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TRANSMETTRE LE PATRIMOINE DES SENIORS

TRANSMETTRE LE PATRIMOINE DES SENIORS

1 Introduction

Comme mentionné à l’article « Protéger le cadre de vie des séniors, au point 4.2 » la transmission peut parfois se faire à titre onéreux, c’est-à-dire en vendant un bien à ses héritiers en pleine ou en nue propriété.. Mais dans la très grande majorités des cas, la transmission se fera via une libéralité.

Les libéralités sont définies à l’art 893 du code civil, comme pouvant être une donation entre vif ou un testament.

Mais avant de proposer la mise en place d’une libéralité, le conseiller doit être au fait de la dynamique familiale.

 Nous commencerons donc par étudier les notions psychologiques de la transmission avant de définir et présenter les différentes libéralités.

Nous aborderont au deux derniers chapitres, la protection du conjoint survivant et du disposant lui même.

2 Dettes et loyauté

Dans nos sociétés latines, il y a cette conviction qu’il faut laisser quelques choses à nos enfants.

Les statistiques indiquent qu’il y a aujourd’hui 17% de « Tanguy », et à l’inverse 17% des cas où se sont les enfants qui doivent payer pour leurs parents. Et comme un « Tanguy » ne suffit pas, dans 7% des cas « Tanguy » apporte avec lui son enfant.

Un fois passé la cinquantaine, nous avons donc de forte de chance de devoir aider nos parents ou nos enfants voire nos petits-enfants.

La première succession reçue est passée statistiquement de 55 ans dans les années 70 à 67 ans en 2024. Il existera donc une période de plus en plus longue durant laquelle nous pourrons être appelé à aider nos ascendants et nos descendants.

Le cout d’une EHPAD de base est de 1 100e/mois sans les soins. Le 4e âge est donc en train de « siphonner » son capital et parfois celui de ses enfants seniors. Il y a donc un sentiment d’être pressurisé par les séniors. De plus comme l’espérance de vie augmente ce sentiment risque d’être exacerbé dans le futur.

Il y a des biais

  • Cognitifs (le monde a changé mais pas nous, on prend donc des décisions sur des facteurs qui ne sont plus pertinents)
  • Et émotionnel (frustration d’enfance, sentiment de devoir quelques choses,…).

 Toute décision est donc irrationnelle.

Il peut aussi y avoir des basculement des besoins. Par exemple dans une famille recomposée, l’arrivée d’un petit dernier ayant une forte différence d’âge avec les premiers enfants créera un besoin de ressources pour ses études alors que l’un des parents sera peut-être déjà à la retraite. Il consommera donc des ressources que les enfant du premiers lits ne capteront pas.

Le conseiller donc prendre en compte tous ces aspects émotionnels

On dit que le « bébé est surendetté »…., enfin c’est ce que croit son cerveau. En effet, il a reçu la vie, la nourriture, l’hébergement le blanchiment l’amour de ses parents. Il y a pour sa calculette interne une importante différence entre ce qu’il a reçu, et ce que lui a donné, et donc un sentiment de dette envers ses parents. Cela crée une notion de dépendance tant que le cerveaux n’a pas l’impression soit d’avoir payé sa dette soit de s’en être détaché. C’est le rôle des parents d’inculquer à chacun de leurs enfants qu’il est unique et maitre de son destin afin qu’il puisse parvenir à se libérer de cette notion de dette.

L’arrivée du 2nd enfant entraine pour l’ainé le sentiment de perte car il va devoir partager ses parents, ses jouets, sa chambre, etc….C’est sa première expérience de dépossession.

La pratique montre qu’il n’y a en conséquence que très peu de loyauté entre frères et sœurs. Tout dépendra de ce qu’ils vivront ensemble. On entend souvent au moment des partage des phrases du type « Je ne dois rien à mon frère ou à ma sœur. On appartient au même clan ou à la même famille mais c’est tout ».

Équité n’est pas égalité. On peut donner un peu plus à l’un qui a plus de besoins qu’à l’autre.

Exemple : Un père à 3 enfants de tailles différentes qu’il emmène voir un match de foot. La barrière en bordure de terrain est trop haute pour que ses enfants puissent voir le match. Doit-il être égalitaire en leur fournissant la même caisse à tous pour qu’ils montent dessus (de ce fait le grand verra parfaitement, le moyen un peu et le plus petit pas du tout) ou équitable en fournissant une petite caisse au grand, une moyenne au second et une grande au petit ?

La justice perçue ce n’est pas d’avoir la même quantité mais c’est aussi la façon dont cette quantité est donnée (servi en premier ou non, avec le sourire ou désinvolture, etc…)

Exemple réel : Le défunt possédait 2 vases Ming identiques qu’il légua à ses 2 enfants. Aucun n’est content car le premier a reçu celui qui était dans le bureau du père et qui a été soumis à la poussière et a pu recevoir des coups, le second hérite de celui qui est dans un coffre-fort mais il n’est pas content non plus car ce vase n’a pas été aux côtés de son père et regardé par lui, et a donc à ces yeux moins de valeur sentimentale que l’autre.

On conseillera donc toujours, dans un testament, de prévoir un préambule qui explique la décision (les comptes se (Ra)content). Les éventuelles rancœurs des ayants droits seront dirigées vers les parents et pas entre eux.

Dans le couple, la culture des deux partenaires est souvent différente et le rapport à l’argent aussi (l’un veut épargner, l’autre profiter, l’un est fidèle aux biens familiaux, l’autre n’y voit que de nouveaux moyens pour le couple, l’un est solidaire de ses parents l’autre non ou pense uniquement aux siens,). Les intérêts de l’un peuvent également provoquer des comportements particuliers

Exemple vécu : Madame impose, à son nouveau mari, tous les ans plusieurs voyages dispendieux alors que celui-ci préférerait passer du temps avec ses enfants. Qu’elle en était la raison ?  Madame anticipait un futur divorce. Elle augmentait ainsi son train de vie en estimant qu’en cas de divorce son nouveau mari-devrait lui verser une prestation plus conséquente afin de maintenir ce niveau de vie au détriment de ce qui restera à ses premiers enfants.

Rappel : Le taux de divorce le plus fort est atteint dans les 2 à 3 ans qui suivent la retraite.

La transmission peut être :

  • Une façon de protéger le patrimoine familiale (le bien de la famille qui doit rester coute que coute dans la famille)
  • Un moyen de maintenir l’unité de la fratrie
  • Un moyen d’aider les nouvelles générations
  • Un moyen de reconnaitre l’implication d’un enfant à son égard

Ce n’est pas véritablement un acte gratuit car derrière se cachent souvent des attentes et des désirs.

3. Les libéralités

La « libéralité » est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. (art 893 du code civil)

Pour être valide, une libéralité ne doit pas contenir de conditions ou de charges qui soient contraires aux lois ou aux mœurs. De telles clauses ne conduiraient pas à la nullité de la libéralité mais seraient réputées non écrites.

Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime.

Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige. (art 900-1 du cc). Pour aller plus loin, l’art 900-8 précise même qu’ « Est réputée non écrite toute clause par laquelle le disposant prive de la libéralité celui qui mettrait en cause la validité d’une clause d’inaliénabilité ou demanderait l’autorisation d’aliéner »

Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.

3.1 Qui peut transmettre ?

Toute personne peut disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celle que la loi en déclare incapable.

Pour ces dernières il s’agit :

  • Des mineurs non émancipés (sauf pour les testaments rédigés par des mineurs d’au moins 16 ans pour au maximum la moitié de la quotité disponible en cas général ou comme un majeur pour un nombre limité de personnes (la famille jusqu’’au 6e degré) en cas de conflit armé art 904 du cc)
  • Des personnes sous mesures de protections judiciaires (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle)
    • Pour les donations
      • Sous le régime de la sauvegarde de justice, le majeur protégé peut consentir, seul, à une donation mais cette dernière est susceptible de réduction pour excès (art 435 du cc)
      • Sous le régime de curatelle, le majeur protégé peut consentir à une donation avec l’assistance de son curateur (art 470 du cc al 1)
      • Sous le régime de la tutelle, le majeur protégé doit être assisté ou représenté (, ce qui constitue une des rares exception aux actes d’aliénation à titre gratuit que peut faire le tuteur en représentation cf art 509) après autorisation du juge des tutelles
    • Elles peuvent faire des testaments seules en curatelle ou après autorisation du tuteur ou du conseil de famille en tutelle. Il est important de noter qu’aussi bien en curatelle qu’en tutelle après autorisation, la personne protégée doit rédiger seule son testament sans l’assistance de son curateur ou la représentation de son tuteur.
  • Des personnes sous habilitation familiale. Dans ce cas, la personne habilitée ne peut accomplir pour la personne protégée une libéralité qu’avec l’autorisation du juge des tutelles (art 494-6 al4). Cependant elle peut assister la personne protéger lors d’une donation sans cette fois avoir besoin de l’autorisation du juge
  • Sous mandat de protection futur, le mandant ne peut consentir à une libéralité que s’il est représenté par le mandataire et uniquement après autorisation du juge des tutelles (art 490 pour le mandat authentique, art 493 pour mandant sous seing privé)

3.2 Qui peut recevoir ?

Pour recevoir il faut:

  • Être en vie ou au moins conçu (et naitre viable) au moment de la donation (sauf cas des donations graduelles et résiduelles et des donations faites aux enfants à naitre dans un contrat de mariage : (art 1082 du cc)
  • Être capable de recevoir (sont exclues les même personne que pour la capacité de donner c’est-à-dire, les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle ou curatelle ainsi qu’en cas d’habilitation familiale. Voir plus loin dans ce chapitre pour les conditions d’acceptations des personnes vulnérables)

D’autres personnes ne peuvent pas recevoir une libéralité. Il s’agit

  • Art 907 du cc : du tuteur d’un enfant mineur (même de plus de 16 ans) tant que le compte de tutelle n’a pas été rendu et apuré
  • Art 909du cc :
    • Les membres des professions médicale, pharmacien et autres auxiliaires de santé qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt (si la libéralité a été faite pendant cette maladie. Les libéralités antérieures restent valables)
    • Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (que ce soient des personnes physiques ou morales), qui protège la personne ayant fait une libéralité qu’elle que soit la date de cette dernière
    • Les ministres du cultes ayant été au chevet de la personne
    • Ne sont pas concernées par ces règles les personnes qui occupant l’un de ces rôles sont aussi un parent proche de la personne ayant fait la libéralité (jusqu’au 4e degré de parenté) à la condition que cette personne n’ait pas d’héritiers en ligne directe ou que le recevant soit l’un de ses héritiers.
    • IMPORTANT : Par extension, la cour de cassation applique l’article 909 du cc aux bénéfice des assurance vie.
  • L’art 911 du cc étend également l’interdiction de recevoir à toute personne physique ou morale interposée en vue de dissimuler la donation à l’une des personnes visées par l’art 909.  Les personnes physiques interposées sont sauf preuve du contraire Les pères, mères, descendants et époux de la personne appelée à recevoir. Ne sont pas cités les partenaires de PACS et les concubins notoires. A ma connaissance aucune décision n’a été rendu pour étendre l’application du 911 à ces personnes, mais l’insécurité juridique relative à une libéralité faits à ces personnes pour dissimuler celle à l’une des personnes visée par l’art 909 me parait de nature à prohiber de telle dispositions.
  • Ce même article 911, rend nulle toute libéralité directe ou déguisée (mais ne mentionne pas les libéralité indirectes) faites à une personne incapable de recevoir
  • L’art 116-4 du CASF interdit également aux gérants, salariés et bénévoles d’ EHPAD  de recevoir dans les mêmes conditions qu’aux art 909 et 911 du code civil de libéralité de leur pensionnaires ainsi qu’aux accueillant familiaux (en ajoutant cette fois les partenaires de PACS , les ascendant et les concubin à la listes des personnes considérées comme interposées.

