droits au jour de la vente (sauf volonté contraire prévue à 621 cc concernant la répartition du prix) . Il peut par exemple être prévu un quasi-usufruit sur le produit de la vente ou une charge de réemploi mais dans ce dernier cas, le nu-propriétaire peut décider du bien à acquérir et de sa localisation car c’est lui le « propriétaire ». Note c’est l’un des rares cas où le nouveau 774 bis du CGI n’impose pas la taxation du quasi-usufruit lors de la succession (sauf si le démembrement du bien suivi de sa cession et de la mise en place du quasi-usufruit résultait d’un abus de droit : Par exemple achat du bien, donation de la np quelques mois plus tard puis vente encore quelques mois après dans le but exclusif de constituer fictivement un quasi usufruit sur une somme d’argent).
  • Les gros travaux sont à la charge du nu-propriétaire mais l’usufruitier Ne peut PAS en principe l’y contraindre (art 605 et 606). Cependant, la donation peut stipuler que les gros travaux restent à la charge du donateur pendant une durée déterminée ou jusqu’à sa fin ou jusqu’à une entrée en EHPAD. A l’inverse une clause peut imposer la réalisation des gros travaux par le nu-propriétaire sur demande de l’usufruitier sous clause résolutoire de la donation. Si l’usufruitier finance les gros travaux sa succession bénéficiera d’une créance contre les nus-propriétaires d’un montant correspondant à la plus-value apportée par ses travaux à la date du décès.

Fiscalement l’extinction de l’usufruit à lieu gratuitement sauf quelques exception notables :

  • Si le décès intervient moins de 3 mois après le démembrement de propriétés constaté par acte authentique
  • Si la nue-propriété appartient à un présomptif héritier ou à ses descendants ou son conjoint, et qu’aucune donation régulière n’est constatée dans un contrat de mariage, ou constaté par un acte authentique plus de trois mois avant le décès et dans lequel la nue-propriété a été évaluée conformément à l’art 669 du CGI. (art 751)
  • Si la réserve d’usufruit porte sur une somme d’argent (art 774 bis du CGI) non issue de la cession d’un bien précédemment démembré.

Rappel : Comme mentionné au §3.3,  si la donation comporte une réserve d’usufruit même sans usufruit successif, l’accord du conjoint n’est pas nécessaire pour la libéralité sur la nue-propriété d’un bien propre, fusse-t-il le logement familiale (cass 22/06/2022 20 20.387).

Nous allons maintenant étudier plus en détail les donations d’une part puis les testaments d’autre part ainsi que les points de vigilance dans le cas des séniors

4 Les donations

La donation est définie à l’art 894 du code civil et 931 et suivants

Une donation nécessite :

  • L’appauvrissement du disposant et l’enrichissement du gratifié
  • Une intention libérale,
  • L’acceptation par celui qui reçoit

Aux conditions générales pour les libéralités, s’ajoutent, pour les donation entre vif, les éléments suivants

  • La donation doit être faite devant notaire, (art 931 du cc) sauf pour les donations de somme d’argent ou de titres négociables (790 G du CGI),
  • Il doit y avoir un dessaisissement actuel et irrévocable du donateur

A défaut de respecter ces règles, la donation est frappée :

  • De nullité absolue du vivant du donateur : C’est dire que tout tiers peut agir en justice pour contester l’acte, les parties ne peuvent absolument pas la confirmer du vivant du donateur, si ce n’est en refaisant une donation régulière devant notaire
  • De nullité relative après le décès du donateur (seuls les héritiers peuvent en demander la réduction pendant les cinq années qui suivent sa révélation et ils peuvent à l’inverse la confirmer d’un commun accord)

Note : Le présent d’usage n’est pas une donation car il ne nécessite pas l’acceptation du donateur et ne demande aucun acte. Les « donations » rémunératoires ne sont pas non plus des donations puisqu’elles ne procèdent pas d’une intention libérale mais d’une compensation d’un service rendu.

Une donation entre vif ne peut porter que sur des biens présents, et est nulle pour ce qui concernerait des biens futurs (art 943 cc).

Attention : particularités : Les donations entre époux peuvent permettre des donations de biens à venir (art 1093 du cc)  et les donations de biens présent entre époux ne sont pas révocables(265 et 1096-1 du cc) même en insérant une condition résolutoire de maintien du mariage.

Une donation entre vif ne peut être révoquée que pour cause:

  • D’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite,
  • D’ingratitude. Cette dernière est caractérisée par (art 955 du cc)
    • L’atteinte à la vie du donateur par le donataireLe fait que le donataire se rendre coupable de sévices, délits ou injures graves envers le donateur
    • Le refus d’aliment par le donataire
  • De survenance d’enfants (à condition que l’acte de donation le prévoit).

Elle peut contenir des charges pour le donataire mais qui doivent être conforme à la loi et ou mœurs et ne pas dépendre uniquement de la seule volonté du donateur.

Toutes les donations doivent être rapportées à la succession pour le calcul de la masse successorale fictive du défunt. Par défaut le bien est rapporté pour sa valeur au jour du partage de la succession d’après son état à l’époque de la donation (art 843 et 860 du cc) . Si le bien donné a été aliéné, on rapporte sa valeur au jour de l’aliénation sauf s’il a été fait réemploi. Auquel cas, c’est la valeur du bien subrogé dans son état au jour du réemploi qui est rapporté.

Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.

Le rapport d’une somme d’argent est égal à son montant (860 -1 du cc). Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien au jour de la succession dans son état au jour de son acquisition.

Si la donation avait été faite sous forme de donation partage, c’est la valeur du bien au jour du partage qui doit être rapportée.

NOTE : Même en ne respectant pas le formalisme de l’article 931, certaines donations restent valables. Il s’agit :

  • Des donation Indirectes
  • Des donations déguisées
  • Des dons manuels.

La dernières est volontaire, les deux première font le plus souvent l’objet d’une requalification, soit à l’initiative d’héritiers s’estimant lésés par un acte dissimulant une donation soit par le Fisc.

Décrivons sommairement les différents type de donations.

4.1 Le don manuel

Il s’agit, comme son nom l’indique, de la transmission d’un bien « de la main à la main ». Il faut qu’il y ait une remise réelle de la chose et non un simple accord entre les partie.

Il doit s’agir d’un bien corporel (bijoux, meubles meublants, tableaux, somme d’argent.) mais la jurisprudence admet maintenant que des actes immatériels puissent constituer une donation manuelle.

Il s’agit, pour les actes immatériels, des virements bancaires et des remises avec encaissement de chèques, des donations d’actions de sociétés (cotés en bourses ou non du moment où elles possèdent un registre des détenteurs de parts) et des cryptomonnaies. Notons cependant que la donation de parts sociales (d’une SCI par exemple) ou d’un fond de commerce ne peuvent pas faire l’objet d’un don manuel et doivent impérativement être faites devant notaire.

  •  Note : exception à l’exception : Les parts de SCPI sont des parts sociales, on ne devrait donc pas pouvoir faire de donations manuelles, mais comme ces sociétés ont un registre des associés, le don manuel reste possible en théorie. Il faut toutefois vérifier si les statuts de la SCPI l’interdisent ou exigent une acte authentique
  • Rappel : Les actions concernent les sociétés de capitaux (SAS, SA, SASU, SCA (société en commandite par action)) et les parts sociales les sociétés de personnes (SARL, SNC, EURL, SCS, les société civiles qu’elles soient immobilières ou non)

NOTE : La donation devant être irrévocable, la donation sur le compte d’une personne, sur lequel le donateur aurait une procuration, ou en passant par un compte joint entre le donateur et le donataire, serait frappé de nullité car il n’y a pas ici de dessaisissements irrévocable.

4.1.1 Le don manuel avec pacte adjoint

Il s’agit d’une convention sous seing privé, établie postérieurement au don manuel dont la validité est reconnue en jurisprudence

Il s’agit pour le senior de faire un don manuel, le plus souvent à un petit enfant associés à des charges que ce dernier devra respecter.

Il faut porter une attention particulière à la rédaction de ces pactes adjoints car ils ne doivent pas constituer une donation (qui n’étant pas faite devant notaire deviendrait nulle)

Le conseiller veillera donc à ce que le pacte adjoint se limite à relater une don manuel réalisé antérieurement. Il devra également être enregistré au centre des impôts afin d’avoir une date certaine.

Ce type de pacte stipule généralement une clause d’inaliénabilité du bien donné jusqu’à la majorité ou la fin des études du gratifié.

Lorsqu’il s’agit d’un don manuel sur les actions d’une société de capitaux, le pacte adjoint peut aussi inclure des charges que le donataire devra respecter dans le cadre d’un pacte Dutreil (787B du CGI) et notamment de la poursuite de l’engagement collectif de conservation, de la prise de l’engagement individuel de conservation, et de l’exercice d’une fonction de direction.

Le don manuel est présumé, comme toute donation, avoir été fait en avance de part successorale (art. 843 C. civ.). Toutefois, un pacte adjoint peut parfaitement prévoir une dispense de rapport ou en aménager les modalités en prévoyant par exemple une clause de rapport forfaitaire.

En résumé, Il ne peut pas y avoir dans un pacte adjoint :

  • de quasi usufruit (faute de remise matériel de la chose) 
  • d’usufruit successif  (puisque donation à terme de biens présent est  incompatible avec la tradition réelle) ,
  • de donation partage,
  • de donation de parts sociales (SCI, SARL,..) ni de contrat de capitalisation

4.1.3 Conséquences de la remise réelle de la chose

Comme nous l’avons vu précédemment, le don manuel suppose la remise réelle de la chose au donataire.

Dans la pratique, lorsque qu’un donateur âgés fait une donation à ses petits-enfants mineurs avec un pacte adjoint, il passe souvent par le compte bancaire des parents qui souscrivent pour leurs enfants un contrat d’assurance vie conformément au pacte adjoint.

Mais dans ce cas, il n’y a pas eu stricto sensu de remise de la somme donnée à l’enfant mineur. La chose a été remise dans la pratique à ses parents. Le don manuel à l’enfant devrait donc être requalifié en un don des grands parents à ses parents puis un don des parents à l’enfant. Ce qui a un impact sur les abattements consommée au titre du 790G sur 2 générations. (1 à 2 puis 2 à 3) au lieu de consommer les abattements entre les générations 1 à 3. C’est pourquoi, un certain nombre d’assureurs exigent maintenant, qu’un compte courant soit ouvert par les parents au nom de leur enfant mineur et que la somme donnée aille directement du compte des grands parents vers celui du petit enfant.

4.2 La donation déguisée

Elle se caractérise par un acte réalisé en apparence à titre onéreux mais qui dissimule en fait une intention libérale.

Elle se distingue de la donation indirecte, que nous verrons juste après, par le fait qu’elle est à titre onéreux, qu’on y distingue clairement une intention de tromper, un mensonge, un déguisement d’une autre réalité, une intention de se soustraire à la fiscalité.

La donation déguisée doit respecter les conditions de forme de l’acte dont elle a l’apparence

La charge de la preuve incombe à celui qui invoque le déguisement.

Lorsqu’elle est révélée, la donation déguisée est soumise à toutes les règles des donations ;

  • Capacité à donner et à recevoir (l’incapacité du donataire étant une cause une cause de nullité de la donation art. 911, al. 1)
    • Note : une donation indirecte faite à un incapable reste valide contrairement à une donation déguisée
  • Réduction en cas d’atteinte à la réserve (cf. art. 918),
  • Rapport (alors même que le but du déguisement est souvent d’y faire échapper la donation),
  • Paiement des droits d’enregistrement avec intérêts de retard et pénalités (80 % des droits rappelés en tant qu’il y a abus de droit au sens de l’article 64 LPF) sans préjudice des sanctions du recel 

On va retrouver dans les donations déguisées

  • Les pacte tontiniers lorsqu’il y a une différence significative d’âge entre les tontiniers, ou d’apport, ou lorsqu’il n’y a pas d’aléa (par exemple car l’un est en phase terminale au moment de la signature du pacte)
  • Les ventes à vil prix
  • La réalisation d’un prêt (par exemple familiale) dont le préteur ne demandera jamais le remboursement. On distingue ce cas de la remise de dettes présenté au §4.3 par le fait que dès le départ, l’acte de prêt est réalisé avec l’intention de ne jamais l’exécuter.
  • Un viager consenti en contrepartie d’une rente ou d’un bouquet, totalement sous-estimé par rapport à la valeur immobilière du marché ou encore un viager dont le débit rentier ne paye pas la rente ou qui, s’il la paye, lui est reversé par le crédit rentier.

4.3 La donation indirecte

Il s’agit d’une donation réalisée par un acte qui n’est pas une donation. Elle procède donc, indirectement de l’acte qui la porte, à une donation

Il peut s’agir 

  • D’une remise de dettes. Dans ce cas, il n’y a pas de donation à proprement parlé. Il s’agit de libérer le débiteur de son obligation de rembourser. Cependant, il y a bien appauvrissement du créancier qui ne sera pas remboursé et enrichissement du débiteur,
  • Du dénouement d’une assurance vie en l’absence d’aléa, comme le cas où l’assuré se sait atteint d’une maladie incurable et avec une très faible espérance de vie au moment du versement de la prime. Le contrat est dans ce cas bien réalisé avec l’intention uniquement libérale de donner une somme d’argent à des bénéficiaires identifiés sans que le contrat n’ait d’utilité pour l’assuré. Nous la qualifierions de donation indirecte plutôt que de donation déguisée car le dénouement du contrat n’est pas un acte à titre onéreux,
  • De la renonciation à un droit réel. Ce cas est un peu plus complexe. Il peut s’agir de la renonciation :
    • à la perception de loyers ou de fermages (même à un enfant s’il ne s’agit pas de l’obligation alimentaire des parents : par exemple Cass. 1re civ., 21 sept. 2022, no 20-22139, où la mère avait renoncé à percevoir les fermages sur les terrains que l’une de ses filles exploitait pour sa ferme),à une donation, un leg ou une succession (avec une intention libérale clairement exprimée d’enrichir un autre donataire, légataire ou successible)au bénéfice d’un contrat d’assurance vie avec une intention libérale,
    • ou par exemple d’une personne qui s’est porté caution pour un tiers, puis qui a été appelé en remboursement de la créance et qui renonce à poursuivre ce tiers en remboursement de la somme qu’il a payé au créancier. .

La difficulté tient à savoir s’il y a ou non une intention libérale. Pour cela on va parler de renonciation abdicative ou translative. L’intention libérale correspondant à la renonciation translative.

  • Il y a renonciation abdicative lorsque le titulaire du droit renonce sans l’intention de gratifier celui qui en bénéficie. Le titulaire du droit l’abandonne purement et simplement sans se préoccuper du devenir de son droit. Encore faut-il pouvoir démontrer qu’il n’y a pas d’intention libérale.
  • Exemple :
    • Si des parent décident de renoncer à un usufruit. Pour que la renonciation soit abdicative, il faudra qu’ils puissent prouver que l’usufruit ne leur rapporte rien voir constituent une charge pour eux (par exemple un locataire qui ne paye pas et qu’on n’arrive pas à expulser).
  • Par défaut la renonciation à une succession ou un leg est abdicative sauf à démontrer l’intention libérale (. La Cour de cassation a en effet rappelé (Cass. 1e civ., 27-5-1961) que « la renonciation à un droit faite sans intention de gratifier celui qui en bénéficie ne constitue donc pas une donation ». L’intention libérale dépendra donc de la situation de fait (cf exemple dans la paragraphe sur les renonciation translative)
  • La renonciation à une clause bénéficiaire consiste à renoncer à un droit que l’on a contre l’assureur et non au bénéfice d’un tiers. La renonciation est donc abdicative. Il en irait autrement si l’assuré avait rédigé une clause du type « mon conjoint pourra renoncer partiellement au bénéfice de mon contrat » en laissant le conjoint déterminer la proportion de sa renonciation. Il y aurait dans ce cas une intention libérale du conjoint envers les bénéficiaires de second rang. Pour prévoir de telles possibilités, on préféra la rédaction d’une clause à option (ou parfois appelée à tiroirs) du type « Mon conjoint survivant disposera d’un délai de xx mois, à compter du jour de mon décès, pour indiquer expressément s’il accepte 100 %, 75 %, 50 % ou 25 % du capital. À défaut de réponse expresse à l’issue de ce délai, mon conjoint survivant sera réputé avoir refusé le bénéfice du contrat. En cas de refus implicite ou express de mon conjoint ou d’acceptation expresse de l’une des quotités ci-dessus précisées, les capitaux non acceptés par lui bénéficieront à… ». Dans ce cas le conjoint ne fait qu’accepter l’une des proportions stipulées par le défunt. Il n’y a pas de risque de requalification en donation indirecte.
  • Il y a renonciation translative lorsque celle-ci est faite dans l’intention de transmettre un droit à une personne. Il faut que tous les caractères de la donation soient caractérisés. C’est-à-dire qu’il doit y avoir un dessaisissement irrévocable du donateur et une acceptation du donataire. Exemples :
    • Renonciation à un usufruit : Cass Com 2/12/1997 n°96-10.729) : Dans cet exemple, les parents avaient fait la donation de la nue-propriété de plusieurs biens immobiliers à leurs 3 enfants. A peine 18 mois plus tard, ils renoncent à leur usufruit sur ces biens. La Cour de cassation a déterminé qu’en renonçant à percevoir des loyers alors qu’il n’y avait pas de charges excessives, les parent se sont dépouillés irrévocablement et qu’en percevant les loyers, les enfant ont manifesté leur acceptation de la donation. 
  • Renonciation à un legs : Exemple d’intention libérale:
    • Un légataire renonce à son legs au profit d’un autre héritier dans l’intention de rétablir un équilibre qu’il estimait rompu
  • Renonciation au bénéfice d’une succession :
    • Exemple  (cass civ du 27/05/1961) : Dans cette affaire, un héritier renonce à la succession. La Cour de cassation note pour qualifier l’intention libérale que d’une part elle savait que la succession était très importante et surtout d’autre part qu’elle savait que ses neveux et nièces, cohéritiers, verraient leur parts dans la succession augmenter en proportion très substantielle et enfin et surtout que tout cela avait pour but de corriger un problème familiale entre elle et la mère de ses neveux (sa sœur)

4.4 La donation partage

Prévus aux articles 1076 et suivants du CC, elles se composent en fait d’une donation et d’un partage anticipé des biens donnés, entre les différents donataires.

Son principale intérêt est de figer la valeur des biens transmis au jour de la donation pour leur rapport à la succession du donateur (sauf convention contraire dans l’acte de donation) et uniquement si tous les héritiers réservataires (vivants ou représenté au moment du décès du donateur) ont été allotis et ont accepté la donation et le partage.  Note : la valeur des biens données n’est pas figée si la donation incluait une réserve d’usufruit sur une somme d’argent.

Il est également possible de réincorporées des donations faites antérieurement, à une nouvelle donation-partage afin d’allotir tous les réservataire. Les biens donnés antérieurement sont alors réévalués au jour du partage sans qu’il soit possible de déroger à cette réévaluation (art 1078-1 du cc). Une donation faites antérieurement hors part peut également être stipulée en avance d’hoiries dans la nouvelle donation-partage.

Ces donations sont présumées être faites aux héritiers réservataires sur leur part de réserve sauf stipulation contraire.

4.4.1 Donation partage conjonctive

C’est une donation-partage par laquelle deux époux, d’une part, disposent par donation au profit de leurs enfants de biens appartenant à l’un et à l’autre et, d’autre part, procèdent à un seul partage de ces biens. Les époux confondent en une seule masse tous leurs biens (propres et communs) et les répartissent entre leurs enfants.

