1 Préambule
Dans cet article nous présentons sommairement le principe de la taxe Zucman afin pour que vous puissiez vous en faire une idée assez juste, au-delà des propos caricaturaux et souvent à l’emporte-pièce de ses promoteurs ou de ses détracteurs, dans la presse.
Nous verrons ensuite comment elle a été justifiée par son créateur Gabriel Zucman.
Puis, nous nous attacherons à la méthodologie des calculs présentés par G Zucman, et à la difficultés de mise en place et d’application de cette taxe dans la pratique.
Nous étudierons également les possibles effets pervers de cette taxe.
Nous nous interrogerons enfin, sur sa constitutionnalité, avant de conclure.
1 C’est quoi la taxe Zucman ?
Dans un rapport daté de juin 2024 (https://gabriel-zucman.eu/files/report-g20.pdf) , à l’occasion du G20 au Brésil, Gabriel Zucman propose une taxe mondiale de 2% sur le patrimoine des personnes physiques dont la fortune est estimée à plus de 1 Milliard de dollars. Taxe qui pourrait être étendue à ceux dont la fortune atteint 100 millions de dollars.
Il insiste sur le fait que cette taxe doit être mise en place au niveau international et que des systèmes de taxation complémentaires devraient être mis en place pour les contribuables qui chercheraient à s’y soustraire en s’expatriant dans les pays où elle n’existerait pas.
Cette taxe est dite différentielle en ce sens qu’elle prend en compte les impôts sur les revenus déjà payés par les « ultra-riches » pour fixer un seuil minimal d’imposition à 2% du patrimoine mondial de ces personnes. Ainsi un contribuable qui paye déjà des impôts sur l’ensemble de ses revenus à hauteur de 1.5% de son patrimoine global ne devrait-il verser qu’un complément de 0.5% de ce patrimoine au titre de la taxe Zucman.
Pour déterminer les impôts payés, G. Zucman propose de prendre en compte :
- l’impôt sur le revenu,
- l’impôt sur les plus-value,
- l’impôt sur la fortune (l’IFI en France),
- les impôts sur les dividendes et revenus du capital
- et les Taxes de succession et donation.
Il exclut les taxes à la consommation (TVA et taxe pétrolière) et les charges sociales.
Il considère comme ultra-riches les personnes étant dans le club très fermé des 0.01% individus les plus riches de la planètes (il en exclu donc les autres 99.99%).
Il définit la fortune, dans une publication de 2019, comme étant la sommes de tous les biens financiers (actions, compte bancaires, assurance vie, titres, obligation, cryptos,…) et non financiers (immeubles, terrains, œuvres d’arts, voitures,…) détenus par une personne physique, déduction faites de tous les passifs existant sur ces biens (emprunt, créances,…)
Il estime que cette taxe devrait rapporter :
- entre 200 et 250 milliards de dollars par an au niveau mondial en taxant environ 3 000 milliardaires
- et 100 à 140 milliards supplémentaires annuellement si elle était étendue à ceux dont la fortune dépasse 100 millions de dollars.
Nous étudierons aux paragraphes suivants les questions posées par ce rapport :
- Comment évaluer de manière fiable la fortune de chacun
- Comment mettre en place des taxations et éviter les évasions fiscales si certains pays n’appliquent pas la taxe Zucman
Mais dans un premier temps étudions comment Gabriel Zucman justifie la mise en place de cette taxe et sur quoi se basent ses calculs.
Coté justification, il fait le constat que les ultra-riches payent proportionnellement moins d’impôt sur leurs revenus que les autres catégories sociales.
Il déduit également de ses recherches et des analyses du magazine Forbes, que le patrimoine des 0.001% plus riches personnes de la planète, représentait environ 3% de la richesse mondiale en 1987 alors qu’il en représente 13.7% en 2024 et que donc que les ultra-riches s’enrichissent beaucoup rapidement que le reste de la population mondiale.