Attention au vocabulaire

En droit des succession la notion de charge englobe les clauses que nous verrons plus loin comme l’inaliénabilité, les libéralité graduelles, résiduelles, etc…

En droit des personnes vulnérable, la charge est celle qui impose au bénéficiaire de s’acquitter d’une dette

Exemple : l’acception d’une donation avec une clause d’aliénation (charge en droit des successions) est un acte d’administration alors que l’acceptation d’une donation avec une clause de rente viagère (charge en droit des succession et des personnes vulnérables) est un acte de disposition

Ainsi :

  • Si le donataire est placé sous sauvegarde de justice, il peut recevoir une donation qu’elle soit au non assortie d’une charge sauf si le juge a désigné un mandataire spécial (art 435 cc)
  • Si le gratifié est sous curatelle, il peut accepter seule un donation si elle n’a pas de charge au sens des personnes vulnérables et assisté de son curateur dans le cas contraire
    • Le curalélaire peut accepter seul une succession à concurrence de l’actif net et doit être assister de son curateur pour une acceptation pure et simple ou une renonciation à la succession.
  • Si le donataire ou héritier est sous tutelle, si la libéralité ne comporte aucune charge, il peut être représenté par son tuteur pour la recevoir, dans le cas contraire, il faut l’accord du juge des tutelles avant qu’il puisse être représenté par son tuteur
    • Le tuteur peut aussi accepter seule une succession à concurrence de l’actif net ou si l’actif de succession est manifestement supérieur au montant des dettes
    • Pour renoncer à une succession, le tuteur doit obtenir l’accord du juge
  • Si le gratifié est sous habilitation familiale
    • En représentation, l’habilité peut accepter la donation avec ou sens charge (sauf s’il en est le bénéficiaire). Il peut accepter seul les successions à concurrence de l’actif net et avec l’autorisation du juge les acceptation pure et simple ou renonciation.
    • En assistance le majeur accepte seul les libéralités sans charge et avec l’assistance de la personne habilité s’il y a des charges au sens des personnes vulnérables. Pour une acceptation pure et simple ou renonciation à une succession, il est nécessaire d’obtenir l’accord du juge. L’acception à concurrence de l’actif net est faite par la personne protégée seule.
  • Si mandat de protection future
    • Sous seing privé : le majeur protégé peut accepter seul les libéralités sans charges et en étant représenté par le mandataire après accord du juge des tutelle si charges
    • Sous forme authentique : Le mandataire peut accepter les libéralités en représentation du mandant qu’il y ait ou non des charges.

3.3 L’influence du régime matrimonial sur la chose transmise

Sous régime de séparation de biens, une personne ne peut disposer que de ses biens propres et personnels sans l’accord de son conjoint (art 1536 du cc).

Sous le régime de la participation réduite aux acquêts, elle ne peut transmettre sans l’accord de son conjoint, que les biens de son patrimoine originel (art 1573 et 1574 du cc). Pour rappel, le patrimoine originel est constitué par les bien qu’un époux possédait avant le mariage ainsi que ceux qu’il a reçu par donation ou succession et les biens propres par nature du régime de communauté légale.

Sous régime communautaire : on ne peut transmettre que ses biens propres (1428 cc). Le consentement du conjoint est nécessaire à peine de nullité (1422cc) pour tous les biens communs. En pratique soit les époux sont co-donateurs, soit l’un se porte seul donateur avec le consentement de son conjoint.

Pour rappel (art 215-3 du code civil) dans tous les cas, l’aliénation du logement de la famille et des meubles meublants dont il est garni nécessite le consentement des deux époux. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement peut en demander l’annulation (pendant 1 an à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte d’aliénation et au plus tard 1 ans après la dissolution du régime matrimonial)

Note : si la donation comporte une réserve d’usufruit, même sans usufruit successif, l’accord du conjoint n’est pas nécessaire pour la libéralité sur la nue-propriété d’un bien propre, fusse-t-il le logement familiale (cass 22/06/2022 20 20.387). Dans cet arrêt, le père avait donné la nue-propriété d’un bien propre qui constituait le logement familial de son nouveau couple, avec une réserve d’usufruit à son seul profit. A son décès, sa nouvelle épouse attaqua la donation au titre de l’alinéa 3 de l’article 215. Cependant la Cour de cassation considère que l’article 215 alinéa 3 ne protège le logement familial que pendant le mariage et que la donation de la nue-propriété seule n’avait pas porté atteinte à la l’usage et la jouissance du logement familiale tant que le mariage avait perduré (donc jusqu’au décès de Mr). La nouvelle épouse fut donc déboutée.

3.4  Les libéralités partages

Ces libéralités sont prévues aux articles 1075 et suivants du code civil. Elles concernent aussi bien les testaments que les donations.

Cette libéralité peut être faite à destination de ses héritiers présomptifs mais également (art 1075-1) « entre des descendants de degrés différents, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs ». On parle alors de libéralités transgénérationnelles

Nous verrons un peu plus loin dans cet article les particularité de ce type de libéralités selon qu’il s’agit de donation ou de testament

3.5 Les libéralités graduelles ou résiduelles

Il s’agit de libéralités qui sont, dans la plus part des cas, transgénérationnelles, et dans lesquelles le disposant impose au premier gratifié :

  •  la charge de conserver, sa vie durant, le bien donné et de le transmettre à son décès au second gratifié dans le cas de donations graduelles
  • Ou de transmettre ce qu’il en reste au second gratifié dans le cas de donations résiduelles

Les libéralités graduelles sont définies aux articles 1048 à 1056 du cc et les résiduelles aux articles 1057 à 1061.

Elles peuvent également être utilisées pour protéger une personne vulnérable. Par exemple les parents ayant plusieurs enfants dont un vulnérable peuvent décider de transmettent un bien immobilier à leur enfant vulnérable afin qu’il en tire des revenus, et à son décès le bien revient au reste de la fratrie.

Elles ne peuvent porter que sur des biens présents et identifiables. Ainsi, si le donateur souhaite transmettre une somme d’argent, il semble qu’il lui faille passer par un compte bancaire dédié ou mieux un contrat de capitalisation ou un compte titre dont le premier gratifié pourrait percevoir les fruits, sur lequel sera déposé cette somme d’argent. Le fait que le bien soit identifiable, exclu également nous semble-t-il, que le biens soit subrogés. (sauf cas de valeurs mobilière explicitement prévu au 2e alinéa de l’art 1049)

Si le second gratifié venait à décéder avant le premier, la charge serait caduque.

Dans le cas de la libéralité graduelle, la charge de conserver et transmettre ne peut porter que sur le premier gratifié.

Les deux gratifiés sont réputés tenir leurs droits directement du disposant (C. civ., art. 1051). Au niveau fiscal, ils se verront donc appliquer l’abattement et le tarif relatif à leur lien avec le disposant au moment de la première libéralité pour le premier gratifié et au décès de ce dernier pour le second.

En outre, les droits payés par le premier disposant grevé seront imputés sur ceux dus par le second gratifié (CGI, art. 784, al. 3). Cette imputation est également admise lorsque les droits dus sur la première transmission ont été pris en charge par le donateur (ENR-DMTG-10-20-50-10 point 90).

Dans le cas d’une libéralité résiduelle, pour déterminer le montant des droits imputables lors la seconde mutation, il y a lieu de liquider à nouveau les droits dus lors de la première libéralité sur une base réduite, en fonction du reliquat existant au jour de la seconde libéralité.Particularité : En cas de décès du donateur avant celui du premier gratifié, lors de la seconde transmission, il est admis que l’abattement applicable demeure celui existant en cas de mutation à titre gratuit entre vifs. Ainsi, par exemple, en cas de décès du grand-père donateur, lorsque le second gratifié est un petit-enfant, ce dernier bénéficiera de l’abattement prévu à l’article 790 B du CGI (31 865€) et non de celui prévu au IV de l’article 788 du CGI( 1 594€).

3.6 Les libéralités transgénérationnelles

L’article 1075-1 du code civil permet à tout ascendant de faire la distribution et le partage de ses biens entre ses descendants de degrés différents, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs, sous réserve du consentement de ses enfants (article 1078-4 du code civil).

Il peut s’agit de donation ou testament transgénérationnels. Ces deux types de libéralité seront étudiées plus loin dans cet article.

3.7 Les clauses particulières pouvant être associées à la libéralité

3.7.1 La clause d’inaliénabilité

Elle permet d’interdire que la chose transmise ne soit hypothéquée, vendue ou donnée par celui qui la reçoit. Elle permet généralement de préserver un capital transmis à un enfant afin qu’il ne l’utilise que pour ces études ou son entrée dans la vie adulte ou pour préserver un bien dans le patrimoine familial.

Elle doit être limitée dans le temps et être justifiée par un intérêt légitime et sérieux. Il peut s’agir de la durée de vie du donateur par exemple afin d’assurer l’efficacité d’un droit de retour conventionnel ou d’assurer que la nue-propriété donnée ne peut être cédé à un tiers lorsque le donateur s’est réservé l’usufruit.

Ce n’est pas au banquier ou à l’assureur de faire respecter les charges. C’est aux donateurs ou à des tiers intervenant à la donation de le faire et qui en cas de non-respect de la clause qui peuvent alors invoquer la nullité de la libéralité initiale.

Pour un mineur, on va généralement limiter inaliénabilité aux 25 ans de l’enfant.

A défaut d’intérêt légitime et sérieux ou de caractère temporaire, la clause est nulle et réputée non écrite.

Cette clause rend aussi le bien donné temporairement insaisissable par les créanciers du donataire (mais finalement à la fin de la durée prévue, le créancier retrouve son droit)

Attention : si on fait une vente de parts sociales issues d’une donation il faut donc vérifier s’il n’existe pas une telle clause sinon la vente sera nulle

Les effets

  • Les biens sont inaliénables et incessibles aussi bien à titre gratuits qu’à titre onéreux et insaisissables
  • S’agissant d’immeuble :
    • Opposable aux tiers sous réserve de publication de la clause au service de publicité foncière (D 55-2, 04/0/1955 art 28-2)
    • La clause n’interdit pas l’inscription d’une hypothèque judiciaire (cass 9/10/85 84-13.306) mais elle rend impossible l’inscription d’une hypothèque conventionnelle (23/02/2012 09-13.113)
  • S’agissant de droits sociaux : la clause interdit tout nantissement conventionnel des droits sociaux

La violation de la clause entraine la nullité de l’acte de vente et une révocation de la libéralité elle-même si le disposant le demande en justice ou si la clause le prévoit expressément.

La clause peut être levée par le donateur de son vivant ou par l’autorisation du juge si lorsque l’intérêt sérieux et légitime a disparu ou qu’un intérêt plus important ne l’exige.

3.7.2 La clause de réserve d’usufruit

Le disposant peut se réserver l’usufruit de la chose donnée ou d’en disposer au profit d’une autre personne (art 949 du cc) et est dispensé d’en fournir la caution prévue à l’art 601 du cc (cependant en cas d’usufruit successif, si l’usufruit est réservé par le conjoint survivant lors de la succession, la caution peut alors être demandé par les nus propriétaires)

Le disposant doit être informé que :

  • La vente du bien nécessitera l’accord du nus propriétaires. Le nu-propriétaire peut également vendre son droit (sauf clause inaliénabilité) sans en informer l’usufruitier qui conserve pour autant ses droits d’usufruitier
  • Le prix sera par défaut ventilé après la vente entre le nu-propriétaire et l’usufruitier selon la valeur respective de chacun de ses droits au jour de la vente (sauf volonté contraire prévue à 621 cc concernant la répartition du prix) . Il peut par exemple être prévu un quasi-usufruit sur le produit de la vente ou une charge de réemploi mais dans ce dernier cas, le nu-propriétaire peut décider du bien à acquérir et de sa localisation car c’est lui le « propriétaire ». Note c’est l’un des rares cas où le nouveau 774 bis du CGI n’impose pas la taxation du quasi-usufruit lors de la succession (sauf si le démembrement du bien suivi de sa cession et de la mise en place du quasi-usufruit résultait d’un abus de droit : Par exemple achat du bien, donation de la np quelques mois plus tard puis vente encore quelques mois après dans le but exclusif de constituer fictivement un quasi usufruit sur une somme d’argent).
  • Les gros travaux sont à la charge du nu-propriétaire mais l’usufruitier Ne peut PAS en principe l’y contraindre (art 605 et 606). Cependant, la donation peut stipuler que les gros travaux restent à la charge du donateur pendant une durée déterminée ou jusqu’à sa fin ou jusqu’à une entrée en EHPAD. A l’inverse une clause peut imposer la réalisation des gros travaux par le nu-propriétaire sur demande de l’usufruitier sous clause résolutoire de la donation. Si l’usufruitier finance les gros travaux sa succession bénéficiera d’une créance contre les nus-propriétaires d’un montant correspondant à la plus-value apportée par ses travaux à la date du décès.