Ainsi chacun des héritiers est censés être allotis par chacun des donateurs, sans égard pour l’origine des biens mis dans leur lot, en proportion de la contribution de chacun des donateurs dans la masse des biens partagés lorsque les enfants sont communs aux deux parents. Lors du règlement de la succession de chacun des père et mère, le lot reçu par chaque enfant sera pris en compte, pour le calcul de la réserve et les imputations, dans cette même proportion, sans considération de l’origine des biens qui le compose.

Ce type de donation peut être réalisée même si l’enfant n’est pas commun aux deux époux. Cependant dans cette hypothèse, cette donation, ne peut porter que sur que des biens propres du parent de l’enfant et des biens commun. Ce type de donation ne peut pas porter sur des biens propre du nouveau conjoint.  Toujours dans cette hypothèse, cette donation est réputée avoir été faite par le seul parent de l’enfant non commun, le nouveau conjoint n’intervenant que pour donner son consentement sur les biens communs comme cela est prévu à l’art 1422 du cc. De plus s’il y a donation de biens commun à cet enfant d’un seul des deux conjoints, alors le patrimoine de son auteur devra récompense à la communauté en vertu de l’art 1437 du cc.

Comme il s’agit d’une donation-partage faite par deux donateurs, il faut qu’il y ait pour chaque donateur, deux enfants à qui donner. S’il y a un enfant non commun. Pour que la donation soit conjonctive il faut

  • Que son auteur lui transmette une partie de ses biens propres et/ou des biens communs
  • Pour qu’il y ait partage, que son auteur donne également à un autre de ses enfants cette fois commun aux deux époux
  • Que le conjoint consente (mais ne donne pas à la transmission de biens commun à cet enfant non commun)
  • Que lui-même pour que la donation soit conjonctive et pour qu’il y ait partage donne à deux de ces enfant
  • Il en découle que pour qu’il y ait donation-partage conjonctive en présence d’au moins un enfant non commun, il faut qu’il y ait aux moins 3 enfants dont un au moins soit commun aux deux parents.

Autre point d’attention : l’article 1076-1 ne permet que l’attribution de biens propres et de biens communs. Il ne vise pas les biens indivis. Les couples en régimes séparatistes ne peuvent donc pas réaliser de telles donation sauf à avoir aménager leur régime matrimonial avec une société d’acquêts afin d’y loger des biens communs.

 Exemple de donation-partage conjonctive en présence d’enfant communs :

  • Un couple marié avec 2 enfants souhaite faire la donation du patrimoine suivant :
    • Compte titre d’une valeur de 100 000€ appartenant en propre au père
    • Une maison estimée à 300 000€  appartenant en propre à madame
    • 200 000e de liquidités communes aux deux époux
  • La donation globale s’élève à 600k€ dont 400 000e proviennent de la mère et 200 000e du père
  • A l’enfant 1 est donné, la maison de la mère
  • A l’enfant 2 est donné le compte titre et les 200 000e de liquidité.
  • Chaque enfant est présumé recevoir, ½ de 400 000€ de la mère et ½ de 200 000e du père. Les parents ont ainsi pu réaliser des donations égales en valeur à leur deux enfants quelques soit l’origine patrimoniale des biens.

 L’action en réduction ne peut être ouverte que:

  • Au décès du dernier des deux conjoints si les enfant sont communs
  • Au décès de son auteur si l’enfant n’est pas commun aux deux époux

Au niveau fiscalité, l’art 778 bis du CG Prévoit que « la donation-partage consentie en application de l’article 1076-1 du code civil est soumise au tarif en ligne directe sur l’intégralité de la valeur du bien donné. »

Si la donation conjonctive comprend des sommes d’argents, le 790G peut également trouver à s’appliquer conduisant (si les conditions sont remplies) à obtenir un abattement supplémentaires de 31 865€ (mais uniquement à ou aux enfant recevant dans leur lot une somme d’argent cf BOI-ENR-DMTG-20-20-20 point 215) Il s’en suit que l’enfant commun bénéficie d’un abattement pour chacun de ces auteurs sur la part qu’il a reçu en proportion de la contribution de chacun des donateurs alors que l’enfant non commun, ne bénéficie que d’un seul abattement sur la donation de son auteur.

4.4.2 Donation partage cumulative

C’est une donation qui est réalisée dans le cas où un des parents étant décédé, les enfants et le parent survivant réunissent en une même masse la succession du prémourant et les biens du survivant, pour partager le tout en une seule fois. Elle est issue de la pratique notariale mais n’est pas explicitement prévue par la loi.  Sa validité est cependant certaine car confirmée à plusieurs reprises par la cour de cassation (exemple cass civ 20/11/2013 n°12-25.681)

Elle a pour but de faciliter la composition des lots en constituant une masse à partager plus importante (on peut ainsi répartir par le même acte les biens du prédécédé restés indivis et les biens appartenant au donateur).

Elle suppose que tous les enfants acceptent le partage de la succession du prédécédé (cass 22/11/2005 n°02-17.708). Si l’un d’eux est incapable (absent, majeur en tutelle ou mineur), il y est nécessaire de solliciter une autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille, et de faire approuver le partage selon le cas par l’une ou l’autre de ces autorités.

Tous doivent également être alloti par le partage.

Si l’un des enfants intervenant à cette donation n’est pas communs aux deux époux, il faut veiller à ce qu’il ne reçoive :

  • que des biens du survivant si ce dernier est son auteur
  • que des biens issus de la succession du prémourant si ce dernier est son auteur

4.5 La donation transgénérationnelle

L’article 784 B du CGI prévoit qu’en cas de donation-partage faite à des descendants de degrés différents, les droits sont liquidés en fonction du lien de parenté entre l’ascendant donateur et les descendants allotis.

L’article 1078-7 du cc permet même de transmettre dans une donation transgénérationnel, à un héritier d’une génération, un lot qui avait été antérieurement été donné à un héritier d’une génération précédente.

Comme l’article 1078-3 prévoyait que les donations antérieures réincorporées n’étaient pas considérées comme de nouvelle donations, la conjonction des articles 1078-7, 1078-3 et 784-B aurait permis à des grands parents de transmettre à leur petits enfants en profitant des abattements en ligne directs de la première génération. Le législateur a donc inséré un article 776 A dans le CGI prévoyant que cette réincorporation de la donation, si la donation datait de plus de 15 ans, serait taxée aux droit de transmission à titre gratuit entre le donateur initial et le nouveau donataire en déduisant les droit de la première donation. Si la donation datait de plus de 15 ans, elle serait uniquement soumise aux droits de partage.

Exemple d’application.

Le grand père et la grand-mère possèdent quatre studios d’une valeur de 125 000€ chacun (soit 500 000e au global) et sont âgés de plus 71 ans chacun et moins de 81 ans. Leur usufruit est donc estimé à 30%

Ils décident de transmettent l’usufruit de ces studios à leurs deux enfants et la nue-propriété de chacun d’eux à leur 4 petits enfants. Les enfants acceptent que les nues-propriétés soient transmises à leurs propres enfants.

Valeur transmise en usufruit à chaque enfant : 500 000*30%/2 = 75 000€ pour chacun des enfant provenant pour 37 500e de chaque donateur

Abattement en ligne direct : 100 000€ => Pas de droit à payer et 37 500€ d’abattement consommés par couple donateur/donataire

Valeur de la nue-propriété transmise à chaque petit enfants ; 125 000 * 70%  =  87 500€ soit 43 750e par donateur

Abattement pour donation entre grand parente et petits enfants : 31 865e (790 B) par donateur

Droit à payer par couple donateur/donataire sur (43 750 – 31 865) = 11 885e soit 784.9€ par petit enfant et donateur soit au total 4*2*784.9 =  6 279.2€

Comme il n’y a pas de réincorporation de donations antérieures, aucun droit de partage n’est dû.

Les grands parent auraient également pu conserver l’usufruit sur les studios. Sans réversion d’usufruit,  les enfants des donateurs auraient consentis à ne jamais percevoir les fruits des biens donnés. Si les donateurs avaient prévu un usufruits successif pour leurs enfants, à leur décès la réversion auraient été taxée conformément à l’art 796-0 quater du CGI  en fonction de la valeur de l’usufruit du gratifié de la réversion et selon le lien de parenté entre le stipulant et le bénéficiaire de l’usufruit.

4.6 La donation au denier vivant

Les époux peuvent convenir par contrat de mariage de se faire donation de biens présents (art 1091 du cc), ou des donations classiques entre vifs, ou des donations de biens à venir ( art 1093 du cc)  

NOTE IMPORTANTE: Dans le cas des donations de biens présents prenant effet au cours du mariage et consenties après le 01/01/2005 , elles sont irrévocables (art 265 et 1096-1)  sauf pour les causes d’ingratitude prévus aux article 953 à 958  (La cour de cassation ayant jugé que l’al 1 de l’article 265 était d’ordre public (cf cass civ 14/03/2012 n°11-13.791) , une clause d’annulation de la donation en cas de divorce insérée dans l’acte de donation serait nulle et réputée non écrite). Celle avant le 04/01/2005 sont révocables en présence d’une clause résolutoire en cas de divorce).

Il est à noter également que par exception à l’art 960, la survenance d’enfant ne permet pas la révocation des donations entre vif consenties entre époux.

A ces donations, le code civil en prévoit une supplémentaire à l’art 1094-1 communément appelée la » donation au dernier vivant» bien qu’il s’agisse d’une libéralité pour cause de mort plutôt qu’une donation. Il s’agit, s’il y a des enfants (issus ou non du mariage), de permettre à chacun des époux de disposer en faveur de l’autre soit :

  • de la quotité disponible, en présence uniquement d’enfants communs, ou de ¼ en pleine propriété sinon
  • d’1/4en pleine propriété de sa masse successorale et des ¾ en usufruit
  • de la totalité en usufruit

Par défaut, le choix est laissé au survivant, mais l’acte de donation peut aussi limiter les options du survivant. La donation de ¼ en PP +3/4 en US permet donc temporairement, d’aller potentiellement au-delà de la réserve héréditaire des enfants.

Le survivant peut aussi, grâce à cette « donation au dernier vivant » et sauf stipulations contraires, cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur sans que cela puisse être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles et sans qu’il soit nécessaire de rédiger un testament. Cela permet par exemple au survivant de conserver l’usufruit sur le foyer des époux et sur les liquidité mais de laisser la pleine propriété sur une résidence secondaire aux enfants.

4.7 Les clauses spécifiques aux donations

4.7.1 La clause de retour conventionnel

Elle permet de faire revenir un bien donné dans le patrimoine du donateur si le donataire seul, ou le donataire et ses descendants, venaient à disparaitre avant le donateur.

Ce droit ne peut être stipulé qu’au profit du donateur seul qui récupère alors le bien. Si le donataire avait vendu le bien, accepté des servitudes ou toutes autres charges, avant de mourir (ce qui aurait été possible s’il n’y avait pas été prévu en parallèle de clause inaliénabilité), le bien revient dans le patrimoine du donateur libre de toutes charges.

Le retour se fait normalement en nature (cass 23/09/2015 14-18.131). Il peut cependant être stipuler un retour en valeur seulement ou que le retour portera sur un bien acquis en remploi du bien donné (mais la validité de cette clause est discutée)

En cas de retour il n’y a pas non plus possibilité pour le conjoint du donataire prédécédé d’exercer son droit d’habitation temporaire ou viager car le bien n’appartient plus à la succession du De Cujus.

Le donateur peut renoncer au droit de retour conventionnel du vivant du donataire. Mais une fois le donataire prédécédé, il y a débat.

  • Si la clause prévoit un retour automatique il ne peut pas y renoncer (sinon cela revient à un retour puis à une nouvelle transmission)

On peut cependant prévoir une rédaction de la clause indiquant que le donateur à 2 mois après le décès du donataire pour renoncer à son droit de retour ou que le droit de retour est facultatif.

4.7.2 Le Bail à nourriture

Il s’agit d’une charge (qui peut aussi être stipulée dans un contrat à titre onéreux) par laquelle le gratifié s’engage à pourvoir aux biens essentiels (nourriture, habillement) du donateur.

Elle est peut usitée dans la pratique pour les donations car les enfants ont déjà une obligation alimentaire prévue au 205 du cc.

Cette clause est cependant intéressante pour un senior qui souhaiterait rester dans son logement tout en étant prises en charge par une personne de confiance. Le preneur est souvent un membre de la famille ou un ami proche.

C’est une formule proche d’un viager dans laquelle la rente est remplacée pour toute ou partie par cette obligation de soins essentiels.

4.7.3 La charge de rente viagère

La donation est assortie dans ce cas d’une obligation pour le donataire de verser une rente viagère au donateur. Cela peut permettre au donateur qui se dépouille, d’avoir un revenu complémentaire s’il se trouvait à l’avenir en difficulté.

Le paiement peut donc être immédiat ou assujetti à un évènement extérieur (par exemple atteinte d’un niveau de GIR ou entrée en EHPAD, ou une situation de surendettement, etc..).

La clause doit préciser le montant de la rente, son indexation, sa périodicité, les conditions de son activation, etc…

Pour le rapport et la réunion fictive sur le plan civil, sera pris en compte, l’émolument net réellement perçu par le donataire (c’est-à-dire la somme donnée au jour de la donation moins ce qu’a réellement payé le donataire sans réévaluation pour corriger l’inflation des sommes payées) (cass 24/11/87 85-18.285 ).

Une alternative est possible : l’acte de donation peut prévoir le versement d’un capital fixe à échéance régulière au donateur

Au niveau fiscal, la donation est évaluée sur l’actif transmis sans déduction des charges à venir. (seuls les charges définies au 776 bis du CGI sont déductibles de la valeur du bien transmis).

4.8 Le rôle du CGP lors de la donation réalisée par un senior

Le CGP devra s’assurer :

  • D’avoir des évaluations écrites pour tous les biens transmis (par exemple avis de valeur pour les biens immobiliers, états de comptes récents pour les biens mobiliers, avis d’experts pour les meubles corporels, etc…)
  • D’avoir un état exhaustif des donations antérieures (montants, charges et dates)
  • De questionner le donateur pour vérifier s’il n’y a pas un risque que des opérations passées puissent être requalifiées en donations indirectes ou déguisées
  • Vérifier l’existence d’une mesure de protection légale ou conventionnelle active
  • Obtenir l’origine détaillée des biens (y-a-t-il des charges sur des libéralités antérieures)
  • Du consentement éclairé du donateur
  • Qu’il reste un patrimoine suffisant au donateur pour sa vie quotidienne et une future dépendance
  • Que les règles de la réserve ne seront pas dépassées,
  • Que la protection du conjoint, partenaire ou concubin survivant, ne sera pas affectée par la donation

4.8.1 L’optimisation des donations.

Sous régime communautaire, les époux peuvent, sur des biens communs, faire des donations communes soit faire des donations simples avec l’accord du conjoint.

Si la donation est faite à l’un des enfants du couple et qu’un seul des parents est âgé de plus de 80 ans, la donation de somme d’argent prévue au 790G n’est plus possible. Pour maximiser les abattements, les séniors auront intérêts à faire des donations séparées avec accord du conjoint. Une dans le cadre du 790G pour le conjoint âgé de moins de 80 ans et une dans le cadre du 779 du cgi pour l’autre.

Si le donataire est un enfant commun : aucune récompense n’est due à la communauté. Au moment de la succession le donataire doit le rapport pour moitié à chaque décès (cass 22/06/2004 01-18.030 et 05/01/2023 21-13 151) même s’il n’y a qu’un seul donateur , sauf clause contraire

Si le donataire est un enfant d’un premier lit du donateur et qu’il reçoit un bien commun. Là encore, il aura lieu de faire la donation uniquement par son auteur avec consentement du nouveau conjoint, sinon il y faudra payer  60% de droits sur la moitié du bien transmis.

Le donateur ou sa succession devra récompense à la communauté pour la valeur du bien donné à la date de la donation. Le donataire devra le rapport et la réunion fictive de la donation à la seule succession de son auteur.

Note importante : Pour les dons manuel de biens communs. Si un seul des deux époux donne, on ne trace pas sur le cerfa le consentement de l’autre époux. La donation pourrait donc être frappée de nullité si l’autre époux venait la contester ultérieurement. Il sera donc nécessaire, dans cette hypothèse, de faire un pacte adjoint pour tracer le consentement de l’autre époux.

5 Le testament (art 967 et suiv du code civil)

En France un testament est unipersonnel (art 968) sous peine de nullité. Ce qui signifie que l’on ne peut pas transmettre à deux dans un testament comme c’est le cas pour les donations conjonctives. Il en va de même pour un testament-partage qui se voudrait cumulatif car il est inimaginable de lier, en un même acte, un partage testamentaire librement révocable et un partage conventionnel ordinaire.

Le testament ne peut pas porter sur des biens d’autrui mais pour un bien indivis, la Cour de cassation a considéré qu’il pouvait être légué, s’il est mis dans l’un des lots des héritiers du testateur.

De même le legs d’un bien appartenant à la communauté n’est pas nul (art 1423 al2). Il dépend du résultat du partage

Le testament peut être :

  • olographe, c’est-à-dire écrit en entier de la main, daté et signé du testateur sans aucune autre exigence de forme
  • authentique : c’est-à-dire reçu par deux notaires ou un notaires et deux témoins (qui ne doivent être ni des clercs de l’étude, ni les légataires ou leurs parents jusqu’au 4e degré, ni être mariés entre eux. Ils doivent comprendre le français, être majeur et avoir la jouissance de leurs droits civiques) . Il peut dans ce cas être dicté par le testateur et saisi par le notaire. Il doit être signé par le notaire instructeur, le testateur et les témoins. Les deux notaires ne doivent pas être de la même étude et ne peuvent recevoir les testaments de leur conjoint, ne de membre de leur famille et alliés jusqu’au 3e degré.
  • mystique : il est rédigé et signé par le testateur (manuscrit ou tapuscrit) et est remis clos et scellé au notaire devant 2 témoins. Le notaire dresse un acte de la réception du testament et le fait signé par le testateur, les 2 témoins et lui-même.
  • Militaire : en cas de guerre, d’opérations militaires conduites en dehors du territoire national ou de stationnement des forces armées françaises en territoire étranger, en occupation ou en vertu d’accords intergouvernementaux (art 93 du cc)  ou d’un état de prisonnier chez l’ennemi, le testament peut être reçu pas un officier supérieur et deux témoins ou par un médecin chef quel que soit son grade et l’officier d’administration gestionnaire si le testateur est hospitalisé. Le testament doit être rédigé en 2 exemplaires originaux. Ce testament est valable tant que le testateur n’est pas en mesure d’employer sur une période minimale de 6 mois les formes précédentes de testaments. Il devient caduc au-delà de ce délai.
  • Isolé : Si le testateur se trouve dans une zone avec laquelle toute communication est impossible en raison d’une maladie contagieuse ou sur une ile du territoire français où il n’existe pas d’office notariale et avec laquelle toute communication est coupée, alors le testament peut être reçu par le juge du tribunal judiciaire ou un officier municipal assisté de 2 témoins. Ces testaments deviennent nuls six mois après que les communications auront été rétablies dans le lieu où le testateur se trouve, ou six mois après qu’il se sera rendu dans un lieu où elles ne seront point interrompues
  • Naval : Si le testateur se trouve en mer, le testament sera reçu en présence de deux témoins et sur les bâtiments de la marine nationales par le commandant de bord et son second et rédigé en 2 exemplaires. Ce testament n’est valable que si le testateur meurt à bord ou dans les six mois après qu’il sera débarqué dans un lieu où il aurait pu le refaire dans les formes ordinaires. Le testament sera remis dès l’arrivé au port :
    • A un agent diplomatique ou consulaire français si c’est dans un port étrangerAu ministre chargé de la défense national pour les bâtiments de l’état
    • Au ministre chargé de la mer pour les autres bâtiments.
  • International : Dans ce cas, le testament peut être rédigé en n’importe quelle langue. Il doit être signé sur tous ses pages par le testateur et sur la dernière par le notaire et deux témoins (même s’ils ne comprennent pas la langue dans laquelle il est écrit) . Toutes les pages doivent être numérotées.  Il peut être manuscrit ou tapuscrit. Il prend en France son caractère de testament international
    • par l’acte que rédige le notaire indiquant
      • que le testateur reconnait que le document donné est son testament et qu’il en connait le contenu
      • que le testament a été signé par le testateur devant lui, et les deux témoins
      • les identité du testateur du notaire et des deux témoins,
    • Que le notaire et les deux témoins ont apposé leur signature à la fin du testament
    •  Que le notaire est daté le testament sur sa dernière page
    • Que le notaire conserve un exemplaire de l’attestation et en remettre un au testateur

Note : Souvent par économie des droits d’enregistrement et émolument du notaire, les testateurs décident de rédiger un testament olographe et de le laisser chez eux. C’est une mauvaise idée à plusieurs titres :

  • Tous les testaments reçus par un notaire sont enregistrés au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volonté (FCDDV). Ce qui permet à tous les notaires de savoir à l’ouverture de la succession qu’un testament existe et qui le détient. Alors qu’un testament olographe peut disparaitre (de manière fortuite ou sur intervention de celui qui y aurait intérêt)
  • Même s’il est olographe et produit au moment de la succession du testateur, le testament sera à ce moment enregistré par le notaire. Les cout d’enregistrement et les émoluments seront donc tout de même dû. Ça n’aura été que reculer pour mieux sauter.