En parallèle de cette analyse, dans son rapport pour 2024, la fondation Jean-Jaures indique que la part de patrimoine détenue par les 50% les moins riches a quasiment été divisée par deux, chutant de 9 % à 5 % entre 1984 et 2022.
Enfin G Zucman considère que la taxe doit être déterminée par rapport à la fortune telle que définit plus haut et non par rapport aux revenus effectivement perçus à cause de la capacité des très riches à faire croitre leur fortune personnelle en minimisant les revenus qu’ils perçoivent proportionnellement à leur patrimoine.
1.1 Pourquoi les ultra-riches payent-ils proportionnellement moins d’impôts ?
1.1.1 A cause des impôts indirects…
Les impôts indirects comme la TVA ou la taxe sur les produits pétroliers en France, touchent toutes les couches de la population à un taux fixe indépendant des revenus de chacun.
Ainsi les 20 euros de taxes sur la valeur ajoutée payées sur un bien de consommation à 120€TTC coute proportionnellement plus cher à une personne qui gagne 2000e par mois (1%) qu’à un autre qui en gagne 10 000 (0.2%)
1.1.2 A cause de leur influence sur les décisions des entreprises qu’ils détiennent….
- Un contribuable ayant un pouvoir important au sein des sociétés qu’il détient peut inciter les organes dirigeants de ces sociétés à ne distribuer qu’une petite partie de leurs bénéfices sous forme de dividendes.
- Ces sociétés mettent alors les sommes non distribuées en réserve ce qui augmente le patrimoine des actionnaires.
- Elles peuvent également utiliser ces réserves pour investir et faire ainsi croitre encore plus leurs valeurs et donc le patrimoine de ce contribuable. Note : On peut légitimement se demander dans ce cas, s’il n’est pas justement intéressant pour la société et ses employés de bénéficier de cette source d’investissement.
- G. Zucman note que certes ces parts détenues finiront par être taxées sur les plus-values au moment de leur cession ou au moment de leur transmission à leurs héritiers. Mais il met en avant le fait qu’il existe dans de nombreux pays des dispositifs permettant de limiter fortement cette taxation (par exemple en France : le Pacte Dutreil, les donations avant cessions, les reports d’impositions disparaissant au décès de l’apporteur, les donations avec charges à des fondations, etc…)
- Il note également que ces personnes, bien que ne pouvant pas utiliser directement les sommes mises en réserves, peuvent nantir les parts qu’ils détiennent dans ces sociétés pour obtenir des prêts et se constituer ainsi un patrimoine personnel. Patrimoine qui étant lui-même potentiellement générateur de revenus pourra permettre de rembourser tout ou partie de l’emprunt avec une tres faible taxation (il est possible en effet d’utiliser des mécanismes d’amortissement ou des montage sociétaires pour diminuer la taxation des revenus de ces biens).
1.1.3 A cause de la mise en place de sociétés Holding….
- Dans ce montage, le contribuable met en place une société (dite holding) qui possèdent ou rachète les sociétés génératrices de dividendes qu’il contrôle.
- Les dividendes remontés par la fille à la holding sont très peu taxés (par exemple taxation seulement pour 5% de leurs valeurs dans le régime mère fille en France à 25% maximum soit 1.25%)
- Ces dividendes sont ensuite utilisés par la holding pour acquérir de nouveaux biens qui viennent grossir le patrimoine du contribuable sans jamais avoir été soumis à l’impôt sur les revenus
- Des montages peuvent permettre de transmettre par anticipation une partie importante du patrimoine ainsi crée par la holding à ses enfants avec de tres faibles droits de succession
- Ces enfants pouvant eux même grâce à la création de « sur-holdings » transmettre le patrimoine créé, de leur vivant à partir de ce patrimoine initial, à leurs propres enfants, dans des conditions tres avantageuses.
- On assiste alors à une concentration du patrimoine au seins de grandes familles.
1.1.4 A cause de l’utilisation de biens détenus par des sociétés contrôlées par le contribuable…
Il s’agit ici de faire acquérir un bien par une société détenue par le contribuable grâce à des sommes mises en réserve puis d’utiliser ces actifs à titre personnel.
La société est créée avec un objet social (par exemple la location de bateau ou de voitures de luxe ou la mise à disposition de moyens dans un but promotionnel, etc…), puis elle acquière un bien en cohérence avec cet objet social.
Elle peut ensuite utiliser effectivement ce bien conformément à sa destination pour limiter les soupçons d’abus de bien social. Ce bien n’étant pas utilisé sur la totalité de l’année (à noter que son utilisation peut aussi être pilotée en ce sens…), il peut être utilisé de temps en temps lors de ces périodes creuses par le propriétaire de la société.
Dans le cadre de biens détenus à des fins de réception (par exemple un bateau de luxe), il peut aussi être possible de déclarer que les personnes invités sur le bateau sont de très bons clients et que le voyage organisé sous les tropiques, auquel le propriétaire à bien-sûr participé, était en fait réalisé dans le cadre de la promotion d’un nouveau produit ou de l’entretien d’une relation client.
Ces montages exigent cependant beaucoup de doigtés car le risque d’abus de bien social, ou de corruption active et la taxation des avantages en nature ne sont jamais bien loin.
1.2 Mais les calculs de Zucman sur la dégressivité des impôts des ultra-riches sont-ils exacts ?
Les mécanismes présentés ci-dessus sont irréfutables et conduisent effectivement à une dégressivité des impôts des plus riches sur les revenus, car ils n’ont effectivement pas à « sortir » des revenus à hauteur de leur patrimoine pour très bien vivre.
Mais pour autant les chiffres annoncés par G. Zucman sont-ils corrects ?
Deux éléments permettent d’en douter.
- Tout d’abord, concernant les sommes récupérées par cette taxe, G Zucman reconnait lui-même la difficulté d’obtenir des valeurs fiables sur les patrimoine détenus. Il se base sur des enquêtes de journalistes et sur le croisement et l’interpolation de donnée publiques pour estimer la fortune et le nombre des « ultra-riches ». Il indique d’ailleurs que des articles récents de chercheurs, qui ont pu travailler sur des données confidentielles des administrations de certains pays (France, Hollande, Suède, Norvège), indiquent que les milliardaires représentent en fait un peu moins de 0.0001% de la population de ces pays, soit pour la France un peu moins de 70 personnes)
- Il reconnait ensuite que les revenus effectivement perçus (en dehors des dividendes versées par les société cotées qui sont publics) et par conséquence le montant des impôts effectivement payés sont confidentiels dans la plupart des pays.
- Les ratios présentés entre le montant des impôts ramenés au montant des revenus perçus sont donc entachés d’une marge d’erreur importante même si la dégressivité nous semble au global devoir être reconnue
Vient ensuite un biais méthodologique important dans la détermination de ce ratio.
- En effet G Zucman prend en compte, pour justifier la forte dégressivité, l’ensemble des taxes payées qu’elles soient directes comme l’impôt sur les revenus et la CSG/CRDS ou indirecte comme la TVA ou les taxes sur l’essence MAIS pour les revenus il ne prend en compte que les revenus imposables.
- Sont donc ainsi exclus toutes les aides perçues (en France : Aides au logement, RSA, CMU, allocations familiales, primes de rentrées, Allocation Adulte handicapé, Prime d’activité, etc…). Ce qui devrait conduire à des ratios infinis pour par exemple une personne au RSA qui achète des biens de consommation courante (division par 0 dans le calcul du ratio)
La quasi-constance du ratio « taxes/revenus » présenté pour les 90% de la population français puis la dégressivité forte au-delà de 95% doit donc être corrigé (certainement sous forme d’un pic pour les classe moyennes (seuls 45% des foyers français payent de l‘impôts sur les revenus même si tous payent de la TVA et de la CSG)) puis une dégressivité un peu moins forte au-delà.
Il n’en demeure pas moins que cette dégressivité existe effectivement bien sur les 5% les plus riches et qu’elle s’accroit au fur et à mesure que les revenus augmentent.
