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La protection du cadre de vie des séniors

La protection du cadre de vie des séniors

Il est important d’anticiper la vulnérabilité qui pourra nous atteindre lorsque l’on avance en âge. 

Si nous attendons, le conjoint, le partenaire, le concubin survivant ou les héritiers devront alors passer par le juge pour gérer notre patrimoine, et tout ce qui a été mis en place pour que nous ou celui des deux qui survivra ayons des revenus supplémentaires; sera très probablement gelé par le juge des contentieux de la protection (ex-juge des tutelles). Ce dernier sécurisera, dans la plupart des cas, l’ensemble du patrimoine et limitera les possibilités de gestion des actifs.

Il est également important de permettre au conjoint survivant de conserver son lieu d’habitation quelques soit la composition de la famille et les relations entre ses membres.

C’est l’ensemble des ces points que nous allons aborder dans cet article.

1  Attachement aux résidences principales et secondaires

Le maintien au domicile est une attente très générale.

En effet, 75% des séniors souhaitent se maintenir dans leur logement ainsi que dans leur environnement immédiat (voisins, commerces, médecins, etc…) car ils y ont leurs habitudes.

Il est nécessaire de se poser et de faire un point sur ses objectifs et sur ses possibilités réelles. En effet certains souhaitent rester dans le même logement, d’autres acquérir un logement plus petit (62%) à proximité de leur logement actuel, d’autres envisagent la location voire la colocation, ou plus rarement un passage en résidence sénior à proximité mais sans avoir réellement envisagé les coûts de ces solutions.

Les questions à se poser sont :

  • Est-ce que mon habitat se prête à mon avancée en âge
    • Existence de marches ou d’étages,Adaptation des installations sanitaires (baignoire, douche avec marche, possibilité d’utiliser un fauteuil roulant, etc…)
    • Si le logement est en milieu rural ; existe-t-il des difficultés de transports pour se rendre dans les commerces, ou chez le médecin,
  • Est-ce que j’ai les moyens d’effectuer les travaux nécessaires pour adapter mon logement actuel,
  • Est-ce que j’ai les moyens de financer une résidence pour séniors,
  • Est-ce qu’il a, à proximité, des membres de ma famille pouvant venir m’aider en cas de besoin ?
  • Quelle est la proximité des relations sociales (amis, associations, club,…) ?
  • Quel est le coût du maintien à domicile :
    • Travaux (les locaux sont-ils adaptés à la personne âgée mais également à recevoir une personne devant aider le sénior : par exemple une chambre supplémentaire pour la garde de nuit)
    • Montant des charges fixes (énergie, assurances, taxes, charges de copropriété…)
    • Coût des transports
    • Coût des aides à domicile (Une garde de nuit coûte entre 150 à 200e la nuit, et l’accompagnement de jour de 12€à 14/h pour une personne en perte légère d’autonomie, 15 à 16/h pour une personne en situation de dépendance lourde et de 20 à 30de l’heure pour une personne en de dépendance totale)
    • Quels sont les revenus du couple mais également dans le futur du survivant (aura-t-il droit à une pension de réversion, devra-t-elle être partagée avec des ex époux(ses) ?)
    • Le coût d’entretien du logement sera-t-il supportable par le seul survivant et ensuite par les héritiers ?
  • Si le coût est trop important
    • La cession est-elle possible (existe-il déjà un démembrement)
      • Si démembrement, en cas de vente, me restera-t-il assez pour me reloger dignement, a-t-il été prévu une clause de remploi ou de quasi-usufruit sur le prix de vente ?
      • Les enfants nus-propriétaires :
        •  Accepteront-ils de céder le bien ?
        • De réinvestir avec les seniors dans un lieu qui leur convienne ?
    • Quel est ou sera l’état du marché au moment où l’état de vulnérabilité surviendra ?
  • Est-il réellement opportun de me maintenir dans mon logement
    • La maison prévue initialement pour une grande famille, n’est-elle pas trop grande pour une seule personne ?
    • La maison n’est-elle pas trop éloignée
      • de mes proches qui sont partis vivre ailleurs
      • de toutes les commodités
    • La conservation de la résidence secondaire est-elle légitime (oui pour des regroupements familiaux par exemple).
    • Si oui, l’indivision future est-elle envisageable ?

La partie de l’audit concernant l’adaptation du cadre de vie au grand âge peut être réalisée par un ergothérapeute. Certaines mairies ou conseils généraux offrent ce service gratuitement, sinon compter environ 300 pour cette intervention. Les retours d’expérience montrent qu’une première chute suivie d’une période d’immobilisation et de rééducation est souvent le facteur déclenchant de la mise en établissement surtout si la personne est seule ; avec malheureusement souvent un non-retour au domicile. Il faut donc éviter les tapis, les baignoires, les petites marches, …).

Une fois cette analyse, réalisée, il faut soit initier les mesures qui seront nécessaires (apport en société, donation, cession, etc…) soit rédiger avec un professionnel un mandat de protection future définissant les modalités de maintien au domicile et d’aménagement éventuel du cadre de vie.

La loi du 7 mars 2007  (entrée en vigueur le 01/01/2009) a prévu la protection du domicile de la personne vulnérable

L’article 425 du code civil définit le majeur protégé comme ayant des capacités mentales ou corporelles altérées au point d’empêcher l’expression de la volonté. Ce n’est pas le médecin de famille qui peut statuer sur cet état mais un médecin inscrit sur les listes auprès du tribunal.

L’article 426 du même code, envisage plus spécifiquement la protection du logement. Plus globalement, il définit le « cadre de vie » comme étant le logement, les effets personnels, les meubles, la résidence principale ou secondaire. Il indique ensuite que ce cadre de vie doit être conservé à disposition de la personne protégée aussi longtemps qu’il est possible.

Il précise que si le cadre de vie doit être quitté que ce soit par une vente du logement ou par la conclusion ou résiliation d’un bail, alors cela nécessite l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué et que même dans ce cas, la décision du juge doit être motivée par un avis médical.

De plus si ce départ à pour but la mise en établissement spécialisée de la personne protégée, l’avis ne doit pas émaner d’un médecin dépendant de l’établissement de destination.

Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l’intéressé.

Ces articles s’appliquent à tous les régimes de protection (conventionnel (mandat de protection future), mixte (habilitation familiale), ou juridique (curatelle, tutelle))

2 Introduction aux mesures de protection

Note :Se référer à notre article « La protection des personnes vulnérables » pour une présentation plus complète de nombreux dispositifs de protection qu’ils soient conventionnels, judiciaires, mixtes ou matrimoniaux

Le juge des contentieux de la protection est une autorité judiciaire chargée de décider des mesures de protection à mettre en œuvre pour la protection des majeurs incapables ou en situation de vulnérabilité.

Il est compétent pour

  • Examiner les situations individuelles,
  • Évaluer en se basant sur l’avis de médecins experts inscrits sur la liste du tribunal d’instance du lieu de résidence habituelle de la personne à protéger
  • Prononcer la mise en place des mesures de tutelle, curatelle, sauvegarde de justice et habilitation familiale

Il a donc vocation à protéger la personne vulnérable et aura souvent tendance à figer et sécuriser son patrimoine en arbitrant les placements sur des fonds sans risque, en bloquant les cessions, les donations et les apports de biens immobilier en SCI ou SARL de famille ; empêchant ainsi la mise en place de stratégies permettant à la fois de protéger le patrimoine du sénior et son cadre de vie tout en préparant sa transmission à ses enfants.

Avant d’entrer dans la description de ces dispositifs de protection, indiquons brièvement les types d’actes qui peuvent être réalisés par une personne.

On parle d’actes de disposition pour ceux qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. Il s’agira par exemple de la réalisation d’emprunt, l’achat ou la vente d’un bien immobilier, la souscription à une assurance vie, ….

On parle d’actes d’administration, lorsqu’il s’agit de gérer son patrimoine enen conservant sa valeur, en le faisant fructifier et en maintenant ses droits (par exemple la réalisation de travaux d’entretien de son domicile ou arbitrer des titres dans un portefeuille de type compte titre, pea, assurance ou contrat de capitalisation)

Les actes conservatoires sont ceux qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire. La pose d’une hypothèque est par essence un acte de disposition, mais s’il s’agit de protéger le domicile du seniors fasse au remboursement immédiat d’une créance, il pourra alors s’agir d’un acte conservatoire.

Enfin les actes strictement personnels sont ceux qui concernent la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Ces actes ne peuvent jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée par un tuteur ou un curateur

La nuance est parfois étroite.

Par exemple un arbitrage entre deux fonds d’une assurance vie est généralement considéré comme un acte d’administration. Cependant, s’il porte sur une somme importante et si le fond destinataire de l’arbitrage présente un risque élevé, cet acte devient un acte de disposition car il peut conduire à une diminution significative du patrimoine.

A l’inverse la vente de titres détenus en direct (c’est-à-dire en dehors d’un compte titre ou d’un PEA) par la personne protégée est un acte de disposition, sauf si le montant de l’opération est faible par rapport au reste du patrimoine de la personne qui permettrait alors de le considérer comme un acte d’administration.

Aussi, le législateur a dans un décret du 22 décembre 2008 (n° 2008-1484 ) cf : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020017088,  définit une liste non exhaustive d’actes de disposition et d’administration en précisant ceux qui devront toujours être considérés comme des acte de disposition ou d’administration et ceux dont la nature dépendra des circonstances d’espèce

3 Les moyens de conservation du logement en pleine propriété

Le senior peut vouloir conserver la pleine propriété de son logement et le transmettre également en pleine propriété au survivant.

On trouve souvent cette situation dans des familles recomposées avec une mésentente entre les enfants du premier lit et le nouveau conjoint.

L’objectif est alors de conserver toute latitude pour vendre ou louer le bien et d’éviter toute indivision entre le survivant et les enfants de son conjoint, partenaire de PACS ou concubin prédécédé.

Ici encore, une anticipation tant juridique qu’économique est nécessaire. Juridique afin de préparer la transmission selon les souhaits des séniors ; économique car le survivant devra avoir les moyens financiers de ses volontés. Il pourrait en effet y avoir des soultes à verser aux héritiers.

Nous étudierons ci-après quelques moyen juridiques permettant de préparer la transmission en pleine propriété au survivant.

Rappel : Si on ne prépare rien et qu’il y a un partage judiciaire car les héritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord, le choix des lots (hors droits préférentiels défini aux art 831 à 834 du code civil) se fait par tirage au sort.

3.1 Le legs par testament

Il est possible via un testament de léguer sa résidence principale ou secondaire en laissant le choix au survivant de choisir le mode de détention. On parle alors de legs alternatif.

Par exemple : « je veux que mon conjoint puisse jouir sa vie durant de la maison située à …. constituant actuellement notre résidence secondaire. Cette jouissance pourra s’exercer par le choix de la pleine propriété, de l’usufruit , du droit d’usage et d’habitation ou d’un prêt d’usage (commodat) »

Cette solution est envisageable pour les couples mariés et les partenaires de PACS puisqu’ils sont exonérés de droits de succession entre eux.