Les disposition testamentaires sont universelles, ou à titre universel, ou à titre particulier

Comme pour les donations au dernier vivant, l’article 1002-1 du code civil prévoit une possibilité de cantonnement pour les légataires, sauf volonté contraire du disposant, sans que cela ne soit considéré comme une libéralité faite aux autres successibles (attention toutefois aux cas des donations indirectes mentionnées plus haut dans cet article). Pour que le cantonnement puisse avoir lieu, il faut que la succession ait été acceptée par au moins un héritier.

Le legs universel (1003 du cc) : C’est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès.

  • Le légataire universel est le continuateur de la personne du défunt. Son obligation au passif est donc illimitée s’il accepte son leg. Il est considéré comme un héritier du de cujus.
  • Attention 1: Si le testateur lègue la quotité disponible, c’est un leg universel (car les autres héritiers pourraient refuser leur parts de réserve)
  • Attention 2 : Le leg de la nue-propriété globale de tous les bien est aussi un leg universel car l’usufruit finira par s’éteindre

Le legs à titre universel  (art 1010 du cc) est la disposition par laquelle « le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier  etc…».Le légataire à titre universel doit demander la délivrance de son leg aux héritiers réservataires, à défaut au légataire universel à défaut aux autre héritiers selon dévolution légale.

  •    Attention : « je lègue tous mes compte bancaires  à …. » est un legs a titre particulier car il y a d’autres biens meubles et aucune quotité n’est ici spécifiée.

Tout autre forme de legs est un legs à titre particulier

Exemple pour une personne sans héritiers réservataire.

  • Je soussigné, xxx, institue Mr yyy comme mon légataire universel (leg universel). Je lègue à mon neveu zzz l’ensemble des mes biens meubles (leg à titre universel) , cependant je souhaite transmettre à Mr mon contrat de capitalisation référence ….. (leg particulier), fait à.. le… signature….

Un même testament peut donc contenir les trois types de legs.

Attention, un testament n’est pas automatiquement révoqué par un autre plus récent. La révocation doit être express sinon ne seront révoquées que les dispositions du testament antérieur qui sont incompatibles avec celles du plus récent (art 1036 cc). Cependant une révocation expresse produira son effet même si celui qui reçoit refuse le testament ou est incapable de recevoir.

Un testament peut toujours être révoqué par le testateur (contrairement à une donation) et ne conduit pas à un dessaisissement immédiat. Pour le révoquer après le décès du testateur il faut être en mesure de prouver :

  • L’insanité d’esprit du testateur au moment de la rédaction du testament
  • Où que la cause qui a présidée à son élaboration a disparue (résiliation d’un PACS, abandon du projet de mariage, naissance d’un enfant,..). C’est-à-dire que sans cette cause essentielle et déterminante dans la volonté du testeur, il n’aurait pas pris cette décision si cet élément n’était pas présent au jour de son décès
  • L’action en nullité peut être attentée par les héritiers (le légataire universel, les héritiers et le conjoint du défunt)

On peut tester au-delà de la quotité disponible. Il y aura une réductions en valeur au jour du décès. Il faut alors prévoir un instrument financier, pour celui qui a trop perçu, lui permettant de verser le montant de cette réduction.

De plus, l’action en réduction est facultative. Le notaire demande si les réservataires veulent faire cette action. Sinon, il doit leur faire signer un document dans lequel il renonce.

Rappel sur la détermination de la réduction

  1. On calcul la masse fictive (actifs net au jour du décès + réunion des libéralités passées).
  2. On détermine ensuite la QD en fonction des enfants du de cujus et du conjoint
  3. On impute les libéralités de la plus ancienne à la plus récente pour vérifier si la QD est atteinte (les libéralités visées s’entendent des donations antérieures et des legs)
  4. Les legs sont faits avec une présomption d’avoir été consentis hors part (donc s’imputent sur la QD) et les donations en avance de parts (s’imputent donc par défaut sur la réserve)
  5. Ce sont donc les libéralités au moment du décès qui ont le plus de risque d’être réduites

On peut aussi prévoir une Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction (RAAR), mais elle peut être plus difficile à faire signer car d’une part les réservataires ne savent pas à quoi ils renoncent (car ce ne sera déterminé qu’au jour du décès) et d’autres parts, elle est irréversible.

La RAAR ne porte pas obligatoirement sur toute la réserve. Elle peut porter sur une partie seulement de sa réserve ou sur un bien seulement. On ne peut y revenir qu’uniquement si on peut prouver que si on n’avait pas renoncé, on ne serait pas aujourd’hui en état de besoin.

Rappel : Sont réservataires :

  • Le conjoint à hauteur de 25% s’il n’y a pas d’enfants
  •  Les enfants du de cujus

Le testament peut également contenir des éléments extra-patrimoniaux, mais attention son ouverture tardive fait que souvent ils ne peuvent pas être mis en œuvre. Par exemple :

  • Organisation des funérailles
  • Lieu de la sépulture
  • Prélèvement d’organes…

D’autres éléments peuvent aussi y être mentionnés :

  • Désignation d’un exécuteur testamentaire
  • Reconnaissance d’un enfant naturel (ce qui nécessitera un acte authentique)
  • En contexte international, la désignation de la loi applicable

5.1.1 Testament et personnes vulnérable

Le testament rédigé par une personne sous tutelle est nul sauf s’il y a été autorisé par le juge (Art 476 al 2). Il peut, cependant être fait par une personne sous curatelle ou sous habilitation familiale.

Dans les cas où la personne protégée est autorisée à tester, elle doit le faire seule (sans assistance de son curateur ni la représentation par son tuteur ni vérification du contenu du testament par le juge ou le tuteur).

Le majeur protégé peut révoquer seul son testament.

Concernant les assurance vie, la curatelle devrait normalement permettre à la personne en curatelle de modifier la clause bénéficiaire car elle a le droit de tester seule, mais l’art 132-4-1 du code des assurances prévaut et celui-ci indique que la désignation ou la substitution de la clause bénéficiaire ne peut être faite qu’avec l’assistance du curateur.

La Cour de cassation a également statué que la modification, par une personne sous curatelle, d’une clause bénéficiaire, par testament (Chambre civile 2, 8 juin 2017, 15-12.544) nécessitait également l’autorisation préalable du curateur

 Ce droit spécial de l’assurance ne concerne que la curatelle. Il n’est pas applicable au majeur sous sauvegarde de justice, habilitation familiale ou mandat de protection futur.

La majeur sous sauvegarde de justice peut tester (art 435 al 1 du cc) comme sous mandat de protection futur puisqu’il conserve ses droits sous les mesures de protections conventionnelles.

En habilitation familiale en représentation l’art 494-8 précise que la personne protégée conserve ses droits et donc la possibilité de tester. Elle devrait également les conserver en habilitation en assistance.

5.2 Les facultés d’option

Le légataire universel et celui à titre universel ont le choix entre une acceptation pure et simple, acceptation à concurrence de l’actif net ou renonciation à la succession

Le légataire à titre particulier n’étant pas tenu au passif (sauf stipulation expresse contraire) ne peut qu’accepter purement et simplement ou renoncer à son legs. S’il y a plusieurs lots, il peut en accepter certains et refuser d’autres sauf indivisibilité tenant à leur objet ou à la volonté du testateur (cass civ du 18/12/2013 n°12-21.875). L’acceptation du legs est irrévocable.

Le légataire particulier ne peut cependant pas accepter le legs et refuser la charge qui pourrait le grever. S’il le refuse, le legs retombe dans la succession sans la charge.

Le légataire universel peut aussi cantonner (s’il y a d’autres héritiers pouvant recevoir le reste de la succession). Vis-à-vis des tiers, il reste redevable de l’ensemble des dettes de la succession mais concernant la contribution à la dette il pourra se retourner contre les autres héritiers proportionnellement à la part reçue par chacun après cantonnement.

Le gratifié qui cantonne ne paye des droits de mutation à titre gratuit que sur la part qu’il reçoit effectivement après cantonnement.

Note : Le cantonnement n’est ouvert que s’il y a eu testament ou donation au dernier vivant. Il n’est pas permis dans une dévolution légale.

5.3 Les testaments partages

Ce sont les testaments dans lesquels le testateur impose à ses héritiers le partage qu’il a choisi Le partage peut être inégal mais si un héritier réservataire n’est pas alloti de sa réserve, il peut exercer l’action en réduction prévu au 1077-2 du cc.

Les bénéficiaires d’un tel testament doivent accepter le partage prévu par le testateur, sinon ils sont considérés comme renonçant.

Le testament partage ne peut concerner que des biens propres au disposant (pas de biens communs ni indivis). Il ne peut concerner qu’une partie de ces biens, le reste étant alors réparti selon la dévolution légale.

Parce qu’il produit les effets d’un partage, le testament-partage doit être également distingué d’un simple testament portant une collection de legs d’attribution. En effet dans un testament classique indiquant simplement des legs d’attribution, les héritiers légataires peuvent refuser leur legs et accepter la succession ab intestat en procédant eux même au partage qui leur convient.

Autre différence notable, si le bénéficiaire d’un legs décède avant le testateur, le legs est caduc (art 1039 du cc) et retombe, à défaut de stipulations contraires, dans la succession. Ce n’est pas le cas dans un testament partage où le lot revient dans ce cas à l’héritier qui représente le prédécédé.

Pour autant, le code civil ne codifie pas de formalisme particulier pour un testament partage de sorte qu’il est parfois difficile de le distinguer d’un testament classique. Le testateur veillera donc à bien indiquer dans le corps de son testament qu’il s’agit là de « son testament partage » ou d’indiquer clairement que « ce testament est destiné à partager mes biens propres selon un allotissement que j’ai déterminé et qui s’imposera à mes héritiers »  ou que « mon testament est rédigé en application de l’article 1079 du code civil » etc….

5.3.1 Le testament partage transgénérationnel 

Par un arrêt du 7 novembre 2012, la première chambre civile (cass civ n° 11-23.396), a consacré la validité de ce modèle de testament-partage.

Cependant, comme pour la donation-partage, le testament partage nécessite que la génération « intermédiaire » accepte qu’une partie des biens soit transmise à la génération suivante. La notion de testament-partage, se voulant être un moyen d’imposer la volonté du défunt à ses héritiers, il n’est pas possible de le rédiger avec des formules laissant place à une éventuelles acceptation de la génération intermédiaire.

Autre difficulté. Si un membre de la génération intermédiaire refuse le partage proposé, il est considéré comme renonçant. Ces enfants viennent donc à la succession du de cujus en représentation et peuvent alors recevoir une partie de son lot en plus des leurs. Le partage n’est donc plus conforme à la volonté du testateur. Le testament partage est-il alors frappé de nullité ?  La jurisprudence n’a pas à notre connaissance encore répondu à cette question. Afin d’assurer la sécurité juridique de cet acte, il est donc conseillé de le rédiger en prévoyant une clause qui indique la répartition des lots des éventuels renonçant (faut-il le transmettre à sa souche aux autres, le répartir égalitairement entre toutes les souches, etc..). Exemple de rédaction, » Si un de mes enfants venait à mourir avant moi ou à répudier ma succession, le lot qui lui était attribué resterait dans sa souche, et reviendrait à ses propres descendants à parts égales entre eux »

Le testament partage peut aussi être soumis à réduction si l’un des héritiers réservataires n’est pas alloti de sa réserve. Mais cet allotissement doit-il se faire par souche comme cela est prévu à l’art 1078-8 pour les donations partages ou par réservataire? Les textes et la jurisprudence sont pour l’instant muets sur ce point.

La rédaction de ces testaments se trouve donc très contrainte par :

  • Le fait que, comme tout testament partage, ils ne puissent concerner que les biens propres du de cujus
  • Ils doivent prévoir la renonciation d’un ou plusieurs bénéficiaires
  • Ils doivent, faute de sécurité juridique, respecter la réserve par souche et par réservataire.

Leur utilisation pratique est donc très limitée.

6 La protection du conjoint survivant

6.1 Stipulation d’un usufruit successif

Comme nous l’avons mentionné au §3.7.2 le propriétaire d’un bien peut le transmettre en s’en réservant l’usufruit ou en le transmettant à une tierce personne. On parle dans ce dernier cas d’usufruit successif.

Il ne s’agit pas d’une réversion, comme on nomme souvent cet usufruit successif, car l’usufruit du prémourant ne se transmet pas au survivant. Il y a ouverture d’un nouvel usufruit. Il peut y avoir plusieurs usufruits successifs tenant leur droit du propriétaire et non de l’usufruitier précédent.

Note : Il est possible pour un nu-propriétaire de stipuler un usufruit qui s’ouvrira le jour ou le dernier usufruitier actuels sera décédé par acte entre vif ou testament.

 Dans ce cas on calcule le montant de la libéralité en fonction de l’usufruit actuel et il y aura régularisation à l’ouverture de l’usufruit

Cet usufruit successif peut aussi résulter de la loi.

Par exemple le Grand père donne la nue-propriété à ses petits-enfants avec usufruit successif à sa femme puis à son fils. Si le fils décède avant ses parents et que l’épouse du fils demande l’usufruit sur la succession de son mari alors elle aura aussi l’usufruit sur le bien donné. Le petit enfant sera donc plein propriétaire uniquement après le décès des 2 grands parents et de sa mère. La Cour de cassation a jugé que la réversion d’usufruit constituait une donation à terme de biens présent. Comme nous l’avons étudié précédemment une donation de biens présents entre époux faite depuis le 01/01/2005 et prenant effet pendant le mariage n’est plus révocable (cf §4.6) ; Mais concernant l’usufruit successif, ce dernier ne prend effet qu’au décès du donateur et ne prend donc pas effet pendant le mariage. Il peut donc être révoqué par une clause résolutoire en cas de divorce.

6.1.1 Aspects fiscaux de l’usufruit successif

Selon l’Art 796-0 du CGI, l’usufruit successif est taxé au droits de successions. Comme il s’agit le plus souvent du conjoint ou du partenaire, celui-ci en est exonéré (796-0 bis du cgi). Ce ne sera pas le cas si l’usufruit successif est réservé pour un enfant ou un concubin

L’usufruit successif doit être évalué au jour du décès du constituant sur la base de la valeur du bien à cette date

Exemple :

  • Mr 80 ans donne la nue-propriété d’un bien à son fils avec un US successif à son épouse de 50 ans
  • Mr décède à 95 ans, Mme à alors 65 ans. Le fils a payé des droits sur 70% de la valeur de la nue-propriété Dans ce cas, il peut demander la restitution des droits qu’il aurait payé en fonction de l’âge de l’usufruitier successif au moment de la donation (donc 50 ans) (1965 B du CGI) . La demande peut être faite jusqu’au 31/12 de la 2e année du décès de l’usufruitier actuel. Ce n’est pas automatique, il faut le demander.

A l’inverse l’administration ne peut pas réclamer un supplément de droits si l’usufruitier successif est plus âgé (BOI ENR DG 70 40)

Il est a noté que la doctrine considère que la ré-évaluation des droits doit se faire en prenant l’âge du nouvel usufruitier au jour de la donation ayant constitué le premier usufruit et non comme l’indique l’administration fiscale (cf point 10 du BOI ENR-DG70-40) à l’âge du nouvel usufruitier au jour du décès du donateur.

De plus dans une réponse ministérielle (26892 du 02/06/2020) précise que cette restitution de droit ne peut être faite qu’au profit du nu-propriétaire qui a payé les droits. Il s’en suit que si c’est le donateur qui a payé les droits au moment de la donation, aucune restitution ne peut avoir lieu ni au nu propriétaire qui n’a pas payé ni en remboursement à la succession du donateur qui n’est pas le nu-propriétaire. Le ministre rappelle aussi que la réévaluation doit se faire en prenant l’âge du nouvel usufruitier au moment du décès du donateur mais en se basant sur le point 10 du BOFIP mentionné ci-dessus (c’est donc le serpent qui se mord la queue)

Il semble également qu’il y ait un flou entre la position du ministre, celle de l’administration fiscale et celle de la doctrine sur la valeur à prendre en compte pour la réévaluation. Pour l’administration fiscal il s’agitait de la valeur vénale du bien au jour du décès du testateur alors que pour la doctrine il s’agirait de la valeur du bien au jour de la donation. La position de la doctrine semble plus conforme à l’esprit du texte et celle de l’administration peut conduire à une taxation sur plus de 100% de la valeur du bien et n’est donc guère tenable.

6.2 La réversion de rente viagère

Elle peut intervenir dans le cadre des ventes en viager, des rentes des PER et également des sorties en rente des contrats d’assurance vie ou des PEA.

Elle peut être aussi constituée, à titre purement gratuit, par donation entre vifs ou par testament. (art 1969 du cc)

La réversion est présumée être une donation de bien présent à terme, à titre gratuit

L’art 1973 du cc al 3 : prévoit que la réversion de la rente entre époux puisse être considéré comme ayant été faite soit comme une libéralité soit comme un acte à titre onéreux (par défaut une libéralité sauf stipulation contraire)

En cas de décès :

  • Si le bien était commun et que la réversion est à titre gratuit (ce qui est présumé) : alors le survivant ne doit pas récompense à la communauté
  • Si le bien est propre ou personnel au de Cujus : si la réversion est stipulée à titre gratuit alors pas de récompense
  • si la réversion a été expressément stipulée à titre onéreux alors une récompenses ou une indemnité est due

Lorsqu’il y a divorce, au décès du crédit-rentier le débit rentier continuera à payer la totalité de la rente mais à moitié aux héritiers du crédit rentier et pour moitié à l’ex conjoint qui bénéficie de la réversion de la rente et ce jusqu’au décès de l’ex époux.