Fiscalement l’extinction de l’usufruit à lieu gratuitement sauf quelques exception notables :

  • Si le décès intervient moins de 3 mois après le démembrement de propriétés constaté par acte authentique
  • Si la nue-propriété appartient à un présomptif héritier ou à ses descendants ou son conjoint, et qu’aucune donation régulière n’est constatée dans un contrat de mariage, ou constaté par un acte authentique plus de trois mois avant le décès et dans lequel la nue-propriété a été évaluée conformément à l’art 669 du CGI. (art 751)
  • Si la réserve d’usufruit porte sur une somme d’argent (art 774 bis du CGI) non issue de la cession d’un bien précédemment démembré.

Rappel : Comme mentionné au §3.3,  si la donation comporte une réserve d’usufruit même sans usufruit successif, l’accord du conjoint n’est pas nécessaire pour la libéralité sur la nue-propriété d’un bien propre, fusse-t-il le logement familiale (cass 22/06/2022 20 20.387).

Nous allons maintenant étudier plus en détail les donations d’une part puis les testaments d’autre part ainsi que les points de vigilance dans le cas des séniors

4 Les donations

La donation est définie à l’art 894 du code civil et 931 et suivants

Une donation nécessite :

  • L’appauvrissement du disposant et l’enrichissement du gratifié
  • Une intention libérale,
  • L’acceptation par celui qui reçoit

Aux conditions générales pour les libéralités, s’ajoutent, pour les donation entre vif, les éléments suivants

  • La donation doit être faite devant notaire, (art 931 du cc) sauf pour les donations de somme d’argent ou de titres négociables (790 G du CGI),
  • Il doit y avoir un dessaisissement actuel et irrévocable du donateur

A défaut de respecter ces règles, la donation est frappée :

  • De nullité absolue du vivant du donateur : C’est dire que tout tiers peut agir en justice pour contester l’acte, les parties ne peuvent absolument pas la confirmer du vivant du donateur, si ce n’est en refaisant une donation régulière devant notaire
  • De nullité relative après le décès du donateur (seuls les héritiers peuvent en demander la réduction pendant les cinq années qui suivent sa révélation et ils peuvent à l’inverse la confirmer d’un commun accord)

Note : Le présent d’usage n’est pas une donation car il ne nécessite pas l’acceptation du donateur et ne demande aucun acte. Les « donations » rémunératoires ne sont pas non plus des donations puisqu’elles ne procèdent pas d’une intention libérale mais d’une compensation d’un service rendu.

Une donation entre vif ne peut porter que sur des biens présents, et est nulle pour ce qui concernerait des biens futurs (art 943 cc).

Attention : particularités : Les donations entre époux peuvent permettre des donations de biens à venir (art 1093 du cc)  et les donations de biens présent entre époux ne sont pas révocables(265 et 1096-1 du cc) même en insérant une condition résolutoire de maintien du mariage.

Une donation entre vif ne peut être révoquée que pour cause:

  • D’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite,
  • D’ingratitude. Cette dernière est caractérisée par (art 955 du cc)
    • L’atteinte à la vie du donateur par le donataireLe fait que le donataire se rendre coupable de sévices, délits ou injures graves envers le donateur
    • Le refus d’aliment par le donataire
  • De survenance d’enfants (à condition que l’acte de donation le prévoit).

Elle peut contenir des charges pour le donataire mais qui doivent être conforme à la loi et ou mœurs et ne pas dépendre uniquement de la seule volonté du donateur.

Toutes les donations doivent être rapportées à la succession pour le calcul de la masse successorale fictive du défunt. Par défaut le bien est rapporté pour sa valeur au jour du partage de la succession d’après son état à l’époque de la donation (art 843 et 860 du cc) . Si le bien donné a été aliéné, on rapporte sa valeur au jour de l’aliénation sauf s’il a été fait réemploi. Auquel cas, c’est la valeur du bien subrogé dans son état au jour du réemploi qui est rapporté.

Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.

Le rapport d’une somme d’argent est égal à son montant (860 -1 du cc). Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien au jour de la succession dans son état au jour de son acquisition.

Si la donation avait été faite sous forme de donation partage, c’est la valeur du bien au jour du partage qui doit être rapportée.

NOTE : Même en ne respectant pas le formalisme de l’article 931, certaines donations restent valables. Il s’agit :

  • Des donation Indirectes
  • Des donations déguisées
  • Des dons manuels.

La dernières est volontaire, les deux première font le plus souvent l’objet d’une requalification, soit à l’initiative d’héritiers s’estimant lésés par un acte dissimulant une donation soit par le Fisc.

Décrivons sommairement les différents type de donations.

4.1 Le don manuel

Il s’agit, comme son nom l’indique, de la transmission d’un bien « de la main à la main ». Il faut qu’il y ait une remise réelle de la chose et non un simple accord entre les partie.

Il doit s’agir d’un bien corporel (bijoux, meubles meublants, tableaux, somme d’argent.) mais la jurisprudence admet maintenant que des actes immatériels puissent constituer une donation manuelle.

Il s’agit, pour les actes immatériels, des virements bancaires et des remises avec encaissement de chèques, des donations d’actions de sociétés (cotés en bourses ou non du moment où elles possèdent un registre des détenteurs de parts) et des cryptomonnaies. Notons cependant que la donation de parts sociales (d’une SCI par exemple) ou d’un fond de commerce ne peuvent pas faire l’objet d’un don manuel et doivent impérativement être faites devant notaire.

  •  Note : exception à l’exception : Les parts de SCPI sont des parts sociales, on ne devrait donc pas pouvoir faire de donations manuelles, mais comme ces sociétés ont un registre des associés, le don manuel reste possible en théorie. Il faut toutefois vérifier si les statuts de la SCPI l’interdisent ou exigent une acte authentique
  • Rappel : Les actions concernent les sociétés de capitaux (SAS, SA, SASU, SCA (société en commandite par action)) et les parts sociales les sociétés de personnes (SARL, SNC, EURL, SCS, les société civiles qu’elles soient immobilières ou non)

NOTE : La donation devant être irrévocable, la donation sur le compte d’une personne, sur lequel le donateur aurait une procuration, ou en passant par un compte joint entre le donateur et le donataire, serait frappé de nullité car il n’y a pas ici de dessaisissements irrévocable.

4.1.1 Le don manuel avec pacte adjoint

Il s’agit d’une convention sous seing privé, établie postérieurement au don manuel dont la validité est reconnue en jurisprudence

Il s’agit pour le senior de faire un don manuel, le plus souvent à un petit enfant associés à des charges que ce dernier devra respecter.

Il faut porter une attention particulière à la rédaction de ces pactes adjoints car ils ne doivent pas constituer une donation (qui n’étant pas faite devant notaire deviendrait nulle)

Le conseiller veillera donc à ce que le pacte adjoint se limite à relater une don manuel réalisé antérieurement. Il devra également être enregistré au centre des impôts afin d’avoir une date certaine.

Ce type de pacte stipule généralement une clause d’inaliénabilité du bien donné jusqu’à la majorité ou la fin des études du gratifié.

Lorsqu’il s’agit d’un don manuel sur les actions d’une société de capitaux, le pacte adjoint peut aussi inclure des charges que le donataire devra respecter dans le cadre d’un pacte Dutreil (787B du CGI) et notamment de la poursuite de l’engagement collectif de conservation, de la prise de l’engagement individuel de conservation, et de l’exercice d’une fonction de direction.

Le don manuel est présumé, comme toute donation, avoir été fait en avance de part successorale (art. 843 C. civ.). Toutefois, un pacte adjoint peut parfaitement prévoir une dispense de rapport ou en aménager les modalités en prévoyant par exemple une clause de rapport forfaitaire.

En résumé, Il ne peut pas y avoir dans un pacte adjoint :

  • de quasi usufruit (faute de remise matériel de la chose) 
  • d’usufruit successif  (puisque donation à terme de biens présent est  incompatible avec la tradition réelle) ,
  • de donation partage,
  • de donation de parts sociales (SCI, SARL,..) ni de contrat de capitalisation

4.1.3 Conséquences de la remise réelle de la chose

Comme nous l’avons vu précédemment, le don manuel suppose la remise réelle de la chose au donataire.

Dans la pratique, lorsque qu’un donateur âgés fait une donation à ses petits-enfants mineurs avec un pacte adjoint, il passe souvent par le compte bancaire des parents qui souscrivent pour leurs enfants un contrat d’assurance vie conformément au pacte adjoint.

Mais dans ce cas, il n’y a pas eu stricto sensu de remise de la somme donnée à l’enfant mineur. La chose a été remise dans la pratique à ses parents. Le don manuel à l’enfant devrait donc être requalifié en un don des grands parents à ses parents puis un don des parents à l’enfant. Ce qui a un impact sur les abattements consommée au titre du 790G sur 2 générations. (1 à 2 puis 2 à 3) au lieu de consommer les abattements entre les générations 1 à 3. C’est pourquoi, un certain nombre d’assureurs exigent maintenant, qu’un compte courant soit ouvert par les parents au nom de leur enfant mineur et que la somme donnée aille directement du compte des grands parents vers celui du petit enfant.

4.2 La donation déguisée

Elle se caractérise par un acte réalisé en apparence à titre onéreux mais qui dissimule en fait une intention libérale.

Elle se distingue de la donation indirecte, que nous verrons juste après, par le fait qu’elle est à titre onéreux, qu’on y distingue clairement une intention de tromper, un mensonge, un déguisement d’une autre réalité, une intention de se soustraire à la fiscalité.

La donation déguisée doit respecter les conditions de forme de l’acte dont elle a l’apparence

La charge de la preuve incombe à celui qui invoque le déguisement.

Lorsqu’elle est révélée, la donation déguisée est soumise à toutes les règles des donations ;

  • Capacité à donner et à recevoir (l’incapacité du donataire étant une cause une cause de nullité de la donation art. 911, al. 1)
    • Note : une donation indirecte faite à un incapable reste valide contrairement à une donation déguisée
  • Réduction en cas d’atteinte à la réserve (cf. art. 918),
  • Rapport (alors même que le but du déguisement est souvent d’y faire échapper la donation),
  • Paiement des droits d’enregistrement avec intérêts de retard et pénalités (80 % des droits rappelés en tant qu’il y a abus de droit au sens de l’article 64 LPF) sans préjudice des sanctions du recel 

On va retrouver dans les donations déguisées

  • Les pacte tontiniers lorsqu’il y a une différence significative d’âge entre les tontiniers, ou d’apport, ou lorsqu’il n’y a pas d’aléa (par exemple car l’un est en phase terminale au moment de la signature du pacte)
  • Les ventes à vil prix
  • La réalisation d’un prêt (par exemple familiale) dont le préteur ne demandera jamais le remboursement. On distingue ce cas de la remise de dettes présenté au §4.3 par le fait que dès le départ, l’acte de prêt est réalisé avec l’intention de ne jamais l’exécuter.
  • Un viager consenti en contrepartie d’une rente ou d’un bouquet, totalement sous-estimé par rapport à la valeur immobilière du marché ou encore un viager dont le débit rentier ne paye pas la rente ou qui, s’il la paye, lui est reversé par le crédit rentier.

4.3 La donation indirecte

Il s’agit d’une donation réalisée par un acte qui n’est pas une donation. Elle procède donc, indirectement de l’acte qui la porte, à une donation

Il peut s’agir 

  • D’une remise de dettes. Dans ce cas, il n’y a pas de donation à proprement parlé. Il s’agit de libérer le débiteur de son obligation de rembourser. Cependant, il y a bien appauvrissement du créancier qui ne sera pas remboursé et enrichissement du débiteur,
  • Du dénouement d’une assurance vie en l’absence d’aléa, comme le cas où l’assuré se sait atteint d’une maladie incurable et avec une très faible espérance de vie au moment du versement de la prime. Le contrat est dans ce cas bien réalisé avec l’intention uniquement libérale de donner une somme d’argent à des bénéficiaires identifiés sans que le contrat n’ait d’utilité pour l’assuré. Nous la qualifierions de donation indirecte plutôt que de donation déguisée car le dénouement du contrat n’est pas un acte à titre onéreux,
  • De la renonciation à un droit réel. Ce cas est un peu plus complexe. Il peut s’agir de la renonciation :
    • à la perception de loyers ou de fermages (même à un enfant s’il ne s’agit pas de l’obligation alimentaire des parents : par exemple Cass. 1re civ., 21 sept. 2022, no 20-22139, où la mère avait renoncé à percevoir les fermages sur les terrains que l’une de ses filles exploitait pour sa ferme),à une donation, un leg ou une succession (avec une intention libérale clairement exprimée d’enrichir un autre donataire, légataire ou successible)au bénéfice d’un contrat d’assurance vie avec une intention libérale,
    • ou par exemple d’une personne qui s’est porté caution pour un tiers, puis qui a été appelé en remboursement de la créance et qui renonce à poursuivre ce tiers en remboursement de la somme qu’il a payé au créancier. .

La difficulté tient à savoir s’il y a ou non une intention libérale. Pour cela on va parler de renonciation abdicative ou translative. L’intention libérale correspondant à la renonciation translative.

  • Il y a renonciation abdicative lorsque le titulaire du droit renonce sans l’intention de gratifier celui qui en bénéficie. Le titulaire du droit l’abandonne purement et simplement sans se préoccuper du devenir de son droit. Encore faut-il pouvoir démontrer qu’il n’y a pas d’intention libérale.
  • Exemple :
    • Si des parent décident de renoncer à un usufruit. Pour que la renonciation soit abdicative, il faudra qu’ils puissent prouver que l’usufruit ne leur rapporte rien voir constituent une charge pour eux (par exemple un locataire qui ne paye pas et qu’on n’arrive pas à expulser).
  • Par défaut la renonciation à une succession ou un leg est abdicative sauf à démontrer l’intention libérale (. La Cour de cassation a en effet rappelé (Cass. 1e civ., 27-5-1961) que « la renonciation à un droit faite sans intention de gratifier celui qui en bénéficie ne constitue donc pas une donation ». L’intention libérale dépendra donc de la situation de fait (cf exemple dans la paragraphe sur les renonciation translative)
  • La renonciation à une clause bénéficiaire consiste à renoncer à un droit que l’on a contre l’assureur et non au bénéfice d’un tiers. La renonciation est donc abdicative. Il en irait autrement si l’assuré avait rédigé une clause du type « mon conjoint pourra renoncer partiellement au bénéfice de mon contrat » en laissant le conjoint déterminer la proportion de sa renonciation. Il y aurait dans ce cas une intention libérale du conjoint envers les bénéficiaires de second rang. Pour prévoir de telles possibilités, on préféra la rédaction d’une clause à option (ou parfois appelée à tiroirs) du type « Mon conjoint survivant disposera d’un délai de xx mois, à compter du jour de mon décès, pour indiquer expressément s’il accepte 100 %, 75 %, 50 % ou 25 % du capital. À défaut de réponse expresse à l’issue de ce délai, mon conjoint survivant sera réputé avoir refusé le bénéfice du contrat. En cas de refus implicite ou express de mon conjoint ou d’acceptation expresse de l’une des quotités ci-dessus précisées, les capitaux non acceptés par lui bénéficieront à… ». Dans ce cas le conjoint ne fait qu’accepter l’une des proportions stipulées par le défunt. Il n’y a pas de risque de requalification en donation indirecte.
  • Il y a renonciation translative lorsque celle-ci est faite dans l’intention de transmettre un droit à une personne. Il faut que tous les caractères de la donation soient caractérisés. C’est-à-dire qu’il doit y avoir un dessaisissement irrévocable du donateur et une acceptation du donataire. Exemples :
    • Renonciation à un usufruit : Cass Com 2/12/1997 n°96-10.729) : Dans cet exemple, les parents avaient fait la donation de la nue-propriété de plusieurs biens immobiliers à leurs 3 enfants. A peine 18 mois plus tard, ils renoncent à leur usufruit sur ces biens. La Cour de cassation a déterminé qu’en renonçant à percevoir des loyers alors qu’il n’y avait pas de charges excessives, les parent se sont dépouillés irrévocablement et qu’en percevant les loyers, les enfant ont manifesté leur acceptation de la donation. 
  • Renonciation à un legs : Exemple d’intention libérale:
    • Un légataire renonce à son legs au profit d’un autre héritier dans l’intention de rétablir un équilibre qu’il estimait rompu
  • Renonciation au bénéfice d’une succession :
    • Exemple  (cass civ du 27/05/1961) : Dans cette affaire, un héritier renonce à la succession. La Cour de cassation note pour qualifier l’intention libérale que d’une part elle savait que la succession était très importante et surtout d’autre part qu’elle savait que ses neveux et nièces, cohéritiers, verraient leur parts dans la succession augmenter en proportion très substantielle et enfin et surtout que tout cela avait pour but de corriger un problème familiale entre elle et la mère de ses neveux (sa sœur)

4.4 La donation partage

Prévus aux articles 1076 et suivants du CC, elles se composent en fait d’une donation et d’un partage anticipé des biens donnés, entre les différents donataires.

Son principale intérêt est de figer la valeur des biens transmis au jour de la donation pour leur rapport à la succession du donateur (sauf convention contraire dans l’acte de donation) et uniquement si tous les héritiers réservataires (vivants ou représenté au moment du décès du donateur) ont été allotis et ont accepté la donation et le partage.  Note : la valeur des biens données n’est pas figée si la donation incluait une réserve d’usufruit sur une somme d’argent.

Il est également possible de réincorporées des donations faites antérieurement, à une nouvelle donation-partage afin d’allotir tous les réservataire. Les biens donnés antérieurement sont alors réévalués au jour du partage sans qu’il soit possible de déroger à cette réévaluation (art 1078-1 du cc). Une donation faites antérieurement hors part peut également être stipulée en avance d’hoiries dans la nouvelle donation-partage.

Ces donations sont présumées être faites aux héritiers réservataires sur leur part de réserve sauf stipulation contraire.

4.4.1 Donation partage conjonctive

C’est une donation-partage par laquelle deux époux, d’une part, disposent par donation au profit de leurs enfants de biens appartenant à l’un et à l’autre et, d’autre part, procèdent à un seul partage de ces biens. Les époux confondent en une seule masse tous leurs biens (propres et communs) et les répartissent entre leurs enfants.

Ainsi chacun des héritiers est censés être allotis par chacun des donateurs, sans égard pour l’origine des biens mis dans leur lot, en proportion de la contribution de chacun des donateurs dans la masse des biens partagés lorsque les enfants sont communs aux deux parents. Lors du règlement de la succession de chacun des père et mère, le lot reçu par chaque enfant sera pris en compte, pour le calcul de la réserve et les imputations, dans cette même proportion, sans considération de l’origine des biens qui le compose.

Ce type de donation peut être réalisée même si l’enfant n’est pas commun aux deux époux. Cependant dans cette hypothèse, cette donation, ne peut porter que sur que des biens propres du parent de l’enfant et des biens commun. Ce type de donation ne peut pas porter sur des biens propre du nouveau conjoint.  Toujours dans cette hypothèse, cette donation est réputée avoir été faite par le seul parent de l’enfant non commun, le nouveau conjoint n’intervenant que pour donner son consentement sur les biens communs comme cela est prévu à l’art 1422 du cc. De plus s’il y a donation de biens commun à cet enfant d’un seul des deux conjoints, alors le patrimoine de son auteur devra récompense à la communauté en vertu de l’art 1437 du cc.

Comme il s’agit d’une donation-partage faite par deux donateurs, il faut qu’il y ait pour chaque donateur, deux enfants à qui donner. S’il y a un enfant non commun. Pour que la donation soit conjonctive il faut

  • Que son auteur lui transmette une partie de ses biens propres et/ou des biens communs
  • Pour qu’il y ait partage, que son auteur donne également à un autre de ses enfants cette fois commun aux deux époux
  • Que le conjoint consente (mais ne donne pas à la transmission de biens commun à cet enfant non commun)
  • Que lui-même pour que la donation soit conjonctive et pour qu’il y ait partage donne à deux de ces enfant
  • Il en découle que pour qu’il y ait donation-partage conjonctive en présence d’au moins un enfant non commun, il faut qu’il y ait aux moins 3 enfants dont un au moins soit commun aux deux parents.

Autre point d’attention : l’article 1076-1 ne permet que l’attribution de biens propres et de biens communs. Il ne vise pas les biens indivis. Les couples en régimes séparatistes ne peuvent donc pas réaliser de telles donation sauf à avoir aménager leur régime matrimonial avec une société d’acquêts afin d’y loger des biens communs.

 Exemple de donation-partage conjonctive en présence d’enfant communs :

  • Un couple marié avec 2 enfants souhaite faire la donation du patrimoine suivant :
    • Compte titre d’une valeur de 100 000€ appartenant en propre au père
    • Une maison estimée à 300 000€  appartenant en propre à madame
    • 200 000e de liquidités communes aux deux époux
  • La donation globale s’élève à 600k€ dont 400 000e proviennent de la mère et 200 000e du père
  • A l’enfant 1 est donné, la maison de la mère
  • A l’enfant 2 est donné le compte titre et les 200 000e de liquidité.
  • Chaque enfant est présumé recevoir, ½ de 400 000€ de la mère et ½ de 200 000e du père. Les parents ont ainsi pu réaliser des donations égales en valeur à leur deux enfants quelques soit l’origine patrimoniale des biens.

 L’action en réduction ne peut être ouverte que:

  • Au décès du dernier des deux conjoints si les enfant sont communs
  • Au décès de son auteur si l’enfant n’est pas commun aux deux époux

Au niveau fiscalité, l’art 778 bis du CG Prévoit que « la donation-partage consentie en application de l’article 1076-1 du code civil est soumise au tarif en ligne directe sur l’intégralité de la valeur du bien donné. »

Si la donation conjonctive comprend des sommes d’argents, le 790G peut également trouver à s’appliquer conduisant (si les conditions sont remplies) à obtenir un abattement supplémentaires de 31 865€ (mais uniquement à ou aux enfant recevant dans leur lot une somme d’argent cf BOI-ENR-DMTG-20-20-20 point 215) Il s’en suit que l’enfant commun bénéficie d’un abattement pour chacun de ces auteurs sur la part qu’il a reçu en proportion de la contribution de chacun des donateurs alors que l’enfant non commun, ne bénéficie que d’un seul abattement sur la donation de son auteur.

4.4.2 Donation partage cumulative

C’est une donation qui est réalisée dans le cas où un des parents étant décédé, les enfants et le parent survivant réunissent en une même masse la succession du prémourant et les biens du survivant, pour partager le tout en une seule fois. Elle est issue de la pratique notariale mais n’est pas explicitement prévue par la loi.  Sa validité est cependant certaine car confirmée à plusieurs reprises par la cour de cassation (exemple cass civ 20/11/2013 n°12-25.681)

Elle a pour but de faciliter la composition des lots en constituant une masse à partager plus importante (on peut ainsi répartir par le même acte les biens du prédécédé restés indivis et les biens appartenant au donateur).

Elle suppose que tous les enfants acceptent le partage de la succession du prédécédé (cass 22/11/2005 n°02-17.708). Si l’un d’eux est incapable (absent, majeur en tutelle ou mineur), il y est nécessaire de solliciter une autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille, et de faire approuver le partage selon le cas par l’une ou l’autre de ces autorités.

Tous doivent également être alloti par le partage.