Pour autant, la taxe Zucman n’entend pas seulement corriger cette dégressivité de la taxation des hauts revenus, elle englobe également l’ensemble du patrimoine détenu que celui-ci soit ou non producteur de revenus.
2 Comment évaluer la fortune de chacun
Nous l’avons constaté précédemment, l’évaluation de la fortune d’une personne n’est pas chose aisée d’autant plus que les personnes visées par la taxe ont généralement des biens et des avoirs répartis dans de nombreux pays.
Il est effectivement des biens facilement évaluables, comme un compte bancaire, des actions dans une société cotée, …
Mais pour d’autres, leur évaluation est bien plus subjective. Citons par exemple, la valeur d’un objet d’art, la valeur des parts d’une société non cotée, la valeur de biens immobiliers d’exception (même si l’on peut dans ce cas se référer à la dernière valeur d’une transaction ou d’une transmission de ce bien si tant est qu’elle n’est pas été volontairement sous-évaluée).
Il est également assez facile pour un état de vérifier la valeur des biens détenus sur son territoire mais plus difficile de vérifier les déclarations faites sur la valeur des biens détenus dans d’autres pays.
La transmission d’informations entre pays dans le cadre des conventions fiscales bilatérales peut y aider mais dans de nombreux cas ces conventions n’existent pas et quand elles existent la qualité des informations transmises peut être sujette à caution.
Comment dans ce cas fixer, en valeur, le seuil des 2% alors que l’évaluation de la fortune pourrait être entacher d’une erreur de plusieurs millions voire même plusieurs dizaines de millions (exemple :Un tableau attribué à Léonard de Vinci a été acquis 450 Millions d’Euros par le roi d’Arabie Saoudite en 2017, mais en vaut-il, ne serait-ce que la moitié, depuis que la controverse sur celui qui l’a effectivement peint a été ouverte).
Comment également évaluer les passifs dans un contexte international (une créance familiale française ou la valeur d’un bien détenu en nue-propriété en France, seront-elles évaluées de la même façon en France, aux USA ou en Allemagne ?)
On peut supposer que l’évaluation de l’actif et du passif se basera donc sur la déclaration du contribuable, présumé de bonne fois, tant il sera difficile d’effectuer des contrôles dans un contexte international.
Tout ceci constitue une première difficulté de taille à la mise en place de cette taxe au-delà des difficultés de contrôle des valeurs déclarées.
3 Comment limiter l’impact de l’évasion fiscale?
Secondes difficulté liée à cette taxe, si l’ensemble des pays du monde ne la mettent pas en place en même temps, il risque d’y avoir plutôt une perte de revenus fiscaux liée à l’expatriation des plus gros contribuables.
La taxe aurait donc un effet contraire à celui escompté!
Dans son article, G. Zucman cite des recherches indiquant que l’accroissement de la taxation dans certains pays européens a engendré un exil fiscal de l’ordre de 0.01% de la population (mais sans indiquer la répartition de ces exilés parmi les plus riches citoyens). Il est fort probable que ce soit plutôt les gros contribuables qui soient incités à partir.
Il note toutefois (toujours en se basant sur une étude du magazine Forbes) que 90% des milliardaires vivent dans leur pays d’origine et que sur les autres 10%, une partie importante (mais il n’indique pas de chiffre) vivent dans des pays à faible fiscalité et que cette part tend à augmenter dans le temps.
Il indique quelques pistes pour limiter l’évasion fiscale, la première étant la mise en place dans tous les pays de sa taxe.
Puis il cite le principe
- de l’exit tax : impôt payé au moment du départ d’un pays (pour changement de résidence), telle qu’elle existe par exemple en France en application de l’art 167 du CGI. Elle permet de taxer même les plus-value latentes,
- la taxation des non-résident basée sur les actifs détenus dans un pays. Ainsi même si un contribuable se réfugie dans un pays ne pratiquant pas la taxe Zucman, tous les pays dans lesquels il aura des actifs seront en mesure d’en percevoir une partie.
- On peut toutefois s’interroger sur la méthode qui sera alors utilisée par chacun des états pour estimer la fortune globale de ce contribuable si ce dernier ne fait pas d’état déclaratif sur ces bien détenus sur d’autres territoires. Peut-être pourraient-ils procéder en fixant des règles prohibitives. On peut à titre de règle prohibitive citer la loi française qui taxe à 75% les dividendes perçus par un résident française en provenance de sociétés situées dans des états dis « non coopératifs »,
- l’imposition liée à la nationalité (telle qu’elle est pratiqué par exemple par les USA) ou à la durée de résidence et non au lieu de résidence
La mise en place de la taxe au niveau franco-français ne semble donc pas initialement aller dans le sens du rapport initial même si Mr G. Zucman semble aujourd’hui pousser à son adoption unilatérale par la France sur tous les plateaux télévisés et toutes les radio de France.
3 La mise en application
En supposant les problèmes cités aux paragraphes précédant résolus, comment la taxe pourra-t-elle être mise en recouvrement.
Prenons l’exemple généralement cité d’un startupper dont les parts dans sa startup sont valorisées à plus de 100 millions d’Euros. Il se prend un salaire confortable lui générant un impôt d’environ 20 000€ ce qui représente 0.02% de son patrimoine. Il va donc devoir payer 1 980 000e au titre de la taxe Zucman.
S’il possède du cash, il pourrait payer cette taxe en numéraire mais si demain la valorisation de sa société s’effondre (une percée technologique d’un compétiteur, un scandale, un changement de réglementation, un retournement de marché, etc …) alors il aura payé un impôt sur un patrimoine qu’il n’aura jamais effectivement détenu. Dans ce cas, l’état lui remboursera-t-il le trop taxé ? J’en doute !
S’il ne possède pas ce montant en numéraire ou ne souhaite pas risquer de tomber dans le cas précédent, il va donc devoir céder 2% de ses parts à l’état.
Mais pour que l’état puisse utiliser cet actif pour payer ses fonctionnaires ou financer ses projets, il va devoir vendre cette participation, car la startup ne génère encore aucun revenu et ce pendant peut-être encore plusieurs années.
Cela va donc faire rentrer des investisseurs non désirés au capital de la startup (peut-être des concurrents avides de ses technologies). Les clauses d’agréments ne pourront que difficilement fonctionner car elles supposent que les autres associés ou la startup elle-même aient les moyens de payer les parts en vente pour lesquelles ils refusent l’agrément à l’acheteur. Et en supposant même que la startup ait les moyens de financer le rachat de ces parts, c’est autant d’argent qu’elle ne pourra pas investir dans son développement.
Autre exemple. Un riche héritier possède des parts dans une grande entreprise représentant la quasi-totalité de sa fortune estimée à 100 Millions d’Euros. Il a signé un pacte d’associés visant à assurer la stabilité du capital de l’entreprise. Il perçoit des dividendes pour un montant de 500 000e annuels taxés à 30%. Il lui restera à verser 1 500 000e au titre de la taxe Zucman. Comment le fera-t-il s’il n’a pas cette somme en compte et que le pacte d’associés lui interdit de céder ses parts sous peine de sanctions financières ou de cession forcées de ses parts aux autres actionnaires ?
Dans la pratique, cette taxe va donc conduire à affaiblissement des sociétés innovantes et à une dilution incontrôlée du capital des grands groupes.
Autre point. Il existe actuellement de nombreuses conventions bilatérales entre états au niveau de la fiscalité prévoyant quel état devait imposer tel ou tel revenu d’un contribuable potentiellement imposable dans ces deux pays. Ces conventions prévoient également des dispositifs pour éliminer autant que possible les doubles impositions.
La taxe Zucman n’étant ni un impôt sur les revenus ni exactement un impôts sur la fortune, elle n’est pas prévue dans la plupart des conventions et donc chaque pays essayera de l’appliquer pour son propre compte. Il faudrait certainement prévoir un temps de renégociation de ces conventions (ce qui peut prendre de nombreuses années) avant qu’elle ne soit effectivement appliquée.
4 Les effets pernicieux
En plus de l’affaiblissement des entreprises, présenté au paragraphe précédent, dans les pays où cette taxe serait mise en place, d’autres effets non désirés pourront également apparaitre
Reprenons l’exemple de notre startup évaluée cette fois 200 millions d’Euros. Supposons que son créateur la conserve encore 10 ans puis décide de vendre ses parts.
Pendant ces 10 année il aura payé (en négligeant ses autres impositions) : 200 000 000*(1-(1-2%)^10)= 36 585 439e au titre de la taxe Zucman il lui restera donc 163 414 561€ à céder.
Il sera taxé à 30% sur les plus values et sera également soumis en France à la Cotisation Exceptionnelle sur les Hauts Revenus(CEHR). Il serait en l’état actuel également soumis à la CDHR (cotisation Différentielle sur les haut revenu définie à l’art 224 du CGI) pour le quart de la plus-value générée.
Cela conduit au global à un peu plus de 55 millions d’euros d’imposition de la plus-value.
Il aura donc été taxé au total sur 10 ans à 36 585 439 + 55 510 950 soit un peu plus de 92M€ (soit à plus de 46% de son patrimoine). Peut-on encore parlé d’égalité devant les contributions ?
Effet pernicieux supplémentaire, plus il conservera longtemps les titres de sa startup plus il sera taxé. Cela le conduira donc à privilégier une cession rapide de son activité plutôt que de la développer sur le long terme
De plus, avec ce niveau de taxation, tout startupper voyant que son projet décoller aura évidement envie d’aller localiser le siège social de sa startup dans des pays ensoleillés à faible fiscalité avant que les éventuelle exit-tax soient bloquantes. N’en déplaise aux chiffres constaté actuellement sur les 90% de milliardaires restant dans leur pays d’origine, le taux d’exil fiscal risque bien d’augmenter, car les mentalités ont bien changées pour les nouvelles générations par rapport aux personnes actuellement milliardaires!
On risque donc non seulement une fuite des contribuable mais également une fuite des talents et des innovations de ruptures chères à notre nouveau prix Nobel.
5 La taxe est-elle constitutionnelle ?
La constitution de la Ve république renvoie au préambule de la constitution de 1789, qui réaffirme lui-même «solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »
Cette déclaration des droits de l’homme, rappelle dans son article 13 que l’impôt « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
La question est donc de savoir si une taxe basée sur le patrimoine est constitutionnelle au sens des « facultés » contributives que pourraient avoir les français les plus aisés ou si elle rompt ou non l’égalité entre les citoyens.
Dans son rapport du 30/12/1981 sur la vérification de la constitutionnalité de l’Impôt sur les grandes fortunes, le conseil constitutionnel (CE) distingue deux types d’impôts sur le patrimoine.
- D’une part, un impôt qui cible « les revenus tirés du capital » (comme l’impôts sur les revenus de capitaux mobiliers ou le prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes)
- Et d’autre part un impôt qui tend à « liquider » le capital détenu sans prendre en compte les revenus tirés de ce patrimoine. (Par exemple, si l’IFI cumulé avec l’imposition sur les revenus n’étaient pas plafonnés à 75% des revenus du contribuable, il conduirait à une diminution constante du patrimoine de contribuables qui y sont soumis)
Dans sa décision 2012-654 du 09/08/2012, (concernant la contribution exceptionnelles sur les hauts revenus), le conseil constitutionnel rappelle d’ailleurs « qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi . . . doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Mais il indique toutefois que le législateur « doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».
Pour justifier la différence de traitement entre les revenus du capital et le revenu du travail, le CE prend en compte le fait que l’impôt sur le revenu du travail est en fait un impôts sur le revenu du capital humain. Revenu dont une part doit être consacré après distribution à sa « maintenance » (nourriture logement), alors que le revenu du patrimoine est un revenu net (la part liée à sa maintenance à déjà été déduite). Le CE estime donc juste que le revenu du patrimoine soit plus taxé que le revenu du travail.
Il ressort de l’analyse de toutes ces décisions, que la taxation du patrimoine puisse effectivement être jugée constitutionnel à la condition que soit mis en place un mécanisme de plafonnement par rapport aux revenus effectivement perçu au niveau mondial par le contribuable.
La taxe Zucman étant une taxe différentielle prenant l’ensemble des contributions du contribuable, elle intègre bien un système de plafonnement mais ce dernier est basé sur un pourcentage du patrimoine et non sur un pourcentage des revenus effectifs. En ce sens elle se rapproche d’avantage d’un impôt de « liquidation du capital » que d’un impôt sur le revenu du capital. Elle est donc de notre point de vue inconstitutionnelle.
Le CE constitutionnel a également écarté la constitutionnalité (décision 2012-662 du 29/12/2012) de la taxation à l’ISF des plus-values-latentes (tels que les bénéfices non distribués et mis en réserve et les plus-value en report ou en sursis d’imposition) au motif qu’il n’est pas établi que ces plus-values soit effectivement à disposition du contribuable.
La taxe Zucman s’appliquant sur la totalité du patrimoine (professionnel ou non) elle taxe de fait les plus-value latentes, elle est donc également de notre point de vue inconstitutionnelles à ce second titre.
6 En conclusion
Comme nous l’avons déjà souvent constaté dans nos précédents articles, l’imagination du législateur est infinie lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles taxes.
Elle semble beaucoup plus imitée, comme le prouve l’état d’endettement de notre pays, pour réaliser des économies.
Si les constats réalisés sur le fait que les plus riches sont proportionnellement moins imposés que les 95% du reste de la population, et sur la concentration grandissante de la richesse mondiale entre les mains de quelques-uns, semblent indéniables, la solution n’est pas être une taxation aveugle des patrimoines car elle semble difficile à mettre en place, provoque un affaiblissement de nos entreprises ainsi que de notre capacité d’innovation et semble de plus inconstitutionnelle.
La confiance affichée par G Zucman concernant l’évasion fiscal nous semble également exagérée. Depuis la mise en place du télétravail post COVID on voit de plus en plus de personnes aller profiter de cieux plus cléments et y travailler à distance. Elles ne rentrent peut-être pas encore dans les 0.001% des plus riches car encore jeunes mais peut-être le seront-elles dans quelques années.
D’autres pistes peuvent également être envisagées pour équilibrer le budget du pays:
- Des économies. Rêvons un peu…
- Une base plus large en population soumis à la taxe Zucman, mais en excluant de la fortune prise en compte, les biens professionnels au sein desquels le contribuable exerce son activité principale
- Un renforcement de la taxation des dividendes remontés à une Holding lorsque cette dernière ne remplit pas certains critères (par exemple la remontée de dividendes pour le rachat d’une société d’exploitation à l’aide d’un emprunt au niveau de la holding resterait faiblement taxée mais la remontée pour l’acquisition de biens immobiliers non destinés à la société d’exploitation ou la mise en réserve des bénéfices remontés serait taxée comme un bénéfice de la Holding)
- Le renforcement de la taxation des grandes successions et la limitations des dispositifs d’exonération, à l’exception de la transmission d’une entreprise à un héritier qui y poursuit effectivement son activité professionnelle en tant que dirigeant. En effet on estime
- qu’au niveau mondial 60% de la fortune globale est maintenant héritée
- que si 50% de la population hérite de moins de 70 000e tout au long de sa vie, les individus appartenant au 1% des plus riches héritent en moyenne de 4 millions d’euros et ceux appartenant au 0.1% des plus riches héritent en moyenne de plus de 13M€ chacun
- que la « grande transmission » correspondant à la disparition de la génération des babies-boomers (nés entre 1946 et 1964) devrait engendré en cumul en France, entre 2025 et 2035, un flux de transmission de l’ordre de 5 800 milliards d’Euros (porté à 9 00