6.3 Les donations à terme

Ce sont celle qui ont pour effet de différer la propriété du bien donné à une date fixées dans l’acte

Jusqu’à l’arrivée du terme, le donateur demeure propriétaire mais il est tenu à une obligation de délivrance

L’acte est donc conforme au principe d’irrévocabilité spécial des donations (cass 22/02/2005 03-14.111)

Le terme peut être fixé à la date du décès du donateur

Le terme doit être un évènement futur et certain (art 1305) les droits sont donc dus au jour de l’acte de la donation (BOI ENR DG 20 20 70 §250)

On peut par exemple faire la donation d’un bien d’un dispositif défiscalisant avec un terme au-delà de l’engagement de location (on fait partir le délai de 15 ans de reconstitution des abattements mais on ne remet pas en cause la défiscalisation). Attention si le bien se dévalue (c’est le cas du Pinel et autre dispositifs du même type),  on aura payé des droits trop importants. Il faut dans ce cas faire des donations à terme en nue-propriété.

Variante 1 : la donation alternative (art 1307 et suiv) :

  • La donation concerne plusieurs biens, le donateur optant pour l’un d’eux à un terme désigné dans l’acte.
  • Le donateur reste propriétaire jusqu’à la date de l’option
  • Il est conseillé de stipuler l’inaliénabilité du bien jusqu’à cette date
  • Il faut que les biens aient la même valeur au jour de l’acte et au jour de l’option (il faut compenser éventuellement par une somme d’argent pour des biens immobiliers en prenant la plus grande valeurs des biens). Si la valeur donnée est supérieure au moment du terme que de l’acte, il n’y a pas réévaluation des droits

Variante 2 : La donation facultative (art 1 308 du cc).

  • On désigne un bien dans l’acte mais le donateur se réserve la possibilité au terme d’en délivrer un autre (par exemple une somme d’argent correspondant à la valeur du bien au jour de l’option)
  • Le donateur reste propriétaire jusqu’à la date de l’option

7 La protection des disposants

Le conseiller doit être attentif d’une part aux différents abus (cf article « Gérer le patrimoine des séniors »), et également d’autre part à la tentation de faire des opérations tardives qui pourraient être requalifiées par l’administration fiscales ou remises en cause par les héritiers

7.1 Le risque de captation d’héritage

Cette notion ne correspond à aucune qualification juridique précise. Seul le recel d’héritage est visé par l’art 778 du cc mais la notion de captation va au-delà.

La captation consiste en des manœuvres frauduleuses ou des manipulations mises en œuvre par un tiers pour bénéficier de tout ou partie d’une succession ou de se faire attribuer des donations du vivant du disposant. 

Le recel de succession, n’est qu’un cas particulier de la captation d’héritage. Il concerne le fait pour un héritier de s’emparer de biens (meuble meublant, compte bancaires, meubles corporels, bijoux,…) appartenant à la succession sans le révéler, de ne pas révéler une donation antérieure ou de ne pas révéler l’existence d’un cohéritier dont il a connaissance.

Les conséquences du recel sont :

  • Le receleur est réputé accepter purement et simplement la succession et donc de son éventuel passif sans pouvoir opter pour l’actif net  
  • Le receleur ne peut prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés
  • Le receleur est débiteur de dommages et intérêts
  • Le receleur doit le rapport ou la réduction des donations sans pouvoir y prétendre
  • Le receleur restitue les fruits et revenus produits par les biens recelés

Pour ce qui est des manœuvres frauduleuses et manipulations, il s’agit souvent d’influences néfastes de l’entourage et d’une situation d’emprise complexe à établir

  • L’influence abusive est difficile à prouver
  • Les auteurs des captations font généralement montre de grande prudence
  • Les victimes éprouvent des difficultés à se plaindre
    • Soit parce qu’ils sont inconscients de la situation
    • Soit par crainte de représailles
    • Soit par affection réelle pour l’auteur
    • Soit par peur de la solitude

Le CGP devra identifier, si le client :

  • Est à bien l’initiative de la prise de rendez-vous
  • Manifeste un intérêt réel au cours du rendez-vous
  • Peut s’exprimer seul sur le sujet qui le concerne
  • Modifie sa demande en présence d’un tiers
  • Est en rupture affective avec l’ensemble de sa famille

Il est impératif, pour lui, de pouvoir recevoir son client seul pour une partie du rendez-vous et de prévoir un minimum de deux rendez-vous avant la validation d’une opération.

7.2 Les dispositions transmissives tardives

Lorsque le senior prend un peu tard la décision de transmettre son patrimoine, il peut être tenté de prendre des raccourcis. Voici les solutions parfois mis en œuvre et les sanctions qui en découlent

7.2.1 Les ventes tardives

Il s’agit ici de vendre un bien à un de ses héritiers, soit pour en favoriser un par rapport aux autres, soit parce qu’étant un parent éloigné, il est jugé que cette opération est moins couteuse que de payer 60% de droit de mutation à titre gratuit, soit le plus souvent pour contourner le barème d’évaluation de la nue-propriété et de l’usufruit prévu au 669 du CGI car on peut utiliser cette fois une évaluation économique de la nue-propriété.

Si la vente se fait avec une réserve d’usufruit, ou s’il y a acquisition d’un bien pour l’usufruit d’un côté et pour la nue-propriété de l’autre et que dans ces 2 cas le nu-propriétaire se trouve être un des présomptifs héritiers ou un de ses descendants, ou un légataire ou un donataire ou une personne interposée, alors l’art 751 du CGI considère qu’il y a présomption d’abus de droit et le bien est considéré comme faisant partie de la succession de l’usufruitier.

Les droit de mutations à titre onéreux payés par le nu-propriétaire sont tout de même déduits de ses droits de succession et la présomption peut être combattue dans le cadre cet article (ce qui ne sera pas le cas de l’article que nous étudierons ci-dessous)

Le BOFIP (BOI-ENR-DMTG-10-10-40-10  point 20) nous rappelle que « Dans ce cadre, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, il n’y a pas lieu de distinguer selon que le démembrement de propriété provient d’une vente consentie par le défunt à son héritier avec réserve d’usufruit ou d’une acquisition conjointe de l’usufruit par le défunt et de la nue-propriété par l’héritier (Cass. Com., arrêt du 12 décembre 1995, n° 94-11491). »

Comme le mentionne notre article «La protection du cadre de vie des séniors », il s’agit d’une présomption qui peut être combattue, par exemple par la justification dans l’acte d’acquisition de la réalité du paiement de la nue-propriété et une justification réaliste de la clef de répartition entre l’usufruit et la nue-propriété.

A noter également que cette présomption ne joue pas si le cédant s’est réservé le droit d’usage et non l’usufruit ou si le droit a été acquis par une société civile (ou si la nue-propriété est issue d’une donation régulière faite plus de 3 mois avant le décès)

Autre cas (article 918 du cc) , si un bien est aliéné (donc également soit par vente soit par donation) à un successible en ligne directe soit avec une réserve d’usufruit, soit à charge de rente viagère, soit à fond perdu (par exemple avec un bail à nourriture présenté au §4.7.2) alors la valeur en pleine propriété de ce bien, peu sur demande des autres successibles en ligne directe, qui n’ont pas consenti à cette aliénation, être imputé sur la QD et soumis à réduction pour le surplus et ce même si le propriétaire en a déjà payé le prix. Par un jugement du 20 mai 2016, n°16/15215 confirmé en cassation (18-12.088 du 30/01/2019) la cour d’appel de paris rappelle que l’article 918 crée une présomption irréfragable de donation déguisée. Nous voilà donc bien embêté…

  • Exemple :  Mr X à 2 enfants, X1 et X2.
  • Il a fait, il y a bien longtemps, une donation à son neveu N qui est rapportable à l’époque de la succession pour une valeur de 170 000€. 
  • Quelques années plus tard, suite à un divorce, Mr X souhaite acheter une nouvelle résidence principale mais n’en a plus les moyens.
  • Il fait alors appel à ses enfants pour que ces derniers en achètent la nue-propriété et Mr X l’usufruit.
  • Seul X1 accepte d’aider son père.
  • Mr X habite ensuite pendant de longues années dans cette maison, avant de décéder, jouissant ainsi pleinement de son usufruit.
  • Au jour du décès de Mr X, la maison est estimée à 320 000€. Au jour de son décès, la masse successorale de Mr X avant rapport s’élève à 80 000€ en liquidités.
  • Il faut rapporter à la donation le bien donnée au neveu pour une valeur de 170 000€ et puisqu’il y a présomption irréfragable de donation déguisée puisque Mr X est l’usufruitier et son fils le nu-propriétaire, également la maison pour un montant de 320 000€.
  • La masse successorale totale est donc de 570 000€.
  • En présence de 2 enfants, la QD est de 1/3 soit 570 000/3 = 190 000€. La donation du neveu étant la plus ancienne, c’est elle qui s’impute en premier sur la QD et pour un montant de 170 000€. Il ne reste donc que 20 000€ disponible pour imputer les 320 000e de la maison.
  • X1 doit donc une indemnité de réduction de 320 000 – 20 000 = 300 000€ qu’il acquittera en ne prenant rien dans la succession et en versant une soulte de 110 000€ à son frère X2 qui empoche en plus les 80 000€ de liquidités.
  • Bilan : En voulant aider son père, X1 se trouve donc privé de succession et doit de plus 110 000e de soulte à son frêre.

Le caractère irréfragable de l’article 918 peut donc être problématique. Aussi les juges essayent-ils souvent d’en écarter tout ce qui n’entre pas exactement dans les prévisions légales.

Par exemple dans le jugement de cour d’appel mentionné ci-dessus, bien que la vente ait été réalisée pour 10% par l’équivalent d’un bail à nourriture donc à fond perdu, la cour a considéré que la fait que 90% du prix de vente ait été immédiatement payé fait qu’il s’agit d’une vente à titre onéreuse et non d’une vente à fond perdu et qu’elle échappe donc aux conditions édictées par l’article 918.

Dans d’autres cas, les cours ont jugé que des actes postérieures emportaient l’acceptation tacites des autres successibles à l’opération qui aurait sinon pu rentrer dans le cadre du 918..

Il est donc toujours important, lors d’une donation de la nue-propriété d’un bien de faire intervenir les autres successibles en ligne directe afin qu’ils consentent à la donation et ne puissent plus invoquer l’article 918 ultérieurement.

Enfin, comme pour le 751, le 918 ne s’applique pas non plus si on interpose une SCI ou si le parent se réserve un droit d’habitations et non un usufruit, ce qui peut être une alternative à l’acceptation de tous les successibles en ligne direct s’il y a une mésentente familiale.

7.2.2 Les donations tardives

Il s’agit ici de transmettre dans ces vieux jours un bien à ses enfants en démembrement pour ne leur faire payer des droits que sur la nue-propriété.

L’opération étant réalisée par un acte authentique et les droits payés en application de la répartition entre la NP et l’US définie par l’art 669 du cc, le donateur pense avoir bien fait les choses.

Malheureusement il décède dans les trois mois qui suivent la donation. Ici encore l’article 751 vient contrecarrer ce projet en érigeant une présomption d’abus de droit.

Il faudra que ces enfants prouvent qu’un décès rapide n’était pas prévisibles au moment de la donation ou pour dire autrement qu’il soit « survenu de manière soudaine et surprenante alors que l’usufruitier était en bonne santé au jour de la donation ».

La Cour de cassation rappelle (Cass. com., arrêt du 5 mai 1998 n° 96-20780) que c’est bien aux héritiers d’apporter la preuve contraire en non à l’administration de prouver qu’il y a eu un abus de droit.

7.2.3 Les souscriptions tardives

Le sénior peut vouloir souscrire une assurance vie ou verser une prime sur un contrat existant. Comme nous l’avons déjà mentionné au §4.3 il risque alors de voir son acte requalifié en donation indirecte, même si le montant versé n’est pas exagéré, soit parce qu’il y a une absence d’aléa (il se sait proche de la mort) soit parce que le contrat ne lui est pas utile et qu’il y a une intention libérale.

Il y a alors rapport à la succession et éventuellement réduction pour atteinte à la réserve. Il est conseillé pour les souscriptions de personne au-delà de 85 ans de rédiger un document de motivations expliquant clairement en quoi le contrat est utile au souscripteur.

7.2.4 La donation de nu-propriété de somme d’argent

Il était un montage, qui jusqu’à très récemment, était assez couramment utilisé.

Il s’agissait de donner la nue- propriété d’une somme d’argent devant notaire à l’ensemble de ses enfants et de s’en réserver l’usufruit. La donation étant authentique et tous les successibles en ligne directe y ayant consentis, ni le 918 du cc, ni le 751 du CGI ne trouvaient à s’appliquer.

La donation étant sur un bien consomptible (art 587 cgi) , elle créait un quasi-usufruit, et ainsi le donateur pouvait continuer à en jouir (donc dépenser cette somme) tout en créant une créance de restitution qui diminuerait la masse taxée à son décès (art 768 CGI) à condition que la dette ait date certaine (ce qui était le cas avec l’acte notarié).

Mais le législateur est venu, fin 2023, mettre un coup d’arrêt à ce montage par l’ajout de l’art 774 bis au CGI.

Cet article prévoit que lors d’un quasi-usufruit sur une somme d’argent, la créance de restitution n’est pas déductible de l’actif successorale d’une part et que d’autre part, la valeur de l’usufruit transmis devient taxable au jour de la succession selon le lien de parenté existant entre le nu-propriétaire et l’usufruitier privant ainsi ce montage de tout intérêt.

Exception à ce principe, si le quasi-usufruit résulte du prix de cession d’un bien précédemment démembré, alors, alors l’usufruit peut s’éteindre sans être de nouveau soumis aux DTMG.

Attention, le 774bis concerne le traitement fiscal de la succession pas son traitement civil.

Le 774 bis traite des dettes de restitutions portant sur des sommes d’argent. Certains seront donc tentés d’interposer par exemple un contrat de capitalisation qui sera lui démembré. Il restera alors à démontrer l’intérêt de cette opération pour le donateur afin de ne pas tomber dans l’abus de droit pour motif « principalement fiscal »

Pour un exemple très détaillé et différenciant le traitement fiscal et civil, voir la question 9 de « Comment calculer les droits de succession en présence d’une dette de restitution entrant dans le champ d’application l’article 774 bis du CGI » du site de l’AUREP.

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire
La protection du cadre de vie des séniors

La protection du cadre de vie des séniors

Il est important d’anticiper la vulnérabilité qui pourra nous atteindre lorsque l’on avance en âge. 

Si nous attendons, le conjoint, le partenaire, le concubin survivant ou les héritiers devront alors passer par le juge pour gérer notre patrimoine, et tout ce qui a été mis en place pour que nous ou celui des deux qui survivra ayons des revenus supplémentaires; sera très probablement gelé par le juge des contentieux de la protection (ex-juge des tutelles). Ce dernier sécurisera, dans la plupart des cas, l’ensemble du patrimoine et limitera les possibilités de gestion des actifs.

Il est également important de permettre au conjoint survivant de conserver son lieu d’habitation quelques soit la composition de la famille et les relations entre ses membres.

C’est l’ensemble des ces points que nous allons aborder dans cet article.

1  Attachement aux résidences principales et secondaires

Le maintien au domicile est une attente très générale.

En effet, 75% des séniors souhaitent se maintenir dans leur logement ainsi que dans leur environnement immédiat (voisins, commerces, médecins, etc…) car ils y ont leurs habitudes.

Il est nécessaire de se poser et de faire un point sur ses objectifs et sur ses possibilités réelles. En effet certains souhaitent rester dans le même logement, d’autres acquérir un logement plus petit (62%) à proximité de leur logement actuel, d’autres envisagent la location voire la colocation, ou plus rarement un passage en résidence sénior à proximité mais sans avoir réellement envisagé les coûts de ces solutions.

Les questions à se poser sont :

  • Est-ce que mon habitat se prête à mon avancée en âge
    • Existence de marches ou d’étages,Adaptation des installations sanitaires (baignoire, douche avec marche, possibilité d’utiliser un fauteuil roulant, etc…)
    • Si le logement est en milieu rural ; existe-t-il des difficultés de transports pour se rendre dans les commerces, ou chez le médecin,
  • Est-ce que j’ai les moyens d’effectuer les travaux nécessaires pour adapter mon logement actuel,
  • Est-ce que j’ai les moyens de financer une résidence pour séniors,
  • Est-ce qu’il a, à proximité, des membres de ma famille pouvant venir m’aider en cas de besoin ?
  • Quelle est la proximité des relations sociales (amis, associations, club,…) ?
  • Quel est le coût du maintien à domicile :
    • Travaux (les locaux sont-ils adaptés à la personne âgée mais également à recevoir une personne devant aider le sénior : par exemple une chambre supplémentaire pour la garde de nuit)
    • Montant des charges fixes (énergie, assurances, taxes, charges de copropriété…)
    • Coût des transports
    • Coût des aides à domicile (Une garde de nuit coûte entre 150 à 200e la nuit, et l’accompagnement de jour de 12€à 14/h pour une personne en perte légère d’autonomie, 15 à 16/h pour une personne en situation de dépendance lourde et de 20 à 30de l’heure pour une personne en de dépendance totale)
    • Quels sont les revenus du couple mais également dans le futur du survivant (aura-t-il droit à une pension de réversion, devra-t-elle être partagée avec des ex époux(ses) ?)
    • Le coût d’entretien du logement sera-t-il supportable par le seul survivant et ensuite par les héritiers ?
  • Si le coût est trop important
    • La cession est-elle possible (existe-il déjà un démembrement)
      • Si démembrement, en cas de vente, me restera-t-il assez pour me reloger dignement, a-t-il été prévu une clause de remploi ou de quasi-usufruit sur le prix de vente ?
      • Les enfants nus-propriétaires :
        •  Accepteront-ils de céder le bien ?
        • De réinvestir avec les seniors dans un lieu qui leur convienne ?
    • Quel est ou sera l’état du marché au moment où l’état de vulnérabilité surviendra ?
  • Est-il réellement opportun de me maintenir dans mon logement
    • La maison prévue initialement pour une grande famille, n’est-elle pas trop grande pour une seule personne ?
    • La maison n’est-elle pas trop éloignée
      • de mes proches qui sont partis vivre ailleurs
      • de toutes les commodités
    • La conservation de la résidence secondaire est-elle légitime (oui pour des regroupements familiaux par exemple).
    • Si oui, l’indivision future est-elle envisageable ?

La partie de l’audit concernant l’adaptation du cadre de vie au grand âge peut être réalisée par un ergothérapeute. Certaines mairies ou conseils généraux offrent ce service gratuitement, sinon compter environ 300 pour cette intervention. Les retours d’expérience montrent qu’une première chute suivie d’une période d’immobilisation et de rééducation est souvent le facteur déclenchant de la mise en établissement surtout si la personne est seule ; avec malheureusement souvent un non-retour au domicile. Il faut donc éviter les tapis, les baignoires, les petites marches, …).

Une fois cette analyse, réalisée, il faut soit initier les mesures qui seront nécessaires (apport en société, donation, cession, etc…) soit rédiger avec un professionnel un mandat de protection future définissant les modalités de maintien au domicile et d’aménagement éventuel du cadre de vie.