Si l’un des enfants intervenant à cette donation n’est pas communs aux deux époux, il faut veiller à ce qu’il ne reçoive :

  • que des biens du survivant si ce dernier est son auteur
  • que des biens issus de la succession du prémourant si ce dernier est son auteur

4.5 La donation transgénérationnelle

L’article 784 B du CGI prévoit qu’en cas de donation-partage faite à des descendants de degrés différents, les droits sont liquidés en fonction du lien de parenté entre l’ascendant donateur et les descendants allotis.

L’article 1078-7 du cc permet même de transmettre dans une donation transgénérationnel, à un héritier d’une génération, un lot qui avait été antérieurement été donné à un héritier d’une génération précédente.

Comme l’article 1078-3 prévoyait que les donations antérieures réincorporées n’étaient pas considérées comme de nouvelle donations, la conjonction des articles 1078-7, 1078-3 et 784-B aurait permis à des grands parents de transmettre à leur petits enfants en profitant des abattements en ligne directs de la première génération. Le législateur a donc inséré un article 776 A dans le CGI prévoyant que cette réincorporation de la donation, si la donation datait de plus de 15 ans, serait taxée aux droit de transmission à titre gratuit entre le donateur initial et le nouveau donataire en déduisant les droit de la première donation. Si la donation datait de plus de 15 ans, elle serait uniquement soumise aux droits de partage.

Exemple d’application.

Le grand père et la grand-mère possèdent quatre studios d’une valeur de 125 000€ chacun (soit 500 000e au global) et sont âgés de plus 71 ans chacun et moins de 81 ans. Leur usufruit est donc estimé à 30%

Ils décident de transmettent l’usufruit de ces studios à leurs deux enfants et la nue-propriété de chacun d’eux à leur 4 petits enfants. Les enfants acceptent que les nues-propriétés soient transmises à leurs propres enfants.

Valeur transmise en usufruit à chaque enfant : 500 000*30%/2 = 75 000€ pour chacun des enfant provenant pour 37 500e de chaque donateur

Abattement en ligne direct : 100 000€ => Pas de droit à payer et 37 500€ d’abattement consommés par couple donateur/donataire

Valeur de la nue-propriété transmise à chaque petit enfants ; 125 000 * 70%  =  87 500€ soit 43 750e par donateur

Abattement pour donation entre grand parente et petits enfants : 31 865e (790 B) par donateur

Droit à payer par couple donateur/donataire sur (43 750 – 31 865) = 11 885e soit 784.9€ par petit enfant et donateur soit au total 4*2*784.9 =  6 279.2€

Comme il n’y a pas de réincorporation de donations antérieures, aucun droit de partage n’est dû.

Les grands parent auraient également pu conserver l’usufruit sur les studios. Sans réversion d’usufruit,  les enfants des donateurs auraient consentis à ne jamais percevoir les fruits des biens donnés. Si les donateurs avaient prévu un usufruits successif pour leurs enfants, à leur décès la réversion auraient été taxée conformément à l’art 796-0 quater du CGI  en fonction de la valeur de l’usufruit du gratifié de la réversion et selon le lien de parenté entre le stipulant et le bénéficiaire de l’usufruit.

4.6 La donation au denier vivant

Les époux peuvent convenir par contrat de mariage de se faire donation de biens présents (art 1091 du cc), ou des donations classiques entre vifs, ou des donations de biens à venir ( art 1093 du cc)  

NOTE IMPORTANTE: Dans le cas des donations de biens présents prenant effet au cours du mariage et consenties après le 01/01/2005 , elles sont irrévocables (art 265 et 1096-1)  sauf pour les causes d’ingratitude prévus aux article 953 à 958  (La cour de cassation ayant jugé que l’al 1 de l’article 265 était d’ordre public (cf cass civ 14/03/2012 n°11-13.791) , une clause d’annulation de la donation en cas de divorce insérée dans l’acte de donation serait nulle et réputée non écrite). Celle avant le 04/01/2005 sont révocables en présence d’une clause résolutoire en cas de divorce).

Il est à noter également que par exception à l’art 960, la survenance d’enfant ne permet pas la révocation des donations entre vif consenties entre époux.

A ces donations, le code civil en prévoit une supplémentaire à l’art 1094-1 communément appelée la » donation au dernier vivant» bien qu’il s’agisse d’une libéralité pour cause de mort plutôt qu’une donation. Il s’agit, s’il y a des enfants (issus ou non du mariage), de permettre à chacun des époux de disposer en faveur de l’autre soit :

  • de la quotité disponible, en présence uniquement d’enfants communs, ou de ¼ en pleine propriété sinon
  • d’1/4en pleine propriété de sa masse successorale et des ¾ en usufruit
  • de la totalité en usufruit

Par défaut, le choix est laissé au survivant, mais l’acte de donation peut aussi limiter les options du survivant. La donation de ¼ en PP +3/4 en US permet donc temporairement, d’aller potentiellement au-delà de la réserve héréditaire des enfants.

Le survivant peut aussi, grâce à cette « donation au dernier vivant » et sauf stipulations contraires, cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur sans que cela puisse être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles et sans qu’il soit nécessaire de rédiger un testament. Cela permet par exemple au survivant de conserver l’usufruit sur le foyer des époux et sur les liquidité mais de laisser la pleine propriété sur une résidence secondaire aux enfants.

4.7 Les clauses spécifiques aux donations

4.7.1 La clause de retour conventionnel

Elle permet de faire revenir un bien donné dans le patrimoine du donateur si le donataire seul, ou le donataire et ses descendants, venaient à disparaitre avant le donateur.

Ce droit ne peut être stipulé qu’au profit du donateur seul qui récupère alors le bien. Si le donataire avait vendu le bien, accepté des servitudes ou toutes autres charges, avant de mourir (ce qui aurait été possible s’il n’y avait pas été prévu en parallèle de clause inaliénabilité), le bien revient dans le patrimoine du donateur libre de toutes charges.

Le retour se fait normalement en nature (cass 23/09/2015 14-18.131). Il peut cependant être stipuler un retour en valeur seulement ou que le retour portera sur un bien acquis en remploi du bien donné (mais la validité de cette clause est discutée)

En cas de retour il n’y a pas non plus possibilité pour le conjoint du donataire prédécédé d’exercer son droit d’habitation temporaire ou viager car le bien n’appartient plus à la succession du De Cujus.

Le donateur peut renoncer au droit de retour conventionnel du vivant du donataire. Mais une fois le donataire prédécédé, il y a débat.

  • Si la clause prévoit un retour automatique il ne peut pas y renoncer (sinon cela revient à un retour puis à une nouvelle transmission)

On peut cependant prévoir une rédaction de la clause indiquant que le donateur à 2 mois après le décès du donataire pour renoncer à son droit de retour ou que le droit de retour est facultatif.

4.7.2 Le Bail à nourriture

Il s’agit d’une charge (qui peut aussi être stipulée dans un contrat à titre onéreux) par laquelle le gratifié s’engage à pourvoir aux biens essentiels (nourriture, habillement) du donateur.

Elle est peut usitée dans la pratique pour les donations car les enfants ont déjà une obligation alimentaire prévue au 205 du cc.

Cette clause est cependant intéressante pour un senior qui souhaiterait rester dans son logement tout en étant prises en charge par une personne de confiance. Le preneur est souvent un membre de la famille ou un ami proche.

C’est une formule proche d’un viager dans laquelle la rente est remplacée pour toute ou partie par cette obligation de soins essentiels.

4.7.3 La charge de rente viagère

La donation est assortie dans ce cas d’une obligation pour le donataire de verser une rente viagère au donateur. Cela peut permettre au donateur qui se dépouille, d’avoir un revenu complémentaire s’il se trouvait à l’avenir en difficulté.

Le paiement peut donc être immédiat ou assujetti à un évènement extérieur (par exemple atteinte d’un niveau de GIR ou entrée en EHPAD, ou une situation de surendettement, etc..).

La clause doit préciser le montant de la rente, son indexation, sa périodicité, les conditions de son activation, etc…

Pour le rapport et la réunion fictive sur le plan civil, sera pris en compte, l’émolument net réellement perçu par le donataire (c’est-à-dire la somme donnée au jour de la donation moins ce qu’a réellement payé le donataire sans réévaluation pour corriger l’inflation des sommes payées) (cass 24/11/87 85-18.285 ).

Une alternative est possible : l’acte de donation peut prévoir le versement d’un capital fixe à échéance régulière au donateur

Au niveau fiscal, la donation est évaluée sur l’actif transmis sans déduction des charges à venir. (seuls les charges définies au 776 bis du CGI sont déductibles de la valeur du bien transmis).

4.8 Le rôle du CGP lors de la donation réalisée par un senior

Le CGP devra s’assurer :

  • D’avoir des évaluations écrites pour tous les biens transmis (par exemple avis de valeur pour les biens immobiliers, états de comptes récents pour les biens mobiliers, avis d’experts pour les meubles corporels, etc…)
  • D’avoir un état exhaustif des donations antérieures (montants, charges et dates)
  • De questionner le donateur pour vérifier s’il n’y a pas un risque que des opérations passées puissent être requalifiées en donations indirectes ou déguisées
  • Vérifier l’existence d’une mesure de protection légale ou conventionnelle active
  • Obtenir l’origine détaillée des biens (y-a-t-il des charges sur des libéralités antérieures)
  • Du consentement éclairé du donateur
  • Qu’il reste un patrimoine suffisant au donateur pour sa vie quotidienne et une future dépendance
  • Que les règles de la réserve ne seront pas dépassées,
  • Que la protection du conjoint, partenaire ou concubin survivant, ne sera pas affectée par la donation

4.8.1 L’optimisation des donations.

Sous régime communautaire, les époux peuvent, sur des biens communs, faire des donations communes soit faire des donations simples avec l’accord du conjoint.

Si la donation est faite à l’un des enfants du couple et qu’un seul des parents est âgé de plus de 80 ans, la donation de somme d’argent prévue au 790G n’est plus possible. Pour maximiser les abattements, les séniors auront intérêts à faire des donations séparées avec accord du conjoint. Une dans le cadre du 790G pour le conjoint âgé de moins de 80 ans et une dans le cadre du 779 du cgi pour l’autre.

Si le donataire est un enfant commun : aucune récompense n’est due à la communauté. Au moment de la succession le donataire doit le rapport pour moitié à chaque décès (cass 22/06/2004 01-18.030 et 05/01/2023 21-13 151) même s’il n’y a qu’un seul donateur , sauf clause contraire

Si le donataire est un enfant d’un premier lit du donateur et qu’il reçoit un bien commun. Là encore, il aura lieu de faire la donation uniquement par son auteur avec consentement du nouveau conjoint, sinon il y faudra payer  60% de droits sur la moitié du bien transmis.

Le donateur ou sa succession devra récompense à la communauté pour la valeur du bien donné à la date de la donation. Le donataire devra le rapport et la réunion fictive de la donation à la seule succession de son auteur.

Note importante : Pour les dons manuel de biens communs. Si un seul des deux époux donne, on ne trace pas sur le cerfa le consentement de l’autre époux. La donation pourrait donc être frappée de nullité si l’autre époux venait la contester ultérieurement. Il sera donc nécessaire, dans cette hypothèse, de faire un pacte adjoint pour tracer le consentement de l’autre époux.

5 Le testament (art 967 et suiv du code civil)

En France un testament est unipersonnel (art 968) sous peine de nullité. Ce qui signifie que l’on ne peut pas transmettre à deux dans un testament comme c’est le cas pour les donations conjonctives. Il en va de même pour un testament-partage qui se voudrait cumulatif car il est inimaginable de lier, en un même acte, un partage testamentaire librement révocable et un partage conventionnel ordinaire.

Le testament ne peut pas porter sur des biens d’autrui mais pour un bien indivis, la Cour de cassation a considéré qu’il pouvait être légué, s’il est mis dans l’un des lots des héritiers du testateur.