Elle est à proscrire pour les concubins car ils sont, eux, soumis à des droit au taux de 60 %, après un abattement de seulement 1 594 €.

Rappel  :

La résidence principale est protégée pour les couples mariés, pendant un an uniquement. C’est un droit matrimonial dont le conjoint ne peut jamais être privé. Ce droit d’un an existe également pour le partenaire de PACS survivant (art 515-6 al 3 du code civil) mais pas pour le concubin survivant.

Il existe également un droit viager au logement mais uniquement pour les couples mariés cette fois. Le droit viager n’est pas d’ordre public. Le survivant peut en être privé par un testament authentique (764 cc). De plus ce n’est pas un droit automatique comme le droit temporaire d’un an. C’est un droit testamentaire, et le survivant doit en exprimer le choix dans les 12 mois de l’ouverture de la succession. (cf paragraphe 4.2)

Attention avant de rédiger un tel testament, il faut vérifier que l’on en a bien les droits nécessaires sur le bien. Pour cela il est plus prudent de vérifier les titres de propriété afin de s’assurer de qui possède effectivement le bien (possibilité de réemploi de fond propres, construction sur terrain d’autrui, indivision, détention en propre, démembrement, etc…) et si le bien vient d’une donation vérifier s’il n’y a pas un droit de retour en cas de prédécès du donataire.

Second point de vigilance en présence d’héritiers réservataires, il faut vérifier que le bien ainsi transmis ne dépasse pas la quotité disponible. Si tel était le cas, une renonciation anticipée à l’action en retranchement pourrait être envisagée, mais dans les familles où règne une mésentente cela sera difficilement possible, ou une soulte leur sera due.

Note ; on pourrait aussi envisager d’une donation de biens présents entre époux mais cela présente deux désavantages. D’une part au niveau fiscal, la donation de biens présents entre époux est taxée au-delà d’un montant de 80 724€ alors que le legs ne l’est pas. Et d’autre part une donation, sauf ingratitude, n’est pas annulable ce qui pourrait être problématique en cas de divorce, alors qu’un testament peut lui toujours être résilié. Le cas de la donation au dernier vivant sera présenté au paragraphe 4.1.4

Le legs peut également être complété par plusieurs dispositifs que nous allons évoquer ci-dessous.

3.1.1  Le Changement de régime de pacs

Cette solution peut être intéressante lorsque les deux partenaires ont des revenus significativement différents et que l’un va financer une grande partie du bien.

Depuis 2006, les PACS sont par défaut soumis au régime de séparation de bien. Ainsi, si celui qui décède en premier est celui qui a financé la majeure partie du bien, alors la transmission par legs au survivant va certainement dépasser la quotité disponible.

Il est donc intéressant dans ce cas, avant l’acquisition du logement, d’opter pour le régime de l’indivision. Le changement de régime du PACS n’est pas un changement de régime matrimonial. Le mode de possession des biens déjà acquis n’est pas modifié, seuls les biens futurs seront concernés

L’art 515-5-1 prévoit alors que les biens acquis sont réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale même si l’un en a financé 95%.

Il faut ici, privilégier une acquisition via un emprunt.

En effet l’art 515-2 du code civil limite la portée de cette solution lors de l’utilisation de fonds propres à l’un des partenaires (la part acquise à l’aide de fonds propres reste la propriété exclusive de celui qui l’a financée si une déclaration de réemploi a été faite dans l’acte d’acquisition ou s’il est créée une créance de restitution entre les partenaire).

Si le bien a déjà été acquis avant le changement de régime du PACS, alors l’apport en société pourra être envisagé (cf §4.4)

3.1.2  L’Attribution préférentielle du LOGEMENT

Le testament peut également prévoir une clause d’attribution préférentielle permettant de donner un bien particulier en priorité au survivant (ce n’est pas un préciput car il y a charge de verser une soulte si on dépasse la quotité disponible (QD)).

Pour les couples mariés, l’art 831-2 du code civil donne, au conjoint survivant, le droit d’attribution préférentiel du logement du couple au jour du décès ainsi que du mobilier le garnissant, et du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante.

Pour les partenaires de PACS, , l’article 515-6 prévoit également cette même attribution préférentielle mais uniquement si le partenaire prédécédé l’a expressément prévu par testament.

 Les concubins n’y ont pas droit.

Le testament doit prévoir une attribution préférentielle du cadre de vie plus le legs. En effet s’il mentionne uniquement l’attribution préférentielle, celle ci ne s’imputera pas sur la quotité disponible et la soulte à verser aux héritiers par le survivant en sera d’autant plus importante.

Note : Lorsque le bien est détenu en indivision, plutôt que de faire un transfert à titre gratuit, on peut prévoir une convention d’indivision prévoyant une faculté d’acquisition par le survivant de la quote-part du de cujus. Cela permet d’éviter toute indivision avec les héritiers. Encore faut-il que le survivant en ait les moyens. La convention doit être notariée (art 1873-13 cc). C’est une option et le prix sera déterminé au moment de l’acquisition.

3.2 La tontine (clause d’accroissement)

La tontine (ou clause d’accroissement) est une clause incluse dans un contrat d’acquisition à plusieurs qui prévoit qu’en cas de décès d’un des cotitulaires, la part du défunt revient automatiquement aux autres cotitulaires survivants, et ce, sans qu’elle fasse partie de sa succession.

Depuis 1980, l’administration fiscale (art 754 du CGI) considère que le bien est réputé transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l’accroissement dès lors que le bien a une valeur dépassant 76 000 € et qu’il n’est pas la résidence principale commune des deux coacquéreurs. Ainsi s’il s’agit de concubins, le survivant sera soumis à des droits de mutation à hauteur de 60 %.

Cette technique sera donc réservée aux couples mariés et aux partenaires de PACS.

Elle a cependant perdu de son intérêt fiscal depuis la loi TEPA avec l’exonération de droits de succession pour le conjoint ou le partenaire de PACS survivant.

Elle conserve pourtant un intérêt civil pour les cas où règne la mésentente familiale car elle permet le cas échéant de « contourner » les règles de la réserve héréditaire et évite les requalifications du contrat en libéralités donnant un maximum de protection au conjoint survivant en lui accordant la possession exclusive du bien en pleine propriété.

Si le bien a déjà été acquis, il faut alors apporter le bien à une société (SCI par exemple) et reporter la tontine sur les parts de la société.

Il faut toutefois prendre quelques précautions :

  • Il faut qu’il y ait une inconnue sur qui va mourir en premier. Il faut donc des conjoints d’âges similaires, sans que l’un ait des problèmes de santé connus réduisant son espérance de vie par rapport à l’autre. Les héritiers ne peuvent agir contre la tontine que si l’aléa n’est pas respecté
  • L’acquisition doit être réalisée dans des proportions équivalentes (max 55/45) ou prenant en compte l’écart d’espérance de vie des co-contractants.
  • Si les deux conditions ci-dessus ne sont pas respectées, il y aura possibilité pour les héritiers de requalifier la clause en donation déguisée qui sera alors rapportable à la succession et réductible au titre de l’article 843 du code civil.
  • Le recours à la technique de la tontine devra s’accompagner d’une vérification, d’une part, de la possibilité de mise en œuvre dans un contexte international et, d’autre part, de la fiscalité applicable.

Pour plus de détail sur le pacte tontinier, se référer à notre article dédié sur https://www.linkedin.com/pulse/connaissez-vous-la-tontine-pierre-yves-genet/?trackingId=%2FGzkLLbeQRShwdhxCETBfw%3D%3D

Attention la tontine peut également être un piège en cas de divorce. Il faut pour y renoncer, l’unanimité des cotitulaires.

3.3 Les avantages matrimoniaux (pour les COUPLES mariés UNIQUEMENT)

Il s’agit ici d’aménager le régime matrimonial des époux afin de favoriser le conjoint survivant par rapport aux autres héritiers, sur un bien qui serait un propre à l’un des époux ou des biens communs. D’ailleurs l’avantage matrimonial ne peut porter que sur des biens communs. Si le bien appartient en propre à l’un des époux, ou si les époux sont mariés sous un régime séparatiste, il faudra donc tout d’abord rendre le bien commun.

L’aménagement passe obligatoirement par un acte devant notaire qui décidera s’il est nécessaire ou non de liquider l’ancien régime (et donc du coût de l’opération). Depuis le 25/03/2019, le changement de régime peut être réaliser à tout moment (n’y a plus de délais de 2 ans entre 2 aménagements ou depuis le mariage) et il n’y a plus judiciarisation systématique des aménagements. C’est à dire plus d’homologation systématique de l’acte par un juge aux affaires familiales en présence d’enfants mineurs, sauf si le notaire juge que le changement leur est préjudiciable.

Les enfants majeurs sont informés par recommandé avec accusé de réception et les tiers par annonces légales (durée d’opposition de 3 mois à la plus tardives des deux dates (enfants ou tiers))

En présence uniquement d’enfants communs, il n’y aucune restrictions aux aménagements. Les enfants ne sont donc, dans ce cas, plus protégés car le survivant aura tous les droits et donc celui de tout dépenser. Ils n’auront donc aucune réserve au premier décès.

En présence d’enfant d’un autre lit, il existe une action en retranchement permettant à ces enfants de protéger leur réserve héréditaire (art 1527 du code civil alinéa 2). Cette action en retranchement n’est ouverte qu’aux enfants d’un autre lit, mais si elle est déclenchée, elle profite aussi aux enfants communs.

Il est possible s’il y a une bonne entente familiale de s’en protéger en faisant signer, devant notaire, à ces héritiers, une renonciation anticipée à l’action en retranchement (RAAR).

Enfin, toujours s’il y a des enfants d’une précédente union, il est également possible d’envisager une adoption de l’enfant du conjoint s’il existe plus de 10 ans entre l’enfant du conjoint et l’adoptant (sauf cas très particuliers nécessitant l’autorisation du tribunal)  pour permettre tous les aménagements matrimoniaux.

  • L’adoption sera simple si l’enfant est majeur.
  • Elle est dite plénière si l’enfant est mineur.
  • Dans les deux cas l’adopté est héritier réservataire de ses parents (mais dans le cas de l’adoption simple, son droit de représentation en cas de prédécès de l’adoptant peut lui être retiré par ses grands-parents de la ligne adoptive).
  • Au niveau des droits de succession, l’adopté « pleinier » a droit sans condition aux abattements en ligne directe. L’adopté « simple » doit lui avoir la capacité de démontrer   qu’il a reçu des soins non interrompus par l’adoptant pendant 5 ans durant sa minorité ou 10 ans pendant sa minorité et sa majorité pour bénéficier de cet abattement

Attention également au fait qu’en cas de divorce le lien d’adoption perdure avec les obligations alimentaires qui en découlent.

NOTE : Le notaire ne peut refuser d’instrumenter l’aménagement que si

  • Il est impliqué (cas d’un acte de sa famille)
  • Si l’acte est contraire aux bonnes mœurs
  • S’il n’a pas le prix de l’acte en comptabilité
  • S’il estime qu’il y a dol ou que le consentement de l’une des parties est vicié

Le client peut donc obliger le notaire à instrumenter un aménagement même si ce dernier le juge non opportun. Le notaire se protégera en indiquant dans l’acte toutes les conséquences de cet aménagement. Nous allons maintenant étudier les aménagements possibles.

3.3.1  Le préciput

Le préciput est une clause insérée dans le contrat de mariage prévoyant que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature (art 1515 du code civil).

L’article 1516, précise que le préciput ne doit pas être regardé comme une donation. Il est donc non réductible et non rapportable en présence uniquement d’enfants communs.

Le préciput est une option, une faculté mais en aucun cas une obligation.

Le prélèvement étant fait avant la liquidation du régime matrimonial, il n’en est pas tenu compte dans l’établissement de la masse commune et donc dans la masse successorale du défunt. Le bien peut donc être transmis en pleine propriété au conjoint survivant sans entacher la quotité disponible en présence uniquement d’enfants communs.

 S’il y a des enfants d’un autre lit, ils auront une possibilité d’action en retranchement si leur réserve est attaquée.

Le préciput peut être en pleine propriété ou en démembrement. Il peut être commun ou unilatéral (il n’y a qu’un des deux conjoints qui peut bénéficier du préciput)

On peut aussi prévoir un prélèvement avec indemnité dans le cas d’une famille recomposée

Le préciput est une clause de prélèvement avant partage mais il arrive que les services de l’enregistrement prennent, à tort nous semble-t-il, les frais de partage à 2.5% . Plusieurs jurisprudences de 2023 ont donné raison aux contribuables en exigeant le remboursement des 2.5% mais cette jurisprudence n’est pas encore reprise au BOFIP. Pour les conseillers : penser à rédiger un avis de conseil donné si le client ne veut pas payer les 2.5%.

En cas de divorce, l’art 265 al 2 du code civile prévoit que « Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. »

3.3.2  L’ameublissement des lieux de vie

L’ameublissement consiste à rendre commun un immeuble indivis ou qui appartenait en propre à un seul des époux.

La clause d’ameublissement peut être accompagnée de la clause dite « alsacienne » permettant un retour au propriétaire initial en cas de divorce.

3.3.2.1 La communauté universelle

C’est l’artillerie lourde.

Il s’agit ici, en effet, d’étendre la masse commune en faisant rentrer TOUS les biens des époux dans la communauté universelle (1526 cc). Il est nécessaire de prévoir également une clause de préciput sur certains biens ou d’attribution intégrale afin de transmettre le ou les biens au survivant.

Cela à un cout pour les biens immobiliers :

  • La taxe de publicité foncière soit 0.715% sur 50% de la valeur du bien
  • Plus 0.1% de sécurité immobilière sur 100% de la valeur du bien

Il est prudent de prévoir une clause de reprise des apports en cas de divorce (art 265cc al 3). Sans cette clause il y aura partage du bien propre apporté car « Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme. »

3.3.2.2     La société d’acquêts (régimes séparatistes)

Dans un régime séparatif, pour ameublir un bien, il sera nécessaire de créer d’abord une société d’acquêts (Cass civ 20/11/2017 n°16-29056) et y apporter le ou les biens qui étaient propres à l’un des époux ou en indivision et également de prévoir un préciput sur ce bien.

Cet apport à un coût :

  •  Si bien indivisaire :
    • si achat à quotité équivalente par les deux indivisaire (50/50) => droit fixe de 125€ car on ne change pas la proportion de détention du bien + 0.1% de sécurité immobilière sur la totalité
    • si autre répartition : 0.715% sur la moitié de la différence + 0.1% sur la totalité
  • Si bien propre :
    • 0.715% sur la totalité + 0.1% sur 100%

Note : Il ne faut pas mettre l’adresse du bien dans le contrat ou alors prévoir une subrogation en cas de changement du domicile.

4 Les alternatives à la pleine propriété 

4.1 Le démembrement du cadre de vie

Il est possible pour le senior de ne conserver que l’usufruit du bien et de transmettre ou non un usufruit successif à son conjoint.

Plusieurs intérêts :

  • L’usufruitier conserve le droit d’utiliser et de louer le bien
  • Le nu-propriétaire, supposé ici héritier, paye moins de droits puisque ceux-ci ne sont calculés que sur la seule valeur de la nue-propriété, déterminée selon l’âge du donateur, conformément à l’art 669 du CGI.
  • Les charges d’entretien et de réparation et la taxe foncière sont normalement à la charge de l’usufruitier et les gros travaux à charge du nu propriétaires selon les articles 605 et 606 du code civil.
  • Mais ces deux articles ne sont pas d’ordre public, on peut donc y déroger conventionnellement. Il faut cependant faire attention au fait que dans le temps les enfants puissent devenir plus riches et que les parents voient leurs revenus baisser. Il est ainsi possible d’anticiper la vulnérabilité du donataire en prévoyant que ce dernier sera en charge de tous les travaux jusqu’à ses 70 ans par exemple, puis de diminuer sa participation régulièrement en fonction de son âge ou de son état de santé (en prévoyant par exemple des taux de prise en charge en fonction de sa qualification GIR). (Note : Le GIR (groupe iso-ressources) correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée. Il est calculé à partir de l’évaluation effectuée à l’aide de la grille AGGIR. Il existe six GIR : le GIR 1 est le niveau de perte d’autonomie le plus fort et le GIR 6 le plus faible.)
  • L’usufruitier peut dans la donation se réserver également le droit, passé un certain âge ou sous d’autres conditions objectives, de demander que son usufruit soit converti en rente selon une convention entre les parties. (Attention ce n’est pas l’application de l’article 759 du CC qui permet la conversion sur demande du conjoints possédant l’usufruit ou d’une des héritiers nus propriétaires et qui est d’ordre public et ne peut pas être refusé par celui qui transmet l’usufruit. Ce n’est pas non plus le 761 du CC qui permet la conversion de l’usufruit du conjoint en capital, cette fois, avec accord entre le conjoints et les héritiers)

Il faut faire attention au fait que si l’usufruitier n’est pas en mesure de remplir ses obligations, le nu-propriétaire peut demander au juge de supprimer le démembrement (l’inverse n’est pas prévu par la loi) et ainsi de priver l’usufruitier de rester dans son cadre de vie (art 618 du cc)

Le démembrement peut avoir lieu par une donation de biens présents au cours du mariage (ce qui est irrévocable), par testament ou par une donation entre époux qui nécessite d’aménager le régime matrimonial. Ces deux dernières solutions étant révocables.

Le legs ou la donation de biens présents peuvent intervenir entre époux, entre partenaire de PACS ou entre concubin (attentions aux droits de transmission à 60% dans ce dernier cas)

NOTE : Pour les PACS, il est important de vérifier l’acte de naissance des seniors afin de connaitre la date du pacs, le régimes choisi et les éventuels changements de régimes. En cas de changement de régime, il n’y a pas d’effet rétroactif, il faut donc connaitre les dates d’acquisition des biens pour connaitre leur mode réel de détention.

  • Avant 2006 : présomption de l’indivision des acquêts. Même si l’un des pacsés achète seul un bien et ne fait pas de clause de remploi de fond propre, il y a présomption de possession à 2 du bien.
  • A partir de janvier 2006 : présomption de séparation mais possibilité d’opté pour le régime d’indivision.

Il existe différentes variantes à ce démembrement.

Le donateur peut se réserver soit l’usufruit, soit le droit d’usage et d’habitation soit même un usufruit temporaire suivi d’un droit d’habitation avec ou sans usufruit successif.

Si le conjoint survivant bénéficiant de l’usufruit successif est très jeune par rapport au donateur, les héritiers nus-propriétaires peuvent demander, dans les deux ans du décès du premier usufruitier, le remboursement du trop-perçu lors de la donation ou de la première succession (car l’usufruit en second sera plus long que le premier sur lequel a été basé les droits de transmission à titre gratuit).

4.1.1     Cas de la vente de la nue-propriété a un tiers ou vente à prix ajusté

Pour conserver son cadre de vie, un sénior peut décider, non pas de transmettre à titre gratuit la nue-propriété mais de vendre son bien à un tiers en conservant un usufruit viager ou temporaire calé sur l’espérance de vie. Ce sera souvent un institutionnel qui réalisera l’achat.

Cette solution se pose comme une alternative à la vente en viager, avec une ambition : écarter les réticences des candidats au viager, liées aux effets désagréables d’un décès prématuré pour le vendeur. Elle a été fort bien décrite dans « Le prix de vente Ajusté, Jean Aulagnier, 11/07/2023 »

Pour prévenir le cas où l’usufruitier survivrait bien au-delà de son espérance de vie théorique, il faut prévoir dans l’acte de cession, un droit d’usage et d’habitation à la fin de l’usufruit temporaire.

Etape 1 : vente de la nue-propriété avec une clause dans l’acte indiquant le versement d’un complément de prix aux héritiers en cas de décès prématuré du vendeur correspondant à la valeur de l’usufruit temporaire non consommé. La convention prévoit alors un usufruit temporaire suivi d’un droit d’usage et d’habitation. La durée de l’usufruit temporaire conservé par le vendeur est prévue contractuellement et correspond à une durée d’occupation théorique, fixée en fonction de l’âge du vendeur. et basée généralement sur la durée de vie probable calculée à partir des tables de mortalité de l’INSEE. Cette durée d’usage permet de calculer le prix de vente de la nue-propriété en déduisant de la valeur vénale du bien la valeur de l’usufruit temporaire, évaluée en valeur économique en appliquant la méthode d’actualisation des flux de loyers nets sur la durée de l’usufruit. Le vendeur senior perçoit, ainsi, immédiatement un capital. A la fin de l’usufruit temporaire, la continuité d’occupation est garantie à vie au vendeur grâce à la conservation d’un droit d’usage et d’habitation à vie, consécutif à l’usufruit temporaire réservé. Quoi qu’il arrive, le vendeur est ainsi assuré de rester chez lui jusqu’à la fin de sa vie sachant que les droits réservés (usufruit temporaire suivi d’un droit d’usage et d’habitation à vie) peuvent l’être au profit des deux membres du couple lorsqu’il s’agit de seniors mariés ou pacsés

Etape 2 : souscription par le vendeur d’un contrat d’assurance vie au bénéfice de l’acheteur pour le cas où le vendeur serait encore en vie à la fin de l’usufruit temporaire afin de dédommager l’acheteur par le versement d’une rente tant que le vendeur occupe les locaux au-delà de la durée de l’usufruit temporaire.

Etape 3 : La convention prévoit qu’à tout moment le vendeur peut décider de ne plus occuper le bien et de renoncer à son droit d’usage et d’habitation L’acheteur récupère alors le logement et en informe l’assureur. La rente est alors versée au vendeur jusqu’à son décès.

Etape 4 : Si la durée d’occupation du bien par le vendeur est inférieure à la durée de l’usufruit temporaire pour cause de décès prématuré, il est stipulé une compensation financière revenant aux héritiers du vendeur. L’acquéreur nu-propriétaire verse un complément de prix aux héritiers du vendeur en contrepartie du fait de devenir plein propriétaire du bien plus tôt que prévu. Le montant de ce complément est précisé dans l’acte notarié, décroissant d’année en année. Ce complément de prix permet de protéger le patrimoine familial du vendeur et l’acquéreur n’est pas pris au dépourvu puisqu’il sait dès l’origine ce qu’il aura, le cas échéant, à payer s’il devenait plein propriétaire plus tôt que prévu. Il pourra pour ce faire mobiliser un financement bancaire (puisqu’il sera plein propriétaire), revendre le bien (il bénéficie de temps pour cela) ou mobiliser ses fonds propres. De son côté, la succession bénéficie des garanties précisées dans l’acte notarié, quant au fait que l’acquéreur honorera son engagement de verser le complément de prix convenu

Toute la difficulté de ce montage réside dans la juste estimation du montant que doit placer le vendeur sur le contrat d’assurance-vie, afin d’assurer une rente acceptable à l’acheteur en cas de très longue vie et au complément de prix à payer en cas de décès prématuré.

4.1.2     Cession à titre onéreux de la nue-propriété aux héritiers

Il n’y a plus cette fois ni donation, ni legs mais les enfants décident d’acheter la nue-propriété.

L’intérêt de cette solution est de contourner le barème d’évaluation de la nue-propriété et de l’usufruit prévu à l’article 669 du CGI car on peut utiliser cette fois une évaluation économique de la nue-propriété.

Présomption fiscale : Il faut faire attention à l’article 751 du CGI qui prévoit une présomption d’appartenance à la succession de l’usufruit si l’héritier est le nu-propriétaire => Pour cela il faut justifier dans l’acte la réalité du paiement de la nue-propriété car la présomption prévue à l’art. 751 est une présomption simple qui peut être contrer par la preuve contraire.

A noter également que cette présomption ne joue pas si le cédant s’est réservé le droit d’usage et non l’usufruit ou si le droit a été acquis par une société civile (ou si la nue-propriété est issue d’une donation régulière faite plus de 3 mois avant le décès, mais ce n’est pas le cas traité ici).

Présomption civile : Attention, la présomption de l’article 918 du code civil est plus embêtante car elle est irréfragable (c’est-à-dire que l’on ne peut pas apporter la preuve contraire). Cet article prévoit que si l’un des héritiers en ligne direct est nu-propriétaire, alors au moment de la succession il y a un présomption irréfragable qu’il y a eu donation hors part successorale. On devrait donc rapporter la valeur du bien en pleine propriété et si cela dépasse la quotité disponible, le nu-propriétaire devra une soulte aux autres héritiers. Pour éviter cette présomption, il faut faire intervenir au moment de l’acquisition (attention : ce n’est pas possible au moment de la succession ni par un acte qui serait fait entre l’achat et la succession), les frères et sœurs pour qu’ils renoncent de manière anticipée à l’application du 918 (ce qui est généralement le cas lors d’une donation-partage, le 918 ne trouvant principalement à s’appliquer que lorsqu’un seul des héritiers en ligne direct est gratifié). Le 918 ne s’applique pas non plus si on interpose une SCI ou si le parent se réserve un droit d’usage et d’habitations et non un usufruit. C’est une présomption irréfragable, si cela n’est pas prévu dans l’acte d’achat cette présomption sera obligatoirement appliquée par le notaire même si les frères et sœurs n’en demandent pas l’application.

4.1.3     Cas d’exonération de plus value

La résidence principale est exonérée de plus-value.

Mais que se passe-t-il si la vente a lieu après que la personne est partie en établissement de soins ?

L’art. 150 U du CGI ( au II.1 ter) exonère sous conditions, le bien qui a constitué la résidence principale de son propriétaire avant son entrée dans un établissement social ou médico-social.

Condition 1 : Le bien doit avoir constitué la résidence habituelle et effective de la personne. Il doit être détenu soit en direct par la personne soit par une société transparente dont il est associé. Dans ce dernier cas, l’exonération porte sur la fraction de l’immeuble occupé à titre de résidence principale par l’associé et la quote-part revenant à cet associé.

Condition 2 : Pour ouvrir droit au bénéfice de l’exonération, l’ancienne résidence principale du cédant ne doit avoir fait l’objet d’aucune occupation depuis que le bien a cessé de constituer sa résidence principale. Par suite, le logement doit rester inoccupé : il ne doit être ni loué ni mis à la disposition gratuite d’un tiers, y compris pour une courte période.

L’exonération n’est pas remise en cause lorsque les membres du foyer fiscal du cédant (conjoint ou personnes à charge) ou son concubin, qui résidaient dans le logement au jour de son départ, ont continué à occuper le logement alors même que le cédant n’y réside plus.

Condition 3 : L’occupation du logement à quelque titre que ce soit, par toute autre personne, entraîne la remise en cause de l’exonération.

Condition 4 : Pour bénéficier de l’exonération, le cédant doit être domicilié fiscalement en France et résider dans un établissement destiné à accueillir des personnes âgées ou handicapées (EHPAD, foyers de vie,  foyers d’accueil médicalisé, maisons d’accueil spécialisées.

Condition 5 : La personne ne doit pas être redevable de l’IFI au titre de l’avant dernière année précédent la vente (il peut l’être avant ou après mais pas en N-2)

Condition 6 : Le revenu fiscal de référence de la personne ne doit pas dépasser, au titre de l’année N-2, le plafond défini au II de l’article 1417 du CGI (en 2024 :  29 288e pour la première part majorée de 6 843 pour la première demi-part supplémentaire et de 5 387€ pour les suivantes. Pour la Martinique, la Réunion, et la Guadeloupe ces montants sont portés respectivement à 35 395€, 7 508 et 7 159€ pour la 2e demi part et 5 387e pour les suivantes, Pour la Guyane et Mayotte les montant €sont fixés à 38 790, 7508e pour les 2 premières demi-parts, 6 392 pour la 3e et 5 387 pour les suivantes)

Condition 7 : La cession doit intervenir dans un délai inférieur à deux ans suivant l’entrée dans cet établissement

Rappel : Il est aussi possible d’obtenir une exonération pour la vente d’un autre bien que la résidence principale aux conditions que

  • La somme soit réemployée dans les 2 ans pour la construction ou l’acquisition d’une nouvelle résidence principale
  • Que la personne n’ai pas été propriétaire directement ou indirectement d’un autre logement qui lui aurait servi de résidence principale dans les 4 années précédant la cession
  • Cette exonération ne peut être obtenue qu’une fois dans sa vie
  • Voir BOI-RFPI-PVI-10-40-30 pour plus de détails

4.1.4 Le cantonnement

Le cantonnement permet au conjoint survivant ou au légataire de limiter le bénéfice de la transmission à une partie des biens auxquels il pourrait prétendre. Le reste étant alors transmis aux autres héritiers.

Le cantonnement est possible soit pour les couples mariés par une donation entre époux conformément à l’article 1094-1 du code civil soit par un testament (par une clause du type « Je lègue à ……, mon appartement situé à ………. En pleine propriété ainsi que les meubles qui le garnissent. …. Pourra éventuellement cantonner cette libéralité au seul usufruit voir au seul droit d’usage ou même en limiter l’étendue dans le temps. Dans le cas de l’exercice de ce cantonnement, les droits non retenus reviendront à …… »).

En fait, seule la dévolution légale ne permet pas le cantonnement.

Pour rappel, la donation entre époux ou encore donation au dernier vivant, prévue à l’art 1094-1 du code civile, permet au survivant de choisir (sauf mention contraire dans la donation ou dans un testament) soit la totalité de la masse successorale en usufruit, soit de la quotité disponible, soit de ¼ en pleine propriété plus les trois autres quarts en usufruits soit d’une liberté de cantonner son émolument.

Attention pour les donations entre époux enregistrées avant 2006, la donation entre époux ne permettait pas le cantonnement. Si le senior veut en profiter, il faut en refaire une nouvelle.

4.2 Droit sur le logement du conjoint survivant

Il s’agit ici de rappeler les droits du conjoint et dans une certaine limite du partenaire de PACS sur le domicile commun.

Droit temporaire d’une année après le décès (art. 763 du CC)

  • Ce droit est d’ordre public. On ne peut donc pas en priver le survivant
    • Pour y avoir droit, le survivant doit vivre avec le défunt au moment de son décès
    • Il porte sur le logement ainsi que sur le mobilier, compris dans la succession, qui le garnit, que ce logement soit la propriété exclusive du défunt, ou qu’il soit détenu en communauté ou en indivision où qu’il s’agisse d’une location ou d’une jouissance à titre gratuit d’une indivision.
    • Ce droit s’exerce gratuitement => S’il y a loyer, ou indemnité d’occupation et/ou des charges de copropriété c’est la succession qui doit payer pendant l’année (c’est un passif de succession).
    • Ce droit est aussi applicable pour le partenaire de PACS survivant (art 515-6 al 3) mais n’est pas dans ce cas d’ordre public (le défunt peut l’en priver par un testament même olographe)
  • Au-delà de cette année, on passe pour les couples mariés au droit viager d’habitation Art 764 cc (attention, les Pacsés n’en bénéficient pas).
    • Le défunt peut refuser ce droit au conjoint survivant
    • L’option du droit viager peut être intéressant pour le conjoint survivant s’il n’y a pas eu de donation entre époux et s’il y a un enfant d’un autre lit qui ne lui aurait permis de n’avoir qu’un quart en PP avec les risques liés à l’indivision.
    • Le conjoint survivant doit en faire la demande dans les 12 mois suivant l’ouverture de la succession
    • Ce droit d’usage et d’habitation est valorisé à 60% de la part en usufruit (ex si survivant à 75 ans au moment du décès, usufruit de 30% donc droit viager égal à 18%)
    • Art. 765 cc : le droit viager s’impute sur les droits du survivant mais si le droit viager dépasse ce droit, le survivant n’est pas tenu à récompense aux autres héritiers.
    • ATTENTION : Le droit d’usage et d’habitation ne permet habituellement pas la mise en location du bien mais pour le conjoint le dernier alinéa de l’article 764 du code civile stipule que  « Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d’habitation n’est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement. » => De ce fait, le conjoint survivant pourra mettre le logement en location pour partir par exemple en EHPAD ou en résidence sénior. C’est le conjoint lui-même qui juge que le logement n’est plus adapté (par exemple difficile d’accès, trop vaste, trop excentré, ne permettant pas l’accueil d’un garde malade, etc…)

4.3 Le commodat

C’est un contrat, prévu à l’article 1875 du code civil, par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir à la charge de le rendre après s’en être servi.

Ce prêt est essentiellement gratuit et engage les héritiers du prêteur comme de l’emprunteur sur la durée convenue (sauf convention contraire prévue au 2e alinéa de l’article 1879 du cc) en cas de décès de l’emprunteur.

C’est donc un moyen de garantir la disposition du lieu de vie au concubin survivant qui pourra ainsi demeurer dans les lieux « prêtés » pour une durée choisie (par exemple jusqu’à son décès), sans droits de mutation ni opposition possible des éventuels autres héritiers. (la cour de Cassation a d’ailleurs statué le 1/10/2017 (n°16-21419) sur le cas d’héritiers attaquant un commodat en prétendant qu’il s’agissait en fait d’une donation indirecte. Elle les a déboutés en rappelant que le commodat n’étant qu’un droit d’usage et d’habitation, il n’entrainait donc aucun transfert de droits patrimoniaux, de fruits ou de revenus de sorte qu’il n’en résultait aucun appauvrissement pour le prêteur, et qu’il ne pouvait donc en aucun cas s’agir d’une donation).

NOTE : Attention toutefois, le prêteur peut lui décider que la valeur des loyers non versés par l’emprunteur (plutôt dans le cas d’un commodat mis en place du vivant du préteur et non après son décès) soit rapportable lors de sa succession. Ainsi la Cour de cassation dans son arrêt du 19 mars 2014 (n° 13-14.139) a décidé que si le prêteur avait expressément manifesté une intention libérale (dans un testament par exemple) de constituer un avantage pour l’un des héritiers en mettant en place le commodat, alors l’emprunteur devra rapporter à la succession une somme correspondant à l’avantage indirect consenti (dans ce cas d’espèce , le testament, même révoqué avant le décès , a constitué un élément de preuve déterminant de l’intention libérale)

L’emprunteur doit veiller à conserver la chose prêtée qu’il devra rendre dans le même état au terme convenu.

Le prêteur puis ses héritiers restent propriétaires du bien. Ils restent donc tenus des gros travaux et restent redevables de l’IFI sur le bien prêté.

L’emprunteur est tenu des dépenses d’assurance et d’entretien. Toutefois si, pour user de la chose, il engage des dépenses, il ne peut pas la répéter (art 1886). Voir cependant https://www.actu-juridique.fr/civil/exclusion-de-la-repetition-des-depenses-ordinaires-engagees-par-lemprunteur-dans-le-contrat-de-pret-a-usage/ sur ce point (Cass. 1re civ., 13 juill. 2016, no 15-10474,)

ATTENTION : Le prêt à usage n’est pas considéré comme un contrat de location, Il rentre donc dans le cadre du point II de l’article 15 du CGI qui prévoit que les mises à disposition à titre gratuit d’immeuble n’ouvrent pas droit à impôt, mais en retour que le propriétaire ne peut pas déduire le coût des gros travaux qu’il pourrait engager (sauf cas exceptionnel des monuments historiques)

4.4 La détention sociétaire

Il s’agit ici d’acquérir un logement via une société ou d’y apporter un bien immobilier déjà détenu par le ou les seniors.

Cette solution peut s’adresser aussi bien aux couples mariés, qu’aux partenaires de PACS et aux concubins et permet également de traiter les stratégies présentées aux paragraphes précédents lorsque de bien est déjà détenu par les séniors avant la mise en place des solutions proposées.

Le but est principalement d’éviter les règles de gestion des biens indivis et de pouvoir commencer à transmettre tout en gardant le pouvoir sur les biens dans leur gestion et la capacité pour les séniors de les vendre et d’en racheter d’autres.

Les statuts de sociétés comme les SCI permettent en effet beaucoup de latitudes sur les pouvoirs des gérants.

  • Notamment en les partageant entre les 2 époux, partenaires ou concubins.  
  • De même le dernier alinéa de l’article 1844 prévoit un exercice conventionnel du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ce qui permet de donner des droits élargis aux usufruitiers (les seules limitations étant que les nus-propriétaires puissent toujours participer aux assemblées même si on peut les priver totalement de droits de vote à l’exception des décisions pour lesquelles les statuts ou la loi imposent l’unanimité des associés car c’est le nu-propriétaire qui est l’associé)

Note sur la notion d’unanimité des associés :

  • L’article 1852 du code civil prévoit que dans une société civile, « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. »
  • La cour de cassation (cass civ du 03/01/2022 n° 20-17.428) a rappelé que ce texte ne réduisait pas seulement l’ « unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais visait la totalité des associés de la société » *
  • Les statuts devront donc être « bavards » afin soit de donner un maximum de pouvoir aux gérants (ce qui n’est pas toujours souhaitable) soit définir les règles d’adoption des décisions ne figurant pas par exemple dans l’objet social. Par exemple en renvoyant à une assemblée extraordinaire définissant elle-même une règle de majorité aux seuls présents ou à un quorum plus faible que l’unanimité des associés.
  • Ceci est d’autant plus vrai, qu’avec une personne vulnérable parmi les associés, le refus du juge de permettre la cession d’un actif immobilisé (acte de disposition) pourrait bloquer l’opération même avec une minorité de voix si la règle de l’unanimité des associés trouvait à s’appliquer faute d’avoir prévu le cas dans les statuts.

Les époux gérants pourront seuls céder tout ou partie des biens et droits possédés par la société, à la double condition que :

  • Le pouvoir d’arbitrage et de cession de ces biens figurent clairement dans l’objet social (gérer par exemple ne suffit pas pour les cessions, l’objet doit bien comprendre les mots « céder », « échanger », et « acquérir »)
  • Que les statuts ne stipulent pas de limites à l’exercice de ces droits.

La société permet également d’anticiper la vulnérabilité éventuelle de l’un ou des deux époux, partenaires ou concubins :

  • Si l’un des associés gérants devient incapable, il ne peut plus rester gérant mais le second associé gérant peut continuer à gérer et faire ce qui est prévu à l’objet social sans avoir à passer par le juge.
  • Il n’est pas possible de nommer des gérants successifs dans les statuts (mêmes si certains greffes l’acceptent parfois), mais ceux-ci peuvent prévoir qu’en cas d’incapacité des deux gérants, une assemblée générale soit provoquée pour l’élection d’un ou plusieurs gérants en remplacement, même si ces derniers étaient initialement nommés à vie.
  • Pour la mise en place d’un mandat de protection future en cas de vulnérabilité du gérant voir l’article: https://revuefiduciaire.grouperf.com/article/3759/hb/20180604101520576.html. Pour rappel le mandataire ne peut en aucun cas représenter le gérant dans ses fonctions statutaires mais il peut le représenter s’il est associé ou usufruitier dans ses droits de vote.

En plus des intérêts civils présentés ci-dessus, l’interposition d’une société présente également un intérêt fiscal si le bien est acquis à l’aide d’un emprunt. En effet, en temps normal, la donation d’un bien avec charge (l’emprunt dans notre cas) n’est pas déductible du montant transmis sur lequel s’applique les droits et abattements (sauf cas particuliers). Alors que dans le cas d’une société, on va déduire le passif de la valeur des parts (ce qui sera intéressant pour la transmission des parts que ce soit en pleine propriété ou en nue-propriété).

4.4.1 Le démembrement combiné à la société civile :

Le démembrement des parts, ne peut pas être fait ab initio sauf à faire remploi de sommes ou de biens apportés, dont on peut prouver le démembrement antérieur.

Pour les partenaires de PACS et les concubins, on peut également prévoir un démembrement croisé permettant au survivant d’être plein propriétaire sur une partie des parts et usufruitier sur l’autre partie.

Le démembrement croisé se fait une fois le bien acquis par la société à l’aide d’un emprunt ou avant son apport s’il est apporté sans être grevé d’un passif.

Pour ce faire, on réalise un échange des usufruits des parts appartenant à chacun des séniors, en appliquant de la répartition prévue à l’article 669 du CGI car il y a génération de droits d’enregistrement.

Notes :

  • L’échange (Art 1702 du code civil) , est une double vente simultanée taxée à 5%
  • L’échange étant à titre onéreux, on ne risque aucune atteinte à la réserve, ni requalification.

Attention : s’il n’y a que le cadre de vie dans la SCI, cette dernière n’aura pas de revenus. Il faudra donc gérer un compte courant d’associés (CCA) qui sera taxable lors de la succession (il faut donc prévoir que le CCA ne soit pas immédiatement exigible après la succession pour que le survivant ne soit pas obliger de vendre le bien pour le rembourser) .

5 Les séniors locataires

Il nous reste à étudier ici le cas où le senior n’est pas propriétaire, mais locataire de sa résidence principale.

Pour les baux conclus à compter du 27/03/2014, le propriétaire ne peut pas s’opposer au renouvellement du bail si le locataire à plus de 65 ans et dispose de ressources inférieures au plafond d’attribution d’un logement conventionné sauf si le propriétaire veut se réserver ce bien pour son usage personnel avec toutefois quelques limitations énumérées plus loin dans ce paragraphe.

Cette mesure est également applicable lorsque le locataire a, à sa charge, une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur à ce même plafond.

L’époux du titulaire du bail peut exiger de rester dans les locaux (art 1751 cc) jusqu’au terme des 3 ans du bail, même si son nom n’est pas mentionné dans le bail. La cotitularité pour l’époux survivant est automatique. Le partenaire de PACS a également ce droit mais il doit lui en informer le propriétaire.

Le plafond 2024 de ressources, en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, est consultable sur https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16296 (il est en 2024, pour une personne seule compris entre 26 491€ en région et 33 857€ à Paris, et pour un couple compris entre 35 378€ en région et 50 603€ à Paris)

Si le propriétaire veut reprendre le bien pour son usage personnel, il doit reloger le locataire sauf si le bailleur est lui-même un senior de plus de 65 ans OU s’il a un revenu inférieur au plafond mentionné précédemment.

Le relogement doit se faire dans un logement correspondant aux besoins et aux possibilités du senior et être à proximité du logement actuel. La proximité est définie par l’art 13 bis de la loi 48-1360 du 01/09/1948 (modifiée par la loi du mars 2009) comme se trouvant :

  • Dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l’arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;
  • Dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ;
  • Dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d’une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km

L’usage personnel est limité à 3 cas :

  • Reprise du logement pour y habiter, pour y loger son conjoint, partenaire de pacs ou ascendants et descendants,
  • Pour vendre le bien libre d’habitation,
  • Pour un motif légitime est sérieux et ce uniquement à l’échéance du bail (six mois avant)

S’il y a résiliation pour vente, la résiliation vaut offre de vente au senior et ce dernier bénéficie d’un droit de préemption.

Enfin, un locataire sénior peut demander un départ avec un préavis de seulement un mois (même hors zone tendu) pour aller en résidence médicalisée

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire
L’Acquisition d’un bien en viager

L’Acquisition d’un bien en viager

Pour ce qui concerne cet article, le viager est un contrat de vente qui a pour objet la cession d’un bien immobilier à une personne (le Débirentier), qui s’engage à verser une rente au profit du vendeur (le Crédirentier) jusqu’à la fin de la vie de celui-ci.

Cette rente peut s’accompagner d’un bouquet, c’est-à-dire une somme d’argent versée comptant au moment de la signature de l’acte de vente.

Le viager est encadré par les articles 1968 à 1983 du code civil.

Il doit être aléatoire (art 1108 al2 du code civil : « un contrat est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain ». L’aléa est dans le cas du viager,  la durée de vie du vendeur.

L’aléa peut porter sur plusieurs têtes (par exemple Mr et Mme) ou sur la tête d’un tiers qui n’est pas propriétaire du bien (art 1971 du code civil)

1.1      Les différents types de viager

Le viager peut-être soit

  •  Occupé : dans ce cas le vendeur (crédit-rentier) a le droit de rester dans le bien cédé et/ou de le mettre en location (cf ci-dessous)
  • Libre : dans ce cas c’est l’acheteur (débit-rentier) qui a immédiatement après l’acquisition le droit d’occuper ou de louer le bien.

Dans le cas d’un viager occupé, le crédit rentier peut choisir de bénéficier :

  • Soit d’un usufruit : Dans ce cas il peut occuper le bien ou le louer. Note : à terme l’acquéreur pourra avoir du mal à habiter personnellement le bien si celui-ci avait été donné en location, mais si c’est un investisseur ce n’est pas un réel problème. L’usufruit peut être sur la tête du vendeur ou d’une autre personne. Il peut être également faire l’objet d’un usufruit successif (sur la tête du conjoint par exemple) : code civil art 1973
  • Soit d’un simple droit d’usage et d’habitation (DUH). C’est-à-dire qu’il peut habiter le bien mais pas le mettre en location. En cas départ anticipé du vendeur (par exemple en maison de retraite), l’acheteur ne peut pas pour autant automatiquement prendre possession des lieux car le code civil prévoit que le DUH cesse de la même manière qu’un usufruit viager c’est-à-dire par le décès de l’usufruitier. Néanmoins, il est possible dans le contrat de vente de prévoir dans ce cas, une revalorisation de la rente viagère correspondant à une renonciation onéreuse au droit d’usage et d’habitation). Dans ce cas et uniquement dans ce cas, l’acheteur peut récupérer la pleine propriété du bien du vivant du crédirentier. Conseil : Les conditions de renonciation pour libération anticipée doivent impérativement être rédigées dans le contrat de vente en viager afin d’éviter toute ambiguïté.

Enfin, un viager peut être constitué avec ou sans rente :

  • un viager libre est toujours avec rente car sinon il s’agirait d’une vente en nue-propriété sans aucune contrepartie pour l’usufruit du vendeur. Ce serait donc une vente à vil prix ou une donation déguisée (cf §1.3).
  •  A l’inverse un viager occupé peut-être avec ou sans rente. Le vendeur pourra soit l’occuper lui-même soit le mettre en location (suivant usufruits ou DUH). Le bouquet sera alors plus élevé que dans le cas « sans rente » pour dédommager le vendeur.

1.2 Quelques Généralités

Dans un viager Libre,

  1. Le prix est réparti entre un bouquet et un capital qui sera transformé en rente.
  2. Il n’y a pas de règle sur la proportion qui doit être payée en bouquet et celle payée en rente. Cependant le mode de calcul utilisé doit être décrit et ne pas correspondre à une vente sans aléa (un bouquet et une rente très faibles pour une personne très âgée par exemple)
  3. Il y a obligatoirement une rente (cf ci-dessus et §1.3 alinéa 4).
  4. Le fisc considère que la rente versée sans bouquet ne peut être inférieure au revenu que le débit rentier perçoit du bien s’il était déjà en location

Dans un viager occupé

  • Le prix est décomposé entre un montant à payer par le débit rentier et un droit d’occupation pour les crédits rentiers
    • Le montant à payer par le débit rentier est lui-même décomposé en un bouquet payable immédiatement et une parie de capital transformé en rente
    • Le droit d’occupation peut être soit un Usufruit soit un DUH
  • Il est possible de ne prévoir qu’un bouquet et aucune rente

Les rentes doivent être revalorisées afin de palier en tout ou partie à l’inflation. Elles peuvent être revalorisées par une clause prévue au contrat (en choisissant un index par exemple) ou à défaut par la loi.

L’article 112-2 du code monétaire et financier assimilant les rentes viagères entre particuliers à des dettes d’aliments, tous les indices peuvent être utilisés (par exemple l’indice des prix à la consommation des ménages, évolution du SMIC, indice du cout de la construction, un taux fixe,  etc…).

La loi n° 49-420 du 25 mars 1949 fixe cependant des garde-fous en imposant des seuils et plafonds à ces revalorisations et en permettant aux deux parties de saisir le juge si des conditions économiques nouvelles rendaient non pertinent l’indice initialement choisi.

Enfin, si aucune revalorisation n’a été déterminée dans le contrat, c’est le taux de majoration des rentes (désigné au I de l’article 126 de la loi de finances 99-1172 du 30/12/1999) publié chaque année qui s’applique et le crédit rentier peut pendant 3 ans demander le complément de prix si la rente n’avait pas été revalorisée.

1.3 Les points de vigilances

Sans aléa, le contrat est nul. (Personne déjà morte au jour de la signature du contrat( art 1974 du code civil ) ou qui décède dans les 20j d’une maladie dont elle était déjà atteinte (art 1975 du même code))

La jurisprudence va même au-delà des 20j si l’on peut prouver que l’acheteur était au courant d’une maladie grave avec une issue certaine à moyen terme tel un cancer en phase avancée (par exemple 15 mois pour un arrêt de Février 2000) voir également :  (75-14556 du 02/03/1977 cass Civ, 93-19-661 du 16/04/1996 Cass Civ, 98-10714  du 2/2/2000Cass 3e civ , 90-19-032 du 2/12/1992 cass 3 civ ) .

Cependant s’il y a un usufruit réversible pour des vendeurs en couple et que l’un des deux meurt dans les 20j, le contrat n’est pas nul (70-10054)

Attention si la rente ou le bouquet sont trop faibles, la vente peut aussi être requalifiée pour défaut de prix (cass 94-16988, cass 96-12720), par exemple dans un viager libre si la rente est inférieure au revenu que touche le débit rentier (cass 96-12720, cass 12-12780).

L’arrêt de la 1iere chambre Civile de la cours d’appel de Lyon (« RG 17/06834 du 23/02/2021″ ) explique particulièrement bien dans ces attendus dans ses attendus ce que l’on peut considérer comme une absence d’aléa et un prix dérisoire :

  • Sur l’absence ou non d’aléa
    • « Le contrat aléatoire est celui dans lequel l’équivalent est, pour les parties, la chance d’un gain ou le risque d’une perte en raison d’un événement incertain. Le décès du vendeur, cause de variation de la dette de l’acquéreur, confère au contrat de rente viagère un caractère aléatoire.
    • En matière de contrat aléatoire, le défaut de risque réel constitue un défaut de cause de la prestation. Ainsi, en matière de contrat de rente viagère, si le débirentier sait que le vendeur décédera à brève échéance, sa prestation est dépourvue de cause réelle.
    • L’âge avancé du vendeur et la précocité de son décès ne font pas présumer l’absence d’aléa et la vente en viager ne peut être annulée qu’en cas de démonstration de la connaissance de l’imminence du décès par l’acquéreur. »et qu’« Il ne saurait être reproché à l’acquéreur et à l’agence immobilière de ne pas s’être enquis de l’état de santé des crédirentiers, s’agissant d’informations couvertes par le secret médical et la loi n’imposant en tout état de cause aucune diligence en ce sens. »
  • Sur la vileté du prix
    • « Selon l’article 1976 du code civil, la rente viagère peut être constituée au taux qu’il plaît aux parties contractantes de fixer.
    • En application de l’ancien article 1131 du code civil (remplacé depuis par les article 1169 et 1170) pour être valable, un engagement doit avoir une cause. S’agissant de contrats synallagmatiques, la cause de chaque obligation réside dans la prestation due par le co-contractant. Sont nuls pour défaut de cause les contrats dans lesquels la contrepartie n’est que symbolique ce qui est le cas en cas de vente à un prix dérisoire sans correspondance avec la valeur vénale de la chose.
    • En matière de rente viagère, la vileté du prix peut résulter du caractère dérisoire de la rente, c’est à dire inférieur au revenu du bien cédé dans l’hypothèse où le bien a été vendu en pleine propriété OU au revenu que pourrait produire le placement de la somme correspondant à la valeur vénale du bien grevé d’un droit d’usage dans l’hypothèse où le crédirentier s’est réservé la jouissance du bien vendu.
    • Selon l’article 1134 du code civil, le contrat tient lieu de loi entre les parties.
    • « En l’absence de disposition légale imposant le versement d’un bouquet, celui-ci est facultatif et il ne saurait être tiré aucune conséquence du montant du bouquet convenu en l’espèce. »
    • Il appartient à ceux qui attaquent l’acte de vente en viager de rapporter la preuve de la vileté du prix. »

L’article 1674 du Code civil prévoit la possibilité pour le vendeur de faire une action en rescision pour lésion (annulation de l’acte)  si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d’un immeuble. MAIS il est généralement considéré que l’existence d’un aléa chasse la possibilité de recourt à cet article. Cependant il a été jugé quelques fois qu’il était possible d’y recourir soit en l’absence d’Aléa soit si même en présence d’un aléa le prix ou la rente est manifestement sous-évaluée (par exemple pour un vendeur de 80 ans, le cas ou il faudrait plus de 30 ans pour que la rente compense le capital transformé en rente)

Il est à noter que le cadre juridique du viager ne prévoit que peu de protection du crédirentier en cas de non-paiement de la rente. La rente du viager est considérée comme une « dette d’aliment » et le crédirentier peut faire saisir les biens du débirentier si la rente n’est pas payée ; mais cela peut ne pas être très efficace si le débirentier est insolvable. En général, le contrat du viager prévoit une clause résolutoire en cas de cessation du paiement de la rente (statuant la plupart des cas que la vente est annulée et que le crédirentier conserve les arrérages perçus comme dommages et intérêts ; le bouquet devant souvent être restitué). Le risque est encore plus important en cas de vente à un commerçant, artisan ou professionnel libéral. En effet, dans le cas où l’acquéreur se trouve dans une situation de redressement ou liquidation judiciaire, la clause résolutoire devient inefficace.

Pour assurer la sécurité du paiement des rentes, le crédirentier peut donc inscrire dans l’acte de vente les éléments suivants :

  • Clause résolutoire : Clause prévoyant la résiliation automatique du contrat en cas de manquement à une obligation contractuelle par l’une des parties (exemple : non-paiement du loyer) qui l’autorise à reprendre son bien si plusieurs rentes ne sont plus versées par le débirentier
  • Clause pénale : Clause qui engage le débiteur, en cas de manquement à une obligation contractuelle, à verser au créancier une somme d’argent dont le montant est fixé à l’avance lui permettant de se réserver le droit de conserver le bouquet (s’il a été versé), en cas de résiliation du contrat de vente

Il est également possible d’insérer dans l’acte de vente une clause d’indexation c’est à dire une disposition destiné à compenser la dépréciation monétaire (ou à tenir compte de l’inflation) entre le jour où la créance est évaluée et le jour du paiement permettant la révision automatique du montant de la rente suivant, par exemple, un indice publié par l’Insee.

Dans un couple, la rente peut être réversible (intégralement versé au survivant) ou réductible (être diminuée pour le survivant)

1.3.1 Attention à la donation déguisée si vente en viager à des successibles en ligne directe

Il faut savoir que la loi se montre d’emblée soupçonneuse, considérant le viager entre des parents et un seul de leurs enfants comme une donation déguisée rapportable à la succession sur la quotité disponible (art. 918 du Code civil). Peu importe que soit rapportée la preuve contraire, en justifiant par exemple du paiement régulier d’une rente équitable. La présomption ne peut tomber qu’en faisant intervenir tous les autres frères et sœurs à l’acte: ils devront alors déclarer que la vente leur paraît sincère et que le montant de la rente correspond réellement à la valeur du bien.

Pour contourner ce risque dans le cas d’un viager familiale, il faut passer par une SCI. Les parents choisissent de vendre en viager à un enfant qui constitue une SCI, éventuellement avec son conjoint et fait acheter le bien via la SCI. En d’autres termes, cet héritier réservataire devient associé. C’est la société qui chaque mois verse la rente et devient propriétaire au jour du décès des parents. En effet l’opération ne pourra être frappée par la présomption de donation car a vente a eu lieu auprès d’une SCI qui, dotée d’une personnalité juridique distincte, n’est pas héritière. Cette solution a été entérinée par la Cour de cassation (Cass. civ. 1re, 30.9.09, n°08-17411).

1.4      Fiscalité

  • Pour les droits de mutation (ce que l’on appel improprement les frais de notaires) : Ceux-ci s’appliquent sur le bouquet + capital de la rente exprimé dans l’acte (cf cerfa 2075 Not D)
  • Pour la taxe sur la Plus-value au moment de la revente :
    • prix de cession = prix de vente – capitalisation des arrérages restant à courir.
    •  Prix d’acquisition =
      • si vente alors que crédit rentier vivant : bouquet + annuités déjà versées + capitalisation de la rente au jour de la vente,
      • si revente après décès des crédits rentiers : bouquet + annuités versées ou d’une manière générale Bouquet + valeur en capital de la rente
    • Puis application des abattements pour durée de détention des particuliers et taxation à l’impots à 19% et aux prélèvements sociaux à 17.2%
  • Fiscalité de la rente:
    • Impôt sur le revenu  : pour l’acheteur il n’y a rien a déduire car même la rente est un achat. Pour le vendeur c’est une rente à titre onéreuse donc une partie de la rente taxable selon son âge au moment de la vente (6 de l’art 158 du CGI)
      • Dans le cadre d’une rente sur un couple, avec une réversibilité sur le survivant, l’âge à prendre en compte est celui du conjoint le plus âgé, et lors du décès l’âge du survivant si cette solution est plus favorable.
      • Les rentes viagères constituées à titre onéreux ne sont considérées comme un revenu, pour l’application de l’impôt sur le revenu dû par le crédirentier, que pour une fraction de leur montant. Cette fraction, déterminée d’après l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente, est fixée à :
        • 70 % si l’intéressé est âgé de moins de 50 ans ;
        • 50 % s’il est âgé de 50 à 59 ans inclus ;
        • 40 % s’il est âgé de 60 à 69 ans inclus ;
        • 30 % s’il est âgé de plus de 69 ans.
    • La rente est également soumise aux prélèvement sociaux au taux de 17.2%
  • Pour l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) :
    • Si viager libre : l’acheteur doit déclarer la totalité de la valeur de l’immeuble
    • SI viager occupé : répartition de la valeur de l’immeuble selon l’article 669 du code général des impôts entre crédit et débit rentier
  • Taxe foncière :
    • Si viager libre : c’est à l’acheteur de la payer
    • Si viager occupé
      • Avec usufruit : c’est à l’usufruitier de payer la TF (art 1400 II du CGI)
      • Avec DUH : c’est l’acheteur qui est le redevable légal de la taxe (point 90 du BOI-IF-TFB-10-20-20)

1.5      Les travaux

Si viager libre : il semble naturel que l’acheteur soit responsable des grosses réparations et des travaux d’entretiens

Si Usufruit : normalement les grosses réparations sont à la charge de l’acheteur et les travaux d’entretien à charge du vendeur mais cela peut être modifié par convention entre les parties

Si DUH : les gros travaux sont à charge de l’acheteur, et les travaux d’entretien à charge du vendeur

1.6      Détermination des prix

Après avoir estimé la valeur vénale de l’immeuble il reste à déterminer :

  • Le bouquet : la partie payée comptant au moment de la vente
  • Le DUH ou l’usufruit dans le cas d’un viager occupé
  • Le capital à convertir en rente
  • Le montant de la rente

On a : Valeur Vénale du bien = (Bouquet Capital à convertir en rente ) + (DUH ou usufruit).

Si le montant du bouquet est libre et relève de la liberté contractuelle des parties, en pratique, il s’élève couramment entre 10 et30 % de la valeur en pleine propriété de l’immeuble. Compte tenu du risque pris par les crédirentiers les plus âgés, le bouquet doit être plus élevé à leur égard.

La notice 2725 Not D permet de convertir 1€ de rente en équivalent de capital selon durée de vie du crédit rentier et taux de réversion de l’usufruit et donc réciproquement connaissant le capital à convertir en rente a calculer la rente annuelle puis mensuelle

1.6.1  Calcul de la rente

1.6.1.1     Application d’une formule à partir du taux de rendement annuel de l’immeuble

R = rente annuelle
C = capital de la rente
I = taux de revenus du capital
N = espérance de vie du tiers sur lequel repose l’aléa

1.6.1.2      Utilisation des tables

On peut aussi ,connaissant le capital de la rente, diviser par le coefficient obtenu à partir des tables de la 2725 Not D en fonction de l’âge du ou des crédit rentiers.

1.6.2      Calcul du bouquet

Il n’est pas obligatoire.

Il est fixé d’un commun accord entre le vendeur et l’acheteur.

Seule contrainte pour que l’acheteur ne soit pas lésé il doit être inférieure à la Valeur Vénale du bien moins le DUH ce qui correspondrait à une valeur sans rente.

1.6.3      Le calcul du DUH et de l’usufruit

En théorie le montant de l’Usufruit devrait avoir une valeur supérieure au DUH car il donne des droits supplémentaires au vendeur et génère des inconvénients pour l’acheteur qui peut ne pas pouvoir récupérer pour lui le bien s’il y a un locataire au moment du décès du crédit rentier.

Mais cela est compensé par le fait que sauf convention contraire s’il il y a un DUH c’est l’acheteur qui est redevable de la TF et des gros travaux c’est donc un inconvénient quasi certain pour lui et un avantage pour les vendeurs par rapport à l’usufruit ce qui devrait tendre à augmenter la valeur du DUH r/r à l’usufruit.

Donc dans la pratique cela dépendra de la convention sur le TF et les travaux indiquée dans le compromis de vente.

Il existe plusieurs façons d’estimer le DUH ou l’usufruit

1.6.3.1      Le mode fiscal

C’est le moins utilisé car le plus éloigné des conditions économiques réelles.

Le DUH est considéré comme valant 60% de l’usufruit  (762bis  CGI) et on applique le 669 du CGI pour connaitre la valeur de cet usufruit.

Exemple:

  • le Crédit rentier a 74 ans,
  • Valeur vénale de l’immeuble 250 000€
  • l’article 669 du CGI donne un US à 30% soit 75 000€
  • l’article 762 bis du même code donne 60% pour le DUH => soit un DHU de 45 000€

1.6.3.2      Le Valeur économique mode 1

on utilise la formule : NP = PP / (1+i) n avec:

  • NP = Nu propriété
  • PP = Pleine propriété
  • i = taux annuel de rendement du bien
  • n = durée du démembrement théorique

Par défaut, si le revenu locatif (ou taux annuel de rendement du bien) n’est pas connu, on peut prendre la valeur de 3% correspondant à la valeur utilisée par le FISC pour estimer la rentabilité du patrimoine sans autre justificatifs (par exemple pour estimer les droits à pension de réversion du conjoint survivant)

Là aussi il peut y avoir des aménagements:

  • On peut estimer que i représente un rendement brut ou à l’inverse un rendement net. Et là encore on peut choisir un rendement net avant ou après impôts
  • La valeur de l’usufruit est égale à la valeur en pleine propriété moins la Nue propriété que l’on vient de déterminé par la formule. Mais comment convertit-on l’usufruit en Droit d’usage et d’habitation (par l’application du 762 bis : 60% ou plus librement?)
  • Pour un couple ayant choisi un usufruit avec réversion sur le conjoint survivant, comment détermine-ton la valeur de « n ». En prenant celle du plus jeune ou en appliquant un taux tel que celui de la 2725 Not D ?

L’exemple suivant donne un exemple d’application de ce mode de calcul et la variation des résultats selon la façon dont on détermine les différents coefficient de la formule.

Hypothèses:

  • Valeur vénale de l’immeuble 250 000€
  • Loyer brut : 880€/mois
  • Taxe foncière : 900€/an
  • Travaux 600€/an
  • TMI crédit rentier : 30%, PS : 17.2% csg déductible 6.2%
  • Bénéfice foncier = 880*12-900-600 = 9060
  • IR = 9060*(30%+17.2%-30%*6.8%) = 4091
  • Bénéfice net IR = 4969

Calculs:

  • Rendement brut = 12*880/250000 = 4.2%
  • Rendement net avant IR = 9060/250000 = 3.6%
  • Rendement net après IIR = 4969/250000 = 1.98%
  • En prenant pour valeur de « n » l’espérance de vie du plus jeune on aboutit à
    • Table Insee femme 74 ans niveau de vie cadre sup = 16.9 ans
    • Valeur de la NP en utilisant le rendement brut : 124 246€ =>soit un usufruit de : 125 753
    • Valeur de la NP en utilisant de rendement net avant IR = 136 980 =>soit un usufruit de : 113020
    • Valeur de la NP en utilisant le rendement net après IR = 179 263 =>soit un usufruit de : 70 737
  • En prenant cette foit pour valeur de « n » l’espérance de vie du couple tiré de la fiche 2725 not D on aboutit à
    • Durée de vie moyenne pour le couple = 15.107 ans
    • Valeur de la NP en utilisant le rendement brut : 124 246€ =>soit un usufruit de : 116 186
    • Valeur de la NP en utilisant de rendement net avant IR = 136 980 =>soit un usufruit de : 113990
    • Valeur de la NP en utilisant le rendement net après IR = 179 263 =>soit un usufruit de : 64 299

On arrive donc dans cet exemple selon les éléments pris en compte à un écart sur la valeur de l’US allant de 64 229  à 125 753 soit quasiment du simple au double ce qui prouve que l’on a une certaine souplesse sur la détermination de cette valeur.

1.6.3.3      Valeur économique mode 2

On assimile cette fois le DUH aux loyers perçus sur l’espérance de vie du crédit rentier sans prendre en compte l’inflation. Là encore cela va dépendre grandement des éléments pris en compte.

Avec l’exemple précédent:

  • Loyer brut : 880e/mois
  • Loyer net avant IR = 775€/mois
  • Loyer net après IR = 414€/mois
  • En prenant pour valeur de l’espérance de vie celle du plus jeune : 16.9 ans on arrive à:
    • DUH basé sur le loyer brut = 880*12*16.9 = 178 464 => NP = 71 536€
    • DUH basé sur le loyer net avant IR = 775*12*16.9 = 157170 => NP =92 830€
    • DUH basé sur le loyer net après IR = 414*12*16.9 = 83 959 => NP = 166 040€
  • En prenant cette fois l’espérance de vie du couple : 15.107 ans on arrive à:
    • DUH loyer brut = 880*12*15.107 = 159 530=> NP = 90 470€
    • DUH loyer net avant IR = 775*12*15.107 = 140 495€ => NP =109 505€
    • DUH loyer net après IR = 414*12*15.107 = 75 052=> NP = 174 948€

Selon cette méthode on s’aperçoit que dans notre exemple le DUH varie de 75 052€ à 178 464€ soit cette fois plus du simple au double

1.6.3.4      Valeur économique par Barèmes

Les sociétés spécialisées dans le viager publient des barèmes censés tenir compte des ventes passées et de certains des paramètres utilisés ci-dessus mais toutes restent opaques sur les méthodes de calcul utilisées.

Le barème le plus connu est celui de JA Daubry mais il n’a pas été réactualisé depuis 2018.

1.6.3.5     Conclusions SUR la détermination de l’Usufruit ou du DUH

On voit donc qu’il existe une grande diversité de méthodes conduisant à des résultats très disparates, ce qui peut conduire à une grande insécurité juridique.

Toutefois , l’analyse de la jurisprudence semble indiqué que si la méthode de détermination est explicitée et qu’elle ne conduit pas a une disparition complète de l’aléa (il faudrait par exemple que le crédit rentier vive 1.5 fois plus longtemps que la moyenne des français pour récupérer la valeur de son bien, ou que rente versées soit inférieure au revenus obtenus par le débit renter, etc…), les juges ne remettent pas en causes les éléments sur lesquels sont tombés d’accord conventionnellement les parties.

1.7     Que faire si le débit rentier n’est plus en mesure de verser les rentes

Les aléas de la vie peuvent faire qu’un jour l’acheteur (ou ses héritiers s’il est décédé) ne soit plus en mesure de verser la rente promise.

Plusieurs cas peuvent alors se présenter.

Premier cas :

  • Il peut arrêter purement et simplement le versement de la rente. Le crédit-rentier va alors activer la clause résolutoire et récupérer son bien, qu’il pourra alors décider de remettre en viager ou revendre. Le débit rentier à alors perdu tout ou partie des sommes qu’il a déjà versées selon la rédaction de la clause résolutoire.

Second cas :

  • La nue-propriété étant un droit réel, le nu-propriétaire peut décider de vendre la nue-propriété sans le consentement de l’usufruitier (à moins qu’il y ait une charge de non-aliénation dans le contrat de vente en viager). Dans cette situation deux sous cas peuvent se présenter.
  • Soit le débit-rentier décide de garder à sa charge l’obligation de verser la rente et il utilise alors les fruits de la vente pour assumer son obligation. Le nouvel acheteur doit être informé de la clause résolutoire qui pèsera alors sur lui. Ce cas a donc très peu de chance de se présenter dans la pratique car le nouvel acheteur pourrait tout perdre du fait du non-respect de son obligation par l’ancien débit-rentier (qui est déjà dans cette hypothèse dans une situation difficile).
  • Soit le débit-rentier transfert en même temps au nouvel acheteur, l’obligation de verser la rente viagère. Le crédit rentier peut alors soit refuser le transfert de cette charge (la vente ne pourra alors pas avoir lieu) , soit demander que l’ancien et le nouvel acquéreur soient tenus solidairement à cette obligation, soit simplement accepter la substitution d’un nouveau d’un nouveau débit rentier et la libération de l’ancien. Cette dernière solution nous semple la plus sure pour le respect des obligations de chacun.

1.8      Un exemple pratique

Les hypothèses :

  • Une maison est vendue en viager
  • Sa valeur vénale est estimée à 210 000€
  • Les propriétaires sont mariés. Mr à 80 ans et Mme à 77 ans. Ils souhaitent vendre en viager occupé avec conservation de l’usufruit réversible sur la tête du survivant.
  • L’agent immobilier indique dans son annonce que la nue-propriété du bien est estimée à 107 531€ (il ne précise pas le mode de calcul) et que se prix sera réparti en un bouquet de 20 000e et une rente viagère de 613€/mois.
  • Il y a 6 800€ de frais d’agence à la charge de l’acheteur et une estimation de 8 602e de frais de notaire.

Les questions qui se posent sont de savoir :

  • Est-ce une bonne opération pour l’acheteur ?
  • N’est-ce pas une trop bonne opération qui pourrait être attaqué pour manque d’aléa ou vil prix ?

Commençons par la seconde question.

  • Les vendeurs sont âgés de 77 et 80 ans et nous n’avons aucune information sur leur état de santé. La cours de cassation nous rappelle que l’âge avancé du vendeur ne permet pas présumer l’absence d’aléa et la vente en viager ne peut être annulée qu’en cas de démonstration de la connaissance de l’imminence du décès par l’acquéreur. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
  • L’acquisition avec un bouquet de 20 000€ pourrait sembler contestable du point de vue d’éventuels héritiers si le couple venait à décéder seulement quelques années après la vente.  Toutefois, le bouquet n’étant pas obligatoire la jurisprudence a statué que son montant ne peut pas à lui seul permettre du juger si la vente a été faite à vil prix.
  • Il faut pour cela comparer les revenus qu’aurait pu recevoir le couple durant son espérance de vie avec la valeur en nue-propriété de la maison (on prend la valeur en nue-propriété car il faut bien qu’ils aient un domicile) et ce que le couple aurait pu en tirer comme revenu.
  • Faut-il retenir la valeur en nue-propriété mentionnée dans l’annonce (107 531€ provenant de l’application d’un barème choisi par l’agence immobilière) ou la valeur légale ou une autre valeur que nous aurons nous même calculé ?
  • L’explication du calcul de la nue-propriété par l’agence ne nous étant pas fournie, il nous semble évident qu’il est préférable d’estimer nous même la valeur de la nue-propriété pour pouvoir en fournir les éléments de calculs en cas de constatation et estimer en notre âmes et conscience si nous risquons de spolier les vendeurs.
  • Note : Nous prenons l’usufruit et non le DUH dans la suite de ce calcul car l’annonce indique que le couple a décidé de conserver l’usufruit.
  • Premier calcul :
    • Les deux membres du couple étant âgé de moins de 81 ans , l’usufruit légal est de 30% soit 63 000€. Soit une valeur de la nue-propriété de 147 000€
  • Second calcul:
    • Les tables de mortalité donnent une espérance de vie de 14 ans au couple.
    • Si l’on considère un revenu locatif de 3% par an de la valeur de la maison en pleine propriété cela conduit à un loyer de 525€/ mois. On arrive à un usufruit de 525*12*14 = 88 200€ soit une valeur en nue-propriété de 121 800€
  • Troisième calcul:
    • Si enfin on applique le calcul économique par la formule NP = PP / (1+i) n. On aboutit à une valeur en nue-propriété de 138 834€
  • Toujours dans le but de protéger au mieux les intérêts du vendeur, nous proposons de choisir la valeur la plus élevée obtenue pour la nue-propriété soit 147 000€ diminuée du bouquet soit 127 000€.
  • Les vendeurs étant âgés, on fait l’hypothèses qu’ils auraient placé leur argent sur des supports prudents à sécurisés rapportant du 3.5% par an (ce qui est déjà une estimation haute pour ce type de placements)
  • La somme placée leur aurait alors rapportée 117 000 * 3.5%/12 = 370.41e/mois.
  • On est bien en dessous des 613e/mois proposés dans l’annonce donc pas de soucis sur le montant de la rente.
  • De plus, si on estime la valeur que peut espérer recevoir le couple durant son espérance de vie, on arrive à 20 000 + 613*14*12 = 122 984€. Ce qui est certes inférieur à la valeur retenue pour la nue-propriété dans le calcul précédent mais qui rentre dans la fourchette d’estimation basée sur un revenu de 525e/mois (3% du prix de la maison en pleine propriété qui est une estimation basse donc sous estimant la valeur de l’usufruit et corolairement surestimant la valeur de la nue-propriété).
  • Nous concluons donc que dans cet exemple la vente en viager n’est pas proposée à vil prix et que si des héritiers venaient à contester la vente, ils auraient peu de chance de voir leur requête aboutir.

Il reste maintenant à savoir si cela est une bonne opération pour l’acquéreur.

  • Premier calcul : On regarde pendant combien de temps l’acquéreur devrait verser la rente pour dépasser la valeur actuelle de la maison soit : (Valeur Vénale – Bouquet) / (12x rente mensuelle) = 25.83 ans.
  • On est donc bien au-dessus de l’espérance moyenne de vie du couple. Ce qui est une première bonne indication pour l’investisseur.
  • Reste à estimer le taux de rendement interne de l’opération en fonction de la durée de versement de la rente viagère
  • Prenons comme hypothèse une réévaluation de l’immobilier ancien à 1.55% en moyenne par an sur 20 ans (c’est la moyenne depuis 2006) et une rente réévaluée à 1.32% (c’est la moyenne du taux légal sur 20 ans)
  • On recherche cette fois le taux de rendement interne auquel il faudrait placer le bouquet et la rente mensuelle revalorisée de l’évolution du taux des rentes viagères pour atteindre sur une durée donnée le prix de la maison revalorisée du taux de réévaluation de l’immobilier.
  • On passe pour cela par une macro Excel qui nous donne le tableau suivant :
  • On peut noter que même à l’espérance de vie moyenne c’est-à-dire de 14 ans, l’acquisition du viager revendrait à placer les 20 000€ du bouquet et 613€  de rente par mois (revalorisé de 1.32% par an) à un taux de 6.17% net de frais et fiscalité.
  • Ce qui aux taux actuels se révèlerait être une très bonne opération pour l’investisseur.
  • Les vendeurs ayant conservé leur usufruit, c’est donc a eux que revient, sauf convention contraire, le paiement des taxes foncières et l’entretien de la maison
  • A moins que les vendeurs ne deviennent centenaires, cette opération semble donc être intéressante pour l’acheteur.

1.9      CONCLUSION

L’acquisition d’un bien en viager peut se révéler être une bonne opération.

Il ne faut toutefois pas se lancer à la légère et il faut toujours vérifier que l’acheteur ne risque pas au terme d’être attaqué par les héritiers car il aurait justement fait une trop bonne affaire en achetant le bien sans réel aléa (que ce soit sur l’espérance de vie du vendeur ou à cause d’un bouquet et d’une rente dérisoires).

Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’en faisant l’acquisition d’un bien en viager l’acheteur (débit rentier) engage également ses héritiers.

En effet s’il vient à décéder avant le vendeur (crédit-rentier), l’obligation de versement de la rente viagère est transférée à ses héritiers. Si ces derniers sont dans l’incapacité d’honorer cette obligation, le crédit-rentier peut faire valoir la clause résolutoire du contrat et récupérer la propriété du bien immobilier. Tous les versements auront alors été fait en pur perte.

Publié par Pierre-Yves GENET dans Solution d'investissement, 0 commentaire