La loi du 7 mars 2007  (entrée en vigueur le 01/01/2009) a prévu la protection du domicile de la personne vulnérable

L’article 425 du code civil définit le majeur protégé comme ayant des capacités mentales ou corporelles altérées au point d’empêcher l’expression de la volonté. Ce n’est pas le médecin de famille qui peut statuer sur cet état mais un médecin inscrit sur les listes auprès du tribunal.

L’article 426 du même code, envisage plus spécifiquement la protection du logement. Plus globalement, il définit le « cadre de vie » comme étant le logement, les effets personnels, les meubles, la résidence principale ou secondaire. Il indique ensuite que ce cadre de vie doit être conservé à disposition de la personne protégée aussi longtemps qu’il est possible.

Il précise que si le cadre de vie doit être quitté que ce soit par une vente du logement ou par la conclusion ou résiliation d’un bail, alors cela nécessite l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et que même dans ce cas, la décision du juge doit être motivée par un avis médical.

De plus si ce départ à pour but la mise en établissement spécialisée de la personne protégée, l’avis ne doit pas émaner d’un médecin dépendant de l’établissement de destination.

Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l’intéressé.

Ces articles s’appliquent à tous les régimes de protection (conventionnel (mandat de protection future), mixte (habilitation familiale), ou juridique (curatelle, tutelle))

2 Introduction aux mesures de protection

Note :Se référer à notre article « La protection des personnes vulnérables » pour une présentation plus complète de nombreux dispositifs de protection qu’ils soient conventionnels, judiciaires, mixtes ou matrimoniaux

Le juge des contentieux de la protection est une autorité judiciaire chargée de décider des mesures de protection à mettre en œuvre pour la protection des majeurs incapables ou en situation de vulnérabilité.

Il est compétent pour

  • Examiner les situations individuelles,
  • Évaluer en se basant sur l’avis de médecins experts inscrits sur la liste du tribunal d’instance du lieu de résidence habituelle de la personne à protéger
  • Prononcer la mise en place des mesures de tutelle, curatelle, sauvegarde de justice et habilitation familiale

Il a donc vocation à protéger la personne vulnérable et aura souvent tendance à figer et sécuriser son patrimoine en arbitrant les placements sur des fonds sans risque, en bloquant les cessions, les donations et les apports de biens immobilier en SCI ou SARL de famille ; empêchant ainsi la mise en place de stratégies permettant à la fois de protéger le patrimoine du sénior et son cadre de vie tout en préparant sa transmission à ses enfants.

Avant d’entrer dans la description de ces dispositifs de protection, indiquons brièvement les types d’actes qui peuvent être réalisés par une personne.

On parle d’actes de disposition pour ceux qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. Il s’agira par exemple de la réalisation d’emprunt, l’achat ou la vente d’un bien immobilier, la souscription à une assurance vie, ….

On parle d’actes d’administration, lorsqu’il s’agit de gérer son patrimoine enen conservant sa valeur, en le faisant fructifier et en maintenant ses droits (par exemple la réalisation de travaux d’entretien de son domicile ou arbitrer des titres dans un portefeuille de type compte titre, pea, assurance ou contrat de capitalisation)

Les actes conservatoires sont ceux qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire. La pose d’une hypothèque est par essence un acte de disposition, mais s’il s’agit de protéger le domicile du seniors fasse au remboursement immédiat d’une créance, il pourra alors s’agir d’un acte conservatoire.

Enfin les actes strictement personnels sont ceux qui concernent la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Ces actes ne peuvent jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée par un tuteur ou un curateur

La nuance est parfois étroite.

Par exemple un arbitrage entre deux fonds d’une assurance vie est généralement considéré comme un acte d’administration. Cependant, s’il porte sur une somme importante et si le fond destinataire de l’arbitrage présente un risque élevé, cet acte devient un acte de disposition car il peut conduire à une diminution significative du patrimoine.

A l’inverse la vente de titres détenus en direct (c’est-à-dire en dehors d’un compte titre ou d’un PEA) par la personne protégée est un acte de disposition, sauf si le montant de l’opération est faible par rapport au reste du patrimoine de la personne qui permettrait alors de le considérer comme un acte d’administration.

Aussi, le législateur a dans un décret du 22 décembre 2008 (n° 2008-1484 ) cf : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020017088,  définit une liste non exhaustive d’actes de disposition et d’administration en précisant ceux qui devront toujours être considérés comme des acte de disposition ou d’administration et ceux dont la nature dépendra des circonstances d’espèce

3 Les moyens de conservation du logement en pleine propriété

Le senior peut vouloir conserver la pleine propriété de son logement et le transmettre également en pleine propriété au survivant.

On trouve souvent cette situation dans des familles recomposées avec une mésentente entre les enfants du premier lit et le nouveau conjoint.

L’objectif est alors de conserver toute latitude pour vendre ou louer le bien et d’éviter toute indivision entre le survivant et les enfants de son conjoint, partenaire de PACS ou concubin prédécédé.

Ici encore, une anticipation tant juridique qu’économique est nécessaire. Juridique afin de préparer la transmission selon les souhaits des séniors ; économique car le survivant devra avoir les moyens financiers de ses volontés. Il pourrait en effet y avoir des soultes à verser aux héritiers.

Nous étudierons ci-après quelques moyen juridiques permettant de préparer la transmission en pleine propriété au survivant.

Rappel : Si on ne prépare rien et qu’il y a un partage judiciaire car les héritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord, le choix des lots (hors droits préférentiels défini aux art 831 à 834 du code civil) se fait par tirage au sort.

3.1 Le legs par testament

Il est possible via un testament de léguer sa résidence principale ou secondaire en laissant le choix au survivant de choisir le mode de détention. On parle alors de legs alternatif.

Par exemple : « je veux que mon conjoint puisse jouir sa vie durant de la maison située à …. constituant actuellement notre résidence secondaire. Cette jouissance pourra s’exercer par le choix de la pleine propriété, de l’usufruit , du droit d’usage et d’habitation ou d’un prêt d’usage (commodat) »

Cette solution est envisageable pour les couples mariés et les partenaires de PACS puisqu’ils sont exonérés de droits de succession entre eux.

Elle est à proscrire pour les concubins car ils sont, eux, soumis à des droit au taux de 60 %, après un abattement de seulement 1 594 €.

Rappel  :

La résidence principale est protégée pour les couples mariés, pendant un an uniquement. C’est un droit matrimonial dont le conjoint ne peut jamais être privé. Ce droit d’un an existe également pour le partenaire de PACS survivant (art 515-6 al 3 du code civil) mais pas pour le concubin survivant.

Il existe également un droit viager au logement mais uniquement pour les couples mariés cette fois. Le droit viager n’est pas d’ordre public. Le survivant peut en être privé par un testament authentique (764 cc). De plus ce n’est pas un droit automatique comme le droit temporaire d’un an. C’est un droit testamentaire, et le survivant doit en exprimer le choix dans les 12 mois de l’ouverture de la succession. (cf paragraphe 4.2)

Attention avant de rédiger un tel testament, il faut vérifier que l’on en a bien les droits nécessaires sur le bien. Pour cela il est plus prudent de vérifier les titres de propriété afin de s’assurer de qui possède effectivement le bien (possibilité de réemploi de fond propres, construction sur terrain d’autrui, indivision, détention en propre, démembrement, etc…) et si le bien vient d’une donation vérifier s’il n’y a pas un droit de retour en cas de prédécès du donataire.

Second point de vigilance en présence d’héritiers réservataires, il faut vérifier que le bien ainsi transmis ne dépasse pas la quotité disponible. Si tel était le cas, une renonciation anticipée à l’action en retranchement pourrait être envisagée, mais dans les familles où règne une mésentente cela sera difficilement possible, ou une soulte leur sera due.

Note ; on pourrait aussi envisager d’une donation de biens présents entre époux mais cela présente deux désavantages. D’une part au niveau fiscal, la donation de biens présents entre époux est taxée au-delà d’un montant de 80 724€ alors que le legs ne l’est pas. Et d’autre part une donation, sauf ingratitude, n’est pas annulable ce qui pourrait être problématique en cas de divorce, alors qu’un testament peut lui toujours être résilié. Le cas de la donation au dernier vivant sera présenté au paragraphe 4.1.4

Le legs peut également être complété par plusieurs dispositifs que nous allons évoquer ci-dessous.

3.1.1  Le Changement de régime de pacs

Cette solution peut être intéressante lorsque les deux partenaires ont des revenus significativement différents et que l’un va financer une grande partie du bien.

Depuis 2006, les PACS sont par défaut soumis au régime de séparation de bien. Ainsi, si celui qui décède en premier est celui qui a financé la majeure partie du bien, alors la transmission par legs au survivant va certainement dépasser la quotité disponible.

Il est donc intéressant dans ce cas, avant l’acquisition du logement, d’opter pour le régime de l’indivision. Le changement de régime du PACS n’est pas un changement de régime matrimonial. Le mode de possession des biens déjà acquis n’est pas modifié, seuls les biens futurs seront concernés

L’art 515-5-1 prévoit alors que les biens acquis sont réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale même si l’un en a financé 95%.

Il faut ici, privilégier une acquisition via un emprunt.

En effet l’art 515-2 du code civil limite la portée de cette solution lors de l’utilisation de fonds propres à l’un des partenaires (la part acquise à l’aide de fonds propres reste la propriété exclusive de celui qui l’a financée si une déclaration de réemploi a été faite dans l’acte d’acquisition ou s’il est créée une créance de restitution entre les partenaire).

Si le bien a déjà été acquis avant le changement de régime du PACS, alors l’apport en société pourra être envisagé (cf §4.4)

3.1.2  L’Attribution préférentielle du LOGEMENT

Le testament peut également prévoir une clause d’attribution préférentielle permettant de donner un bien particulier en priorité au survivant (ce n’est pas un préciput car il y a charge de verser une soulte si on dépasse la quotité disponible (QD)).

Pour les couples mariés, l’art 831-2 du code civil donne, au conjoint survivant, le droit d’attribution préférentiel du logement du couple au jour du décès ainsi que du mobilier le garnissant, et du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante.

Pour les partenaires de PACS, , l’article 515-6 prévoit également cette même attribution préférentielle mais uniquement si le partenaire prédécédé l’a expressément prévu par testament.

 Les concubins n’y ont pas droit.

Le testament doit prévoir une attribution préférentielle du cadre de vie plus le legs. En effet s’il mentionne uniquement l’attribution préférentielle, celle ci ne s’imputera pas sur la quotité disponible et la soulte à verser aux héritiers par le survivant en sera d’autant plus importante.

Note : Lorsque le bien est détenu en indivision, plutôt que de faire un transfert à titre gratuit, on peut prévoir une convention d’indivision prévoyant une faculté d’acquisition par le survivant de la quote-part du de cujus. Cela permet d’éviter toute indivision avec les héritiers. Encore faut-il que le survivant en ait les moyens. La convention doit être notariée (art 1873-13 cc). C’est une option et le prix sera déterminé au moment de l’acquisition.

3.2 La tontine (clause d’accroissement)

La tontine (ou clause d’accroissement) est une clause incluse dans un contrat d’acquisition à plusieurs qui prévoit qu’en cas de décès d’un des cotitulaires, la part du défunt revient automatiquement aux autres cotitulaires survivants, et ce, sans qu’elle fasse partie de sa succession.

Depuis 1980, l’administration fiscale (art 754 du CGI) considère que le bien est réputé transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l’accroissement dès lors que le bien a une valeur dépassant 76 000 € et qu’il n’est pas la résidence principale commune des deux coacquéreurs. Ainsi s’il s’agit de concubins, le survivant sera soumis à des droits de mutation à hauteur de 60 %.

Cette technique sera donc réservée aux couples mariés et aux partenaires de PACS.

Elle a cependant perdu de son intérêt fiscal depuis la loi TEPA avec l’exonération de droits de succession pour le conjoint ou le partenaire de PACS survivant.

Elle conserve pourtant un intérêt civil pour les cas où règne la mésentente familiale car elle permet le cas échéant de « contourner » les règles de la réserve héréditaire et évite les requalifications du contrat en libéralités donnant un maximum de protection au conjoint survivant en lui accordant la possession exclusive du bien en pleine propriété.

Si le bien a déjà été acquis, il faut alors apporter le bien à une société (SCI par exemple) et reporter la tontine sur les parts de la société.

Il faut toutefois prendre quelques précautions :

  • Il faut qu’il y ait une inconnue sur qui va mourir en premier. Il faut donc des conjoints d’âges similaires, sans que l’un ait des problèmes de santé connus réduisant son espérance de vie par rapport à l’autre. Les héritiers ne peuvent agir contre la tontine que si l’aléa n’est pas respecté
  • L’acquisition doit être réalisée dans des proportions équivalentes (max 55/45) ou prenant en compte l’écart d’espérance de vie des co-contractants.
  • Si les deux conditions ci-dessus ne sont pas respectées, il y aura possibilité pour les héritiers de requalifier la clause en donation déguisée qui sera alors rapportable à la succession et réductible au titre de l’article 843 du code civil.
  • Le recours à la technique de la tontine devra s’accompagner d’une vérification, d’une part, de la possibilité de mise en œuvre dans un contexte international et, d’autre part, de la fiscalité applicable.

Pour plus de détail sur le pacte tontinier, se référer à notre article dédié sur https://www.linkedin.com/pulse/connaissez-vous-la-tontine-pierre-yves-genet/?trackingId=%2FGzkLLbeQRShwdhxCETBfw%3D%3D

Attention la tontine peut également être un piège en cas de divorce. Il faut pour y renoncer, l’unanimité des cotitulaires.

3.3 Les avantages matrimoniaux (pour les COUPLES mariés UNIQUEMENT)

Il s’agit ici d’aménager le régime matrimonial des époux afin de favoriser le conjoint survivant par rapport aux autres héritiers, sur un bien qui serait un propre à l’un des époux ou des biens communs. D’ailleurs l’avantage matrimonial ne peut porter que sur des biens communs. Si le bien appartient en propre à l’un des époux, ou si les époux sont mariés sous un régime séparatiste, il faudra donc tout d’abord rendre le bien commun.

L’aménagement passe obligatoirement par un acte devant notaire qui décidera s’il est nécessaire ou non de liquider l’ancien régime (et donc du coût de l’opération). Depuis le 25/03/2019, le changement de régime peut être réaliser à tout moment (n’y a plus de délais de 2 ans entre 2 aménagements ou depuis le mariage) et il n’y a plus judiciarisation systématique des aménagements. C’est à dire plus d’homologation systématique de l’acte par un juge aux affaires familiales en présence d’enfants mineurs, sauf si le notaire juge que le changement leur est préjudiciable.

Les enfants majeurs sont informés par recommandé avec accusé de réception et les tiers par annonces légales (durée d’opposition de 3 mois à la plus tardives des deux dates (enfants ou tiers))

En présence uniquement d’enfants communs, il n’y aucune restrictions aux aménagements. Les enfants ne sont donc, dans ce cas, plus protégés car le survivant aura tous les droits et donc celui de tout dépenser. Ils n’auront donc aucune réserve au premier décès.

En présence d’enfant d’un autre lit, il existe une action en retranchement permettant à ces enfants de protéger leur réserve héréditaire (art 1527 du code civil alinéa 2). Cette action en retranchement n’est ouverte qu’aux enfants d’un autre lit, mais si elle est déclenchée, elle profite aussi aux enfants communs.

Il est possible s’il y a une bonne entente familiale de s’en protéger en faisant signer, devant notaire, à ces héritiers, une renonciation anticipée à l’action en retranchement (RAAR).

Enfin, toujours s’il y a des enfants d’une précédente union, il est également possible d’envisager une adoption de l’enfant du conjoint s’il existe plus de 10 ans entre l’enfant du conjoint et l’adoptant (sauf cas très particuliers nécessitant l’autorisation du tribunal)  pour permettre tous les aménagements matrimoniaux.

  • L’adoption sera simple si l’enfant est majeur.
  • Elle est dite plénière si l’enfant est mineur.
  • Dans les deux cas l’adopté est héritier réservataire de ses parents (mais dans le cas de l’adoption simple, son droit de représentation en cas de prédécès de l’adoptant peut lui être retiré par ses grands-parents de la ligne adoptive).
  • Au niveau des droits de succession, l’adopté « pleinier » a droit sans condition aux abattements en ligne directe. L’adopté « simple » doit lui avoir la capacité de démontrer   qu’il a reçu des soins non interrompus par l’adoptant pendant 5 ans durant sa minorité ou 10 ans pendant sa minorité et sa majorité pour bénéficier de cet abattement

Attention également au fait qu’en cas de divorce le lien d’adoption perdure avec les obligations alimentaires qui en découlent.

NOTE : Le notaire ne peut refuser d’instrumenter l’aménagement que si

  • Il est impliqué (cas d’un acte de sa famille)
  • Si l’acte est contraire aux bonnes mœurs
  • S’il n’a pas le prix de l’acte en comptabilité
  • S’il estime qu’il y a dol ou que le consentement de l’une des parties est vicié

Le client peut donc obliger le notaire à instrumenter un aménagement même si ce dernier le juge non opportun. Le notaire se protégera en indiquant dans l’acte toutes les conséquences de cet aménagement. Nous allons maintenant étudier les aménagements possibles.

3.3.1  Le préciput

Le préciput est une clause insérée dans le contrat de mariage prévoyant que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature (art 1515 du code civil).

L’article 1516, précise que le préciput ne doit pas être regardé comme une donation. Il est donc non réductible et non rapportable en présence uniquement d’enfants communs.

Le préciput est une option, une faculté mais en aucun cas une obligation.

Le prélèvement étant fait avant la liquidation du régime matrimonial, il n’en est pas tenu compte dans l’établissement de la masse commune et donc dans la masse successorale du défunt. Le bien peut donc être transmis en pleine propriété au conjoint survivant sans entacher la quotité disponible en présence uniquement d’enfants communs.

 S’il y a des enfants d’un autre lit, ils auront une possibilité d’action en retranchement si leur réserve est attaquée.

Le préciput peut être en pleine propriété ou en démembrement. Il peut être commun ou unilatéral (il n’y a qu’un des deux conjoints qui peut bénéficier du préciput)

On peut aussi prévoir un prélèvement avec indemnité dans le cas d’une famille recomposée

Le préciput est une clause de prélèvement avant partage mais il arrive que les services de l’enregistrement prennent, à tort nous semble-t-il, les frais de partage à 2.5% . Plusieurs jurisprudences de 2023 ont donné raison aux contribuables en exigeant le remboursement des 2.5% mais cette jurisprudence n’est pas encore reprise au BOFIP. Pour les conseillers : penser à rédiger un avis de conseil donné si le client ne veut pas payer les 2.5%.

En cas de divorce, l’art 265 al 2 du code civile prévoit que « Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. »

3.3.2  L’ameublissement des lieux de vie

L’ameublissement consiste à rendre commun un immeuble indivis ou qui appartenait en propre à un seul des époux.

La clause d’ameublissement peut être accompagnée de la clause dite « alsacienne » permettant un retour au propriétaire initial en cas de divorce.

3.3.2.1 La communauté universelle

C’est l’artillerie lourde.

Il s’agit ici, en effet, d’étendre la masse commune en faisant rentrer TOUS les biens des époux dans la communauté universelle (1526 cc). Il est nécessaire de prévoir également une clause de préciput sur certains biens ou d’attribution intégrale afin de transmettre le ou les biens au survivant.