De même le legs d’un bien appartenant à la communauté n’est pas nul (art 1423 al2). Il dépend du résultat du partage

Le testament peut être :

  • olographe, c’est-à-dire écrit en entier de la main, daté et signé du testateur sans aucune autre exigence de forme
  • authentique : c’est-à-dire reçu par deux notaires ou un notaires et deux témoins (qui ne doivent être ni des clercs de l’étude, ni les légataires ou leurs parents jusqu’au 4e degré, ni être mariés entre eux. Ils doivent comprendre le français, être majeur et avoir la jouissance de leurs droits civiques) . Il peut dans ce cas être dicté par le testateur et saisi par le notaire. Il doit être signé par le notaire instructeur, le testateur et les témoins. Les deux notaires ne doivent pas être de la même étude et ne peuvent recevoir les testaments de leur conjoint, ne de membre de leur famille et alliés jusqu’au 3e degré.
  • mystique : il est rédigé et signé par le testateur (manuscrit ou tapuscrit) et est remis clos et scellé au notaire devant 2 témoins. Le notaire dresse un acte de la réception du testament et le fait signé par le testateur, les 2 témoins et lui-même.
  • Militaire : en cas de guerre, d’opérations militaires conduites en dehors du territoire national ou de stationnement des forces armées françaises en territoire étranger, en occupation ou en vertu d’accords intergouvernementaux (art 93 du cc)  ou d’un état de prisonnier chez l’ennemi, le testament peut être reçu pas un officier supérieur et deux témoins ou par un médecin chef quel que soit son grade et l’officier d’administration gestionnaire si le testateur est hospitalisé. Le testament doit être rédigé en 2 exemplaires originaux. Ce testament est valable tant que le testateur n’est pas en mesure d’employer sur une période minimale de 6 mois les formes précédentes de testaments. Il devient caduc au-delà de ce délai.
  • Isolé : Si le testateur se trouve dans une zone avec laquelle toute communication est impossible en raison d’une maladie contagieuse ou sur une ile du territoire français où il n’existe pas d’office notariale et avec laquelle toute communication est coupée, alors le testament peut être reçu par le juge du tribunal judiciaire ou un officier municipal assisté de 2 témoins. Ces testaments deviennent nuls six mois après que les communications auront été rétablies dans le lieu où le testateur se trouve, ou six mois après qu’il se sera rendu dans un lieu où elles ne seront point interrompues
  • Naval : Si le testateur se trouve en mer, le testament sera reçu en présence de deux témoins et sur les bâtiments de la marine nationales par le commandant de bord et son second et rédigé en 2 exemplaires. Ce testament n’est valable que si le testateur meurt à bord ou dans les six mois après qu’il sera débarqué dans un lieu où il aurait pu le refaire dans les formes ordinaires. Le testament sera remis dès l’arrivé au port :
    • A un agent diplomatique ou consulaire français si c’est dans un port étrangerAu ministre chargé de la défense national pour les bâtiments de l’état
    • Au ministre chargé de la mer pour les autres bâtiments.
  • International : Dans ce cas, le testament peut être rédigé en n’importe quelle langue. Il doit être signé sur tous ses pages par le testateur et sur la dernière par le notaire et deux témoins (même s’ils ne comprennent pas la langue dans laquelle il est écrit) . Toutes les pages doivent être numérotées.  Il peut être manuscrit ou tapuscrit. Il prend en France son caractère de testament international
    • par l’acte que rédige le notaire indiquant
      • que le testateur reconnait que le document donné est son testament et qu’il en connait le contenu
      • que le testament a été signé par le testateur devant lui, et les deux témoins
      • les identité du testateur du notaire et des deux témoins,
    • Que le notaire et les deux témoins ont apposé leur signature à la fin du testament
    •  Que le notaire est daté le testament sur sa dernière page
    • Que le notaire conserve un exemplaire de l’attestation et en remettre un au testateur

Note : Souvent par économie des droits d’enregistrement et émolument du notaire, les testateurs décident de rédiger un testament olographe et de le laisser chez eux. C’est une mauvaise idée à plusieurs titres :

  • Tous les testaments reçus par un notaire sont enregistrés au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volonté (FCDDV). Ce qui permet à tous les notaires de savoir à l’ouverture de la succession qu’un testament existe et qui le détient. Alors qu’un testament olographe peut disparaitre (de manière fortuite ou sur intervention de celui qui y aurait intérêt)
  • Même s’il est olographe et produit au moment de la succession du testateur, le testament sera à ce moment enregistré par le notaire. Les cout d’enregistrement et les émoluments seront donc tout de même dû. Ça n’aura été que reculer pour mieux sauter.

Les disposition testamentaires sont universelles, ou à titre universel, ou à titre particulier

Comme pour les donations au dernier vivant, l’article 1002-1 du code civil prévoit une possibilité de cantonnement pour les légataires, sauf volonté contraire du disposant, sans que cela ne soit considéré comme une libéralité faite aux autres successibles (attention toutefois aux cas des donations indirectes mentionnées plus haut dans cet article). Pour que le cantonnement puisse avoir lieu, il faut que la succession ait été acceptée par au moins un héritier.

Le legs universel (1003 du cc) : C’est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès.

  • Le légataire universel est le continuateur de la personne du défunt. Son obligation au passif est donc illimitée s’il accepte son leg. Il est considéré comme un héritier du de cujus.
  • Attention 1: Si le testateur lègue la quotité disponible, c’est un leg universel (car les autres héritiers pourraient refuser leur parts de réserve)
  • Attention 2 : Le leg de la nue-propriété globale de tous les bien est aussi un leg universel car l’usufruit finira par s’éteindre

Le legs à titre universel  (art 1010 du cc) est la disposition par laquelle « le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier  etc…».Le légataire à titre universel doit demander la délivrance de son leg aux héritiers réservataires, à défaut au légataire universel à défaut aux autre héritiers selon dévolution légale.

  •    Attention : « je lègue tous mes compte bancaires  à …. » est un legs a titre particulier car il y a d’autres biens meubles et aucune quotité n’est ici spécifiée.

Tout autre forme de legs est un legs à titre particulier

Exemple pour une personne sans héritiers réservataire.

  • Je soussigné, xxx, institue Mr yyy comme mon légataire universel (leg universel). Je lègue à mon neveu zzz l’ensemble des mes biens meubles (leg à titre universel) , cependant je souhaite transmettre à Mr mon contrat de capitalisation référence ….. (leg particulier), fait à.. le… signature….

Un même testament peut donc contenir les trois types de legs.

Attention, un testament n’est pas automatiquement révoqué par un autre plus récent. La révocation doit être express sinon ne seront révoquées que les dispositions du testament antérieur qui sont incompatibles avec celles du plus récent (art 1036 cc). Cependant une révocation expresse produira son effet même si celui qui reçoit refuse le testament ou est incapable de recevoir.

Un testament peut toujours être révoqué par le testateur (contrairement à une donation) et ne conduit pas à un dessaisissement immédiat. Pour le révoquer après le décès du testateur il faut être en mesure de prouver :

  • L’insanité d’esprit du testateur au moment de la rédaction du testament
  • Où que la cause qui a présidée à son élaboration a disparue (résiliation d’un PACS, abandon du projet de mariage, naissance d’un enfant,..). C’est-à-dire que sans cette cause essentielle et déterminante dans la volonté du testeur, il n’aurait pas pris cette décision si cet élément n’était pas présent au jour de son décès
  • L’action en nullité peut être attentée par les héritiers (le légataire universel, les héritiers et le conjoint du défunt)

On peut tester au-delà de la quotité disponible. Il y aura une réductions en valeur au jour du décès. Il faut alors prévoir un instrument financier, pour celui qui a trop perçu, lui permettant de verser le montant de cette réduction.

De plus, l’action en réduction est facultative. Le notaire demande si les réservataires veulent faire cette action. Sinon, il doit leur faire signer un document dans lequel il renonce.

Rappel sur la détermination de la réduction

  1. On calcul la masse fictive (actifs net au jour du décès + réunion des libéralités passées).
  2. On détermine ensuite la QD en fonction des enfants du de cujus et du conjoint
  3. On impute les libéralités de la plus ancienne à la plus récente pour vérifier si la QD est atteinte (les libéralités visées s’entendent des donations antérieures et des legs)
  4. Les legs sont faits avec une présomption d’avoir été consentis hors part (donc s’imputent sur la QD) et les donations en avance de parts (s’imputent donc par défaut sur la réserve)
  5. Ce sont donc les libéralités au moment du décès qui ont le plus de risque d’être réduites

On peut aussi prévoir une Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction (RAAR), mais elle peut être plus difficile à faire signer car d’une part les réservataires ne savent pas à quoi ils renoncent (car ce ne sera déterminé qu’au jour du décès) et d’autres parts, elle est irréversible.

La RAAR ne porte pas obligatoirement sur toute la réserve. Elle peut porter sur une partie seulement de sa réserve ou sur un bien seulement. On ne peut y revenir qu’uniquement si on peut prouver que si on n’avait pas renoncé, on ne serait pas aujourd’hui en état de besoin.

Rappel : Sont réservataires :

  • Le conjoint à hauteur de 25% s’il n’y a pas d’enfants
  •  Les enfants du de cujus

Le testament peut également contenir des éléments extra-patrimoniaux, mais attention son ouverture tardive fait que souvent ils ne peuvent pas être mis en œuvre. Par exemple :

  • Organisation des funérailles
  • Lieu de la sépulture
  • Prélèvement d’organes…

D’autres éléments peuvent aussi y être mentionnés :

  • Désignation d’un exécuteur testamentaire
  • Reconnaissance d’un enfant naturel (ce qui nécessitera un acte authentique)
  • En contexte international, la désignation de la loi applicable

5.1.1 Testament et personnes vulnérable

Le testament rédigé par une personne sous tutelle est nul sauf s’il y a été autorisé par le juge (Art 476 al 2). Il peut, cependant être fait par une personne sous curatelle ou sous habilitation familiale.

Dans les cas où la personne protégée est autorisée à tester, elle doit le faire seule (sans assistance de son curateur ni la représentation par son tuteur ni vérification du contenu du testament par le juge ou le tuteur).

Le majeur protégé peut révoquer seul son testament.

Concernant les assurance vie, la curatelle devrait normalement permettre à la personne en curatelle de modifier la clause bénéficiaire car elle a le droit de tester seule, mais l’art 132-4-1 du code des assurances prévaut et celui-ci indique que la désignation ou la substitution de la clause bénéficiaire ne peut être faite qu’avec l’assistance du curateur.

La Cour de cassation a également statué que la modification, par une personne sous curatelle, d’une clause bénéficiaire, par testament (Chambre civile 2, 8 juin 2017, 15-12.544) nécessitait également l’autorisation préalable du curateur

 Ce droit spécial de l’assurance ne concerne que la curatelle. Il n’est pas applicable au majeur sous sauvegarde de justice, habilitation familiale ou mandat de protection futur.

La majeur sous sauvegarde de justice peut tester (art 435 al 1 du cc) comme sous mandat de protection futur puisqu’il conserve ses droits sous les mesures de protections conventionnelles.

En habilitation familiale en représentation l’art 494-8 précise que la personne protégée conserve ses droits et donc la possibilité de tester. Elle devrait également les conserver en habilitation en assistance.

5.2 Les facultés d’option

Le légataire universel et celui à titre universel ont le choix entre une acceptation pure et simple, acceptation à concurrence de l’actif net ou renonciation à la succession

Le légataire à titre particulier n’étant pas tenu au passif (sauf stipulation expresse contraire) ne peut qu’accepter purement et simplement ou renoncer à son legs. S’il y a plusieurs lots, il peut en accepter certains et refuser d’autres sauf indivisibilité tenant à leur objet ou à la volonté du testateur (cass civ du 18/12/2013 n°12-21.875). L’acceptation du legs est irrévocable.

Le légataire particulier ne peut cependant pas accepter le legs et refuser la charge qui pourrait le grever. S’il le refuse, le legs retombe dans la succession sans la charge.

Le légataire universel peut aussi cantonner (s’il y a d’autres héritiers pouvant recevoir le reste de la succession). Vis-à-vis des tiers, il reste redevable de l’ensemble des dettes de la succession mais concernant la contribution à la dette il pourra se retourner contre les autres héritiers proportionnellement à la part reçue par chacun après cantonnement.

Le gratifié qui cantonne ne paye des droits de mutation à titre gratuit que sur la part qu’il reçoit effectivement après cantonnement.