Cela à un cout pour les biens immobiliers :

  • La taxe de publicité foncière soit 0.715% sur 50% de la valeur du bien
  • Plus 0.1% de sécurité immobilière sur 100% de la valeur du bien

Il est prudent de prévoir une clause de reprise des apports en cas de divorce (art 265cc al 3). Sans cette clause il y aura partage du bien propre apporté car « Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme. »

3.3.2.2     La société d’acquêts (régimes séparatistes)

Dans un régime séparatif, pour ameublir un bien, il sera nécessaire de créer d’abord une société d’acquêts (Cass civ 20/11/2017 n°16-29056) et y apporter le ou les biens qui étaient propres à l’un des époux ou en indivision et également de prévoir un préciput sur ce bien.

Cet apport à un coût :

  •  Si bien indivisaire :
    • si achat à quotité équivalente par les deux indivisaire (50/50) => droit fixe de 125€ car on ne change pas la proportion de détention du bien + 0.1% de sécurité immobilière sur la totalité
    • si autre répartition : 0.715% sur la moitié de la différence + 0.1% sur la totalité
  • Si bien propre :
    • 0.715% sur la totalité + 0.1% sur 100%

Note : Il ne faut pas mettre l’adresse du bien dans le contrat ou alors prévoir une subrogation en cas de changement du domicile.

4 Les alternatives à la pleine propriété 

4.1 Le démembrement du cadre de vie

Il est possible pour le senior de ne conserver que l’usufruit du bien et de transmettre ou non un usufruit successif à son conjoint.

Plusieurs intérêts :

  • L’usufruitier conserve le droit d’utiliser et de louer le bien
  • Le nu-propriétaire, supposé ici héritier, paye moins de droits puisque ceux-ci ne sont calculés que sur la seule valeur de la nue-propriété, déterminée selon l’âge du donateur, conformément à l’art 669 du CGI.
  • Les charges d’entretien et de réparation et la taxe foncière sont normalement à la charge de l’usufruitier et les gros travaux à charge du nu propriétaires selon les articles 605 et 606 du code civil.
  • Mais ces deux articles ne sont pas d’ordre public, on peut donc y déroger conventionnellement. Il faut cependant faire attention au fait que dans le temps les enfants puissent devenir plus riches et que les parents voient leurs revenus baisser. Il est ainsi possible d’anticiper la vulnérabilité du donataire en prévoyant que ce dernier sera en charge de tous les travaux jusqu’à ses 70 ans par exemple, puis de diminuer sa participation régulièrement en fonction de son âge ou de son état de santé (en prévoyant par exemple des taux de prise en charge en fonction de sa qualification GIR). (Note : Le GIR (groupe iso-ressources) correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée. Il est calculé à partir de l’évaluation effectuée à l’aide de la grille AGGIR. Il existe six GIR : le GIR 1 est le niveau de perte d’autonomie le plus fort et le GIR 6 le plus faible.)
  • L’usufruitier peut dans la donation se réserver également le droit, passé un certain âge ou sous d’autres conditions objectives, de demander que son usufruit soit converti en rente selon une convention entre les parties. (Attention ce n’est pas l’application de l’article 759 du CC qui permet la conversion sur demande du conjoints possédant l’usufruit ou d’une des héritiers nus propriétaires et qui est d’ordre public et ne peut pas être refusé par celui qui transmet l’usufruit. Ce n’est pas non plus le 761 du CC qui permet la conversion de l’usufruit du conjoint en capital, cette fois, avec accord entre le conjoints et les héritiers)

Il faut faire attention au fait que si l’usufruitier n’est pas en mesure de remplir ses obligations, le nu-propriétaire peut demander au juge de supprimer le démembrement (l’inverse n’est pas prévu par la loi) et ainsi de priver l’usufruitier de rester dans son cadre de vie (art 618 du cc)

Le démembrement peut avoir lieu par une donation de biens présents au cours du mariage (ce qui est irrévocable), par testament ou par une donation entre époux qui nécessite d’aménager le régime matrimonial. Ces deux dernières solutions étant révocables.

Le legs ou la donation de biens présents peuvent intervenir entre époux, entre partenaire de PACS ou entre concubin (attentions aux droits de transmission à 60% dans ce dernier cas)

NOTE : Pour les PACS, il est important de vérifier l’acte de naissance des seniors afin de connaitre la date du pacs, le régimes choisi et les éventuels changements de régimes. En cas de changement de régime, il n’y a pas d’effet rétroactif, il faut donc connaitre les dates d’acquisition des biens pour connaitre leur mode réel de détention.

  • Avant 2006 : présomption de l’indivision des acquêts. Même si l’un des pacsés achète seul un bien et ne fait pas de clause de remploi de fond propre, il y a présomption de possession à 2 du bien.
  • A partir de janvier 2006 : présomption de séparation mais possibilité d’opté pour le régime d’indivision.

Il existe différentes variantes à ce démembrement.

Le donateur peut se réserver soit l’usufruit, soit le droit d’usage et d’habitation soit même un usufruit temporaire suivi d’un droit d’habitation avec ou sans usufruit successif.

Si le conjoint survivant bénéficiant de l’usufruit successif est très jeune par rapport au donateur, les héritiers nus-propriétaires peuvent demander, dans les deux ans du décès du premier usufruitier, le remboursement du trop-perçu lors de la donation ou de la première succession (car l’usufruit en second sera plus long que le premier sur lequel a été basé les droits de transmission à titre gratuit).

4.1.1     Cas de la vente de la nue-propriété a un tiers ou vente à prix ajusté

Pour conserver son cadre de vie, un sénior peut décider, non pas de transmettre à titre gratuit la nue-propriété mais de vendre son bien à un tiers en conservant un usufruit viager ou temporaire calé sur l’espérance de vie. Ce sera souvent un institutionnel qui réalisera l’achat.

Cette solution se pose comme une alternative à la vente en viager, avec une ambition : écarter les réticences des candidats au viager, liées aux effets désagréables d’un décès prématuré pour le vendeur. Elle a été fort bien décrite dans « Le prix de vente Ajusté, Jean Aulagnier, 11/07/2023 »

Pour prévenir le cas où l’usufruitier survivrait bien au-delà de son espérance de vie théorique, il faut prévoir dans l’acte de cession, un droit d’usage et d’habitation à la fin de l’usufruit temporaire.

Etape 1 : vente de la nue-propriété avec une clause dans l’acte indiquant le versement d’un complément de prix aux héritiers en cas de décès prématuré du vendeur correspondant à la valeur de l’usufruit temporaire non consommé. La convention prévoit alors un usufruit temporaire suivi d’un droit d’usage et d’habitation. La durée de l’usufruit temporaire conservé par le vendeur est prévue contractuellement et correspond à une durée d’occupation théorique, fixée en fonction de l’âge du vendeur. et basée généralement sur la durée de vie probable calculée à partir des tables de mortalité de l’INSEE. Cette durée d’usage permet de calculer le prix de vente de la nue-propriété en déduisant de la valeur vénale du bien la valeur de l’usufruit temporaire, évaluée en valeur économique en appliquant la méthode d’actualisation des flux de loyers nets sur la durée de l’usufruit. Le vendeur senior perçoit, ainsi, immédiatement un capital. A la fin de l’usufruit temporaire, la continuité d’occupation est garantie à vie au vendeur grâce à la conservation d’un droit d’usage et d’habitation à vie, consécutif à l’usufruit temporaire réservé. Quoi qu’il arrive, le vendeur est ainsi assuré de rester chez lui jusqu’à la fin de sa vie sachant que les droits réservés (usufruit temporaire suivi d’un droit d’usage et d’habitation à vie) peuvent l’être au profit des deux membres du couple lorsqu’il s’agit de seniors mariés ou pacsés

Etape 2 : souscription par le vendeur d’un contrat d’assurance vie au bénéfice de l’acheteur pour le cas où le vendeur serait encore en vie à la fin de l’usufruit temporaire afin de dédommager l’acheteur par le versement d’une rente tant que le vendeur occupe les locaux au-delà de la durée de l’usufruit temporaire.

Etape 3 : La convention prévoit qu’à tout moment le vendeur peut décider de ne plus occuper le bien et de renoncer à son droit d’usage et d’habitation L’acheteur récupère alors le logement et en informe l’assureur. La rente est alors versée au vendeur jusqu’à son décès.

Etape 4 : Si la durée d’occupation du bien par le vendeur est inférieure à la durée de l’usufruit temporaire pour cause de décès prématuré, il est stipulé une compensation financière revenant aux héritiers du vendeur. L’acquéreur nu-propriétaire verse un complément de prix aux héritiers du vendeur en contrepartie du fait de devenir plein propriétaire du bien plus tôt que prévu. Le montant de ce complément est précisé dans l’acte notarié, décroissant d’année en année. Ce complément de prix permet de protéger le patrimoine familial du vendeur et l’acquéreur n’est pas pris au dépourvu puisqu’il sait dès l’origine ce qu’il aura, le cas échéant, à payer s’il devenait plein propriétaire plus tôt que prévu. Il pourra pour ce faire mobiliser un financement bancaire (puisqu’il sera plein propriétaire), revendre le bien (il bénéficie de temps pour cela) ou mobiliser ses fonds propres. De son côté, la succession bénéficie des garanties précisées dans l’acte notarié, quant au fait que l’acquéreur honorera son engagement de verser le complément de prix convenu

Toute la difficulté de ce montage réside dans la juste estimation du montant que doit placer le vendeur sur le contrat d’assurance-vie, afin d’assurer une rente acceptable à l’acheteur en cas de très longue vie et au complément de prix à payer en cas de décès prématuré.

4.1.2     Cession à titre onéreux de la nue-propriété aux héritiers

Il n’y a plus cette fois ni donation, ni legs mais les enfants décident d’acheter la nue-propriété.

L’intérêt de cette solution est de contourner le barème d’évaluation de la nue-propriété et de l’usufruit prévu à l’article 669 du CGI car on peut utiliser cette fois une évaluation économique de la nue-propriété.

Présomption fiscale : Il faut faire attention à l’article 751 du CGI qui prévoit une présomption d’appartenance à la succession de l’usufruit si l’héritier est le nu-propriétaire => Pour cela il faut justifier dans l’acte la réalité du paiement de la nue-propriété car la présomption prévue à l’art. 751 est une présomption simple qui peut être contrer par la preuve contraire.

A noter également que cette présomption ne joue pas si le cédant s’est réservé le droit d’usage et non l’usufruit ou si le droit a été acquis par une société civile (ou si la nue-propriété est issue d’une donation régulière faite plus de 3 mois avant le décès, mais ce n’est pas le cas traité ici).

Présomption civile : Attention, la présomption de l’article 918 du code civil est plus embêtante car elle est irréfragable (c’est-à-dire que l’on ne peut pas apporter la preuve contraire). Cet article prévoit que si l’un des héritiers en ligne direct est nu-propriétaire, alors au moment de la succession il y a un présomption irréfragable qu’il y a eu donation hors part successorale. On devrait donc rapporter la valeur du bien en pleine propriété et si cela dépasse la quotité disponible, le nu-propriétaire devra une soulte aux autres héritiers. Pour éviter cette présomption, il faut faire intervenir au moment de l’acquisition (attention : ce n’est pas possible au moment de la succession ni par un acte qui serait fait entre l’achat et la succession), les frères et sœurs pour qu’ils renoncent de manière anticipée à l’application du 918 (ce qui est généralement le cas lors d’une donation-partage, le 918 ne trouvant principalement à s’appliquer que lorsqu’un seul des héritiers en ligne direct est gratifié). Le 918 ne s’applique pas non plus si on interpose une SCI ou si le parent se réserve un droit d’usage et d’habitations et non un usufruit. C’est une présomption irréfragable, si cela n’est pas prévu dans l’acte d’achat cette présomption sera obligatoirement appliquée par le notaire même si les frères et sœurs n’en demandent pas l’application.

4.1.3     Cas d’exonération de plus value

La résidence principale est exonérée de plus-value.

Mais que se passe-t-il si la vente a lieu après que la personne est partie en établissement de soins ?

L’art. 150 U du CGI ( au II.1 ter) exonère sous conditions, le bien qui a constitué la résidence principale de son propriétaire avant son entrée dans un établissement social ou médico-social.

Condition 1 : Le bien doit avoir constitué la résidence habituelle et effective de la personne. Il doit être détenu soit en direct par la personne soit par une société transparente dont il est associé. Dans ce dernier cas, l’exonération porte sur la fraction de l’immeuble occupé à titre de résidence principale par l’associé et la quote-part revenant à cet associé.

Condition 2 : Pour ouvrir droit au bénéfice de l’exonération, l’ancienne résidence principale du cédant ne doit avoir fait l’objet d’aucune occupation depuis que le bien a cessé de constituer sa résidence principale. Par suite, le logement doit rester inoccupé : il ne doit être ni loué ni mis à la disposition gratuite d’un tiers, y compris pour une courte période.

L’exonération n’est pas remise en cause lorsque les membres du foyer fiscal du cédant (conjoint ou personnes à charge) ou son concubin, qui résidaient dans le logement au jour de son départ, ont continué à occuper le logement alors même que le cédant n’y réside plus.

Condition 3 : L’occupation du logement à quelque titre que ce soit, par toute autre personne, entraîne la remise en cause de l’exonération.

Condition 4 : Pour bénéficier de l’exonération, le cédant doit être domicilié fiscalement en France et résider dans un établissement destiné à accueillir des personnes âgées ou handicapées (EHPAD, foyers de vie,  foyers d’accueil médicalisé, maisons d’accueil spécialisées.

Condition 5 : La personne ne doit pas être redevable de l’IFI au titre de l’avant dernière année précédent la vente (il peut l’être avant ou après mais pas en N-2)

Condition 6 : Le revenu fiscal de référence de la personne ne doit pas dépasser, au titre de l’année N-2, le plafond défini au II de l’article 1417 du CGI (en 2024 :  29 288e pour la première part majorée de 6 843 pour la première demi-part supplémentaire et de 5 387€ pour les suivantes. Pour la Martinique, la Réunion, et la Guadeloupe ces montants sont portés respectivement à 35 395€, 7 508 et 7 159€ pour la 2e demi part et 5 387e pour les suivantes, Pour la Guyane et Mayotte les montant €sont fixés à 38 790, 7508e pour les 2 premières demi-parts, 6 392 pour la 3e et 5 387 pour les suivantes)

Condition 7 : La cession doit intervenir dans un délai inférieur à deux ans suivant l’entrée dans cet établissement

Rappel : Il est aussi possible d’obtenir une exonération pour la vente d’un autre bien que la résidence principale aux conditions que

  • La somme soit réemployée dans les 2 ans pour la construction ou l’acquisition d’une nouvelle résidence principale
  • Que la personne n’ai pas été propriétaire directement ou indirectement d’un autre logement qui lui aurait servi de résidence principale dans les 4 années précédant la cession
  • Cette exonération ne peut être obtenue qu’une fois dans sa vie
  • Voir BOI-RFPI-PVI-10-40-30 pour plus de détails

4.1.4 Le cantonnement

Le cantonnement permet au conjoint survivant ou au légataire de limiter le bénéfice de la transmission à une partie des biens auxquels il pourrait prétendre. Le reste étant alors transmis aux autres héritiers.

Le cantonnement est possible soit pour les couples mariés par une donation entre époux conformément à l’article 1094-1 du code civil soit par un testament (par une clause du type « Je lègue à ……, mon appartement situé à ………. En pleine propriété ainsi que les meubles qui le garnissent. …. Pourra éventuellement cantonner cette libéralité au seul usufruit voir au seul droit d’usage ou même en limiter l’étendue dans le temps. Dans le cas de l’exercice de ce cantonnement, les droits non retenus reviendront à …… »).

En fait, seule la dévolution légale ne permet pas le cantonnement.

Pour rappel, la donation entre époux ou encore donation au dernier vivant, prévue à l’art 1094-1 du code civile, permet au survivant de choisir (sauf mention contraire dans la donation ou dans un testament) soit la totalité de la masse successorale en usufruit, soit de la quotité disponible, soit de ¼ en pleine propriété plus les trois autres quarts en usufruits soit d’une liberté de cantonner son émolument.

Attention pour les donations entre époux enregistrées avant 2006, la donation entre époux ne permettait pas le cantonnement. Si le senior veut en profiter, il faut en refaire une nouvelle.

4.2 Droit sur le logement du conjoint survivant

Il s’agit ici de rappeler les droits du conjoint et dans une certaine limite du partenaire de PACS sur le domicile commun.

Droit temporaire d’une année après le décès (art. 763 du CC)

  • Ce droit est d’ordre public. On ne peut donc pas en priver le survivant
    • Pour y avoir droit, le survivant doit vivre avec le défunt au moment de son décès
    • Il porte sur le logement ainsi que sur le mobilier, compris dans la succession, qui le garnit, que ce logement soit la propriété exclusive du défunt, ou qu’il soit détenu en communauté ou en indivision où qu’il s’agisse d’une location ou d’une jouissance à titre gratuit d’une indivision.
    • Ce droit s’exerce gratuitement => S’il y a loyer, ou indemnité d’occupation et/ou des charges de copropriété c’est la succession qui doit payer pendant l’année (c’est un passif de succession).
    • Ce droit est aussi applicable pour le partenaire de PACS survivant (art 515-6 al 3) mais n’est pas dans ce cas d’ordre public (le défunt peut l’en priver par un testament même olographe)
  • Au-delà de cette année, on passe pour les couples mariés au droit viager d’habitation Art 764 cc (attention, les Pacsés n’en bénéficient pas).
    • Le défunt peut refuser ce droit au conjoint survivant
    • L’option du droit viager peut être intéressant pour le conjoint survivant s’il n’y a pas eu de donation entre époux et s’il y a un enfant d’un autre lit qui ne lui aurait permis de n’avoir qu’un quart en PP avec les risques liés à l’indivision.
    • Le conjoint survivant doit en faire la demande dans les 12 mois suivant l’ouverture de la succession
    • Ce droit d’usage et d’habitation est valorisé à 60% de la part en usufruit (ex si survivant à 75 ans au moment du décès, usufruit de 30% donc droit viager égal à 18%)
    • Art. 765 cc : le droit viager s’impute sur les droits du survivant mais si le droit viager dépasse ce droit, le survivant n’est pas tenu à récompense aux autres héritiers.
    • ATTENTION : Le droit d’usage et d’habitation ne permet habituellement pas la mise en location du bien mais pour le conjoint le dernier alinéa de l’article 764 du code civile stipule que  « Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d’habitation n’est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement. » => De ce fait, le conjoint survivant pourra mettre le logement en location pour partir par exemple en EHPAD ou en résidence sénior. C’est le conjoint lui-même qui juge que le logement n’est plus adapté (par exemple difficile d’accès, trop vaste, trop excentré, ne permettant pas l’accueil d’un garde malade, etc…)

4.3 Le commodat

C’est un contrat, prévu à l’article 1875 du code civil, par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir à la charge de le rendre après s’en être servi.

Ce prêt est essentiellement gratuit et engage les héritiers du prêteur comme de l’emprunteur sur la durée convenue (sauf convention contraire prévue au 2e alinéa de l’article 1879 du cc) en cas de décès de l’emprunteur.

C’est donc un moyen de garantir la disposition du lieu de vie au concubin survivant qui pourra ainsi demeurer dans les lieux « prêtés » pour une durée choisie (par exemple jusqu’à son décès), sans droits de mutation ni opposition possible des éventuels autres héritiers. (la cour de Cassation a d’ailleurs statué le 1/10/2017 (n°16-21419) sur le cas d’héritiers attaquant un commodat en prétendant qu’il s’agissait en fait d’une donation indirecte. Elle les a déboutés en rappelant que le commodat n’étant qu’un droit d’usage et d’habitation, il n’entrainait donc aucun transfert de droits patrimoniaux, de fruits ou de revenus de sorte qu’il n’en résultait aucun appauvrissement pour le prêteur, et qu’il ne pouvait donc en aucun cas s’agir d’une donation).

NOTE : Attention toutefois, le prêteur peut lui décider que la valeur des loyers non versés par l’emprunteur (plutôt dans le cas d’un commodat mis en place du vivant du préteur et non après son décès) soit rapportable lors de sa succession. Ainsi la Cour de cassation dans son arrêt du 19 mars 2014 (n° 13-14.139) a décidé que si le prêteur avait expressément manifesté une intention libérale (dans un testament par exemple) de constituer un avantage pour l’un des héritiers en mettant en place le commodat, alors l’emprunteur devra rapporter à la succession une somme correspondant à l’avantage indirect consenti (dans ce cas d’espèce , le testament, même révoqué avant le décès , a constitué un élément de preuve déterminant de l’intention libérale)

L’emprunteur doit veiller à conserver la chose prêtée qu’il devra rendre dans le même état au terme convenu.

Le prêteur puis ses héritiers restent propriétaires du bien. Ils restent donc tenus des gros travaux et restent redevables de l’IFI sur le bien prêté.

L’emprunteur est tenu des dépenses d’assurance et d’entretien. Toutefois si, pour user de la chose, il engage des dépenses, il ne peut pas la répéter (art 1886). Voir cependant https://www.actu-juridique.fr/civil/exclusion-de-la-repetition-des-depenses-ordinaires-engagees-par-lemprunteur-dans-le-contrat-de-pret-a-usage/ sur ce point (Cass. 1re civ., 13 juill. 2016, no 15-10474,)

ATTENTION : Le prêt à usage n’est pas considéré comme un contrat de location, Il rentre donc dans le cadre du point II de l’article 15 du CGI qui prévoit que les mises à disposition à titre gratuit d’immeuble n’ouvrent pas droit à impôt, mais en retour que le propriétaire ne peut pas déduire le coût des gros travaux qu’il pourrait engager (sauf cas exceptionnel des monuments historiques)

4.4 La détention sociétaire

Il s’agit ici d’acquérir un logement via une société ou d’y apporter un bien immobilier déjà détenu par le ou les seniors.

Cette solution peut s’adresser aussi bien aux couples mariés, qu’aux partenaires de PACS et aux concubins et permet également de traiter les stratégies présentées aux paragraphes précédents lorsque de bien est déjà détenu par les séniors avant la mise en place des solutions proposées.

Le but est principalement d’éviter les règles de gestion des biens indivis et de pouvoir commencer à transmettre tout en gardant le pouvoir sur les biens dans leur gestion et la capacité pour les séniors de les vendre et d’en racheter d’autres.

Les statuts de sociétés comme les SCI permettent en effet beaucoup de latitudes sur les pouvoirs des gérants.

  • Notamment en les partageant entre les 2 époux, partenaires ou concubins.  
  • De même le dernier alinéa de l’article 1844 prévoit un exercice conventionnel du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ce qui permet de donner des droits élargis aux usufruitiers (les seules limitations étant que les nus-propriétaires puissent toujours participer aux assemblées même si on peut les priver totalement de droits de vote à l’exception des décisions pour lesquelles les statuts ou la loi imposent l’unanimité des associés car c’est le nu-propriétaire qui est l’associé)

Note sur la notion d’unanimité des associés :

  • L’article 1852 du code civil prévoit que dans une société civile, « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. »
  • La cour de cassation (cass civ du 03/01/2022 n° 20-17.428) a rappelé que ce texte ne réduisait pas seulement l’ « unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais visait la totalité des associés de la société » *
  • Les statuts devront donc être « bavards » afin soit de donner un maximum de pouvoir aux gérants (ce qui n’est pas toujours souhaitable) soit définir les règles d’adoption des décisions ne figurant pas par exemple dans l’objet social. Par exemple en renvoyant à une assemblée extraordinaire définissant elle-même une règle de majorité aux seuls présents ou à un quorum plus faible que l’unanimité des associés.
  • Ceci est d’autant plus vrai, qu’avec une personne vulnérable parmi les associés, le refus du juge de permettre la cession d’un actif immobilisé (acte de disposition) pourrait bloquer l’opération même avec une minorité de voix si la règle de l’unanimité des associés trouvait à s’appliquer faute d’avoir prévu le cas dans les statuts.

Les époux gérants pourront seuls céder tout ou partie des biens et droits possédés par la société, à la double condition que :

  • Le pouvoir d’arbitrage et de cession de ces biens figurent clairement dans l’objet social (gérer par exemple ne suffit pas pour les cessions, l’objet doit bien comprendre les mots « céder », « échanger », et « acquérir »)
  • Que les statuts ne stipulent pas de limites à l’exercice de ces droits.

La société permet également d’anticiper la vulnérabilité éventuelle de l’un ou des deux époux, partenaires ou concubins :

  • Si l’un des associés gérants devient incapable, il ne peut plus rester gérant mais le second associé gérant peut continuer à gérer et faire ce qui est prévu à l’objet social sans avoir à passer par le juge.
  • Il n’est pas possible de nommer des gérants successifs dans les statuts (mêmes si certains greffes l’acceptent parfois), mais ceux-ci peuvent prévoir qu’en cas d’incapacité des deux gérants, une assemblée générale soit provoquée pour l’élection d’un ou plusieurs gérants en remplacement, même si ces derniers étaient initialement nommés à vie.
  • Pour la mise en place d’un mandat de protection future en cas de vulnérabilité du gérant voir l’article: https://revuefiduciaire.grouperf.com/article/3759/hb/20180604101520576.html. Pour rappel le mandataire ne peut en aucun cas représenter le gérant dans ses fonctions statutaires mais il peut le représenter s’il est associé ou usufruitier dans ses droits de vote.

En plus des intérêts civils présentés ci-dessus, l’interposition d’une société présente également un intérêt fiscal si le bien est acquis à l’aide d’un emprunt. En effet, en temps normal, la donation d’un bien avec charge (l’emprunt dans notre cas) n’est pas déductible du montant transmis sur lequel s’applique les droits et abattements (sauf cas particuliers). Alors que dans le cas d’une société, on va déduire le passif de la valeur des parts (ce qui sera intéressant pour la transmission des parts que ce soit en pleine propriété ou en nue-propriété).

4.4.1 Le démembrement combiné à la société civile :

Le démembrement des parts, ne peut pas être fait ab initio sauf à faire remploi de sommes ou de biens apportés, dont on peut prouver le démembrement antérieur.

Pour les partenaires de PACS et les concubins, on peut également prévoir un démembrement croisé permettant au survivant d’être plein propriétaire sur une partie des parts et usufruitier sur l’autre partie.

Le démembrement croisé se fait une fois le bien acquis par la société à l’aide d’un emprunt ou avant son apport s’il est apporté sans être grevé d’un passif.

Pour ce faire, on réalise un échange des usufruits des parts appartenant à chacun des séniors, en appliquant de la répartition prévue à l’article 669 du CGI car il y a génération de droits d’enregistrement.

Notes :

  • L’échange (Art 1702 du code civil) , est une double vente simultanée taxée à 5%
  • L’échange étant à titre onéreux, on ne risque aucune atteinte à la réserve, ni requalification.

Attention : s’il n’y a que le cadre de vie dans la SCI, cette dernière n’aura pas de revenus. Il faudra donc gérer un compte courant d’associés (CCA) qui sera taxable lors de la succession (il faut donc prévoir que le CCA ne soit pas immédiatement exigible après la succession pour que le survivant ne soit pas obliger de vendre le bien pour le rembourser) .

5 Les séniors locataires

Il nous reste à étudier ici le cas où le senior n’est pas propriétaire, mais locataire de sa résidence principale.

Pour les baux conclus à compter du 27/03/2014, le propriétaire ne peut pas s’opposer au renouvellement du bail si le locataire à plus de 65 ans et dispose de ressources inférieures au plafond d’attribution d’un logement conventionné sauf si le propriétaire veut se réserver ce bien pour son usage personnel avec toutefois quelques limitations énumérées plus loin dans ce paragraphe.

Cette mesure est également applicable lorsque le locataire a, à sa charge, une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur à ce même plafond.

L’époux du titulaire du bail peut exiger de rester dans les locaux (art 1751 cc) jusqu’au terme des 3 ans du bail, même si son nom n’est pas mentionné dans le bail. La cotitularité pour l’époux survivant est automatique. Le partenaire de PACS a également ce droit mais il doit lui en informer le propriétaire.

Le plafond 2024 de ressources, en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, est consultable sur https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16296 (il est en 2024, pour une personne seule compris entre 26 491€ en région et 33 857€ à Paris, et pour un couple compris entre 35 378€ en région et 50 603€ à Paris)

Si le propriétaire veut reprendre le bien pour son usage personnel, il doit reloger le locataire sauf si le bailleur est lui-même un senior de plus de 65 ans OU s’il a un revenu inférieur au plafond mentionné précédemment.

Le relogement doit se faire dans un logement correspondant aux besoins et aux possibilités du senior et être à proximité du logement actuel. La proximité est définie par l’art 13 bis de la loi 48-1360 du 01/09/1948 (modifiée par la loi du mars 2009) comme se trouvant :

  • Dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l’arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;
  • Dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ;
  • Dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d’une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km

L’usage personnel est limité à 3 cas :

  • Reprise du logement pour y habiter, pour y loger son conjoint, partenaire de pacs ou ascendants et descendants,
  • Pour vendre le bien libre d’habitation,
  • Pour un motif légitime est sérieux et ce uniquement à l’échéance du bail (six mois avant)

S’il y a résiliation pour vente, la résiliation vaut offre de vente au senior et ce dernier bénéficie d’un droit de préemption.

Enfin, un locataire sénior peut demander un départ avec un préavis de seulement un mois (même hors zone tendu) pour aller en résidence médicalisée

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire
Les séniors : Statistiques et rappels sur les aides sociales

Les séniors : Statistiques et rappels sur les aides sociales

Cet article est une introduction à une série d’articles traitant de la gestion et de la transmission du patrimoine des séniors, de la protection de leur cadre de vie et des mesures de protection pouvant être mises en place.

Il commence par rappeler quelques éléments statistiques importants puis rappelle les principales aides qui peuvent être attribuées soit en raison de l’âge soit de l’autonomie tout en soulignant la prohibition d’ingénierie sociale sur l’obtention ou l’optimisation de ces aides.

1 Quelques statistiques sur le grand age

On constate qu’en moyenne les éléments marquants de la vie se produisent aux âges suivants : :

  • 53 ans départ du dernier enfant du foyer
  • 55 ans premiers petit enfant
  • 58 ans début de la fin de vie sociale
  • 62 ans début de la retraite
  • 63 ans décès de premier des parents
  • 73 ans premier incident de santé
  • 82 ans préparation de la dépendance (amélioration du foyer)
  • 85 ans premières démarches vers la maison de retraite (dont certain pour avoir une vie sociale plus que pour des vraies raisons de santé)

On distingue plusieurs notions d’âges

  • L’âge social c’est l’âge que les autres vous donnent.
  • L’âge cognitif : c’est l’âge que l’on a l’impression d’avoir.
    • Quand on est jeune on a l’impression d’être un peu plus vieux que l’âge que l’on a réellement (en général on se donne entre 1 et 1.5 an de plus que son âge entre 15 et 20 ans)
    • Puis la tendance s’inverse. Vers 30 ans on se donne 1.5 ans de moins, vers 40 ans 7 ans de moins , vers 60 ans on a l’impression de n’avoir que 48 ans , entre 65 et 79 ans, 16 ans de moins puis on se fait rattraper par les problèmes de santé et à partir de 80 ans on a l’impression de n’avoir que 8 ans de moins que son âge réel.
  • L’âge chronologique. C’est notre âge réel :
    • 55/60 ans : changement de comportement d’achat60/65 ans : seuil d’accès à certaines prestations70/75 ans : pour les pro de la santé, c’est en général l’âge des premiers gros soucis de santé
    • 75/80 ans : on commence à ressentir le risque d’une relative dépendance

Plus on avance en âge, plus notre reste à vivre augmente

Ainsi, à 60 ans un homme peut espérer vivre plus de 23 ans et une femme près de 28 ans. A 80 ans, il reste, statistiquement, à un homme presque 9 ans de vie  et à une femme plus de 11 ans.

L’espérance de vie augmente de 5.5h par jour de vie (ou encore de 3 mois par an).

Il y a également une progression de l’espérance de vie en fonction de son année de naissance. Ainsi un bébé qui naissait en 2010 avait une espérance de vie de 77.5 ans si c’était un garçon et de 84.4 ans s’il s’agissait d’une fille. Alors qu’en 2020 les espérances de vie étaient déjà respectivement de 79.3 et 85.7 ans et que les projections indiquent 83.8 ans et 89 ans pour des naissances en 2050.

Cependant ce n’est pas toujours une vie en bonne santé.

La dépendance concerne :

  • 10% des personnes de plus de 75 ans
  • 35% des personnes de plus de 85 ans
  • 90% des personnes de plus de 90 ans

Elle est définie comme étant le besoin d’une aide pour réaliser un ou plusieurs des 4 actes essentiels de la vie quotidienne :

  • Se laver et s’habiller
  • Préparer les repas et se nourrir
  • Changer seul de position (Couché, assis, debout)
  • Se d placer

Les maladies d’Alzheimer et apparentées (Parkinson, Pick, Levy,…) touchent

  • 13% des hommes et 20% des femmes à 85 ans
  • 22% des hommes et 30% des femmes à 90 ans.

Un couple a une espérance de vie supérieure à un célibataire. Exemple : à 70 ans : espérance de vie d’un homme seul est de 15.8 ans, et pour une femme de 19.5 ans, alors que pour le couple elle est de 22.3 ans (c’est une information importante à utiliser lorsque l’on fait une évaluation économique de l’usufruit lorsque l’on met den place le démembrement d’un bien)

La durée de vie moyenne en situation de dépendance est relativement faible

  • 3.7 ans pour les hommes
  • 4.7 ans pour les femmes
  • A 80 ans, le risque de décès d’une personne dépendante est 4 fois supérieure à celle d’une personne autonome.

Le rapport 2023 de l’AMF sur les populations vieillissantes indique que

  • En 2020 , 9% de la population a plus de 75 ans. Ce sera 15% en 2040.
  • Les personnes de plus de 50 ans détiennent plus de 75% du patrimoine net des Français alors qu’ils représentent environ 35% de la population
  • Les plus de 70 ans détiennent eux plus de 19% alors qu’ils ne représentent que 9.5% de cette population
  • L’étude indique que  « Cette concentration du patrimoine chez les personnes les plus âgées s’explique non seulement par l’accumulation des revenus du travail, qui augmente au fil de la carrière, mais surtout par l’augmentation des transmissions patrimoniales, qui interviennent majoritairement aux alentours de 60 ans . En plus de concentrer une part importante du patrimoine, les catégories les plus âgées de la population se distinguent par une proportion plus importante de patrimoine financier dans leur patrimoine global»
  • Elle montre également que l’appétence ou l’aversion au risque est plus lié à la proportion de détention d’actifs financier qu’à l’âge. Ainsi, elle indique : » c’est avant tout le niveau de patrimoine qui détermine la propension à prendre des risques sur les marchés financiers. À titre d’exemple, l’investissement dans des actifs risqués dépend en premier lieu du patrimoine financier : 76 % des ménages appartenant aux 1% les plus dotés en patrimoine financier détiennent des actions en direct (contre 10% de l’ensemble des ménages, et 38% pour les 10% les mieux dotés en patrimoine financier) »

En 2020, le patrimoine moyen des seniors de 60 à 69 ans s’élevait à 361 000€ net dont 72% d’immobilier et 28% de patrimoine financier.

Pour garantir une rente annuelle de 30ke

  • En 1954 pour une femme de 68 ans dont l’espérance de vie était de 10 ans, il suffisait d’un capital de 230ke (taux technique à 5%)
  • En 2020, l’espérance de vie a doublée, le taux technique est à 1%, le capital à aliéner est de 490 000€

43% des encours des assurances-vies sont détenus par des personnes de 65 ans et plus (représentant actuellement 21% environ de la population majeure)

Les deux inquiétudes principales des séniors sont

  • Pourrais-je conserver et demeurer dans mon cadre de vie familier ?
  • Disposerais-je de suffisamment de ressources, facilement mobilisables, pour faire face aux dépenses de la vie et aux éventuelles adaptations nécessaires de mon domicile ?

En moyenne les dépenses de santé sont de 3 000 par an pour l’ensemble de la population française. Elles se montent à 6 000e pour les plus de 60 ans et 8 000par an au-delà de 75 ans. On peut se poser la question de la capacité de la collectivité à continuer à prendre en charge ce niveau de dépense avec l’accroissement de la proportion de personnes vieillissantes et en corolaire une augmentation possible du reste à charge par chaque individu ou sa famille.

2 LA TYPOLOGIE DES SENIORS

Il existe plusieurs classifications. Nous en présentons les principales ci-dessous.

2.1       Classification selon le mode de vie : Les couples et les personnes seules

  • Avec souvent un objectif de protéger le conjoint survivant pour les couples
  • La gestion de la solitude (souvent féminine, les femmes survivent souvent à leur époux ou partenaire

2.2      Classification selon l’age

  • Les « jeunes » séniors de 55 à 65 ans, généralement très actifs. Préoccupation : le plaisir, on a les moyens enfin de profiter de la vie
  • Les nouveaux retraités de 65 ans à 75 ans : adaptation à une nouvelle vie. Préoccupation : La liberté. On peut enfin voyager, organiser sa vie sans contraintes, mais aussi la fin de la socialisation liée à l’environnement professionnel. Il faut se réinventer une vie sociale.
  • Les grands séniors : de 75 ans à 85 ans : période dite de zone grise. Préoccupation : Sa santé. On ne bénéficie souvent pas encore de mesures de protection mais on commence à voir apparaitre des altérations cognitives (pertes de mémoire, diminution de l’attention, plus facilement influençable,…)
  • Les séniors vulnérables : + de 85 ans . Préoccupation : La dépendance et la fin de vie. L’appétence au risque décroit fortement, on limite nos efforts et on cherche la simplicité dans tout y compris dans la gestion de son patrimoine.

2.3      Classification selon l’état de santé

  • Actifs
  • Vulnérables
  • Protégés

2.4      selon le niveau d’autonomie : La grille AGIR pour » Autonomie Gérontologique Iso Ressources » (décret 2008-821)

  • Le GIR 1 C’est le e degré de dépendance le plus élevé. Il comprend des personnes confinées au lit ou au fauteuil, ayant perdu leur activité mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants.
  • Le GIR 2 :  les personnes qui sont confinées au lit ou au fauteuil tout en gardant des fonctions mentales non totalement altérées (les « grabataires lucides ») et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante, une surveillance permanente et des actions d’aides répétitives de jour comme de nuit OU les personnes dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités locomotrices (les « déments perturbateurs ») ainsi que certaines activités corporelles que, souvent, elles n’effectuent que stimulées. La conservation des activités locomotrices induit une surveillance permanente, des interventions liées aux troubles du comportement et des aides ponctuelles mais fréquentes pour les activités corporelles
  • Le GIR 3 : Les personnes ayant conservé des fonctions mentales satisfaisantes et des fonctions locomotrices partielles, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour les activités corporelles. Elles n’assurent pas majoritairement leur hygiène de l’élimination tant fécale qu’urinaire
  • GIR 4 : Les personnes n’assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur du logement, et qui doivent être aidées ou stimulées pour la toilette et l’habillage, la plupart s’alimentent seules OU les personnes qui n’ont pas de problèmes locomoteurs mais qu’il faut aider pour les activités corporelles, y compris les repas
  • GIR 5 : Les personnes assurant seules les transferts et le déplacement à l’intérieur du logement, qui s’alimentent et s’habillent seules. Elles peuvent nécessiter une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques.
  • GIR 6 : C’est le niveau d’autonomie le plus élevé. Il s’agit des personnes pouvant effectuer seules tous les actes essentiels de la vie quotidienne, ainsi que toutes les activités domestiques et sociales.