Note : Le cantonnement n’est ouvert que s’il y a eu testament ou donation au dernier vivant. Il n’est pas permis dans une dévolution légale.

5.3 Les testaments partages

Ce sont les testaments dans lesquels le testateur impose à ses héritiers le partage qu’il a choisi Le partage peut être inégal mais si un héritier réservataire n’est pas alloti de sa réserve, il peut exercer l’action en réduction prévu au 1077-2 du cc.

Les bénéficiaires d’un tel testament doivent accepter le partage prévu par le testateur, sinon ils sont considérés comme renonçant.

Le testament partage ne peut concerner que des biens propres au disposant (pas de biens communs ni indivis). Il ne peut concerner qu’une partie de ces biens, le reste étant alors réparti selon la dévolution légale.

Parce qu’il produit les effets d’un partage, le testament-partage doit être également distingué d’un simple testament portant une collection de legs d’attribution. En effet dans un testament classique indiquant simplement des legs d’attribution, les héritiers légataires peuvent refuser leur legs et accepter la succession ab intestat en procédant eux même au partage qui leur convient.

Autre différence notable, si le bénéficiaire d’un legs décède avant le testateur, le legs est caduc (art 1039 du cc) et retombe, à défaut de stipulations contraires, dans la succession. Ce n’est pas le cas dans un testament partage où le lot revient dans ce cas à l’héritier qui représente le prédécédé.

Pour autant, le code civil ne codifie pas de formalisme particulier pour un testament partage de sorte qu’il est parfois difficile de le distinguer d’un testament classique. Le testateur veillera donc à bien indiquer dans le corps de son testament qu’il s’agit là de « son testament partage » ou d’indiquer clairement que « ce testament est destiné à partager mes biens propres selon un allotissement que j’ai déterminé et qui s’imposera à mes héritiers »  ou que « mon testament est rédigé en application de l’article 1079 du code civil » etc….

5.3.1 Le testament partage transgénérationnel 

Par un arrêt du 7 novembre 2012, la première chambre civile (cass civ n° 11-23.396), a consacré la validité de ce modèle de testament-partage.

Cependant, comme pour la donation-partage, le testament partage nécessite que la génération « intermédiaire » accepte qu’une partie des biens soit transmise à la génération suivante. La notion de testament-partage, se voulant être un moyen d’imposer la volonté du défunt à ses héritiers, il n’est pas possible de le rédiger avec des formules laissant place à une éventuelles acceptation de la génération intermédiaire.

Autre difficulté. Si un membre de la génération intermédiaire refuse le partage proposé, il est considéré comme renonçant. Ces enfants viennent donc à la succession du de cujus en représentation et peuvent alors recevoir une partie de son lot en plus des leurs. Le partage n’est donc plus conforme à la volonté du testateur. Le testament partage est-il alors frappé de nullité ?  La jurisprudence n’a pas à notre connaissance encore répondu à cette question. Afin d’assurer la sécurité juridique de cet acte, il est donc conseillé de le rédiger en prévoyant une clause qui indique la répartition des lots des éventuels renonçant (faut-il le transmettre à sa souche aux autres, le répartir égalitairement entre toutes les souches, etc..). Exemple de rédaction, » Si un de mes enfants venait à mourir avant moi ou à répudier ma succession, le lot qui lui était attribué resterait dans sa souche, et reviendrait à ses propres descendants à parts égales entre eux »

Le testament partage peut aussi être soumis à réduction si l’un des héritiers réservataires n’est pas alloti de sa réserve. Mais cet allotissement doit-il se faire par souche comme cela est prévu à l’art 1078-8 pour les donations partages ou par réservataire? Les textes et la jurisprudence sont pour l’instant muets sur ce point.

La rédaction de ces testaments se trouve donc très contrainte par :

  • Le fait que, comme tout testament partage, ils ne puissent concerner que les biens propres du de cujus
  • Ils doivent prévoir la renonciation d’un ou plusieurs bénéficiaires
  • Ils doivent, faute de sécurité juridique, respecter la réserve par souche et par réservataire.

Leur utilisation pratique est donc très limitée.

6 La protection du conjoint survivant

6.1 Stipulation d’un usufruit successif

Comme nous l’avons mentionné au §3.7.2 le propriétaire d’un bien peut le transmettre en s’en réservant l’usufruit ou en le transmettant à une tierce personne. On parle dans ce dernier cas d’usufruit successif.

Il ne s’agit pas d’une réversion, comme on nomme souvent cet usufruit successif, car l’usufruit du prémourant ne se transmet pas au survivant. Il y a ouverture d’un nouvel usufruit. Il peut y avoir plusieurs usufruits successifs tenant leur droit du propriétaire et non de l’usufruitier précédent.

Note : Il est possible pour un nu-propriétaire de stipuler un usufruit qui s’ouvrira le jour ou le dernier usufruitier actuels sera décédé par acte entre vif ou testament.

 Dans ce cas on calcule le montant de la libéralité en fonction de l’usufruit actuel et il y aura régularisation à l’ouverture de l’usufruit

Cet usufruit successif peut aussi résulter de la loi.

Par exemple le Grand père donne la nue-propriété à ses petits-enfants avec usufruit successif à sa femme puis à son fils. Si le fils décède avant ses parents et que l’épouse du fils demande l’usufruit sur la succession de son mari alors elle aura aussi l’usufruit sur le bien donné. Le petit enfant sera donc plein propriétaire uniquement après le décès des 2 grands parents et de sa mère. La Cour de cassation a jugé que la réversion d’usufruit constituait une donation à terme de biens présent. Comme nous l’avons étudié précédemment une donation de biens présents entre époux faite depuis le 01/01/2005 et prenant effet pendant le mariage n’est plus révocable (cf §4.6) ; Mais concernant l’usufruit successif, ce dernier ne prend effet qu’au décès du donateur et ne prend donc pas effet pendant le mariage. Il peut donc être révoqué par une clause résolutoire en cas de divorce.

6.1.1 Aspects fiscaux de l’usufruit successif

Selon l’Art 796-0 du CGI, l’usufruit successif est taxé au droits de successions. Comme il s’agit le plus souvent du conjoint ou du partenaire, celui-ci en est exonéré (796-0 bis du cgi). Ce ne sera pas le cas si l’usufruit successif est réservé pour un enfant ou un concubin

L’usufruit successif doit être évalué au jour du décès du constituant sur la base de la valeur du bien à cette date

Exemple :

  • Mr 80 ans donne la nue-propriété d’un bien à son fils avec un US successif à son épouse de 50 ans
  • Mr décède à 95 ans, Mme à alors 65 ans. Le fils a payé des droits sur 70% de la valeur de la nue-propriété Dans ce cas, il peut demander la restitution des droits qu’il aurait payé en fonction de l’âge de l’usufruitier successif au moment de la donation (donc 50 ans) (1965 B du CGI) . La demande peut être faite jusqu’au 31/12 de la 2e année du décès de l’usufruitier actuel. Ce n’est pas automatique, il faut le demander.

A l’inverse l’administration ne peut pas réclamer un supplément de droits si l’usufruitier successif est plus âgé (BOI ENR DG 70 40)

Il est a noté que la doctrine considère que la ré-évaluation des droits doit se faire en prenant l’âge du nouvel usufruitier au jour de la donation ayant constitué le premier usufruit et non comme l’indique l’administration fiscale (cf point 10 du BOI ENR-DG70-40) à l’âge du nouvel usufruitier au jour du décès du donateur.

De plus dans une réponse ministérielle (26892 du 02/06/2020) précise que cette restitution de droit ne peut être faite qu’au profit du nu-propriétaire qui a payé les droits. Il s’en suit que si c’est le donateur qui a payé les droits au moment de la donation, aucune restitution ne peut avoir lieu ni au nu propriétaire qui n’a pas payé ni en remboursement à la succession du donateur qui n’est pas le nu-propriétaire. Le ministre rappelle aussi que la réévaluation doit se faire en prenant l’âge du nouvel usufruitier au moment du décès du donateur mais en se basant sur le point 10 du BOFIP mentionné ci-dessus (c’est donc le serpent qui se mord la queue)

Il semble également qu’il y ait un flou entre la position du ministre, celle de l’administration fiscale et celle de la doctrine sur la valeur à prendre en compte pour la réévaluation. Pour l’administration fiscal il s’agitait de la valeur vénale du bien au jour du décès du testateur alors que pour la doctrine il s’agirait de la valeur du bien au jour de la donation. La position de la doctrine semble plus conforme à l’esprit du texte et celle de l’administration peut conduire à une taxation sur plus de 100% de la valeur du bien et n’est donc guère tenable.

6.2 La réversion de rente viagère

Elle peut intervenir dans le cadre des ventes en viager, des rentes des PER et également des sorties en rente des contrats d’assurance vie ou des PEA.

Elle peut être aussi constituée, à titre purement gratuit, par donation entre vifs ou par testament. (art 1969 du cc)

La réversion est présumée être une donation de bien présent à terme, à titre gratuit

L’art 1973 du cc al 3 : prévoit que la réversion de la rente entre époux puisse être considéré comme ayant été faite soit comme une libéralité soit comme un acte à titre onéreux (par défaut une libéralité sauf stipulation contraire)

En cas de décès :

  • Si le bien était commun et que la réversion est à titre gratuit (ce qui est présumé) : alors le survivant ne doit pas récompense à la communauté
  • Si le bien est propre ou personnel au de Cujus : si la réversion est stipulée à titre gratuit alors pas de récompense
  • si la réversion a été expressément stipulée à titre onéreux alors une récompenses ou une indemnité est due

Lorsqu’il y a divorce, au décès du crédit-rentier le débit rentier continuera à payer la totalité de la rente mais à moitié aux héritiers du crédit rentier et pour moitié à l’ex conjoint qui bénéficie de la réversion de la rente et ce jusqu’au décès de l’ex époux.

6.3 Les donations à terme

Ce sont celle qui ont pour effet de différer la propriété du bien donné à une date fixées dans l’acte

Jusqu’à l’arrivée du terme, le donateur demeure propriétaire mais il est tenu à une obligation de délivrance

L’acte est donc conforme au principe d’irrévocabilité spécial des donations (cass 22/02/2005 03-14.111)

Le terme peut être fixé à la date du décès du donateur

Le terme doit être un évènement futur et certain (art 1305) les droits sont donc dus au jour de l’acte de la donation (BOI ENR DG 20 20 70 §250)

On peut par exemple faire la donation d’un bien d’un dispositif défiscalisant avec un terme au-delà de l’engagement de location (on fait partir le délai de 15 ans de reconstitution des abattements mais on ne remet pas en cause la défiscalisation). Attention si le bien se dévalue (c’est le cas du Pinel et autre dispositifs du même type),  on aura payé des droits trop importants. Il faut dans ce cas faire des donations à terme en nue-propriété.

Variante 1 : la donation alternative (art 1307 et suiv) :

  • La donation concerne plusieurs biens, le donateur optant pour l’un d’eux à un terme désigné dans l’acte.
  • Le donateur reste propriétaire jusqu’à la date de l’option
  • Il est conseillé de stipuler l’inaliénabilité du bien jusqu’à cette date
  • Il faut que les biens aient la même valeur au jour de l’acte et au jour de l’option (il faut compenser éventuellement par une somme d’argent pour des biens immobiliers en prenant la plus grande valeurs des biens). Si la valeur donnée est supérieure au moment du terme que de l’acte, il n’y a pas réévaluation des droits

Variante 2 : La donation facultative (art 1 308 du cc).

  • On désigne un bien dans l’acte mais le donateur se réserve la possibilité au terme d’en délivrer un autre (par exemple une somme d’argent correspondant à la valeur du bien au jour de l’option)
  • Le donateur reste propriétaire jusqu’à la date de l’option

7 La protection des disposants

Le conseiller doit être attentif d’une part aux différents abus (cf article « Gérer le patrimoine des séniors »), et également d’autre part à la tentation de faire des opérations tardives qui pourraient être requalifiées par l’administration fiscales ou remises en cause par les héritiers

7.1 Le risque de captation d’héritage

Cette notion ne correspond à aucune qualification juridique précise. Seul le recel d’héritage est visé par l’art 778 du cc mais la notion de captation va au-delà.

La captation consiste en des manœuvres frauduleuses ou des manipulations mises en œuvre par un tiers pour bénéficier de tout ou partie d’une succession ou de se faire attribuer des donations du vivant du disposant. 

Le recel de succession, n’est qu’un cas particulier de la captation d’héritage. Il concerne le fait pour un héritier de s’emparer de biens (meuble meublant, compte bancaires, meubles corporels, bijoux,…) appartenant à la succession sans le révéler, de ne pas révéler une donation antérieure ou de ne pas révéler l’existence d’un cohéritier dont il a connaissance.

Les conséquences du recel sont :

  • Le receleur est réputé accepter purement et simplement la succession et donc de son éventuel passif sans pouvoir opter pour l’actif net  
  • Le receleur ne peut prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés
  • Le receleur est débiteur de dommages et intérêts
  • Le receleur doit le rapport ou la réduction des donations sans pouvoir y prétendre
  • Le receleur restitue les fruits et revenus produits par les biens recelés

Pour ce qui est des manœuvres frauduleuses et manipulations, il s’agit souvent d’influences néfastes de l’entourage et d’une situation d’emprise complexe à établir

  • L’influence abusive est difficile à prouver
  • Les auteurs des captations font généralement montre de grande prudence
  • Les victimes éprouvent des difficultés à se plaindre
    • Soit parce qu’ils sont inconscients de la situation
    • Soit par crainte de représailles
    • Soit par affection réelle pour l’auteur
    • Soit par peur de la solitude

Le CGP devra identifier, si le client :

  • Est à bien l’initiative de la prise de rendez-vous
  • Manifeste un intérêt réel au cours du rendez-vous
  • Peut s’exprimer seul sur le sujet qui le concerne
  • Modifie sa demande en présence d’un tiers
  • Est en rupture affective avec l’ensemble de sa famille

Il est impératif, pour lui, de pouvoir recevoir son client seul pour une partie du rendez-vous et de prévoir un minimum de deux rendez-vous avant la validation d’une opération.

7.2 Les dispositions transmissives tardives

Lorsque le senior prend un peu tard la décision de transmettre son patrimoine, il peut être tenté de prendre des raccourcis. Voici les solutions parfois mis en œuvre et les sanctions qui en découlent

7.2.1 Les ventes tardives

Il s’agit ici de vendre un bien à un de ses héritiers, soit pour en favoriser un par rapport aux autres, soit parce qu’étant un parent éloigné, il est jugé que cette opération est moins couteuse que de payer 60% de droit de mutation à titre gratuit, soit le plus souvent pour contourner le barème d’évaluation de la nue-propriété et de l’usufruit prévu au 669 du CGI car on peut utiliser cette fois une évaluation économique de la nue-propriété.

Si la vente se fait avec une réserve d’usufruit, ou s’il y a acquisition d’un bien pour l’usufruit d’un côté et pour la nue-propriété de l’autre et que dans ces 2 cas le nu-propriétaire se trouve être un des présomptifs héritiers ou un de ses descendants, ou un légataire ou un donataire ou une personne interposée, alors l’art 751 du CGI considère qu’il y a présomption d’abus de droit et le bien est considéré comme faisant partie de la succession de l’usufruitier.

Les droit de mutations à titre onéreux payés par le nu-propriétaire sont tout de même déduits de ses droits de succession et la présomption peut être combattue dans le cadre cet article (ce qui ne sera pas le cas de l’article que nous étudierons ci-dessous)

Le BOFIP (BOI-ENR-DMTG-10-10-40-10  point 20) nous rappelle que « Dans ce cadre, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, il n’y a pas lieu de distinguer selon que le démembrement de propriété provient d’une vente consentie par le défunt à son héritier avec réserve d’usufruit ou d’une acquisition conjointe de l’usufruit par le défunt et de la nue-propriété par l’héritier (Cass. Com., arrêt du 12 décembre 1995, n° 94-11491). »

Comme le mentionne notre article «La protection du cadre de vie des séniors », il s’agit d’une présomption qui peut être combattue, par exemple par la justification dans l’acte d’acquisition de la réalité du paiement de la nue-propriété et une justification réaliste de la clef de répartition entre l’usufruit et la nue-propriété.

A noter également que cette présomption ne joue pas si le cédant s’est réservé le droit d’usage et non l’usufruit ou si le droit a été acquis par une société civile (ou si la nue-propriété est issue d’une donation régulière faite plus de 3 mois avant le décès)

Autre cas (article 918 du cc) , si un bien est aliéné (donc également soit par vente soit par donation) à un successible en ligne directe soit avec une réserve d’usufruit, soit à charge de rente viagère, soit à fond perdu (par exemple avec un bail à nourriture présenté au §4.7.2) alors la valeur en pleine propriété de ce bien, peu sur demande des autres successibles en ligne directe, qui n’ont pas consenti à cette aliénation, être imputé sur la QD et soumis à réduction pour le surplus et ce même si le propriétaire en a déjà payé le prix. Par un jugement du 20 mai 2016, n°16/15215 confirmé en cassation (18-12.088 du 30/01/2019) la cour d’appel de paris rappelle que l’article 918 crée une présomption irréfragable de donation déguisée. Nous voilà donc bien embêté…

  • Exemple :  Mr X à 2 enfants, X1 et X2.
  • Il a fait, il y a bien longtemps, une donation à son neveu N qui est rapportable à l’époque de la succession pour une valeur de 170 000€. 
  • Quelques années plus tard, suite à un divorce, Mr X souhaite acheter une nouvelle résidence principale mais n’en a plus les moyens.
  • Il fait alors appel à ses enfants pour que ces derniers en achètent la nue-propriété et Mr X l’usufruit.
  • Seul X1 accepte d’aider son père.
  • Mr X habite ensuite pendant de longues années dans cette maison, avant de décéder, jouissant ainsi pleinement de son usufruit.
  • Au jour du décès de Mr X, la maison est estimée à 320 000€. Au jour de son décès, la masse successorale de Mr X avant rapport s’élève à 80 000€ en liquidités.
  • Il faut rapporter à la donation le bien donnée au neveu pour une valeur de 170 000€ et puisqu’il y a présomption irréfragable de donation déguisée puisque Mr X est l’usufruitier et son fils le nu-propriétaire, également la maison pour un montant de 320 000€.
  • La masse successorale totale est donc de 570 000€.
  • En présence de 2 enfants, la QD est de 1/3 soit 570 000/3 = 190 000€. La donation du neveu étant la plus ancienne, c’est elle qui s’impute en premier sur la QD et pour un montant de 170 000€. Il ne reste donc que 20 000€ disponible pour imputer les 320 000e de la maison.
  • X1 doit donc une indemnité de réduction de 320 000 – 20 000 = 300 000€ qu’il acquittera en ne prenant rien dans la succession et en versant une soulte de 110 000€ à son frère X2 qui empoche en plus les 80 000€ de liquidités.
  • Bilan : En voulant aider son père, X1 se trouve donc privé de succession et doit de plus 110 000e de soulte à son frêre.

Le caractère irréfragable de l’article 918 peut donc être problématique. Aussi les juges essayent-ils souvent d’en écarter tout ce qui n’entre pas exactement dans les prévisions légales.

Par exemple dans le jugement de cour d’appel mentionné ci-dessus, bien que la vente ait été réalisée pour 10% par l’équivalent d’un bail à nourriture donc à fond perdu, la cour a considéré que la fait que 90% du prix de vente ait été immédiatement payé fait qu’il s’agit d’une vente à titre onéreuse et non d’une vente à fond perdu et qu’elle échappe donc aux conditions édictées par l’article 918.

Dans d’autres cas, les cours ont jugé que des actes postérieures emportaient l’acceptation tacites des autres successibles à l’opération qui aurait sinon pu rentrer dans le cadre du 918..

Il est donc toujours important, lors d’une donation de la nue-propriété d’un bien de faire intervenir les autres successibles en ligne directe afin qu’ils consentent à la donation et ne puissent plus invoquer l’article 918 ultérieurement.

Enfin, comme pour le 751, le 918 ne s’applique pas non plus si on interpose une SCI ou si le parent se réserve un droit d’habitations et non un usufruit, ce qui peut être une alternative à l’acceptation de tous les successibles en ligne direct s’il y a une mésentente familiale.

7.2.2 Les donations tardives

Il s’agit ici de transmettre dans ces vieux jours un bien à ses enfants en démembrement pour ne leur faire payer des droits que sur la nue-propriété.

L’opération étant réalisée par un acte authentique et les droits payés en application de la répartition entre la NP et l’US définie par l’art 669 du cc, le donateur pense avoir bien fait les choses.

Malheureusement il décède dans les trois mois qui suivent la donation. Ici encore l’article 751 vient contrecarrer ce projet en érigeant une présomption d’abus de droit.

Il faudra que ces enfants prouvent qu’un décès rapide n’était pas prévisibles au moment de la donation ou pour dire autrement qu’il soit « survenu de manière soudaine et surprenante alors que l’usufruitier était en bonne santé au jour de la donation ».

La Cour de cassation rappelle (Cass. com., arrêt du 5 mai 1998 n° 96-20780) que c’est bien aux héritiers d’apporter la preuve contraire en non à l’administration de prouver qu’il y a eu un abus de droit.

7.2.3 Les souscriptions tardives

Le sénior peut vouloir souscrire une assurance vie ou verser une prime sur un contrat existant. Comme nous l’avons déjà mentionné au §4.3 il risque alors de voir son acte requalifié en donation indirecte, même si le montant versé n’est pas exagéré, soit parce qu’il y a une absence d’aléa (il se sait proche de la mort) soit parce que le contrat ne lui est pas utile et qu’il y a une intention libérale.

Il y a alors rapport à la succession et éventuellement réduction pour atteinte à la réserve. Il est conseillé pour les souscriptions de personne au-delà de 85 ans de rédiger un document de motivations expliquant clairement en quoi le contrat est utile au souscripteur.

7.2.4 La donation de nu-propriété de somme d’argent

Il était un montage, qui jusqu’à très récemment, était assez couramment utilisé.

Il s’agissait de donner la nue- propriété d’une somme d’argent devant notaire à l’ensemble de ses enfants et de s’en réserver l’usufruit. La donation étant authentique et tous les successibles en ligne directe y ayant consentis, ni le 918 du cc, ni le 751 du CGI ne trouvaient à s’appliquer.

La donation étant sur un bien consomptible (art 587 cgi) , elle créait un quasi-usufruit, et ainsi le donateur pouvait continuer à en jouir (donc dépenser cette somme) tout en créant une créance de restitution qui diminuerait la masse taxée à son décès (art 768 CGI) à condition que la dette ait date certaine (ce qui était le cas avec l’acte notarié).

Mais le législateur est venu, fin 2023, mettre un coup d’arrêt à ce montage par l’ajout de l’art 774 bis au CGI.

Cet article prévoit que lors d’un quasi-usufruit sur une somme d’argent, la créance de restitution n’est pas déductible de l’actif successorale d’une part et que d’autre part, la valeur de l’usufruit transmis devient taxable au jour de la succession selon le lien de parenté existant entre le nu-propriétaire et l’usufruitier privant ainsi ce montage de tout intérêt.

Exception à ce principe, si le quasi-usufruit résulte du prix de cession d’un bien précédemment démembré, alors, alors l’usufruit peut s’éteindre sans être de nouveau soumis aux DTMG.

Attention, le 774bis concerne le traitement fiscal de la succession pas son traitement civil.

Le 774 bis traite des dettes de restitutions portant sur des sommes d’argent. Certains seront donc tentés d’interposer par exemple un contrat de capitalisation qui sera lui démembré. Il restera alors à démontrer l’intérêt de cette opération pour le donateur afin de ne pas tomber dans l’abus de droit pour motif « principalement fiscal »

Pour un exemple très détaillé et différenciant le traitement fiscal et civil, voir la question 9 de « Comment calculer les droits de succession en présence d’une dette de restitution entrant dans le champ d’application l’article 774 bis du CGI » du site de l’AUREP.

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, Séniors et personnes vulnérables, 0 commentaire