3  Rappel concernant les aides sociales

De nombreuses aides sont disponibles pour les séniors. Certaines seront remboursables en cas de retour à meilleure fortune ou sur succession, d’autres uniquement si certaines condition sont remplies , d’autres enfin ne seront jamais remboursable.

Nous allons les présenter sommairement dans les paragraphes suivants.

Attention toutefois, le CGP ne doit pas aller trop loin dans ses conseils pour la perception ou non de ces aides. Il doit se limiter à tenir compte de l’impact de ses préconisations sur les aides existantes et à un devoir d’information général. En effet l’ingénierie en matière d’aide sociale est strictement prohibée et réservée aux assistantes sociales

  • Art L262-51 du CASF : « Le fait d’offrir ou de faire offrir ses services à une personne en qualité d’intermédiaire et moyennant rémunération, en vue de lui faire obtenir le revenu de solidarité active, est puni des peines prévues par l’article L. 853-1 du code de la construction et de l’habitation » . Mais ce dernier article n’existe pas !!!. Il doit s’agir de l’art 852-3 du même code mais le texte n’ayant pas été corrigé depuis 2019 ce n’est pas sûr. Il s’agirait dans ce cas d’une amende de 4 500€
  • Art L815-15 du code de la sécurité sociale : Est puni d’une amende de 3 750 euros le fait d’offrir, moyennant rémunération, ses services à autrui en vue de lui permettre d’obtenir le bénéfice de l’allocation de solidarité aux personnes âgées »
  • L377-2 du code de la sécurité sociale : « Sera puni d’une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive dans le délai d’un an, d’une amende de 7 500 euros, tout intermédiaire convaincu d’avoir offert ou fait offrir ses services moyennant émoluments convenus à l’avance à un assuré social en vue de lui faire obtenir le bénéfice des prestations qui peuvent lui être dues »
  • L244-13 du code de la sécurité sociale : « Tout intermédiaire convaincu d’avoir offert ses services […] en vue d’obtenir, au profit de quiconque, le bénéfice d’une remise, même partielle, sur les sommes réclamées par les organismes de sécurité sociale […] sera puni d’une amende de 1 500 euros  et, en cas de récidive, d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 3 750 euros »

3.1      L’allocation de Solidarité aux personnes âgées (ASPA)

Elle est versée sous conditions de ressource (percevoir moins de 1 052.02€ brut/mois en 2024 pour un célibataire et 1 571.16 pour un couple) et d’âge.

Il faut, en effet, pour la percevoir, avoir dans le cas général, au moins 65 ans ou avoir un taux d’incapacité de travail permanente d’au moins 50% ou percevoir une retraite anticipée pour handicap

Dans ces derniers cas, la date de perception dépend de l’année de naissance

  • 60 ans si né avant le 01/07/1951
  • 60 ans + 4 mois si né entre le 01/07/1951 et le 31/12/1951
  • 60 ans et 9 mois si né en 1952
  • 61 ans et 2 mois si né en 1953
  • 61 ans et 7 mois si né en 1954
  • 62 ans si né en 1955 ou après

Les revenus pris en compte sont pour la condition de ressource sont :

  • Les revenus pro moins 2 650.37/ an si la moyenne des 3 derniers salaires est utilisée pour la détermination du plafond de revenu ou moins 10 601.5€ si c’est la moyenne des 12 derniers mois qui est utilisée
  • Les pensions (retraite, alimentaire, invalidité)
  • Les revenus de son patrimoine (estimé à 3% de la valeur vénale de ses biens) sauf pour la résidence principale qui n’est pas prise en compte

Ne sont pas pris en compte les autres aides perçues (AAH, APL, ALS, APA, PCH, distinction honorifique.

Pour un couple, le montant versé est en 2024 de :1 012.02€/mois si les revenus du couple sont inférieurs à 559€/mois, ou la différence entre 1 571.16€  et les revenus du couple si supérieurs à ce montant. Si les revenus sont supérieurs à 1 571.16€ l’aide n’est pas versée. Pour un célibataire l’aide est de 1 012.02€/mois moins ses revenus mensuels.

Les sommes versées pour l’ASPA sont récupérées sur la succession de la personne qui l’a reçu, uniquement si l’actif net de la succession est supérieur à

  •  105 300€ en métropole si le décès est intervenu après le 01/01/2024 (ou 100 000e s’il est intervenu avant cette date),
  • 150 000€.pour une personne résident dans les DOM.

3.2      L’allocation Adulte Handicapé (AAH)

Pour l’obtenir il faut avoir un taux d’incapacité déterminé par la CDAPH (Commission des droits pour l’autonomie des personnes handicapées) d’au moins 80% ou comprise entre 50 et 79% si la personne rencontre des difficultés importantes d’accès à un emploi qui ne peuvent pas être compensées par des mesures d’aménagement (du poste de travail par exemple) et durable (c’est-à-dire pendant plus d’un an)

Il faut avoir au moins 20 ans pour la percevoir.

Elle est attribuée à vie si le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 80%, ou  par période de 3 à 5 ans si le taux d’invalidité est compris entre 50 et 79%.

ce dernier cas l’aide s’arrête à l’âge légal de la retraite (64 ans en général actuellement) et, est remplacé par ASPA ,qui comme on l’a vu précédemment, est récupérable.

Elle est soumise à condition de ressource, percevoir moins de 12 193e/an pour un célibataire et 22 069€ pour un couple.

Le montant perçu est de 1 016.05€ moins les autres revenus et pension.

Le CGP cherchant à protéger une personne handicapée, devra faire attention, que les revenus générés ne viennent pas juste effacer l’AHH que cette personne aurait perçu au tire de l’AAH. Cette aide n’est pas récupérable

3.3      L’allocation Social à l’Hébergement (ASH)

L’ASH sert à payer tout ou partie des frais d’hébergement que facture l’établissement (Ehpad : la résidence autonomie, ou l’unité de soins de longue durée) ou l’accueil familial à la personne âgée.

L’ASH paie la différence entre le montant des frais d’hébergement et ce que peut payer la personne âgée, voire ce que peuvent payer ses obligés alimentaires (enfants, gendres, belles-filles)

Pour la percevoir il faut :

  • Avoir plus de 65 ans (ou plus de 60 ans si la personne a été reconnue inapte au travail),
  • Avoir des revenus inférieurs aux frais d’hébergement facturés.
    • Sont également pris en compte
      • Les revenus du conjoint, du partenaire ou du concubin
      • Les revenus du patrimoine frugifère
      • Les ressources du patrimoine non frugifère à hauteur de
        • 50% de la valeur locative des immeubles bâtis
        • 80% de la valeur locative des terrains
        • 3% du montant des capitaux
      • Les contributions des obligés alimentaires

Le montant versé dépend de chaque département

L’aide est récupérable :

  • Sur retour à bonne fortune de la personne (par exemple si elle reçoit un héritage, ou un gain au jeu, …)
  • Sur les donations faites par cette même personne dans les 10 ans qui ont précédé la demande d’ASH et après celle-ci
  • Sur l’actif net de sa succession.

Note : Si la personne âgée est également handicapée, alors il n’y a ni recours aux obligés alimentaires, ni remboursement sur la succession des proches (conjoints, enfants, personnes ayant assuré la charge de l’allocataire) mais le remboursement reste ouvert sur les actifs transmis à d’autres personnes.

3.4      L’allocation personnalisée d’Autonomie (APA)

L’APA sert à payer (en totalité ou en partie) les dépenses nécessaires pour permettre de rester à son domicile.

Pour la percevoir, il faut :

  • Avoir au moins 60 ans
  • Être dans une situation de perte d’autonomie (entre Gir 1 et Gir 4). Le montant versé dépend du niveau d’invalidité.
Gir 1Au maximum 1 955,60 € par mois
Gir 2Au maximum 1 581,44 € par mois
Gir 3Au maximum 1 143,09 € par mois
Gir 4Au maximum 762,87 € par mois
  • A ce maximum est déduit un reste à charge qui dépend des ressources de l’allocataire.
    • Ces ressources sont déterminées à partir :
      • Des revenus figurant sur le dernier avis d’imposition et également ceux soumis au prélèvement forfaitaires libératoire (y compris ceux du conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire)
      • des ressources du patrimoine non frugifère à hauteur de
        • 50% de la valeur locative des immeubles bâtis sauf la résidence principale
        • 80% de la valeur locative des terrains
        • 3% du montant des capitaux
  • Rester à son domicile ou celui d’un proche, d’un accueillant familiale ou en résidence autonomie.

Elle n’est pas cumulable avec certaines autres aides.

L’aide n’est récupérable qu’en cas de retour à meilleure fortune de l’allocataire.

3.5      L’Aide personnalisée au Logement (APL)

Elle est accessible aussi bien pour la personne âgée qui reste à son domicile (si elle est locataire) que si elle réside en EHPAD

L’APL est attribuée pour l’ensemble des personnes qui composent le foyer mais pour un seul logement (la résidence principale) Il n’y a pas de condition d’âge et uniquement des conditions de ressources et de loyer maximal.

Cf https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Brochure-bareme-2024-APL.pdf pour le détail des règle de calcul de l’APL qui dépendent des ressources, de la composition du foyer, du montant des loyers et des charges.

Elle n’est pas remboursable

3.6     La prestation de compensation du Handicape(PCH)

Elle est accordée en cas de difficulté absolue de réaliser au moins une activité du quotidien ou grave d’en réaliser au moins deux.

Elle doit être demandée avant les 60 ans de la personne.

Elle est attribuée sans condition de ressources, toutefois ces dernières sont prises en compte pour le taux de prise en charge des dépenses couvertes par la PCH.

Elle permet de couvrir

  •  L’intervention d’un aidant,
  •  L’aide technique destinée à l’achat ou la location d’un matériel pour compenser la situation de handicap
  • L’aménagement du logement par la prise en charge d’une partie des travaux du logement de l’allocataire pour compenser sa situation de handicap
  • L’aménagement du véhicule et les surcoûts liés aux trajets
  • Des dépenses exceptionnelles liées au handicap et non prises en compte par un des autres éléments de la PCH. Il peut s’agir, par exemple, de frais de réparations d’un lit médicalisé ou d’un fauteuil roulant
  • Une aide animalière comme l’acquisition et à l’entretien, par exemple, d’un chien d’aveugle. Dans ce cas, l’animal doit avoir été éduqué par des éducateurs qualifiés.

Elle n’est pas remboursable

3.7      La couverture santé

Pour les séniors les plus démunis, il est possible d’obtenir la Complémentaire santé solidaire (CSS) ex CMU

Elle permet

  • L’affiliation automatique au régime générale de la sécurité sociale et donc l’accès aux soins
  • L’accès aux professionnels conventionnés du secteur 1  et supprime les dépassements d’honoraires pour les professionnels conventionnés du secteur 2(remboursement à 100%)
  • La prise en charge du ticket modérateur, du forfait hospitalier, de certains soins dentaires, des soins de lunetterie et les prothèses

Conditions d’affiliation :

  • Être à l’ASPA (Allocation de Solidarité aux personnes âgées)
  • ou percevoir moins de 10 166e de revenus pour une personne seule ou 15 249e/an pour un couple. Sont compris dans les revenus les pensions retraites, les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers mais aussi les gains aux jeux.

3.8      Autres aides

Il existe encore d’autres aides

  • L’aide sociale pour l’aide à Domicile :
    • Elle permet aux personnes ayant des difficultés pour réaliser certaines taches ménagères d’employer une personne à son domicile (ménage, repas, toilette, linge,…) à conditions d’avoir des ressources inférieures au montant de l’ASPA (soit 1 012€/mois en 2024 pour une personne seule et 1 571 pour un couple) et d’avoir plus de 65 ans (60 ans en cas d’inaptitude au travail)
    • Elle est récupérable sur la succession si l’actif successoral est supérieur à 46 000€ ou en cas de retour à meilleure fortune ou sur les donations faites dans les 10 années ayant précédées la demande ou après celle-ci)
  • L’aide sociale pour les repas
    • Elle permet à la personne âgée de se faire porter des repas à domicile si elle n’est plus en état de se les préparer elle-même (avec une attestation médicale le certifiant) à conditions d’avoir des ressources inférieures au montant de l’ASPA (soit 1 012€/mois en 2024 pour une personne seule et 1 571 pour un couple) et d’avoir plus de 65 ans (60 ans en cas d’inaptitude au travail)
    • Elle est récupérable dans les même conditions que la précédente
  • Ma prim’Adapt
    • Cette aide regroupe depuis l e01/01/2024, l’ensemble des aides destinées à l’adaptation des logements pour les personnes âgées ou celles en situation de handicap.
    • Il faut pour l’obtenir
      • Être âgé de plus de 70 ans ou avoir entre 60 et 69 ans est être en GIR de 1 à 6, ou être en situation de handicap (en étant soit bénéficiaire de la PCH soit en ayant un taux de handicape supérieur à 50%)
    • Cette prime n’est pas récupérable
  • Il est aussi possible de solliciter les fonds d’actions sociales des caisses de retraite versant des pensions au sénior pour financer par exemple du matériel para médical. Les études sont alors réalisées au cas par cas. La caisse d’assurance maladie et les mutuelles peuvent également exceptionnellement fournir une aide sur demande tres circonstanciée.

3.9      Le remboursement des aides sociales

Cela concerne entre autres les aides versées aux personnes âgées placées dans un établissement pour les frais d’hébergement et d’entretien, essentiellement l’ASPA

Le département peut activer la demande de remboursement

  • D’une partie des aides au titre de l’aide alimentaire prévu l’article 205 (depuis avril 2024, sont dispensé de fournir cette aide :  les petits enfants de la personnes ayant reçu l’aide ainsi que les enfants qui ont été retirés pendant au moins 36 mois  de leur milieu familial avant leur 18 ans par décision de justice et pour le parent condamné, les enfants dont ce parent a été condamné comme auteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle sur l’autre parent)
  • Sur la succession du bénéficiaire de l’aide,
  • Par le donataire sur les sommes qu’il a reçu par donation de la personne ayant reçu les aides, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (1° de l’art 132-8 du code de l’action social et des familles)
  • Auprès du ou des légataires du testament de cette même personne
    • Le légataire universel ou le légataire à titre universel sont assimilés aux héritiers et sont tenus aux dettes de la succession
    •  le légataire particulier, celui qui reçoit un bien déterminé  n’est pas tenu de payer les dettes de la succession. Le recours à son encontre est exercé jusqu’à concurrence de la valeur du ou des biens légués au jour de l’ouverture de la succession.
  • Enfin et à titre subsidiaire auprès du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie souscrit par le bénéficiaire de l’aide sociale, à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans. Quand la récupération concerne plusieurs bénéficiaires, celle-ci s’effectue au prorata des sommes versées à chacun de ceux-ci (4° du même article).

Ne sont pas concerné par ces remboursements l’APA et les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées dans des établissements spécialisées

Pour garantir les recours prévus ci-dessus, le représentant de l’état ou le président du conseil départemental peut poser une hypothèque légale sur les biens immobiliers détenus par le bénéficiaire de l’aide.

De plus si le bénéficiaire est titulaire de créance (par exemple il était nu-propriétaire d’un quasi-usufruit, ou a consentit un prêt familial, etc..) alors l’état ou le département pourront percevoir ces créances dans la limite des prestations allouées.

L’action en recouvrement est prescrite par cinq ans après le décès de l’allocataire.

Il peut aussi y avoir un recours contre une société civile mais cela nécessite une autorisation délivrée par le conseil d’état. Il n’est donc dans la pratique jamais fait

Enfin il y a répétition de l’indu c’est-à-dire le remboursement d’un trop versé ou des aides versées après le décès de l’allocataire. En cas d’erreur, la prescription est de 2 ans à compter du paiement et 5 ans en cas de fraude et dans ce dernier cas s’ajoutent 10% de pénalité

En synthèse

 : Ne sont pas récupérables :

  • La prestation de compensation du handicap (PCH) ;
    • Le revenu de solidarité active (RSA) ;
    • L’allocation personnalisée d’autonomie (APA). 
    • L’allocation aux Adultes Handicapés (AAH)
    • L’alide personnalisée au logement (APL)
    • L’allocation compensatrice pour tierce personne (ACFP)
    • L’aide-ménagère quand elle est versée les caisses de retraite
  • Sont récupérables selon différentes modalités
    • L’aide sociale à l’Hébergement (ASH)
    • L’allocation de Solidarité aux Personnes Agées (ASPA)
    • Les aides sociales à domicile versées par le département (portage de repas, aide-ménagère…

3.9.1      La notion de retour à meilleure fortune

Celle-ci doit avoir lieu du vivant du bénéficiaire et correspondre à un évènements nouveau : (la vente d’un appartement n’est pas un retour à meilleure fortune car le bien appartenait déjà au bénéficiaire)

Elle doit correspondre à une amélioration de la situation en capital ou en revenu de manière significative

  • Exemple : héritage, mariage avec une riche épouse, gain loto, perception d’une assurance vie

3.10      Rester en dessous des seuils

Comme nous avons pu le constater précédemment, dans certains cas les aides étaient conditionnées à soit à des ressources globales englobant des revenus fictifs du patrimoine soit à des revenus effectivement perçus.

Dans le second cas, le CGP devra conseiller à son client des solutions qui n’auront pas comme unique résultat de remplacer les aides perçues par un revenu issu de son patrimoine.

Pour cela il existe plusieurs pistes :

  • On peut trouver des contrats à bénéfices différés (par exemple chez ODDO et Generali). Dans ces contrats, la participation aux bénéfices n’est pas immédiatement distribuée et est conservée par l’assureur dans un compartiment indépendant et indisponible pour l’assuré. Pendant 8 ans les rachats sont faits sur le capital et ne sont donc ni sujet à fiscalité, ni considéré comme des revenus. Les intérêts ne deviennent taxables, qu’après la huitième année. Mais là encore, il est possible de « différer » pour une période supplémentaire la participation aux bénéfices du contrat sans ouvrir un nouveau contrat.
  • Les livrets A, les LDDS, LEP (livret jeune si la personne vulnérable est jeune) sont envisageables
  • Attention pour la location meublée, on regarde les revenus avant amortissements donc ça ne marche pas (cf code de la sécu et de l’action sociale)
  • Il est également envisageable d’utiliser des structures sociétaires permettant pendant un temps de faire des remboursements de compte courant d’associés dans une société à l’IS avant d’avoir à prélever des dividendes..

En solution de dernier recours, si la personne a des participations dans une société, elle peut décider de distribuer massivement les dividendes sur une année seulement, en perdant les aides, cette année-là, mais en ayant des revenus forts cette même année et en retrouvant les aides les années suivantes

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire