Pierre-Yves GENET

La taxe Zucman décortiquée

La taxe Zucman décortiquée

1        Préambule

Dans cet article nous présentons sommairement le principe de la taxe Zucman afin pour que vous puissiez vous en faire une idée assez juste, au-delà des propos caricaturaux et souvent à l’emporte-pièce de ses promoteurs ou de ses détracteurs, dans la presse.

Nous verrons ensuite comment elle a été justifiée par son créateur Gabriel Zucman.

Puis, nous nous attacherons à la méthodologie des calculs présentés par G Zucman, et à la difficultés de mise en place et d’application de cette taxe dans la pratique.

Nous étudierons également les possibles effets pervers de cette taxe.

Nous nous interrogerons enfin, sur sa constitutionnalité, avant de conclure.

1        C’est quoi la taxe Zucman ?

Dans un rapport daté de juin 2024 (https://gabriel-zucman.eu/files/report-g20.pdf) , à l’occasion du G20 au Brésil, Gabriel Zucman propose une taxe mondiale de 2% sur le patrimoine des personnes physiques dont la fortune est estimée à plus de 1 Milliard de dollars. Taxe qui pourrait être étendue à ceux dont la fortune atteint 100 millions de dollars.

Il insiste sur le fait que cette taxe doit être mise en place au niveau international et que des systèmes de taxation complémentaires devraient être mis en place pour les contribuables qui chercheraient à s’y soustraire en s’expatriant dans les pays où elle n’existerait pas.

Cette taxe est dite différentielle en ce sens qu’elle prend en compte les impôts sur les revenus déjà payés par les « ultra-riches » pour fixer un seuil minimal d’imposition à 2% du patrimoine mondial de ces personnes. Ainsi un contribuable qui paye déjà des impôts sur l’ensemble de ses revenus à hauteur de 1.5% de son patrimoine global ne devrait-il verser qu’un complément de 0.5% de ce patrimoine au titre de la taxe Zucman.

Pour déterminer les impôts payés, G. Zucman propose de prendre en compte :

  • l’impôt sur le revenu,
  • l’impôt sur les plus-value,
  • l’impôt sur la fortune (l’IFI en France),
  • les impôts sur les dividendes et revenus du capital
  • et les Taxes de succession et donation.

Il exclut les taxes à la consommation (TVA et taxe pétrolière) et les charges sociales.

Il considère comme ultra-riches les personnes étant dans le club très fermé des 0.01% individus les plus riches de la planètes (il en exclu donc les autres 99.99%).

Il définit la fortune, dans une publication de 2019, comme étant la sommes de tous les biens financiers (actions, compte bancaires, assurance vie, titres, obligation, cryptos,…) et non financiers (immeubles, terrains, œuvres d’arts, voitures,…) détenus par une personne physique, déduction faites de tous les passifs existant sur ces biens (emprunt, créances,…)

Il estime que cette taxe devrait rapporter :

  • entre 200 et 250 milliards de dollars par an au niveau mondial en taxant environ 3 000 milliardaires
  • et 100 à 140 milliards supplémentaires annuellement si elle était étendue à ceux dont la fortune dépasse 100 millions de dollars.

Nous étudierons aux paragraphes suivants les questions posées par ce rapport :

  • Comment évaluer de manière fiable la fortune de chacun
  • Comment mettre en place des taxations et éviter les évasions fiscales si certains pays n’appliquent pas la taxe Zucman

Mais dans un premier temps étudions comment Gabriel Zucman justifie la mise en place de cette taxe et sur quoi se basent ses calculs.

Coté justification, il fait le constat que les ultra-riches payent proportionnellement moins d’impôt sur leurs revenus que les autres catégories sociales.

Il déduit également de ses recherches et des analyses du magazine Forbes, que le patrimoine des 0.001% plus riches personnes de la planète, représentait environ 3% de la richesse mondiale en 1987 alors qu’il en représente 13.7% en 2024 et que donc que les ultra-riches s’enrichissent beaucoup rapidement que le reste de la population mondiale.

En parallèle de cette analyse, dans son rapport pour 2024, la fondation Jean-Jaures indique que la part de patrimoine détenue par les 50% les moins riches a quasiment été divisée par deux, chutant de 9 % à 5 % entre 1984 et 2022.

Enfin G Zucman considère que la taxe doit être déterminée par rapport à la fortune telle que définit plus haut et non par rapport aux revenus effectivement perçus à cause de la capacité des très riches à faire croitre leur fortune personnelle en minimisant les revenus qu’ils perçoivent proportionnellement à leur patrimoine.

1.1      Pourquoi les ultra-riches payent-ils proportionnellement moins d’impôts ?

1.1.1      A cause des impôts indirects…

Les impôts indirects comme la TVA ou la taxe sur les produits pétroliers en France, touchent toutes les couches de la population à un taux fixe indépendant des revenus de chacun.

Ainsi les 20 euros de taxes sur la valeur ajoutée payées sur un bien de consommation à 120€TTC coute proportionnellement plus cher à une personne qui gagne 2000e par mois (1%) qu’à un autre qui en gagne 10 000 (0.2%)

1.1.2     A cause de leur influence sur les décisions des entreprises qu’ils détiennent….

  • Un contribuable ayant un pouvoir important au sein des sociétés qu’il détient peut inciter les organes dirigeants de ces sociétés à ne distribuer qu’une petite partie de leurs bénéfices sous forme de dividendes.
  • Ces sociétés mettent alors les sommes non distribuées en réserve ce qui augmente le patrimoine des actionnaires.
  • Elles peuvent également utiliser ces réserves pour investir et faire ainsi croitre encore plus leurs valeurs et donc le patrimoine de ce contribuable. Note : On peut légitimement se demander dans ce cas, s’il n’est pas justement intéressant pour la société et ses employés de bénéficier de cette source d’investissement.
  • G. Zucman note que certes ces parts détenues finiront par être taxées sur les plus-values au moment de leur cession ou au moment de leur transmission à leurs héritiers. Mais il met en avant le fait qu’il existe dans de nombreux pays des dispositifs permettant de limiter fortement cette taxation (par exemple en France : le Pacte Dutreil, les donations avant cessions, les reports d’impositions disparaissant au décès de l’apporteur, les donations avec charges à des fondations, etc…)
  • Il note également que ces personnes, bien que ne pouvant pas utiliser directement les sommes mises en réserves, peuvent nantir les parts qu’ils détiennent dans ces sociétés pour obtenir des prêts et se constituer ainsi un patrimoine personnel. Patrimoine qui étant lui-même potentiellement générateur de revenus pourra permettre de rembourser tout ou partie de l’emprunt avec une tres faible taxation (il est possible en effet d’utiliser des mécanismes d’amortissement ou des montage sociétaires pour diminuer la taxation des revenus de ces biens).

1.1.3     A cause de la mise en place de sociétés Holding….

  • Dans ce montage, le contribuable met en place une société (dite holding) qui possèdent ou rachète les sociétés génératrices de dividendes qu’il contrôle.
  • Les dividendes remontés par la fille à la holding sont très peu taxés (par exemple taxation seulement pour 5% de leurs valeurs dans le régime mère fille en France à 25% maximum soit 1.25%)
  • Ces dividendes sont ensuite utilisés par la holding pour acquérir de nouveaux biens qui viennent grossir le patrimoine du contribuable sans jamais avoir été soumis à l’impôt sur les revenus
  • Des montages peuvent permettre de transmettre par anticipation une partie importante du patrimoine ainsi crée par la holding à ses enfants avec de tres faibles droits de succession
  • Ces enfants pouvant eux même grâce à la création de « sur-holdings » transmettre le patrimoine créé, de leur vivant à partir de ce patrimoine initial, à leurs propres enfants, dans des conditions tres avantageuses.
  • On assiste alors à une concentration du patrimoine au seins de grandes familles.

1.1.4     A cause de l’utilisation de biens détenus par des sociétés contrôlées par le contribuable…

Il s’agit ici de faire acquérir un bien par une société détenue par le contribuable grâce à des sommes mises en réserve puis d’utiliser ces actifs à titre personnel.

La société est créée avec un objet social (par exemple la location de bateau ou de voitures de luxe ou la mise à disposition de moyens dans un but promotionnel, etc…), puis elle acquière un bien en cohérence avec cet objet social.

Elle peut ensuite utiliser effectivement ce bien conformément à sa destination pour limiter les soupçons d’abus de bien social. Ce bien n’étant pas utilisé sur la totalité de l’année (à noter que son utilisation peut aussi être pilotée en ce sens…), il peut être utilisé de temps en temps lors de ces périodes creuses par le propriétaire de la société.

Dans le cadre de biens détenus à des fins de réception (par exemple un bateau de luxe), il peut aussi être possible de déclarer que les personnes invités sur le bateau sont de très bons clients et que le voyage organisé sous les tropiques, auquel le propriétaire à bien-sûr participé, était en fait réalisé dans le cadre de la promotion d’un nouveau produit ou de l’entretien d’une relation client.

Ces montages exigent cependant beaucoup de doigtés car le risque d’abus de bien social, ou de corruption active et la taxation des avantages en nature ne sont jamais bien loin.

1.2      Mais les calculs de Zucman sur la dégressivité des impôts des ultra-riches sont-ils exacts ?

Les mécanismes présentés ci-dessus sont irréfutables et conduisent effectivement à une dégressivité des impôts des plus riches sur les revenus, car ils n’ont effectivement pas à « sortir » des revenus à hauteur de leur patrimoine pour très bien vivre.

Mais pour autant les chiffres annoncés par G. Zucman sont-ils corrects ?

Deux éléments permettent d’en douter.

  • Tout d’abord, concernant les sommes récupérées par cette taxe, G Zucman reconnait lui-même la difficulté d’obtenir des valeurs fiables sur les patrimoine détenus. Il se base sur des enquêtes de journalistes et sur le croisement et l’interpolation de donnée publiques pour estimer la fortune et le nombre des « ultra-riches ». Il indique d’ailleurs que des articles récents de chercheurs, qui ont pu travailler sur des données confidentielles des administrations de certains pays (France, Hollande, Suède, Norvège), indiquent que les milliardaires représentent en fait un peu moins de 0.0001% de la population de ces pays, soit pour la France un peu moins de 70 personnes)
  • Il reconnait ensuite que les revenus effectivement perçus (en dehors des dividendes versées par les société cotées qui sont publics) et par conséquence le montant des impôts effectivement payés sont confidentiels dans la plupart des pays.
  • Les ratios présentés entre le montant des impôts ramenés au montant des revenus perçus sont donc entachés d’une marge d’erreur importante même si la dégressivité nous semble au global devoir être reconnue

Vient ensuite un biais méthodologique important dans la détermination de ce ratio.

  • En effet G Zucman prend en compte, pour justifier la forte dégressivité, l’ensemble des taxes payées qu’elles soient directes comme l’impôt sur les revenus et la CSG/CRDS ou indirecte comme la TVA ou les taxes sur l’essence MAIS pour les revenus il ne prend en compte que les revenus imposables.
  • Sont donc ainsi exclus toutes les aides perçues (en France : Aides au logement, RSA, CMU, allocations familiales, primes de rentrées, Allocation Adulte handicapé, Prime d’activité, etc…). Ce qui devrait conduire à des ratios infinis pour par exemple une personne au RSA qui achète des biens de consommation courante (division par 0 dans le calcul du ratio)

La quasi-constance du ratio « taxes/revenus » présenté pour les 90% de la population français puis la dégressivité forte au-delà de 95% doit donc être corrigé (certainement sous forme d’un pic pour les classe moyennes (seuls 45% des foyers français payent de l‘impôts sur les revenus même si tous payent de la TVA et de la CSG)) puis une dégressivité un peu moins forte au-delà.

Il n’en demeure pas moins que cette dégressivité existe effectivement bien sur les 5% les plus riches et qu’elle s’accroit au fur et à mesure que les revenus augmentent.

Pour autant, la taxe Zucman n’entend pas seulement corriger cette dégressivité de la taxation des hauts revenus, elle englobe également l’ensemble du patrimoine détenu que celui-ci soit ou non producteur de revenus.

2 Comment évaluer la fortune de chacun

Nous l’avons constaté précédemment, l’évaluation de la fortune d’une personne n’est pas chose aisée d’autant plus que les personnes visées par la taxe ont généralement des biens et des avoirs répartis dans de nombreux pays.

Il est effectivement des biens facilement évaluables, comme un compte bancaire, des actions dans une société cotée, …

Mais pour d’autres, leur évaluation est bien plus subjective. Citons par exemple, la valeur d’un objet d’art, la valeur des parts d’une société non cotée, la valeur de biens immobiliers d’exception (même si l’on peut dans ce cas se référer à la dernière valeur d’une transaction ou d’une transmission de ce bien si tant est qu’elle n’est pas été volontairement sous-évaluée).

Il est également assez facile pour un état de vérifier la valeur des biens détenus sur son territoire mais plus difficile de vérifier les déclarations faites sur la valeur des biens détenus dans d’autres pays.

La transmission d’informations entre pays dans le cadre des conventions fiscales bilatérales peut y aider mais dans de nombreux cas ces conventions n’existent pas et quand elles existent la qualité des informations transmises peut être sujette à caution.

Comment dans ce cas fixer, en valeur, le seuil des 2% alors que l’évaluation de la fortune pourrait être entacher d’une erreur de plusieurs millions voire même plusieurs dizaines de millions (exemple :Un tableau attribué à Léonard de Vinci a été acquis 450 Millions d’Euros par le roi d’Arabie Saoudite en 2017, mais en vaut-il, ne serait-ce que la moitié, depuis que la controverse sur celui qui l’a effectivement peint a été ouverte).

Comment également évaluer les passifs dans un contexte international (une créance familiale française ou la valeur d’un bien détenu en nue-propriété en France, seront-elles évaluées de la même façon en France, aux USA ou en Allemagne ?)

On peut supposer que l’évaluation de l’actif et du passif se basera donc sur la déclaration du contribuable, présumé de bonne fois, tant il sera difficile d’effectuer des contrôles dans un contexte international.

Tout ceci constitue une première difficulté de taille à la mise en place de cette taxe au-delà des difficultés de contrôle des valeurs déclarées.

3        Comment limiter l’impact de l’évasion fiscale?

Secondes difficulté liée à cette taxe, si l’ensemble des pays du monde ne la mettent pas en place en même temps, il risque d’y avoir plutôt une perte de revenus fiscaux liée à l’expatriation des plus gros contribuables.

La taxe aurait donc un effet contraire à celui escompté!

Dans son article, G. Zucman cite des recherches indiquant que l’accroissement de la taxation dans certains pays européens a engendré un exil fiscal de l’ordre de 0.01% de la population (mais sans indiquer la répartition de ces exilés parmi les plus riches citoyens). Il est fort probable que ce soit plutôt les gros contribuables qui soient incités à partir.

Il note toutefois (toujours en se basant sur une étude du magazine Forbes) que 90% des milliardaires vivent dans leur pays d’origine et que sur les autres 10%, une partie importante (mais il n’indique pas de chiffre) vivent dans des pays à faible fiscalité et que cette part tend à augmenter dans le temps.

Il indique quelques pistes pour limiter l’évasion fiscale, la première étant la mise en place dans tous les pays de sa taxe.

Puis il cite le principe

  • de l’exit tax : impôt payé au moment du départ d’un pays (pour changement de résidence), telle qu’elle existe par exemple en France en application de l’art 167 du CGI. Elle permet de taxer même les plus-value latentes,
  • la taxation des non-résident basée sur les actifs détenus dans un pays. Ainsi même si un contribuable se réfugie dans un pays ne pratiquant pas la taxe Zucman, tous les pays dans lesquels il aura des actifs seront en mesure d’en percevoir une partie.
    • On peut toutefois s’interroger sur la méthode qui sera alors utilisée par chacun des états pour estimer la fortune globale de ce contribuable si ce dernier ne fait pas d’état déclaratif sur ces bien détenus sur d’autres territoires. Peut-être pourraient-ils procéder en fixant des règles prohibitives. On peut à titre de règle prohibitive citer la loi française qui taxe à 75% les dividendes perçus par un résident française en provenance de sociétés situées dans des états dis « non coopératifs »,
  • l’imposition liée à la nationalité (telle qu’elle est pratiqué par exemple par les USA) ou à la durée de résidence et non au lieu de résidence

La mise en place de la taxe au niveau franco-français ne semble donc pas initialement aller dans le sens du rapport initial même si Mr G. Zucman semble aujourd’hui pousser à son adoption unilatérale par la France sur tous les plateaux télévisés et toutes les radio de France.

3        La mise en application

En supposant les problèmes cités aux paragraphes précédant résolus, comment la taxe pourra-t-elle être mise en recouvrement.

Prenons l’exemple généralement cité d’un startupper dont les parts dans sa startup sont valorisées à plus de 100 millions d’Euros. Il se prend un salaire confortable lui générant un impôt d’environ 20 000€ ce qui représente 0.02% de son patrimoine. Il va donc devoir payer 1 980 000e au titre de la taxe Zucman.

S’il possède du cash, il pourrait payer cette taxe en numéraire mais si demain la valorisation de sa société s’effondre (une percée technologique d’un compétiteur, un scandale, un changement de réglementation, un retournement de marché, etc …) alors il aura payé un impôt sur un patrimoine qu’il n’aura jamais effectivement détenu. Dans ce cas, l’état lui remboursera-t-il le trop taxé ? J’en doute !

S’il ne possède pas ce montant en numéraire ou ne souhaite pas risquer de tomber dans le cas précédent, il va donc devoir céder 2% de ses parts à l’état.

Mais pour que l’état puisse utiliser cet actif pour payer ses fonctionnaires ou financer ses projets, il va devoir vendre cette participation, car la startup ne génère encore aucun revenu et ce pendant peut-être encore plusieurs années.

 Cela va donc faire rentrer des investisseurs non désirés au capital de la startup (peut-être des concurrents avides de ses technologies). Les clauses d’agréments ne pourront que difficilement fonctionner car elles supposent que les autres associés ou la startup elle-même aient les moyens de payer les parts en vente pour lesquelles ils refusent l’agrément à l’acheteur. Et en supposant même que la startup ait les moyens de financer le rachat de ces parts, c’est autant d’argent qu’elle ne pourra pas investir dans son développement.

Autre exemple. Un riche héritier possède des parts dans une grande entreprise représentant la quasi-totalité de sa fortune estimée à 100 Millions d’Euros. Il a signé un pacte d’associés visant à assurer la stabilité du capital de l’entreprise. Il perçoit des dividendes pour un montant de 500 000e annuels taxés à 30%. Il lui restera à verser 1 500 000e au titre de la taxe Zucman. Comment le fera-t-il s’il n’a pas cette somme en compte et que le pacte d’associés lui interdit de céder ses parts sous peine de sanctions financières ou de cession forcées de ses parts aux autres actionnaires ?

Dans la pratique, cette taxe va donc conduire à affaiblissement des sociétés innovantes et à une dilution incontrôlée du capital des grands groupes.

Autre point. Il existe actuellement de nombreuses conventions bilatérales entre états au niveau de la fiscalité prévoyant quel état devait imposer tel ou tel revenu d’un contribuable potentiellement imposable dans ces deux pays. Ces conventions prévoient également des dispositifs pour éliminer autant que possible les doubles impositions.

La taxe Zucman n’étant ni un impôt sur les revenus ni exactement un impôts sur la fortune, elle n’est pas prévue dans la plupart des conventions et donc chaque pays essayera de l’appliquer pour son propre compte. Il faudrait certainement prévoir un temps de renégociation de ces conventions (ce qui peut prendre de nombreuses années) avant qu’elle ne soit effectivement appliquée.

4        Les effets pernicieux

En plus de l’affaiblissement des entreprises, présenté au paragraphe précédent, dans les pays où cette taxe serait mise en place, d’autres effets non désirés pourront également apparaitre

Reprenons l’exemple de notre startup évaluée cette fois 200 millions d’Euros. Supposons que son créateur la conserve encore 10 ans puis décide de vendre ses parts.

Pendant ces 10 année il aura payé (en négligeant ses autres impositions) : 200 000 000*(1-(1-2%)^10)= 36 585 439e au titre de la taxe Zucman il lui restera donc 163 414 561€ à céder.

Il sera taxé à 30% sur les plus values et sera également soumis en France à la Cotisation Exceptionnelle sur les Hauts Revenus(CEHR). Il serait en l’état actuel également soumis à la CDHR (cotisation Différentielle sur les haut revenu définie à l’art 224 du CGI) pour le quart de la plus-value générée.

Cela conduit au global à un peu plus de 55 millions d’euros d’imposition de la plus-value.

Il aura donc été taxé au total sur 10 ans à 36 585 439 + 55 510 950 soit un peu plus de 92M€ (soit à plus de 46% de son patrimoine). Peut-on encore parlé d’égalité devant les contributions ?

Effet pernicieux supplémentaire, plus il conservera longtemps les titres de sa startup plus il sera taxé. Cela le conduira donc à privilégier une cession rapide de son activité plutôt que de la développer sur le long terme

De plus, avec ce niveau de taxation, tout startupper voyant que son projet décoller aura évidement envie d’aller localiser le siège social de sa startup dans des pays ensoleillés à faible fiscalité avant que les éventuelle exit-tax soient bloquantes. N’en déplaise aux chiffres constaté actuellement sur les 90% de milliardaires restant dans leur pays d’origine, le taux d’exil fiscal risque bien d’augmenter, car les mentalités ont bien changées pour les nouvelles générations par rapport aux personnes actuellement milliardaires!

On risque donc non seulement une fuite des contribuable mais également une fuite des talents et des innovations de ruptures chères à notre nouveau prix Nobel.

5        La taxe est-elle constitutionnelle ?

La constitution de la Ve république renvoie au préambule de la constitution de 1789, qui réaffirme lui-même «solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

Cette déclaration des droits de l’homme, rappelle dans son article 13 que l’impôt « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

La question est donc de savoir si une taxe basée sur le patrimoine est constitutionnelle au sens des « facultés » contributives que pourraient avoir les français les plus aisés ou si elle rompt ou non l’égalité entre les citoyens.

Dans son rapport du 30/12/1981 sur la vérification de la constitutionnalité de l’Impôt sur les grandes fortunes, le conseil constitutionnel (CE) distingue deux types d’impôts sur le patrimoine.

  • D’une part, un impôt qui cible « les revenus tirés du capital » (comme l’impôts sur les revenus de capitaux mobiliers ou le prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes)
  • Et d’autre part un impôt qui tend à « liquider » le capital détenu sans prendre en compte les revenus tirés de ce patrimoine. (Par exemple, si l’IFI cumulé avec l’imposition sur les revenus n’étaient pas plafonnés à 75% des revenus du contribuable, il conduirait à une diminution constante du patrimoine de contribuables qui y sont soumis)

Dans sa décision 2012-654 du 09/08/2012, (concernant la contribution exceptionnelles sur les hauts revenus), le conseil constitutionnel rappelle d’ailleurs  « qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi . . . doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Mais il indique toutefois que le législateur « doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

Pour justifier la différence de traitement entre les revenus du capital et le revenu du travail, le CE prend en compte le fait que l’impôt sur le revenu du travail est en fait un impôts sur le revenu du capital humain. Revenu dont une part doit être consacré après distribution à sa « maintenance » (nourriture logement), alors que le revenu du patrimoine est un revenu net (la part liée à sa maintenance à déjà été déduite). Le CE estime donc juste que le revenu du patrimoine soit plus taxé que le revenu du travail.

Il ressort de l’analyse de toutes ces décisions, que la taxation du patrimoine puisse effectivement être jugée constitutionnel à la condition que soit mis en place un mécanisme de plafonnement par rapport aux revenus effectivement perçu au niveau mondial par le contribuable.

La taxe Zucman étant une taxe différentielle prenant l’ensemble des contributions du contribuable, elle intègre bien un système de plafonnement mais ce dernier est basé sur un pourcentage du patrimoine et non sur un pourcentage des revenus effectifs. En ce sens elle se rapproche d’avantage d’un impôt de « liquidation du capital » que d’un impôt sur le revenu du capital. Elle est donc de notre point de vue inconstitutionnelle.

Le CE constitutionnel a également écarté la constitutionnalité (décision 2012-662 du 29/12/2012) de la taxation à l’ISF des plus-values-latentes (tels que les bénéfices non distribués et mis en réserve et les plus-value en report ou en sursis d’imposition) au motif qu’il n’est pas établi que ces plus-values soit effectivement à disposition du contribuable.

La taxe Zucman s’appliquant sur la totalité du patrimoine (professionnel ou  non) elle taxe de fait les plus-value latentes, elle est donc également de notre point de vue inconstitutionnelles à ce second titre.

6        En conclusion

Comme nous l’avons déjà souvent constaté dans nos précédents articles, l’imagination du législateur est infinie lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles taxes.

Elle semble beaucoup plus imitée, comme le prouve l’état d’endettement de notre pays, pour réaliser des économies.

Si les constats réalisés sur le fait que les plus riches sont proportionnellement moins imposés que les 95% du reste de la population, et sur la concentration grandissante de la richesse mondiale entre les mains de quelques-uns, semblent indéniables, la solution n’est pas être une taxation aveugle des patrimoines car elle semble difficile à mettre en place, provoque un affaiblissement de nos entreprises ainsi que de notre capacité d’innovation et semble de plus inconstitutionnelle.

La confiance affichée par G Zucman concernant l’évasion fiscal nous semble également exagérée. Depuis la mise en place du télétravail post COVID on voit de plus en plus de personnes aller profiter de cieux plus cléments et y travailler à distance. Elles ne rentrent peut-être pas encore dans les 0.001% des plus riches car encore jeunes mais peut-être le seront-elles dans quelques années.

D’autres pistes peuvent également être envisagées pour équilibrer le budget du pays:

  • Des économies. Rêvons un peu…
  • Une base plus large en population soumis à la taxe Zucman, mais en excluant de la fortune prise en compte, les biens professionnels au sein desquels le contribuable exerce son activité principale
  • Un renforcement de la taxation des dividendes remontés à une Holding lorsque cette dernière ne remplit pas certains critères (par exemple la remontée de dividendes pour le rachat d’une société d’exploitation à l’aide d’un emprunt au niveau de la holding resterait faiblement taxée mais la remontée pour l’acquisition de biens immobiliers non destinés à la société d’exploitation ou la mise en réserve des bénéfices remontés serait taxée comme un bénéfice de la Holding)
  • Le renforcement de la taxation des grandes successions et la limitations des dispositifs d’exonération, à l’exception de la transmission d’une entreprise à un héritier qui y poursuit effectivement son activité professionnelle en tant que dirigeant. En effet on estime
    • qu’au niveau mondial 60% de la fortune globale est maintenant héritée
    • que si 50% de la population hérite de moins de 70 000e tout au long de sa vie, les individus appartenant au 1% des plus riches héritent en moyenne de 4 millions d’euros et ceux appartenant au 0.1% des plus riches héritent en moyenne de plus de 13M€ chacun
    • que la « grande transmission » correspondant à la disparition de la génération des babies-boomers (nés entre 1946 et 1964) devrait engendré en cumul en France, entre 2025 et 2035, un flux de transmission de l’ordre de 5 800 milliards d’Euros (porté à 9 00
Publié par Pierre-Yves GENET dans Fiscalité, 0 commentaire
RGPD et IA

RGPD et IA

Fin de rédaction : 06 septembre 2025

Note préliminaire :

L’idée d’écrire cet article m’est venue à la lecture du livre NEXUS de Y.N. Harari, l’auteur de Sapiens.

Ce livre traite de l’importance de l’information dans l’histoire de l’humanité et fait un focus particulier sur les réseaux sociaux et l’impact grandissant de l’intelligence artificielle.

Il montre, que loin d’être un gadget supplémentaire, l’IA pourrait bien rapidement devenir un problème majeur pour nos démocraties.

Si vous ne deviez lire qu’un seul ouvrage dans les prochains mois, je vous conseille la lecture de NEXUS, il est particulièrement instructif.

1       Préambule

Les outils disponibles grâce aux développements réalisés autour de l’intelligence artificielle permettent désormais l’exploitation d’immenses volumes de données dans des contextes où les principes de la protection de la vie privée sont mis à rude épreuve.

Lorsque ces données sont personnelles (identité, habitudes, hobbies, biométrie, etc.), plusieurs problématiques émergent :

  • Perte de contrôle des personnes concernées sur leurs données. Ainsi, des données éparses, souvent de peu d’intérêts lorsqu’elles sont prises indépendamment les unes des autres, peuvent conduire à déduire des comportements, des opinions lorsqu’elles sont assemblées entre elles
  • Ce qui peut conduire à des profilage individuels ou à grande échelle, permettant, entre autres, de cibler des campagnes commerciales ou politiques ;
    • On appelle profilage, « toute forme de traitement automatisé de données à caractère personnel consistant à utiliser ces données pour évaluer certains aspects personnels relatifs à une personne physique, notamment pour analyser ou prédire des éléments concernant son rendement au travail, sa situation économique, sa santé, ses préférences personnelles, ses centre d’intérêts, sa fiabilité, son comportement, sa localisation ou ses déplacements »
    • Le profilage peut également être utilisé pour décider de vous accorder ou non un emprunt, un logement, un poste dans une entreprise, etc…
    • Attention un traitement automatisé n’est pas forcément un profilage. Par exemple le système qui lit automatiquement votre plaque d’immatriculation et vous envoie une amende à votre domicile, fait bien un traitement automatisé de données personnelles, mais n’effectue aucun profilage. A l’inverse, si dans le futur, ce système déterminait aussi automatiquement le montant de l’amende en fonction d’éventuelles récidives et des revenus du contrevenant, alors il s’agirait d’un profilage
  • Opacité algorithmique, rendant les traitements difficiles à expliquer ou contester ;
  • Risque de biais, discriminations ou décisions automatisées injustes. Dans exemple récent, les algorithmes de reconnaissance biométrique automatisés des douanes américaines avaient été entrainés sur une base de données comprenant tres majoritairement des individus blancs. Les portiques de détections des aéroports internationaux reconnaissaient et laissaient passer plus de 95% des voyageurs blancs mais moins de 50% des voyageurs à la peau noir ou foncée.

Dans cet article, nous commencerons par présenter ce qu’est le « règlement général sur la protection des données ou RGPD » en rappelant ce que sont les données personnelles, vos droits et les devoirs de ceux qui les collectes.

Nous nous attarderons ensuite sur le point particulier des traitements automatisés et des limitation et vœux pieux du RGPD concernant ces traitements.

2       Le RGPD

Depuis longtemps mais plus particulièrement depuis l’accélération du traitement massif des données personnelles et leur commercialisation par les géants du net, l’UE a décidé de se munir d’un arsenal juridique permettant de protéger, autant que possible, les intérêts des citoyens de l’UE au travers du règlement général sur la protection des données (RGPD) référence (UE) 2016/679 du 27/04/2016, entré en application le 25 mai 2018.

Pour commencer, il est important de rappeler que le droit à la protection de ses données à caractères personnels est un droit fondamental des personnes physiques et qu’il est protégé par la charte des droits fondamentaux de l’union européenne.

En contraposée, on peut en déduire que la protection des données des personnes morales (les entreprises) n’est pas un droit fondamental et d’ailleurs n’est pas adressée par le RGPD.

Le RGPD reconnait toutefois une limitation la protection des données personnelles des personnes physique pour ce qui concerne les activités relatives à la politique étrangère des états et la sécurité de ces derniers.

Note : Un autre règlement (UE 2016/680) également du 27/04/2016 traite d’ailleurs spécifiquement du traitement des données personnelles par les autorités compétentes à des fins « de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données »

Le RGPD ne s’applique pas non plus aux activités strictement personnelles ou domestiques sans lien avec une activité professionnelle ou commerciale.

Faut-il en conclure que les associations sans but lucratif sont exemptées d’appliquer le RGPD ?

Que nenni ! 

L’UE rappelle qu’il s’applique à tous les responsables de traitements ou aux sous-traitants qui fournissent les moyens de traiter des données à caractère personnel pour de telles activités personnelles ou domestiques. Les associations doivent donc également veiller à l’application en interne du RGPD.

Au niveau territorialité, il est également important de noter que le RGPD s’applique au sein de l’UE, MAIS AUSSI à toutes les sociétés hors de l’UE dés que le traitements des données sont liées :

  • Soit à une offre de biens ou de services à des personnes situées au sein de l’UE (avec u sans paiement)
  • Soit suivi du comportement de ces personnes, dans la mesure où il s’agit d’un comportement qui a lieu au sein de l’Union. Pour être clair il s’agit par exemple du suivi des sites consultées permettant au GAFA de cibler les pub apparaissant dans nos navigateurs.

Le RGPD s’applique ainsi à toutes les structures, privées ou publiques, qui collectent et/ou traitent des données personnelles sur le territoire de l’Union européenne (UE) directement ou par l’intermédiaire de sous-traitant, que ces sociétés ou sous-traitants soient situées ou non au sein de l’UE.

2.1      C’est quoi les données personnelles ?

C’est beaucoup de choses.

Le règlement indique qu’il s’agit de :

« toute information se rapportant à une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale »;

Les données personnelles comprennent les informations explicites comme un numéro de sécurité sociale qui identifie de manière unique une personne, mais aussi des informations implicites. qui peuvent sembler inoffensives mais peuvent devenir un moyen d’identifier une personne ou certaine de ses caractéristiques lorsqu’elles sont combinées à d’autres données.

Exemple de croisement de données non discriminantes ne permettant pas d’identifier à elles seules, une personne physique mais qui deviennent discriminantes lorsqu’elles sont réunies :

Une femme française aux cheveux bruns, née dans la seconde moitié des années 60, engagée, icone de l’élégance, ayant un sourire à fossettes, une voix douce et légèrement voilée, devenue célèbre lors qu’elle était encore adolescente, à la suite d’un premier rôle dans une production populaire agrémentée d’une ballade romantique (on pourrait par exemple penser à Sophie Marceaux, Brigitte Fossey ou Jodie Foster, mais l’ensemble des critères permet d’identifier de manière unique Sophie Marceau)

Voici quelques autres exemples de données personnelles :

  • Nom et prénom,
    • Numéro de sécurité sociale
    • Numéro de passeport
    • Numéro fiscal
    • Numéro de compte bancaire
    • Numéro de téléphone
    • Adresse mail pro ou perso
    • Adresse postale
    • Antécédents médicaux,
    • Groupe sanguin,
    • Enregistrement de la voix,
    • Adhésion à des associations, club de sport, partis politiques, syndicats,…
    • Casier judiciaire,
    • Diplômes
    • Les cookies enregistrés sur vos ordinateur par les sites WEB
    • Les dons politiques ou les cotisations syndicales
    • Les photos ou vidéos postées sur les réseaux sociaux
    • Les tatouages
    • Taille des vêtements
    • Les correspondances numériques
    • Les actes de propriété
    • Résultat à des tests (connaissance, QI, compétences, notes scolaires,)

Il existe de plus des catégories particulières de données personnelles jugées suprasensibles. Il s’agit de celles qui relèvent :

  • de l’origine raciale ou ethnique,
  • des opinions politiques,
  • des convictions religieuses ou philosophiques
  • de l’appartenance syndicale,
  • des données génétiques,
  • des données biométriques permettant d’identifier une personne physique de manière unique
  • des données concernant la santé,
  • des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne

La collecte de ses données suprasensibles est en générale interdite sauf :

  • pour leur propres membres pour les associations politiques, philosophique, syndicales ou religieuses et dans la stricte limite de leur nécessité
  • si la personne à qui appartiennent ces données, a donné un consentement explicite concernant ce type de donnée suprasensible et pour des finalités spécifiques
  • si le traitement porte sur des données à caractère personnel qui sont manifestement rendues publiques par la personne concernée (difficile par exemple pour le chef d’un parti politique de soutenir que ses convictions politiques doivent être gardées confidentielles)
  • le traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public important ou à des fins de médecine (préventive ou du travail), de l’appréciation de la capacité de travail d’une personne, de diagnostics médicaux, de prise en charge sanitaire ou sociale, ou de la gestion des systèmes et des services de soins de santé ou de protection sociale
  • pour des traitement statistiques ou de recherche après anonymisation c’est à dire à partir du moment où on ne peut plus les rattachez à une personne physique.

Enfin, la collecte et le traitement des données personnelles relatives aux condamnations pénales et aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne peuvent être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique

Il existe donc deux types d’identification :

  • l’identification directe (nom et prénom),
  • l’identification indirecte (numéro de téléphones, numéro de sécurité sociale, une adresse postale ou courriel, etc.).

ATTENTION :

Pour autant le RGPD n’interdit pas la collecte ou le traitement des données personnelles des européens.

Il précise le cadre de la collecte et des traitements

  • en limite la durée de conservation

  • instaure une responsabilité de leur protection au collecteurs

  • donne des droits aux individus sur la connaissance des données collectées et leur utilisation

2.2      Quand la collecte et le traitement des données sont-ils autorisés ?

Le traitement des données personnelles est licite dés qu’au moins une des conditions suivantes est remplie :

  1. la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques qui lui ont été communiquées ;
    1. Par exemple j’accepte des cookies en allant sur un site Web pour ceux strictement nécessaires au fonctionnement du site mais je refuse ceux destinés à mieux cibler des publicités
    1. J’accepte que ma localisation GPS soit utilisée par mon téléphone portable pour m’aider à trouver un restaurant.  Mais si l’application utilise cette même localisation pour me faire parvenir des publicités sur des pizzas car elle a détecté que je me suis garé 3 fois dans le dernier mois à proximité d’une pizzeria, et ce sans demander mon consentement pour l’utilisation à cette fin explicite de ma position, alors l’utilisation de ces données devient illicite.
  2. le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci;
    1. Par exemple j’accepte de transmettre mes relevés bancaires et mes feuilles de salaire à un courtier en vue qu’il analyse ma solvabilité pour la recherche d’un prêt
  3. le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ;
    1. Par exemple pour la réalisation de placements, au-dessus d’un certain montant votre conseiller financier est dans l’obligation de vous demander de justifier de l’origine des fonds dans le cadre de son obligation légale de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
  4. le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne physique ;
    1. par exemple un médecin demandant vos antécédents de santé et ceux de vos parents avant de vous prescrire un traitement
  5. le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement ;
    1. Par exemple toutes les données qui vous sont demandées lors des enquêtes pour le recensement de la population
  6. le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant.
    1. Par exemple je dois saisir mes noms et adresses pour pouvoir être livré lors d’une commande en ligne

Comme on peut le comprendre d’après ce qui précède, la collecte et le traitement des données personnelle doit avoir un objectif déterminé et connu de la personne à qui ces données appartiennent.

Ainsi une entreprise qui collecterait des informations personnelles sans définir précisément pourquoi elles lui sont nécessaires ou comment elles seront utilisées seraient en infraction avec le RGPD.

De même si l’entreprise modifie les finalités de sa collecte sans en informer et demander le consentement aux personnes physiques ou si elle réalise des traitements d’une nature autre que ceux dont elle les a. informé (sauf si elle peut démontrer que ce nouveau traitement est compatible avec les finalités initiales) alors elle est aussi dans l’illégalité.

Les sanctions peuvent alors être très lourdes : amende pouvant aller jusqu’à la plus grande des deux valeurs suivantes : 20 M€  ou 4% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.

Le règlement prévoit qu’il faille avoir au minimum 16 ans pour pouvoir donner son consentement (mais laisse la possibilité aux états membres de décider un âge de consentement pouvant descendre jusqu’à 13 ans). En dessous de cet âge, c’est au détenteur de l’autorité parentale de donner son consentement pour l’enfant. Tous les sites qui permettent de saisir des données personnelles comme le nom, prénom, adresse de la personne, sans se préoccuper de l’âge de la personne qui rempli ces champs sont donc dans l’illégalité

Enfin, il est important de rappeler qu’une personne ayant donné son consentement peut tout à fait le retirer quelques temps après (les traitements effectués avant le retrait de son consentement restant tout à fait légaux).

3       Les obligations des collecteurs de données

Il ne suffit pas que la collecte et le traitement soit licite, l’entreprise qui a récupéré ces données est soumise à de nombreuses obligation.

Elle doit entre-autres :

  • s’assure que les données restent exactes dans le temps (il faut donc qu’elle est une procédure de d’effacement ou de mise à jour régulière)
  • limiter leur conservation à une durée strictement nécessaire à la finalité ayant justifiée leur collecte
  • protéger ces données contre leur perte, leur vol, leur destruction ou leur utilisations pour d’autres traitement que ceux clairement identifiés
  • maintenir une documentation détaillée des finalités de collecte et de traitement des données qui doit à minima indiquer :
    • les parties prenantes (représentant, sous-traitants, co-responsables, etc.) qui interviennent dans le traitement des données,
    • les catégories de données traitées,
    • à quoi servent ces données (la finalité du traitement),
    • qui accède aux données et à qui elles sont communiquées,
    • combien de temps elles sont conservées,
    • comment elles sont sécurisées.
  • conserver la trace du consentement des personnes physiques quant à la collecte et aux traitements de leurs données personnelles
  • être en mesure, à destination des autorités et des personnes dont les données ont été collectées, les informations suivantes
    • De communiquer le nom et les coordonnées de la personne chargée du traitement des données
    • D’indiquer
      • La finalité des traitements concernant ses données personnelles
      • A qui ces données ont-elles ou peuvent-elles, même partiellement être transmise (par exemple pour l’exécution d’une commande via internet, la plateforme en ligne doit transmettre au fournisseur et au livreur l’adresse à laquelle le bien doit être livré)
      • La durée de conservation potentielle de ses données
    • De corriger, sur demande, ces données si elles sont erronées
    • D’indiquer de qui elle détient ces informations si ce n’est pas la personne physique elle-même qui les a transmis (par exemple un notaire doit être en mesure d’indiquer les coordonnées de l’agent immobilier qui lui a transmis des informations pour l’établissement d’un compromis de vente ainsi que les informations transmises et la raison de la transmission de chaque information. Ainsi si l’agent immobilier à communiqué au notaire des informations sur l’état de santé d’un des acquéreurs sans en avoir demandé préalablement l’autorisation écrite à cette personne, il y aura certainement violation du RGPD)
  • Limiter la collectes aux données strictement nécessaires aux traitement envisagées
  • Être en mesure d’effacer des données personnelles si la personne ne consent plus à la collecte ou au traitement de ces données (sauf cas de conservation obligatoire de ces données)
    • Cela peut s’avérer tres difficile dans la pratique, car il faut par exemple pour des données transmises par mail être en mesure de supprimer tous les mails des boites de l’ensemble des destinataires initiaux et des éventuels transferts, des toutes les sauvegardes du système d’information de l’entreprise et transférer la demande à tous les sous-traitant ou fournisseurs à qui ces données ont été transmises. Le règlement prévoit donc un effacement « à moins que cela ne se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés ».
    • La loi peut aussi imposer un délai minimal de conservation des données. Par exemple un conseiller financier est tenu de conserver les informations communiquées par son client pendant tous le temps que dure entre eux la relation d’affaire et encore cette 5 années apres la fin de cette relation même si son client lui demande de les supprimer dés la fin de la relation.
  • Être en mesure de démontrer que les traitements sont effectués conformément au RGPD et uniquement aux fins des finalités communiquées et que les mesures adéquates de protection des données ont été mises en œuvre et régulièrement mises à jour tant au niveau des mesures techniques que des mesures organisationnelles.
  • >Être en mesure de démontrer que si elle utilise des sous-traitant pour la collecte ou le traitement des données personnelles, elle s’est assurée que ce sous-traitant présente des garanties suffisantes quant à la mise en œuvre des mesures nécessaires au respect du RGPD et que ce derniers n’utilise ces données que pour les finalités déterminées et communiquées par l’entreprise donneuse d’ordres. Tous cela étant stipulé dans un contrat écrit entre le sous-traitant et le donneur d’ordre.
  • Prévenir les autorités de contrôle (à minima la CNIL en France) et les personnes physiques concernées en cas de violation des données personnelles en précisant la nature des données compromises et les conséquences probables de cette violation. L’entreprise colleteuse doit également décrire les mesures prises ou à prendre pour remédier à ce sinistre et pour en atténuer les éventuelles conséquences négatives.

3.1      Une mesure supplémentaire : L’Analyse d’impact (article 35 du RGPD)

Lorsqu’un type de traitement est susceptible d’engendrer un risque particulièrement élevé pour les droits et libertés des personnes physiques, les collecteurs de données doivent systématiquement effectuer une analyse d’impact.

Un « risque sur la vie privée » est la possibilité que survienne un évènement portant atteinte à la confidentialité, la disponibilité ou l’intégrité des données, qui pourrait avoir des impacts (avérés ou non) sur les droits et libertés des personnes (comme : usurpation d’identité, vol de photos personnelles, blocage des cartes bancaires, harcèlement commercial téléphonique après le vol d’un fichier client, harcèlement morale,etc…).

En France, la CNIL a établi une liste de traitements devant obligatoirement faire l’objet d’une telle analyse d’impact. Parmi ceux-ci on retrouve

  • Les traitements de données de santé (étrangement sauf celles liées à la prise en charge d’un patient par un professionnel de santé exerçant à titre individuel. Ce qui est à notre avis une grave lacune car les données sont souvent bien moins protégées dans des petites structures qui n’ont pas de personnels dédiés à cette protection que dans des grandes structures)
  • Les traitements portant sur des données génétiques de personnes dites « vulnérables » (patients, employés, enfants, etc.),
  • Les traitements établissant des profils de personnes physiques à des fins de gestion des ressources humaines
  • Les traitements ayant pour finalité de surveiller de manière constante l’activité d’employés
  • Les traitements de données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique
  • Les traitements des demandes et gestion des logements sociaux

Cette analyse d’impact doit au moins inclure :

  • une description systématique des opérations de traitement envisagées précisant entre autres leur finalités et l’intérêt pour le collecteur
  • une évaluation des risques pour les droits et libertés des personnes concernées
  • le degré de vraisemblance ou la probabilité qu’un tel risque soit avéré
  • et enfin c’est le point le plus important, « les mesures envisagées pour faire face aux risques, y compris les garanties, mesures et mécanismes de sécurité visant à assurer la protection des données à caractère personnel et à apporter la preuve du respect du présent règlement ».

Il peut y avoir un écart important entre les mesures effectivement mises en place et le niveau de gravité du risque s’il survient, mais si une analyse est mal réalisée ou si les mesures prévues n’ont pas été mises en place, alors le consommateur pourra se retourner contre le collecteur de données qui a été négligeant ou défaillant.

4       Les droits des personnes physiques

Les personnes physiques ont le droit:

  • De demander la consultations, la rectification ou l’effacement (sauf dans ce dernier cas, obligation de conservation des données par le collecteur) de leurs données personnelles
  • De supprimer leur consentement à l’utilisation futures de ses données personnelles et en particulier pour des traitements à des fins de prospection,
  • De savoir si ces données personnelles vont être utilisées par un algorithme de décision automatisé (voir paragraphe suivant)
  • De demander que ses données personnelles soient transmises à une autre entreprise (on parle de portabilité) lorsque
    • la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ;
    • ou que le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci;
    • ET que le traitement est effectué à l’aide de procédés automatisés (ce qui limite souvent cette portabilité, car il suffit d’une intervention humaine dans le process du traitement pour cette condition tombe).
  • d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle, en particulier dans l’État membre dans lequel se trouve sa résidence habituelle, son lieu de travail ou le lieu où la violation aurait été commise, si elle considère que le traitement de données à caractère personnel la concernant constitue une violation du RGPD. Elle peut également former un recourt judiciaire contre l’entreprise ou le responsable des traitements qui aurait d’après elle violer le RGPD.

Enfin et surtout, toute personne ayant subi un dommage matériel ou moral du fait d’une violation du RGPD a le droit d’obtenir du responsable du traitement ou du sous-traitant, réparation du préjudice subi, s’il est prouvé que le fait qui a provoqué le dommage leur est imputable ou qu’il n’a pas mis en place les diligences nécessaires pour l’en empêcher si cela était dans ces capacités.

5       Les traitements automatisés

Les articles 12 à 15 du RGPD imposent d’une manière générale, qu’une information claire sur les données collectées et les traitements opérés, soient transmises aux personnes physiques concernées.

L’article 22 garantit en plus, mais malheureusement sous certaines conditions seulement, un droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, lorsque cette décision produit des effets juridiques ou significatifs.

En France, l’article 47 de la loi informatique et liberté stipule que « Qu’aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d’une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de la personnalité de cette personne. », ce qui laisse tout de même un boulevard à certaine automatisation du moment qu’elles ne concernent pas la personnalité du justiciable.

Le même article permet également sous condition de respect de l’article 22 d’automatiser des décisions administratives mais pas la demande de recourt contre ces décisions.

Cependant, cet article 22 reste ambigu : il ne s’applique qu’aux décisions exclusivement automatisées. En pratique, l’ajout d’un contrôle humain superficiel peut suffire à échapper à l’obligation, affaiblissant la protection effective.

Par exemple un outils informatique qui classe automatiquement le demandeur dans des catégories ou donne une recommandation, partir des données qu’on lui a fourni et laisse ensuite le banquier décider s’il accorde ou non le prêt ne sera pas concerné par l’article 22 (sauf à réussir à démontrer que l’intervention humaine du banquier n’est que symbolique), alors que celui qui donne directement la réponse « accord » ou « refus » rentrera pleinement dans le cadre de cet article.

De plus, ce droit est très limité. Il ne s’applique pas si la décision automatique est nécessaire à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat entre la personne concernée et le responsable du traitement ou si la personne physique y a préalablement donné son accord ;

Par exemple si votre banquier utilise un algorithme de profilage automatique lui permettant de savoir s’il peut ou non vous accorder un prêt d’une part ; cet algorithme peut être jugé « nécessaire » à la conclusion du contrat de prêt. Et même si ce n’était pas le cas, le banquier pourra vous refuser le prêt parce que vous n’aurez pas donné au préalable votre accord à ce profilage automatisé.

Seul recourt, alors, si le traitement automatisé n’a pas donnée satisfaction à la personne physique, demander une intervention humaine et contester la décision.

Mais il y a fort à parier que la personne que vous aurez en face de vous, tout humaine qu’elle soit, ne soit pas en mesure de déterminer les raisons pour lesquelles l’algorithme vous aura éconduit. Elle se contentera de vous dire que c’est le résultat du scoring réalisé automatiquement mais qu’elle ne connait pas le détail de son fonctionnement.

Vous pourrez, maintenant que vous connaissez vos droits, aller un cran plus loin en exigeant qu’elle vous communique le nom du responsable des traitements de son entreprise.

Mais il y a peu de chance que ce dernier soit en mesure d’aller beaucoup plus loin dans ses explications. En effet avec les progrès de l’intelligence artificielle et le deep learning, plus aucun être humain n’est en mesure d’expliquer le raisonnement réalisé par la machine pour arriver à sa conclusion.

En reprenant un exemple du livre Nexus, l’AI aura pu être entrainée sur des milliers de dossiers de prêts dont certains ont été totalement remboursés et d’autres ont rencontrés des incidents de paiements. Les données d’entrainement auront peut-être pris en compte des données directement liées à la demande de prêt comme le montant du prêt, et les revenus du demandeur mais aussi le fait que la demande de prêt a été faite physiquement à la banque, ou en ligne et dans ce cas à quelle heure , depuis un PC ou un Mac, avec chrome, Firefox ou opéra, que sur les relevés de compte du demandeur il y avait des paiements sur des sites de jeux en lignes, etc…

Et si dans le jeux de données d’apprentissage une proportion importante d’individus ayant fait leur demande depuis un Mac, entre 22h et 23h, en utilisant Firefox et faisant des paris en ligne sur Betclic ont eu des incidents de remboursement de pret, l’IA pourra peut-être décider de vous refuser votre prêt même si votre dossier est par ailleurs en béton armé car vous aurez eu le malheur de répondre aussi à ces quatre critères. Comme cela dépendra dans la pratique de faibles variations de coefficients numériques sur des milliers de neurones artificielles de l’IA, personne ne sera en mesure d’expliquer que ce sont ces 4 éléments mis ensembles qui ont conduit au refus de votre dossier.

De plus, contrairement à certaines interprétations initiales, le RGPD ne garantit pas expressément un droit à une explication technique des algorithmes.

La jurisprudence et les lignes directrices, notamment celles du CEPD (Comité Européen de protection des données), ont alors tenté d’enrichir ce droit, mais il reste limité.

Notamment, le CEPD précise que terme «droit» dans la phrase « droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé » ne signifie pas que l’article 22,  ne s’applique que lorsqu’il est activement invoqué par la personne concernée mais qu’il établit plutôt, une interdiction générale de prendre des décisions fondées exclusivement sur un traitement automatisé.

Cette interdiction s’applique que la personne concernée prenne ou non une mesure concernant le traitement de ses données à caractère personnel sauf si la décision automatique est « nécessaire » à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat ou si la personne physique y a préalablement donné son accord. Cet article 22 doit donc plutôt être vu comme une interdiction générales des traitements entièrement automatisés sauf cas particuliers déjà exposés ci-dessus.

Précédemment dans ce paragraphe, nous avons indiqué à titre d’exemple qu’un banquier pourrait estimer comme étant « nécessaire » le recourt à un traitement automatisé pour décider de l’attribution ou non d’un prêt à un client.

Toute la difficulté vient dans l’estimation de ce qui est nécessaire ou non.

Dans un guide publié en 2017, le CEPD indique que le principe de nécessité suppose le besoin de procéder à une évaluation de l’efficacité de la mesure mais aussi de déterminer si cette mesure est moins intrusive par rapport aux autres moyens de réaliser le même objectif.

Ainsi, un traitement, aussi utile et pertinent soit-il, ne signifie pas pour autant qu’il soit « efficace ou nécessaire » au sens du RGPD. En effet, le traitement choisi doit également, d’après le CEPD, être moins intrusif et moins privatif de droits que les autres options permettant d’atteindre le même objectif.

En d’autres termes dans l’exemple ci-dessus, ce serait à la banque de prouver que le profilage automatisé est essentiel au fonctionnement de ses service et qu’il n’existe pas d’autre moyen (à cause par exemple du trop grand nombres de dossiers à traiter) que cette automatisation.

6       Conclusions

Avec le RGPD, l’UE à fait un premier pas important dans la protection des données personnelles des européens.

Cependant les progrès très rapide de l’IA rendent déjà incomplètes les règles édictées.

Un IA peut déjà par exemple aller faire de la reconnaissance faciale à partir d’images accessibles depuis le WEB sur des webcam placées dans des lieux publiques ou des images postées sur les réseaux sociaux afin de déterminer des comportement d’individus sans que ceux-ci ne sachent que ces données ont été collectées et aient fait l’objet de traitement automatisés.

L’automatisation des traitements des comportements sur les réseaux sociaux a déjà conduit à de graves répercussions (par exemple les exactions contre les Rohingya en Birmanie en 2017 décortiqué par le rapport d’Amnesty International de 2022). Dans ce cas, le fait d’avoir demander à une IA d’augmenter le temps de connexion moyen à un réseau social, a conduit rapidement cette dernière à mettre les articles qui génèrent le plus de temps de lecture ou le plus de réactions en avant, et ces articles étaient souvent les articles les plus haineux ou les plus polémiques ce qui a augmenté les tentions entre les communautés et conduits certains individus à des passages à l’acte agressifs.

L’intelligence artificielle, n’a pas de conscience, elle a juste l’intelligence de faire ce qu’on lui demande, même si on constate que l’être humain n’est déjà plus en mesure de savoir comment elle atteint son but, ni quels pourront en être les effet collatéraux.

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, 0 commentaire
Comment aider efficacement son enfant à acquérir sa résidence principale

Comment aider efficacement son enfant à acquérir sa résidence principale

1       Introduction

Lorsque son enfant fait ses études ou démarre dans la vie professionnelle. Il est tentant pour les parents de vouloir l’aider à s’installer en participant à l’acquisition de sa première résidence principale.

Les premières solutions qui viennent à l’esprit (si les parents en ont les moyens) sont soit d’acheter un appartement que les parents mettront à sa disposions (gratuitement ou contre un loyer modique) soit de lui donner une somme d’argent pour lui permettre de réaliser son acquisition, soit de lui transmettre par donation un bien détenu par les parents

Ces trois solutions sont présentées ci-dessous avec leur avantages et inconvénients (au titre des inconvénients on peut citer par exemple la rupture d’égalité entre les enfants, les couts d’une donation en pleine propriété, …).

Il existe cependant d’autre solutions qui peuvent selon les cas être plus avantageuses.

2  Présentation de différentes solutions

2.1  SOLUTION 1 : Donation de somme d’argent

2.1.1   Principe

Les parents donnent une somme d’argent en profitant des abattements encore disponibles (100 000€ par parent 779 CGI) et des dons manuels dans le cadre du 790G (31 865€ par parent de moins de 80 ans et enfant de plus de 18 ans).

Rappelons également l’abattement supplémentaire pour achat immobilier neuf u en VEFA, instauré par la loi de finance pour 2025 prévoyant une nouvelle rédaction de l’article 790 A bis du CGI.

Ce nouvel abattement s’applique aux donations de sommes d’argent affectées :

  • à l’acquisition d’un immeuble neuf ou à une Vente En Etat Futur d’Achèvement qui sera occupé ou mis en location par le donataire à titre de résidence principale pendant une durée minimale de 5 années. Attention, en cas de location, le contrat de bail ne peut pas être conclu avec un membre du foyer fiscal du donataire
  • A des travaux de rénovation énergétique éligibles à la prime de transition énergétique dans la résidence principale du donataire dont il doit être propriétaire et qu’il doit conserver comme résidence principale pendant les 5 ans qui suivent l’achèvement des travaux. I
    • Attention : L’abattement est remis en cause si les travaux ont bénéficié des réduction d’impôts pour aide à domicile (199 sexdecies) ou à bénéficié de la prime de transition énergétique prévu au II de l’art 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019.

Cet abattement est valable pour les donation enregistrée du 15/02/2025 jusqu’au 31/12/2026.

La donation doit être faite en pleine propriété

L’acquisition doit avoir lieu dans les 6 mois de la donation

La donation peut être faite à un enfant, petit enfant et même arrière petit-enfant ou en l’absence d’une telle descendance à un neveu ou nièce

Le montant de cet abattement supplémentaire est soumis à la double limite de 100 000€ par donateur ET de 300 000€ par donataire (Il peut donc par exemple être transmis 100 000e par deux grands parents et 100 000e en commun par les parents à un même enfant)

En cumulant ces trois abattements, chaque parent pourrait transmettre 100 000e (779 CGI) + 100 000€ (790 A bis) + 31 865e (790 G du CGI) soit 231 865€ par parent ce qui correspond à 463 730e pour un couple et il resterait encore 100 000€ qui pourraient être transmis par les grands parents ou arrière grands parents

L’enfant utilise ensuite cette somme d’argent pour faire l’acquisition de l’appartement  .

Plusieurs sous cas peuvent être envisagés

Cas 1 :

Donation de la totalité du cout d’acquisition de l’appartement à l’enfant

Cas 2 :

Les parents font une donation à leur enfant pour l’acquisition de la nue-propriété

Puis ils font eux même l’acquisition de l’usufruit de l’appartement.

Attention 1 :  Rien dans la rédaction de l’art 790 A Bis ne semble s’opposer à ce que la somme d’argent reçue en pleine propriété soit utilisée pour l’acquisition dans le neuf de la seule nue-propriété de la future résidence principale du donataire. La doctrine fiscale ne s’est pas encore prononcée sur ce point. Une demande de rescrit fiscal ou l’attente de la publication de la doctrine fiscale sur ce point, nous semble cependant souhaitable avant de ce lancer dans la combinaison donation 790 A Bis et acquisition en nue-propriété.

Attention 2 : Là aussi, la preuve doit être apporté que la donation a été antérieure à l’acquisition et que l’argent est bien passé par le compte bancaire de l’enfant qui a lui acheté la nue-propriété (la preuve du paiement effectif peut être apportée notamment à partir des extraits de comptes bancaires de l’enfant et de la comptabilité du notaire, afin de montrer que l’opération de démembrement est dépourvue de tout caractère gratuit)

Cas 3 :

Les parents font une donation d’une partie du coût d’acquisition de l’appartement

Puis ils font un prêt familial pour permettre à l’enfant d’acquérir le reste de la Pleine propriété de l’appartement

2.1.1.1  Avantages

  • Avec le recourt, en complément de la donation, prêt familiale, l’enfant n’a pas à solliciter un emprunt auprès des banques auquel il ne pourrait peut-être pas avoir droit (minorité, insuffisance de ressources, etc…)
  • Dans les cas 1 et 3, l’appartement appartient à l’enfant, il ne rentre pas dans le patrimoine des parents et n’est donc pas pris en compte pour leur IFI
  • La donation de somme d’argent peut se faire par un simple cerfa enregistré par le donataire au centre des impôts de son domicile, on évite donc une partie des émoluments du notaire en cas de donation classique. Mais comme mentionné plus haut il faudra être en mesure de prouver que la donation a bien été réelle (transfert des fonds du parent à l’enfant) et que c’est l’enfant qui a payé la nu propriété (comptabilité du notaire)
  • L’enfant n’a dans la pratique aucun frais (le coût de la donation, s’il y a des frais en cas de dépassement des abattements, peut être supporté par le ou les donateurs)
  • En cas de prêt familial, dans les cas 1 et 2, Il n’y a pas d’emprunt bancaire à rembourser, les capacités d’endettement futures de l’enfant ne sont donc pas impactées
  • Il n’y a pas rupture à proprement parler de l’égalité entre les héritiers (sauf si la donation est stipulée faite sur la quotité disponible) car la donation devra être rapportée au jour de la succession des parents. Attention cependant s’il n’y a pas une donation-partage (même inégalitaire) qui doit, elle être passée devant notaire, l’enfant donataire devra rapporter à la succession de ses parents la valeur de l’appartement au jour du décès de ses parents (dans l’état où il était au jour de son acquisition car réemploi de la somme d’argent, donc sans la plus-value éventuelle apportée par des travaux qu’il aurait effectués). Ainsi si le secteur prend beaucoup de plus-value pendant la vie des parents, l’enfant devra rapporter une somme plus importante que celle qu’il aura reçue (c’est là qu’il peut y avoir une rupture d’égalité)
  • Le cas 2 permet de diminuer la consommation des abattements pour donation si les parents sont âgés tout en leur permettant d’avoir un loyer en complément de revenus (soit s’ils font payer un loyer à leur enfant soit s’ils relouent l’appartement au départ de l’enfant (apres 5 ans dans le cadre du790 A bis)). S’ils envisagent d’héberger leur enfant à titre gratuit sur une longue période, cette solution n’a d’intérêt que s’ils souhaitent avantager cet enfant vis-à-vis des autres (avec les risques de requalification qui vont avec comme mentionnés dans les chapitres précédents)
  • Le cas 3 parait être le plus intéressant. En effet
    • il permet de minimiser le montant des mensualités qu’aura à payer l’enfant ;
    • tout en lui permettant de se constituer un capital,
    • en ne rompant pas l’égalité entre les héritiers,
    • en diminuant l’impact sur l’utilisation des abattements,
    • en ne se dessaisissant définitivement que d’une partie des sommes nécessaires à l’acquisition de l’appartement,
    • en ne mettant pas le bien dans l’IFI des parents,
    • et en permettant de plus aux parents d’avoir un revenu complémentaire non imposable (sauf la part des intérêts) grâce au mensualités de remboursement du prêt familial.

2.1.1.2   Inconvénients

  • Si le prêt est assorti d’intérêts, le débiteur doit indiquer le montant des intérêts versés sous forme d’un IFU (formulaire 2561) chaque année avant le 15 février et le créancier doit de son côté les déclarer sur sa feuille d’impôts car il sera taxé dessus.
  • Les abattements sur les successions sont entamés même si c’est dans une moindre mesure dans les cas 2 et 3
  • Dans le cas 2, l’appartement rentre dans l’IFI des parents (mais le nue-propriétaire étant considéré comme le « propriétaire du bien » on rentre bien dans le cadre du 790 A Bis à notre avis)
  • Il n’est pas possible pour les parents de recourir à l’emprunt dans ce cas. Il faut donc que les parents possèdent suffisamment de liquidités pour payer l’acquisition (ou compléter l’acquisition si l’enfant et en mesure de la financer en partie).
  • Les parents se dessaisissent irrévocablement d’une partie de leur patrimoine qui pourra leur faire défaut pour leurs vieux jours,
  • Dans le cas 3, même inconvénients que dans le chapitre « Solution 1 : Prêt Familial » en cas de décès d’une des partes avant le remboursement complet du prêt familial.
  • Dans le cas 3, les capacités d’emprunt futures de l’enfant sont impactées mais dans une moindre mesure que dans la solution avec un prêt familial sur la totalité du cout d’acquisition.

.2.2  Solution 2 : Prêt Familial

2.2.1 Principe

Les parents prêtent de l’argent à leur enfant qui rembourse le prêt sur une durée déterminée fixée par les parties.

Le prêt peut porter sur la totalité du cout d’acquisition, ou être un complément du financement (au comptant ou à crédit) réalisé par l’enfant. Il est à noter que les banques considèrent le prêt familial comme un apport personnel mais prennent en compte les mensualités dans le calcul du taux d’endettement.

Le prêt doit être déclaré au centre des impôts : CERFA 2062 (l’absence de déclaration initiale ou périodique est soumise à une pénalité de 150€ (1729b du CGI) et des peines pénales prévues au 1741 du code des impôts (5 ans d’emprisonnement et amende de 500 000€ et privation des droits civiques).

Pour donner au prêt une date certaine il peut soit être rédigé devant notaire (qui se charge alors de la déclaration 2062 . cout : 75€+ émolument proportionnel au montant du prêt (276.365€ +(montant du prêt -60000)*0.271% + TVA soit pour un prêt de 200 000€ => 861€  cf Article A444-143 code du commerce) soit être enregistré au centre des impôts( cout : 125€).

Un modèle de contrat de prêt (ou reconnaissance de dette) entre particulier est donné sur le site du service public  à https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R38209

Il est important de conserver la preuve des remboursements pour éviter tout litige avec l’administration fiscale au moment du décès des parents. Cela permet aussi de calculer précisément le capital restant dû au moment de l’éventuel décès du préteur avant le remboursement complet, car ce capital sera inclus dans sa masse successorale.

2.2.1.1      Avantages

  • L’enfant n’a pas à recourir à un emprunt auprès des banques auxquels il ne pourrait peut-être pas avoir droit (minorité, insuffisance de ressources, etc…)
  • L’appartement ne rentre pas dans le patrimoine des parents et n’est donc pas pris en compte pour l’IFI
  • Les abattements sur les successions ne sont pas entamés
  • Il n’y a pas de rupture d’équilibre entre les enfants
  • Il est possible de prévoir un prêt sans intérêt (il suffit de cocher la case « Prêt à titre gratuit » dans le modèle donné sur le site des impôts (cf. plus haut). Attention : une durée longue très au-delà de l’espérance de vie du préteur et de surcroit sans intérêt amènera le fisc à y voir une donation déguisée.
  • Les mensualités de remboursement peuvent constituer un complément de revenu pour les parents (et éventuellement protéger plus particulièrement l’un des conjoints avec peu de ressource en cas de prédécès du conjoint qui en a la plus)
  • Pour protéger les parents, le contrat de prêt peut prévoir des clauses de remboursement anticipé du prêt en cas de revente du bien immobilier par l’enfant ou de remploi dans l’acquisition d’un autre bien. Dans le cas d’un prêt sans intérêt, il peut y avoir une clause d’indexation des mensualités (surtout intéressant pour protéger un conjoint survivant ayant peu de revenus)
  • Si l’espérance de vie des parents le permet, il peut être envisager un prêt In fine (le remboursement se fera par exemple au moment de la vente de l’appartement) ou un prêt avec un différé de remboursement à frais zéro permettant
    • Soit à l’enfant de finir ses études, soit de retrouver un niveau de ressources suffisant pour rembourser les mensualités
    • Soit si l’enfant a fait un prêt pour le financement d’une partie de l’acquisition, d’attendre la fin du remboursement des prêts bancaires pour le remboursement du prêt familial, ce qui a pour effet d’augmenter la capacité d’emprunt auprès des banques (lissage du taux d’endettement sur une très longue durée)
    • Attention toutefois, en cas de décès prématuré des créanciers (les parents) on se retrouve dans les cas mentionnés plus bas dans la rubrique « inconvénient » notamment sur le cas d’un prêt infine remboursé au moment de la succession si le décès intervient pendant la période de différé.
  • Si l’enfant vient à quitter l’appartement, il peut le mettre en location pour percevoir un loyer qui l’aidera à rembourser le reste de l’emprunt consenti par ses parents.

2.2.1.2      Inconvénients

  • Si le prêt est assorti d’intérêts, le débiteur(l’enfant) doit indiquer le montant des intérêts versés sous forme d’un IFU (formulaire 2561) chaque année avant le 15 février et le créancier (les parents) doit, de son côté, les déclarer sur sa feuille d’impôts car il sera taxé dessus.
  • Il n’est pas possible pour les parents de recourir à l’emprunt dans ce cas. Il faut donc que les parents possèdent suffisamment de liquidités pour payer l’acquisition (ou compléter l’acquisition si l’enfant et en mesure de la financer en partie).
  • Si l’enfant n’a pas ou a peu de ressources, le remboursement du prêt peut être impossible dans la pratique. Le prêt sera requalifié en donation déguisée (il en va de même si l’enfant ne respecte pas les obligations de remboursement du contrat, par exemple paiement pendant quelques années puis arrêts des remboursements), ou il faut prévoir un différé suffisamment long (donc une espérance de vie importante des parents) pour que l’enfant puisse commencer à gagner sa vie.
  • SI décès de l’enfant débiteur
    • Ce sont ses héritiers qui sont débiteurs de la dette.
    • Si le seul héritier est un enfant mineur ou un enfant majeur sans ressource cela peut poser des problèmes.
      • Il faudrait idéalement que le débiteur prenne une assurance décès couvrant le montant du prêt ce qui engendre des frais supplémentaires, ou que le prêt prévoit une hypothèque (là aussi des frais supplémentaires et obligation de passer devant notaire). L’avantage de l’assurance décès par rapport à l’hypothèque, est que l’enfant débiteur peut décider d’arrêter de la payer cette assurance une fois que ses propres enfants seront en mesure de faire face au paiement des mensualités s’il venait à être lui-même incapable de rembourser (Décès, invalidité,).
      • S’il n’y a pas d’autre patrimoine, et qu’une faible partie du capital a été remboursé avant le décès du débiteur, ses enfants pourraient aussi (avec approbation du juge des tutelles s’ils sont mineurs) renoncer à la succession. Ainsi les parents préteurs se retrouveraient de fait, remboursés car ils deviendraient héritiers de leur enfant débiteur ; ce qui conduirait à un effacement de la dette en ayant la double qualité d’héritiers et de débiteurs.
    • S’il a un conjoint et ou des enfants majeurs avec des ressources
      • Pas de problème majeur. Les héritiers s’ils en ont les moyens pourront décider de continuer à payer les mensualités ou sinon de vendre l’appartement.
  • SI décès de l’un des créanciers
    • Le capital non remboursé est un actif de succession (et rentre donc dans le calcul de la masse successorale=> il est taxé et rentre dans le montant des sommes et biens à partager)
    • L’art 864 du code civil prévoit que l’enfant débiteur est alloti de la créance qui s’éteint de fait si sa part dans la masse successorale est supérieure au capital restant dû. En revanche si sa part dans la masse successorale n’est pas suffisante il doit le solde dans les conditions du prêt initial. En résumé, si le parent préteur décède rapidement avant qu’une partie significative du capital ait été remboursée, on se retrouve à peu près dans les conditions d’une donation de somme d’argent. Si le décès intervient lorsqu’une partie significative du prêt a été remboursé, le dispositif rempli son office, entre les deux….
    • On peut envisager un prêt In Fine, qui ne soit remboursable qu’au moment de la succession mais cela revient à faire une donation de la somme d’argent à son enfant et on perd l’avantage potentiel de la reconstitution des abattements après 15 ans, des donations du 790G ou des possibilités offertes par le démembrent, donc pas intéressant
  • Montant des mensualités
    • Selon l’espérance de vie des prêteurs, les mensualités seront calculées pour que le prêt soit théoriquement remboursé avant l’âge théorique du dernier préteur. Cela peut conduire à des mensualités très élevées.
    • Mettre une durée trop longue pour le prêt par rapport à l’espérance de vie théorique des préteurs peut encourager l’administration à requalifier le prêt en donation ;
  • Le non-respect des conditions du prêt (paiement des intérêts, des mensualités, etc…) permet aussi à l’administration de requalifier le prêt en donation (d’où l’intérêt de conserver à la fois le contrat de prêt et les preuves des versements des mensualités).

2.3 Solution 3 : Achat de l’appartement par les parents et mise à disposition de l’appartement à l’enfant avec ou sans donation de la nue propriété.

2.3.1      Principe

Les parents acquièrent ou possèdent déjà un bien et le mette à disposition soit gratuitement soit en contrepartie d’un loyer à leur enfant.

L’acquisition peut se faire

  • Au comptant si les parents ont suffisamment de liquidité
  • A crédit (dans ce cas si l’hébergement se fait en contrepartie d’un loyer, les intérêts d’emprunts sont déductibles du montant des loyers perçus)
  • En VEFA ou à rénover pour bénéficier d’une réduction d’Impôt si et seulement si hébergement se fait en contrepartie d’un loyer (solution limitée depuis la fin du Pinel mais il reste encore le dispositif De Normandie et Malraux pour l’ancien et le crédit d’impôts Outre mer (CIOP) pour le neuf dans les DOM/COM)

Une variante de ce cas peut aussi être qu’après l’achat de l’appartement, les parents en fassent la donation en nue-propriété à leur enfant. Cette variante permet de diminuer les frais de succession

  • d’une part par le fait que l’article 669 du CGI diminue la valeur ainsi transmise par rapport à la pleine propriété en fonction de l’âge du donateur
  • et d’autre part par le fait que le donateur peut payer lui-même les frais de donation (qui de fait ne seront pas taxé au moment de sa succession).

Note : dans cette variante l’achat en VEFA n’est pas possible sauf à faire la donation de la nue-propriété après la fin des avantages fiscaux.

Une variante de cette variante consiste à interposer une SCI à l’IR. Ainsi au lieu de donner la nue-propriété de l’appartement directement, les parents donnent la nue-propriété des parts de la SCI à leur enfant. Les parents restent maitres à bord. Ils peuvent décider (en aménageant bien les statuts) de vendre cet appartement pour que la SCI en achète un autre sans avoir besoin du consentement de l’enfant. (ce qui peut être intéressant par exemple après la fin des études de leur enfant). Le cout de l’appartement peut même être légèrement sous-estimé (15 à 20%) pour diminuer encore un peu plus les droits de donation et la consommation des abattements pour mutation entre vifs.

2.3.2      Cas 1 : hébergement en contrepartie d’un loyer

2.3.2.1      Avantages

  • L’enfant n’a pas à recourir à un emprunt auprès des banques. Emprunt auquel il ne pourrait peut-être pas avoir droit (minorité, insuffisance de ressources, etc…)
  • Les parents gardent le bien dans leur patrimoine et donc le pouvoir dessus
  • Il n’y a pas de rupture d’égalité entre les héritiers si l’on n’est pas dans la variante avec donation de la nue-propriété.
  • Si les parents n’ont pas de liquidités pour financer l’acquisition de l’appartement, ils peuvent peut-être eux bénéficier d’un prêt auquel leur enfant n’a pas droit et les loyers perçus peuvent leur permettre d’équilibrer leur budge
  • Dans le cadre de la loi Pinel, si l’enfant n’est plus dans le foyer fiscal des parents, ceux-ci peuvent en plus bénéficier d’une réduction d’impôt en lui louant l’appartement.
    • A mon sens, comme d’une part les loyers sont imposés et que d’autre part si les loyers ne sont pas en corrélation avec le marché local, le fisc pourra également attaquer l’opération pour abus de droit, cela n’a d’intérêt que
      • soit si les parents sont soit obligés à recourir à l’emprunt pour faire l’acquisition de l’appartement
      • ou soit si les réductions d’impôts permettent dans le cas d’une acquisition au comptant d’effacer tout ou partie de l’imposition (IR + CSG) des revenus fonciers.

2.3.2.2      Inconvénients

  • L’appartement rentre dans le calcul de l’IFI
  • Il se retrouvera intégralement dans la succession des parents (donc droits à payer par les enfants)
  • L’enfant aura un loyer à payer, ce qui peut permettre d’enrichir les parents dans le cas d’une acquisition à crédit, mais pas l’enfant qui cherchait lui à ne pas avoir de loyer à payer. Certes les parents pourraient convenir d’un loyer dérisoire mais les autres héritiers se trouveraient alors en mesure d’attaquer pour donation déguisée (voir plus en détail le cas 2 sur ce point)
  • La solution n’est pas applicable à un enfant sans ressources
  • Les parents auront de l’impôt et de la CSG à payer sur les loyers perçus
  • L’enfant n’accroit pas son patrimoine (au contraire il s’appauvrit en versant des loyers)
  • Si l’on est dans la variante avec donation de la nue-propriété, il y a rupture de l’égalité entre les héritiers, pas tant sur la part donnée en nue-propriété (à moins qu’elle soit stipulée être faite sur la quotité disponible) que sur la part en usufruit. En effet la donation de la nue-propriété sera rapportée à la succession des parents. L’usufruit sera lui récupéré « gratuitement » par l’enfant, quoique que l’on pourrait considérer qu’en payant son loyer l’enfant rembourse en quelques sorte son usufruit (la rupture d’égalité sera d’autant plus flagrante que la durée de paiement des loyers par l’enfant sera faible soit à cause d’un décès prématurés des parents soit parce qu’il quitte le logement)

2.3.3      Cas 2 : Hébergement à titre gratuit

2.3.3.1      Avantages

  • L’enfant n’a pas à recourir à un emprunt auprès des banques auxquels il ne pourrait peut-être pas avoir droit (minorité, insuffisance de ressources, etc…)
  • Les parents gardent le bien dans leur patrimoine et donc le pouvoir dessus
  • Si les parents n’ont pas de liquidités pour financer l’acquisition de l’appartement, ils peuvent peut-être eux bénéficier d’un prêt auquel leur enfant n’a pas droit.
  • Pas de revenus donc pas d’imposition des revenus fonciers
  • La solution fonctionne pour un enfant avec peu ou pas de ressources

2.3.3.2      Inconvénients

  • L’appartement rentre dans le calcul de l’IFI
  • Il se retrouvera intégralement dans la succession des parents (donc droits à payer par les enfants)
  • L’enfant n’accroit pas son patrimoine mais au moins comparativement au cas 1, il ne s’appauvrit plus
  • Il y a rupture d’égalité entre les héritiers (sauf à ce que tous les enfants bénéficient un jour ou l’autre d’un hébergement gratuit dans des conditions de durée et de montant similaires ou reçoivent également un appartement en nue-propriété dans le cas de la variante proposée)
  • On est dans une situation d’insécurité juridique. Mais qui peut être combattue.
    • En effet les cohéritiers ou le fisc pourront arguer d’une donation déguisée ou indirecte notamment si le montant du gain par l’enfant va au-delà des obligations légales d’assistance des parents à leur enfant (art 371-2 du code civil) ou du devoir alimentaire (art 203 du CC) ou des frais expressément indiqués comme non rapportables (art 852 al 2 du code civil) ou encore s’il y a des éléments de preuves d’une intention libérale (testaments courriers, etc…)
    • Avant 2012, il n’y avait pas d’ambigüité, la jurisprudence considérait automatiquement que la mise à disposition d’un logement à titre gratuit constituait un avantage indirect rapportable, même en l’absence d’intention libérale établie (Cass. civ. 1re, 8 nov. 2005, n°03-­‐13890)
    • Mais depuis 3 arrêts rendus le 18 Janvier 2012, la première chambre civile considère maintenant, qu’à la fois l’existence de l’intention libérale et la preuve de cette intention libérale sont nécessaires pour qu’il y ait rapport à la succession. (Cass. civ. 1re, 18 janv. 2012, n°10-­‐25685., n°11 12863, n°10-­‐27325 et également 24/09/2014 n° 12-27241n°)
    • Selon ces mêmes décisions, lorsque la preuve de l’intention libérale est rapportée, il s’agit d’une donation indirecte de fruits rapportable à la succession des parents. Mais on sait qu’une donation indirecte de fruits est rapportable à la succession des parents, SAUF volonté contraire des parents (article 851 alinéa 2 du Code civil).
    • L’intention libérale peut toutefois être combattue lorsque la jouissance du logement se fait en contre partie du paiement de l’ensemble des charges de l’appartement (cass 1° civ 30/01/2013 n°11-25836) ou en compensation de services rendus ( Cass. civ. 1re, 22 oct. 2008, n°07-­‐17297) ou de l’accomplissement de travaux sur les biens (Cass. civ. 1re, 18 janv. 2012, n°11-­12863) ou lorsque l’absence de ressource de l’enfant (pour les études par exemple) rend facilement applicable les art 371-2, 203 ou 852 al2 du code civil)

2.4      SOLUTION 4 : Prêt pour l’acquisition de la Nue propriété et achat de l’usufruit par les parents

2.4.1      Principe

Les parents font un prêt familial à leur enfant (comme indiqué au premier chapitre) pour lui permettre d’acheter la nu propriété de l’appartement et les parents en achètent l’usufruit.

Note : L’enfant peut également faire un pet bancaire pour tout ou partie de la nue-propriété.

ATTENTION : Il ne faut pas tomber sous le cout de l’article 751 du CGI qui stipule que « toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété, à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants d’eux, même exclu par testament ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament postérieur, ou à des personnes interposées, est réputé faire partie de la succession de l’usufruitier sauf preuve contraire.

Pour cela il faudra au décès des parents que l’enfant soit en mesure de prouver que le prêt à bien été remboursé par ses deniers personnel  (et que ce ne sont pas les parents qui ont remboursé sous le manteau le prêt bancaire ou le prêt personnel)

Même si au niveau des droits payés par les parties à l’acquisition de l’appartement, l’usufruit et la nue propriétés sont déterminés conformément au 669 du CGI, rien n’empêche les parties de convenir conventionnellement d’une valeur économique de l’usufruit (par exemple espérance de vie conjointe des créanciers telle que définie dans la notice  « 2725 not D »  multipliée par le montant des loyers annuels), ce qui conduira à minimiser le montant de la nue-propriété et donc des remboursements qu’aura à faire l’enfant.

Comme au paragraphe  « Solution 2 : Achat de l’appartement par les parents et mise à disposition de l’appartement à l’enfant », les parents peuvent soit décider d’héberger à titre gratuit (dans ce cas les risques, liés à l’insécurité juridique, mentionnés dans ce même chapitre sont également applicables)  soit décider de lui faire payer un loyer (dans ce cas il devra rembourser les mensualités et en plus payer un loyer, ce qui risque d’être contraire au but initial de minimiser les couts mensuels pour l’enfant).

2.4.1.1      Avantages

  • L’enfant n’a pas à recourir à un emprunt auprès des banques auxquels il ne pourrait peut-être pas avoir droit (minorité, insuffisance de ressources, etc…)
  • Il est possible de diminuer fortement le montant du prêt et donc la charge des mensualités à verser à ses parents (ce qui pour le futur diminuera aussi son taux d’endettement et pourra lui permettre d’avoir recours à des prêts plus importants pour l’acquisition d’une maison par exemple)
  • L’enfant deviendra plein propriétaire de l’appartement au décès de ses parents
  • Si l’enfant vient à quitter l’appartement (fin des études par exemple), les parents peuvent le mettre en location pour obtenir un complément de revenus
  • Les abattements sur les successions ne sont pas entamés (ni pour la nue-propriété, ni pour l’usufruit)
  • L’enfant se constitue à moindre cout un patrimoine (uniquement la NP à rembourser)

2.4.1.2      Inconvénients

  • Les parents étant usufruitiers, l’appartement rentre dans le patrimoine des parents pour le calcul de l’IFI.
  • Il y a rupture d’égalité entre les enfants. L’usufruit ne rentrera pas dans la masse successorale des parents et les autres héritiers se retrouveront lésés du montant de cet usufruit
  • Pour les parents, il n’est pas possible de recourir à l’emprunt ni pour le prêt familial ni dans la pratique pour l’acquisition de l’usufruit. Il faut donc qu’ils aient suffisamment de liquidités pour la totalité du cout d’acquisition.
  • Si le prêt est assorti d’intérêts, le débiteur doit indiquer le montant des intérêts versés sous forme d’un IFU (formulaire 2561) chaque année avant le 15 février et le créancier doit de son côté les déclarer sur sa feuille d’impôts car il sera taxé dessus.
  • S’il quitte l’appartement, l’enfant devra payer un loyer ou souscrire un autre emprunt pour s’héberger. Il aura donc en plus du remboursement du prêt familial une autre charge, sans avoir de ressources issues de cet appartement. Il sera en plus redevable des grosses réparation (605 et 606 code civil)
  • On retrouve les mêmes inconvénients en cas de décès d’une des parties qu’au paragraphe » Solution 1 : Prêt Familial ».

2.5      SOLUTION 5 : Achat en indivision

2.5.1      Principe

L’enfant achète une partie de l’appartement en fonction de ce que lui permettent ses ressources et les parents achètent l’autre partie

2.5.1.1      Avantages

  • Permet de compléter l’acquisition qu’aurait pu faire seul l’enfant en s’adaptant ainsi au mieux à ses ressources et en minimisant l’effort des parents
  • Permet aux parents de faire l’acquisition de leur part au comptant ou à crédit
  • Les parents peuvent demander à leur enfant de payer un loyer sur la part qu’ils détiennent en indivision pour se créer un revenu complémentaire
  • Ils peuvent faire une donation de la NP (une fois le prêt terminé s’il en on fait un) sur leur part indivise, cela peut permettre à des parents n’ayant pas beaucoup de liquidités d’aider leur enfant en lui transmettant de leur vivant une partie importante du bien ainsi acquis.

2.5.1.2   Inconvénients

  • Tous les inconvénients liés à l’indivision (nul ne peut être obligé à demeurer en indivision, travaux d’entretien devant être adopté à la majorité des 2/3, gros œuvre accepté à l’unanimité)
  • La part d’indivision des parents rentre dans leur IFI et se retrouve dans leur succession

2.6      SOLUTION 6 : Mixte de solutions

2.6.1      Principe

Les solutions 1,3,4 et 5 peuvent être mixés pour par exemple :

  • Faire une donation pour permettre à l’enfant d’acquérir 1/3 de la NP
  • Faire un prêt perso pour permettre à l’enfant d’acquérir un second tiers de la NP
  • Les parents font l’acquisition du dernier tiers en pleine propriété et l’acquisition de l’usufruit des deux premiers tiers

2.7      SOLUTION 7 : Création d’une SCI et apport du montant de l’acquisition en Compte courant d’associé (CCA)

2.7.1      Principe

L’enfant crée une SCI avec un capital faible (il faut qu’il ait au moins un associé même avec 0.001% des parts, qui peuvent être les parents (ce qui est même obligatoire dans le montage ci-dessous pour qu’il puisse détenir un compte courant d’associés dans la SCI), mais au décès de ceux-ci il faudra un autre associé qui pourra être un des autres héritiers) .

Les parents apportent le montant de l’acquisition en Compte courant d’associé.

La SCI achète l’appartement.

La SCI est imposée à l’impôt sur les sociétés

NOTE : L’enfant associé peut soit verser un loyer soit être hébergé à titre gratuit (attention dans ce cas à l’objet social ou à la manière dont est accordé l’hébergement à titre gratuit car un gérant d’une SCI familial qui autorise sans l’accord des associés que l’un d’entre eux occupe à titre gratuit un appartement de la société alors que l’objet social de la SCI est limité à la location de ses biens immobiliers, excède ses pouvoirs (cass  civ du  25 avril 2007 n° 06-11833). Mais dans le cas d’un hébergement à titre gratuit le montage ne fonctionne pas donc le problème des statuts ne se pose pas vraiment.

Dans ce montage, l’enfant verse un loyer à la SCI qui permet à la société de payer les taxes foncières, les éventuelles charges de copropriété et l’impôt sur les sociétés.

Pour le calcul du résultat, la société étant imposée à l’IS, elle doit amortir le cout d’acquisition de l’appartement (sauf la part estimée lié au terrain, par défaut 10% du prix de l’immobilier), ce qui diminue voire annule le montant de l’IS à verser par la SCI.

Avec le bénéfice constaté en fin d’exercice, la SCI rembourse le compte courant d’associé des parents.

Cette solution peut être intéressante :

  • Lorsque l’on ne veut pas entamer les capacités d’emprunt futures de l’enfant par rapport à un prêt familial ou que l’on anticipe une mésentente future et que l’on souhaite que « la menace » de demande anticipée du CCA puisse être utilisée
  • Et lorsque les parents ne souhaitent pas se démunir irrévocablement comme dans le cas d’une donation de somme d’argent du paragraphe  « SOLUTION 4 : Donation de somme d’argent » ou de l’acquisition suivi d’une donation de la nue-propriété proposée au chapitre « Solution 2 : Achat de l’appartement par les parents et mise à disposition de l’appartement à l’enfant avec ou sans donation de la nue propriété.».

Dans les autres cas, elle nous parait être lourde à mettre en œuvre pour peu d’avantages par rapport aux autres solutions proposées.

2.7.1.1      Avantages

  • L’enfant n’a pas à recourir à un emprunt auprès des banques ; emprunt auxquels il ne pourrait peut-être pas avoir droit (minorité, insuffisance de ressources, etc…)
  • L’appartement ne rentre pas dans le patrimoine des parents et n’est donc pas pris en compte pour l’IFI (sauf pour la ou les parts qu’ils détiendront dans la SCI)
  • Les abattements sur les successions ne sont pas entamés
  • Il n’y a pas de rupture d’équilibre entre les enfants (le Compte courant d’associé (CCA) non remboursé au décès des parents rentre dans leur masse successorale)
  • Le bien appartient à la SCI (donc indirectement à l’enfant) qui peut le mettre en location s’il désire quitter l’appartement
  • Il n’y a pas d’emprunt à rembourser, les capacités d’endettement futures de l’enfant ne sont donc pas impactées
  • Si les parents ont suffisamment de liquidités, il peuvent apporter en CCA un montant supérieur au cout d’acquisition de l’appartement pour acquérir un bien rémunérateur (autre appartement, parts de SCPI,…) qui donneront à la SCI des capacités d’emprunt ou qui permettront sur le long terme un remboursement du CCA avec un loyer faible pour l’enfant (attention à ne pas tomber dans l’abus) voir un hébergement à titre gratuit.
  • Le remboursement du CCA permet aux parents d’avoir un complément de revenus net de fiscalité
  • L’enfant peut lui-même utiliser la structure sociétaire pour commencer à transmettre son patrimoine à ses enfants (surtout tant qu’il y a un CCA important)
  • En cas de mésentente familiale, les parents ont plus de pouvoir en exigeant le remboursement du CCA que dans le cas d’un prêt familial ou tant que l’enfant rempli ses obligations ils ne peuvent pas exiger le remboursement anticipé du prêt.

2.7.1.2      Inconvénients

  • Le remboursement du CCA peut être exigé à tout moment par l’associé qui le détient (ce qui peut obliger la SCI à vendre prématurément l’appartement pour le rembourser) . Le problème peut être flagrant en cas de mésentente familiale au décès des parents s’il n’a pas été totalement remboursé et si le reste de la masse successorale ne permet pas à l’enfant associé de faire lui-même un apport en CCA sur sa part pour que la SCI rembourse celui du De Cujus.
  • En cas de cession du bien par la SCI, la plus-value sera calculée sur (prix de vente – valeur d’acquisition – amortissement réalisés) donc plus le bien aura été amorti longtemps plus la plus-value sera élevée et elle sera imposée à l’impôt sur les sociétés. Donc contrairement au cas d’une détention en directe du bien ou l’on a une diminution de la taxe sur la plus-value avec la durée de détention du bien, on a dans ce cas, une augmentation du cout de la plus-value avec le temps
  • Une fois que le bien est complètement amorti, on a une augmentation de l’IS, mais il est fort probable qu’à ce moment le CCA sera complétement remboursé, l’enfant associé pourra donc bénéficier (cf remarque sur les statuts) d’un hébergement à titre gratuit pour qu’il n’y ai plus d’IS a payer.
  • Il y a de la lourdeur administrative (création de la société et déclaration annuelle des résultats)
  • L’Apport en CCA ne peut pas être fait via un emprunt, il faut donc que les parents possèdent des liquidités suffisantes pour couvrir le cout d’acquisition

2.8      SOLUTION 8 : Utiliser Le plan d’épargne retraite

Le PER est un produit, mis en place par le gouvernement en Octobre 2019 pour préparer sa retraite (il remplace les dispositifs : PERP, PERCO et Madelin).

Il permet

  • à chaque versement de choisir entre l’optimisation fiscale à l’entrée (au versement des primes) ou à la sortie
  • au moment de la retraite de choisir de sortir en une ou plusieurs fois ET/OU en rente viagère
  • En sortie les gains sont taxés à 30% (PFU) et le capital au taux d’impôts des enfants (certainement de l’ordre de 11%). Voir en annexe le détail de fonctionnement du PER
  • Inconvénient :
    • Les sommes sont normalement bloquées jusqu’à la retraite sauf dans certain cas comme l’acquisition de sa résidence principale
  • Dans quels cas est-ce intéressant pour aider son enfant à acquérir sa résidence principale
    • On pouvait jusqu’au 01/01/2024 ouvrir des PER au nom de ses enfants encore dépendant de son foyer fiscal qu’ils soient majeurs ou mineur, et y faire un versement déductible de ses revenus avec plafond égal à 10% du PASS par enfant et 10% de vos revenus pour la globalité (plus les 3 dernières années non consommées). Cette solution est maintenant limités aux enfants majeurs qui restent dans le foyer fiscal de leurs parents
    • Elle est intéressante, si les parents sont dans une tranche d’imposition supérieure à celle qu’aura leur enfant au moment où il décidera de casser son PER pour l’acquisition de sa résidence, alors ils sauront gagner l’écart de Tranche marginale d’imposition en ayant bénéficier d’un supplément de trésorerie grâce à la déduction des sommes versées sur le PER de vos. A l’inverse si vous êtes faiblement imposée (TMI inférieure à 30% ou si vos enfants se retrouvent rapidement dans la même tranche que vous avant l’acquisition de leur résidence principale, ce montage ne sera pas intéressant)
    • Attention
      • : si les enfants sont à l’étranger au moment où ils feront l’acquisition de leur résidence principale, ils ne bénéficieront pas de la possibilité de débloquer leur PER.
      • Il ne faut pas non plus tomber sous le coup de la requalification en donation déguisées. Les primes versées sur le PER des enfant devront donc être investîtes au moments d’occasion particulières (anniversaire, noël, réussite d’examen,…) et être en cohérence avec les moyen financier des parent (on considère généralement qu’elle doivent être inférieures annuellement à 2% du patrimoine des parents sans que toutefois qu’aucun texte ni aucune jurisprudence ne valide expressément ce chiffre)
  • Note : Certaines perceptions refusent cette déduction arguant que les enfants n’ayant pas de salaires ne peuvent pas bénéficier de cette déduction mais
    • 163 quatervicies au chapitre I,1  indique que « Sont déductibles du revenu net global, dans les conditions et limites mentionnées au 2, les cotisations ou les primes versées par chaque membre du foyer fiscal »
    • Le bulletin officiel des impôts opposable à l’administration fiscale précise d’ailleurs : « Pour les adhérents d’un PERP (et produits assimilés) ne disposant pas ou plus de revenus d’activité professionnelle, le premier terme de la différence correspond au plancher de déduction, c’est- à-dire à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale »
    • Il peut donc s’avérer nécessaire d’ajouter une mention express au moment de la déclaration pour faire valoir ses droits.

Comme on le voit cette solution est plutôt une solution « coup de pouce » qu’une solution complète de financement. Elle doit de plus se préparer assez longtemps à l’avance pour que le rendement du PER associé au gain fiscal lié à la différence de TMI procure une plus-value intéressante pour l’opération

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, 0 commentaire
L’état peut-il saisir ou geler votre épargne ?

L’état peut-il saisir ou geler votre épargne ?

Il a été entendu lors de la campagne législative, des propositions visant à venir saisir une partie des sommes figurant sur les PEL ou les livrets A , et même pour certain candidat sur les assurances vie des épargnants français pour financer les réformes proposées par leurs partis politiques.

Pour les plus radicaux il s’agirait d’une ponction directe, pour d’autres d’une nouvelle taxe sur l’épargne et pour les derniers de la réinstauration de l’ISF.

Sans être alarmiste, rappelons que de telles mesures ont déjà été mises en place (instauration de l’ISF sous François Mitterrand, mise en place par Chypre en 2013, d’une taxe d’un montant de 47,5 % sur dépôts bancaires de la Bank of Cyprus supérieurs à 100 000 euros en échange d’un plan d’aide européen de 10 milliards d’euros,…). On sait l’imagination de nos politiciens sans limite lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles taxes.

Il n’est pas l’objet pour nous de faire ici de la politique fiction, mais uniquement de faire un point sur les dispositifs existants.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, l’épargne, dite sécurisée, des Français est déjà utilisée pour le financement de l’économie et nous le verrons, il existe déjà plusieurs dispositifs qui permettent, sous certaines conditions, de geler, voire de prélever des sommes sur notre épargne.

Dans cet article, nous allons présenter quelques notions peu connues sur les dépôts bancaires et les assurances vie puis nous présenterons un dispositifs européens qui permettrait en dernier recours de renflouer une banque en faillite avec une partie de l’épargne de ses clients. Nous en profiterons pour introduire des notions comme les ratios prudentiels des banques, et les accords de Bâle.

Enfin nous présenterons la capacité qu’à la France de geler temporairement les avoirs des épargnants depuis la loi Sapin II.

C'est quoi la loi "Anti-Squat"

1 Êtes vous propriétaire de l’argent que vous avez déposé en banque ?

Oui mais….

L’article L312-2 du code monétaire et financier indique que « Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer ».

L’article 511-5 du même code institue un monopole au profit des « établissement de crédits », c’est-à-dire des banques pour percevoir ces fonds « remboursables ». L’article 511-6 atténue ce monopole en permettant également aux assureurs, mutuelles de percevoir des fonds notamment pour les contrats de capitalisation, assurance vie, et plans d’épargne retraite qu’ils soient individuels ou collectifs

En d’autres termes,

à condition qu’elle soit en mesure de vous les restituer lorsque vous le lui demandez. Elle a donc le droit de les utiliser comme le ferait un propriétaire, et vous avez un droit de créance sur elle.

Pour autant il n’y a pas de transfert réel de propriété sur les comptes de dépôt. Si vous avez un créancier, ce dernier peut, tout à fait, faire saisir vos comptes bancaires (en y laissant toutefois à minima 635.71e ou le montant des sommes dites insaisissables (AAH, APA, RSA, Prime d’activité, Rente pour accident de travail, etc…))

Les banques en disposent généralement pour accorder des crédits ou faire des placements financiers afin de rémunérer les comptes de ses clients ou faire du profit.

Note : Les sommes que vous placez sur les livrets A, les livrets de développements durables et solidaires (LDDS) et les Livrets d’épargne Populaire (LEP) sont transférés partiellement (environ 65%) à la caisse des dépôts et consignation (CdC) qui les utilise pour le financement des logements sociaux, de la rénovation urbaine et quelques autres infrastructures. Le taux de transfert peut évoluer car les fonds transférés à la CdC doivent couvrir 125% du montant des prêts que cette dernières accorde. Donc s’il elle octroie plus de prêts ou s’il y a beaucoup de retrait sur les livrets, le taux de transfert doit augmenter pour respecter ce ratio de 125%.

Les politiques cherchent souvent à utiliser une partie des sommes déposées sur les livrets A, à d’autres fins. Ainsi rien qu’en 2024, il y a eu une proposition pour flécher une partie des sommes disponibles sur les livret A, pour le financement des industries de défenses et une autre pour le financement du projet de création de 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR.

La banque ne peut donc disposer librement au plus que 35% des sommes figurant sur ces livrets.

2  Qui est propriétaire de l’argent déposé sur une assurance vie ?

On a vu qu’il n’y avait pas de transfert de propriété sur les comptes de dépôts même si la banque a le droit de disposer des sommes qui y figurent.

Il en va différemment pour les contrat d’assurance vie.

En effet, l’assurance vie est à la fois un contrat d’assurance et une stipulation pour autrui prévue à l’art 1205 du code civil.

Dans la stipulation pour autrui, le souscripteur (appelé le stipulant dans le code civil) , en souscrivant le contrat fait promettre à l’assureur (le promettant dans le code civil) de délivrer le montant du contrat d’assurance vie (moins les taxes) au  bénéficiaire du contrat.

L’assurance vie étant un contrat d’assurance, le souscripteur se dépouille irrévocablement de la propriété des sommes qu’il y verse, en contrepartie de l’engagement de l’assureur de délivrer la garantie en cas de la survenance d’un risque aléatoire (le décès de l’assuré).

C’est donc l’assureur qui devient propriétaire des primes versées.

Les contrats d’assurance vie font naitre parallèlement, un droit personnel de créance du souscripteur sur l’assureur. C’est ce qui lui permet de « racheter » les sommes placées sur son contrat (sauf acceptation par l’assuré et le bénéficiaire de la clause bénéficiaire).

Comme le droit de rachat est personnel au souscripteur, et que les sommes sont dans le patrimoine de l’assureur, il s’en suit que les créanciers du souscripteur, de l’assuré et du bénéficiaires ne peuvent saisir les sommes placées sur ces contrats (sauf primes manifestement exagérées ou lors de saisies pénales (art  131-21 du code pénal) ou fiscales (art l262 du code de procédure fiscale) et dans ce dernier cas uniquement si le contrat n’a pas été nantis ou n’a pas fait l’objet d’une acceptation préalable par l’assuré de l’acceptation du bénéficiaire.

3  Que se passe-t-il si la banque ou l’assureur font faillite ?

Deux dispositifs sont mis en place.

  • D’une part le contrôle prudentiel qui fait l’objet des accords de Bale (I,II, III) et de plusieurs règlements européens (CRR3 pour le dernier en date) que nous allons présenter rapidement ci-dessous.
    • Il vise à garantir que les banques conservent toujours un socle de liquidités suffisant pour faire face à des périodes difficiles
  • D’autre part à la création en France d’un fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) en cas de faillite d’un établissement bancaire, d’un assureur ou d’un organisme de caution, qui malgré ses liquidités disponibles ne serait pas en mesure de faire face à ses obligations

Pour les dépôts, le FGDR doit permettre de rembourser les clients de l’établissement défaillant à hauteur de 100 000e.

Ce plafond de garantie s’applique quel que soit le nombre de comptes de dépôt ouverts auprès du même établissement et est déterminé par déposant.

Ainsi si vous disposez d’un compte joint avec votre conjoint, vous êtes considérés comme deux déposants distincts (ce qui vous permet de prétendre à une garantie de 200 000 € pour le compte joint), mais si vous avez seul,  15 000€ sur un compte à terme, un PEL à 60 000€, un compte courant à 20 000€ un solde espèce de 2 000e sur un PEA, et un CEL à 15 000€ soit un total de 112 000e auprès d’un même établissement , vous ne serez remboursé que de 100 000€ ce qui devrait inciter certains épargnants à répartir leur épargne auprès de plusieurs banques.

IMPORTANT : Les livret A, LDDS et LEP sont garantis à 100% par l’état, indépendamment du FGDR, et ne sont donc pas pris en compte dans le calcul du plafond des 100 000€

Note  Le montant de la garantie peut même être porté à 500 000 € en cas de « dépôt exceptionnel temporaire » (somme provenant d’une succession, d’une donation, de la vente d’un bien immobilier, du versement d’une indemnité suite à un dommage ou une rupture du contrat de travail…).

En cas de pluralité d’événements (vente d’un bien immobilier et indemnité de licenciement par exemple), le plafond rehaussé s’applique à chacune des sommes concernées

Le FGDR garanti également les titres lorsque la banque ou l’entreprise d’investissement prestataire n’est plus en mesure de les restituer à ses clients. Attention il ne s’agit pas de compenser une baisse des titres mais de faire face à la défaillance de l’établissement auxquels ont été confiés ces titres.

La garantie des titres i couvre tous les titres financiers (actions, obligations, parts d’OPCVM, SICAV ou FCP, titres de créance négociables), jusqu’à 70 000 € par client et par établissement. C’est par exemple le montant maximale qui vous serait rembourser si l’assureur auprès duquel vous avez souscrit une assurance vie venait à faire faillite.

C’est pour cela que les investisseurs ayant de gros montants à placer, privilégient les contrats Luxembourgeois (qui protègent 100% des capitaux investis en cas de faillite de l’assureur) ou répartissent leurs fonds auprès de plusieurs compagnies d’assurances.

Cependant pour les PEA et les compte titres, cette garantie ne devrait pas avoir à jouer car la banque n’est pas propriétaire des titres qui y figurent, elle en est uniquement le dépositaire. Vous devriez donc retrouver l’ensemble de vos titres. Ce n’est que si vous aviez nanti ces titres auprès de la banque (par exemple pour obtenir un prêt) que cette garantie pourrait jouer.

Au 31/12/2023, les fonds disponibles sur le FGDR étaient de 7.73 Milliard d’Euros dont 7.44Millaird pour la garantie des dépôts et 172 millions pour la garantie des titres (le solde étant réservé à des remboursements que nous n’avons pas mentionnés comme les organismes de cautions, les filiales à l’étranger d’organismes bancaires français et à des établissement de crédit monégasques).

Juste pour fixer un ordre d’idée, le solde des comptes courant des Français en 2023 était de 592 milliards d’Euros, le montant global des PEL était de 239 milliard d’Euros et les encours sur les assurances vie s’élevaient à 1 965 Milliards d’Euros (même pas de quoi rembourser la dette de l’état français qui s’élève à ce jour à 3 101 Milliard d’Euros 😉).

Autre élément de comparaison : BNP Paris bas pèse à elle seul 2 300 Milliards d’Euros, le Crédit Agricole 2054 Milliards d’Euros , la banque populaire 1 443 Milliard d’Euros, la société générale 1 396 Milliard d’Euros,  le crédit mutuel 970 Milliards d’Euros,  etc…

Espérons, qu’aucune des grandes banques françaises ne vienne à faire faillite car le FDGR n’y suffira pas et de loin… même si dans les bilans annoncés ci-dessus, tout n’est pas couvert par ce fond de garantie..

 4 L’état peut-il geler notre épargne ?

Depuis la loi SAPIN II du 9 décembre 2016,le code monétaire et financier (au 5e ter de l’art L631-2-1) permet au Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) de :

  1. Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements ;
  2. Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;
  3. Limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat ;
  4. Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ;
  5. Limiter temporairement la distribution d’un dividende aux actionnaires, d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.

pour une période maximale de trois mois, qui peut être renouvelée si les conditions ayant justifié la mise en place de ces mesures n’ont pas disparu. Seul le point « c » est limité à une durée maximale de 6 mois consécutifs

Ce pouvoir est limité aux assureurs aussi bien pour les contrats d’assurance vie que de capitalisation.

Les HCSF peux donc geler aussi longtemps qu’il le juge nécessaire :

  • Le versement des primes
  • Les arbitrages
  • Les avances

Et pour une durée maximale de 6 mois consécutifs, les rachats que ce soit sur des fonds Euros ou des Unités de compte et le paiement des capitaux décès.

Il est à noter que l’article 612-33 du code monétaire est financier donnait déjà depuis 2010 des pouvoirs similaires à l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) mais uniquement  dans le cas où un assureur risquait de se trouver dans une situation d’insolvabilité immédiate ou dans les 12 mois à venir, ou qu’il ne respectait pas les ratios définis par Bâle III (cf ci-dessus).Les pouvoirs de l’ACPR sont cependant limités au seul organisme insolvable alors que ceux du HCSF peuvent s’étendre à tout ou partie du secteur des assurances.

Ici encore, le passage par des contrats Luxembourgeois peut permettre de contourner la loi Sapin II, puisque le pouvoir du HCSF ne s’étend pas au Luxembourg.

Attention toutefois aux placement sur des fonds Euros dans des filiales Luxembourgeoises de Société d’assurance Françaises.

En effet, ces fond sont le plus souvent détenus par la maison mère Française et un contrat de réassurance lie la filiale Luxembourgeoise à sa société mère. De fait, si la mesure de gèle venait à s’appliquer en France, la maison mère ne serait plus en mesure de disposer de ses actifs pour répondre à la demande de de sa filiale Luxembourgeoise et le fond Euro du contrat Luxembourgeois serait lui aussi, de fait, gelé.

Il faut donc veiller, à ce que les fonds euros de l’assureur Luxembourgeois sélectionné, soit exclusivement constitué dans le bilan de la société luxembourgeoise.

5 Le rôle du contrôle prudentiel

C’est quoi ça… ?

Suite aux différentes crises passées, les états se sont aperçus que les faillites bancaires avaient un impact fort sur l’économie en général, avec souvent un effet domino et qu’ils n’avaient que peu de moyens de les prévenir et encore moins d’y remédier.

Ils ont donc décider à partir de 1974 de renforcer la solidité du système financier en créant le Comité de Bâle

Il rassemble aujourd’hui les superviseurs de 28 pays ou juridictions  (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Espagne, États- Unis, France, Hong Kong, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Suisse, Turquie, Union européenne).

Le comité publie des règles qui définissent des exigences minimales que les banques et superviseurs nationaux doivent respecter.

Ces règles ne sont pas directement contraignantes juridiquement. Mais les états s’engagent à les retranscrire, au moins partiellement, dans leurs lois internes. Pour l’Europe cela passe en premier lieu par les règlements européens qui sont alors, eux-mêmes, transposés en droit national. Par exemple les recommandations de Bâle III concernant la titrisation, ont été publiées le 12/12/2017, puis transcrites en droit Européen par la directive européenne 2019/878 (dite CRD 5) et le règlement 2019/876 (dit CRR II) en Juin 2019 et enfin transcrites en droit français par ordonnance le 23/12/2020.

La directive Européenne 2014/59/UE a été prise suite à la crise de 2008 pour mettre en place, au niveau européen, des instruments permettant de faire face à la défaillance d’établissements de crédit ou d’entreprises d’investissement.

Elle vient en compléments des accords de Bales qui renforcent les capitaux propres des établissements bancaires.

Ces accords de Bâle ont, dans un premier temps, définis un ratio de fonds propres ((dit ratio de Cooke) que doivent posséder les établissements de crédit. Il est défini de la manière suivante :

Ratio de Cooke  =  (Fonds Propres / Risques). Il doit être supérieur à 8% (en fait 10.5% avec l’introduction du volant de conservation de 2.5% par Bâle III)

Ce qui signifie que si une banque française vient à passer en dessous de 10.5% de fonds propres, elle n’est d’une part plus en mesure d’octroyer de nouveaux prêts à ses clients et est d’autre part mise sous surveillance par les autorité de régulation françaises voir européenne si la situation l’exige.

Les fonds propres sont constitués par

  • Le Capital social de l’établissement, ses réserves (bénéfices non distribués des années antérieures). Ces deux premiers éléments étant appelé le « Tiers 1 » et
  • Les emprunts dits subordonnés appelés « Tiers 2 »
    • Pour faire simple, les emprunts subordonnés émis par les banques sont des obligations qui sont soient convertibles en actions au grès de l’émetteur soit remboursées après tous les autres créanciers de l’établissements. Ainsi, si la banque est défaillante, les détenteurs de ces obligations seront les derniers avec les actionnaires à pouvoir espérer récupérer quelques miettes.
  • En 2023, les ratio de Cooke des principales banques Européenne s’élevaient à 16.0%. Et ce, en ne prenant en compet que les fonds propres « Tiers 1 » (Bâle III impose que les fond propres utilisés dans le ratio de Cooke soient composés à minima de 75% de fonds « Tiers 1 » dont à minima 75% de capital social. Cela ne signifie pas que la banque doive respecter ces plafonds de 75% pour son financement mais que les fonds Tiers 2 qui dépassent 25% et les réserves qui dépasseraient 25% du Tiers 1 ne sont pas pris en compte pour la détermination du ratio de Cooke)

Les risques regroupent

  • Les risques de crédits : Ce sont les risques liés aux non-remboursement des prêts qu’ont octroyés les banques. Il s’agit des prêts classiques comme les prêts immobiliers et les prêts à la consommation des particuliers, mais également des avances de trésorerie, de la souscriptions aux emprunts d’états, des prêts interbancaires, ou des achats d’obligations.
    • Les accords de Bâle prévoient que les niveaux d’engagement de l’établissement puissent être pondérés en fonction de la qualité de l’emprunteur. Au début en fixant une grille fixe pour Bâle 1 (0% de risque pour les états, 20% pour les banques, 50% pour les prêts immobiliers, 100% pour les autres types de prêts) puis une grille plus souple, depuis Bales 2, basée sur des systèmes de notation des emprunteurs.
    • Exemple d’une banque ayant prêté 100 à 4 emprunteurs : un état, une banque, un particulier pour de l’immobilier et un particulier pour un prêt conso. Les notations internes ou externes donnent pour Bâle 2 les risques suivants : 20% pour l’état, 20% pour la banque, 50% pour le prêt immobilier et 50% pour le prêt conso. Le règlement Bale 1 aurait conduit à une évaluation du risque de 100×0%+ 100*20% + 100*50% + 100*100% = 170, alors que Bâle 2 conduirait à 100*20% + 100*20% + 100*50% + 100*50% = 140. Bale 1 conduisait à une exigence de fonds propre de 13.6 alors que Bale 2 la réduirait à 11.2.
    • L’accord Bale 3 ajoute de nouvelles catégories de risques ayant des pondérations pouvant aller jusqu’à 4 fois l’engagement de l’établissement pour des investissements très spéculatifs.
    • Il limite également les systèmes de notation internes des banques qui pouvaient conduire à sous pondérer les niveaux de risque de certains emprunteurs.
      • Le règlement Européen CRR3 prévoit tout de même des périodes d’adaptation jusqu’en 2032 pour l’évaluation des risques emprunteur pour les crédits immobiliers.
      • Ce même règlements permet également, pour les banques françaises, de considéré les prêts avec Caution au même niveau de risque que des prêts avec une hypothèques (ce qui est un peu risqué car si crise il y a, l’organisme de caution risque d’être défaillant, alors que le bien immobilier hypothéqué sera lui toujours présent, même si temporairement sa valeur peu diminuer pendant ladite crise).
      • Le règlement CRR3 est également un peu plus souple que Bâle III sur l’évaluation du risque immobilier. En effet pour la détermination du niveau de risque (la pondération) il permet de prendre en compte la valeur actuelle du bien immobilier (en la lissant sur six ans dans le résidentiel et 8 ans dans le commercial) alors que BALE III plafonnait la valeur du bien à sa valeur initiale à la date du prêt.
  • Les risques opérationnels : ce sont les pertes pouvant résulter d’une erreur humaine, d’un problème technique, d’une cyber attaque, d’une fraude, d’un délit d’initié interne à la banque, d’un manque de contrôle interne à la banque.
    • On peut citer l’affaire Kerviel en 2008 où cet employé a généré à lui seul 4.9 Millard d‘Euros de pertes à la Société générale sans que personne s’en aperçoivent et la faillite de la banque Baring, en 1995, suite aux agissements d’un seul Golden Boy (Nick Leeson) de 28 ans à l’époque, qui avait engagé, seul, la banque pour plus de 20 milliards de dollars.
    • Ces risques ne sont pas facilement identifiables. Ils devraient faire l’objet d’un nouvel accord Bale IV en 2024 (pour rappel la transcription de l’accord Bale III datant du 16/12/2010 a été faite en décembre 2023 et est applicable au 1 Janvier 2025)
    • Il est également à noter que le règlement CRR3 de la communauté européenne est plus souple que l’accord BALE III puisqu’il n’évalue ce risque qu’en se basant sur les revenus des établissements sur les 3 dernières années, mais en ne prenant pas en compte l’historique dès les pertes passées
  • Les risques de marchés : Ce sont les risques de perte qui peuvent résulter des fluctuations des prix des instruments financiers détenus par la banque. Ces fluctuations peuvent porter sur les cours des actions, sur les prix des matières premières, sur les taux de changes, d’intérêts, etc…
    • L’accord BALE III, repris dans la réglementation européenne CRR3, précise les méthodes d’évaluation standard de ces risques. Il permet toujours aux établissements d’avoir des outils plus pertinents en interne, mais sans que ces derniers ne puissent aboutir à des niveaux de risques inférieurs à 72.5% des niveaux calculés à partir des méthodes standards.
    • Le règlement CRR3 ajoute à ces risques de marchés, les risques climatiques et les risques liées aux cryptoactifs. (pondération à 250% pour les investissements dans les crypto actifs respectant le règlement Européen  MiCa et de 1250% pour les autres)

De la même manière que la France à mis en place le FGDR, le règlement européen 806/2014 a également prévu la mise en place d’un fond équivalent au niveau Européen, le FRU (Fond de Résolution Unique).

Toutes les banques européennes y contribuent. Il a atteint son objectif cible qui était de représenter au moins 1% des comptes de dépôts couverts soit un montant de 78 milliards d’Euros au 31/12/2023 (donc pour 7 800 Milliards d’Euros de fonds couverts). Le Comité de Résolution Unique (CRU) décide de son utilisation lors du sauvetage d’un établissement de crédit.

L’article 22 de ce règlement 806/2014 prévoit en dernier recours un renflouement interne de la banque c’est-à-dire par ces clients. L’article 27 précise que ne peuvent toutefois pas être utilisés, les fonds couverts (donc jusqu’à 100 000€), les fonds garantis (en France les Livret A, LDDS, et LEP), les titres déposés à la banque (OPCVM ou FIA), les fiducies

En bref, une fois que les actionnaires et les créanciers de la banques ont vu leur capital et leur créances disparaitre, les clients de la banque qui y ont des liquidité pour un montant supérieur à 100 000€ (hors livret A, LDD S et LEP) peuvent être mis à contribution pour renflouer la banque, ce qui de toute façon reviendrait au même que la perte occasionnée par la liquidation de cette dernière.

Pour finir, les accord Bâle III définissent égalent un ratio de liquidité qui impose aux banques d’avoir à tout moment des actifs de haute qualité rapidement transformables en liquidités pour un montant supérieur aux sorties nettes prévisionnelles sur 30 jours ( somme des retraits attendus sur 30 jours moins somme des dépôts attendus sur la même période)

Ils définissent également d’autres ratios mais qui sortent du cadre de cet article. 

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, 0 commentaire
La loi «anti-squat»

La loi «anti-squat»

C'est quoi la loi "Anti-Squat"

La loi anti-squat vise à protéger les propriétaires de logements contre les occupations illicites.

Elle crée de nouveaux délits et donne une nouvelle définition du domicile d’une personne tout précisant que cette définition ne s’applique qu’à cette loi.

Elle prévoit également une amende supplémentaire contre les locataires mauvais payeurs qui se maintiendraient dans les lieux malgré une décision d’expulsion.

Elle intéresse donc au premier chef tous les particuliers ayant des biens en location.

Elle est entrée en vigueur le 29 juillet 2023 après qu’un de ces articles ait été censuré par le conseil constitutionnel. (décision n02023-853 du 26/07/2023) Il s’agissait de l’article 7 qui libérerait les propriétaires, d’un bien immobilier, occupé illicitement, de leurs obligations d’entretien et de les exonéreraient de leur responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien. Il en découle qu’un propriétaire est bien tenu de maintenir son appartement dans des conditions décentes de logement et de sécurité même si le locataire (titulaire d’un bail ou squatter) s’y maintient frauduleusement.

Elle est attaquée par une partie des parlementaires et, selon le gouvernement qui sera mis en place à la fin de l’été 2024, elle risque d’être sérieusement amendée. En effet le programme du Nouveau Front Populaire prévoit purement et simplement son abrogation.

Nous allons présenter dans cet article les nouveaux délits et en profiter pour faire un point sur la notion de domicile et de sa protection.

Nous aborderons aussi sommairement les procédures permettant à un bailleur de retrouver la libre disposition de son bien placé en location.

Si vous n’êtes pas intéressé par la notion de domicile et de sa violation, vous pouvez aller directement au chapitre 2 pour découvrir les nouvelles protections offertes aux propriétaires par la loi « anti-squat » ou aux chapitres 3 et 4 pour les procédures d’expulsions.

1 La notion de domicile et sa protection

La notion de domicile est définie depuis 1804 par l’article 102 du code civil. Ce dernier indique que « Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement »

Cet article a été amendé à plusieurs reprises afin préciser d’une part le domicile des personnes vivant à bord d’un bateau de navigation intérieure immatriculé en France, puis d’autre part le « domicile » des personnes sans domicile fixe. Il indique depuis 2014 que ces dernières doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.

La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, dite loi « anti-squat » a complété l’article 226-4 du code pénal par un alinéa qui précise désormais que :« constitue notamment le domicile d’une personne, au sens cet article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ».

Les locaux non meublés et ceux à autre destination que l’habitation, semblent donc ne pas être considérés comme pouvant être le domicile d’une personne.

Cependant le second alinéa utilise l’adverbe « notamment ».

Il en résulte que l’alinéa ajouté à l’article 226-4 ne constitue pas une définition exhaustive et limitative de la notion de domicile.

De plus un autre article ajouté par cette loi « Anti Squat », (le 315-1 du code pénal, que nous détaillerons au §2), permet également de protéger d’autres immeubles qui sortent du cadre de la notion de domicile.

Pour s’assurer qu’un local non meublé puisse constituer un domicile, il convient donc, de se référer également à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère que « constitue un domicile le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. Sans toutefois que ce texte n’ait pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation ». De cette seconde partie, viennent des décisions qui peuvent paraitre contradictoires :

  • Exemple 1 : ° (Cass chambre criminelle du 22/01/1997 n°95-81.186). Dans cet arrêt, la cour de cassation indique qu’ « un local est réputé occupé, au sens de l’article 226-4 du Code pénal, dès lors qu’au moment où le prévenu y pénètre contre le gré de son possesseur, ce local est utilisé ou à vocation à l’être, par une personne privée, à quelque destination que ce soit ; que, par suite, même en l’absence de locataire effectif dans les lieux au moment de l’effraction, le[propriétaire] était en droit de s’y considérer comme chez elle, et d’y pénétrer à quelque moment, ne serait-ce que pour qu’il soit procédé à des visites, à des travaux ou activités diverses, de sorte que ce local constituait bien, au moment des faits, un domicile »
  • Exemple 2  (Cass chambre criminelle  du 8 février 2024 n° 92-83.151.) où la cour a jugé que le fait de venir sur une terrasse constituant une dépendance du domicile était également considéré comme une violation de domicile.
  • Exemple 3 : A l’inverse, elle indique qu’un terrain (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 octobre 2006, 06-80.680) ne peut pas constituer un domicile
  • Exemple 4 : De même dans son jugement du 28 février2001 (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 février 2001, 00-83.686), elle ne reconnait pas le caractère de domicile à un bien immobilier au prétexte que les nouveaux acquéreurs de ce bien n’avaient jamais occupé eux même les lieux, qui restaient occupés par les anciens locataires qui s’y étaient réinstallés le lendemain de leur expulsion.

L’article 226-4 du code pénal incrimine le fait, or les cas où la loi le permet, de s’introduire dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, d’une part, ou de s’y maintenir à la suite d’une telle introduction, d’autre part. (Note : nous verrons plus loin, dans cet article, ces cas autorisés par la loi)

La présence de meuble pourrait être considéré comme un indice supplémentaire du domicile. Il faut ici, à notre avis, entendre la notion de meuble,  au sens de l’art 534 du code civil, c’est-à-dire des meubles meublant comme les « les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements » . Ainsi un vélo, des livres,… ne constituent pas, selon nous, des meubles pouvant permettre de caractériser un domicile.

Note importante : dans le cas d’une séparation, si l’ordonnance de non-conciliation a été prononcée ou si un jugement de séparation a été prononcé ou encore, en cas de violence conjugale, si une ordonnance de de protection a été obtenue et que ces ordonnances ou jugements attribuent le domicile à l’un des conjoints, (ou partenaires ou concubins également en cas d’ordonnances de protection), alors le fait, pour l’autre, de se rendre dans l’ancien domicile commun sans l’accord de l’attributaire, constitue une violation de domicile.

1.1 La violation de domicile

Le préambule à la constitution Française du 4/10/1958 réaffirme solennellement, par un renvoi au préambule à la constitution du 27/10/1946, les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Concernant le domicile, cette déclaration rappelle dans son article 17 que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »

Concomitamment, La charte des droits fondamentaux de l’union Européenne protège également le domicile notamment dans ses articles 7 « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. ») et 17 : « Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte »

Cependant, en droit interne français, si la protection du droit de propriété est clairement affirmé dans la constitution de 58, le respect et l’inviolabilité du domicile ne l’est pas aussi clairement. Enfin, ce n’est pas aussi explicitement exprimé que dans les constitutions antérieures. Notamment celle du 22 frimaire an VIII : qui indiquait dans son article 76 que « La maison de toute personne habitant le territoire français, est un asile inviolable. – Pendant la nuit, nul n’a le droit d’y entrer que dans le cas d’incendie, d’inondation, ou de réclamation faite de l’intérieur de la maison. -Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé ou par une loi, ou par un ordre émané d’une autorité publique »

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a reconnu expressément la valeur constitutionnelle de l’inviolabilité du domicile dans ses décisions du 29 décembre 1983 (n° 83-164 DC). et du 16 juillet 1996 (n° 96-377 DC)

Pour caractériser un violation de domicile, il faut, comme mentionné au paragraphe précédent, que le local soit, tout d’abord,  considéré comme un « domicile ».

Il faut ensuite que les personnes s’y soient introduit à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

La circulaire du Garde des sceaux de novembre 2023 indique à ce titre que

  • Les manœuvres recouvrent tout procédé astucieux ou ruse mis en œuvre pour favoriser l’entrée dans le domicile (exemple : se faire passer pour un agent EDF devant contrôler un compteur, un démarcheur, un livreur, prétexter la recherche de son animal de compagnie qui se serait introduit dans la propriété,..)
  • Les menaces peuvent être caractérisées par des comportements inquiétants ou des paroles d’une personne prête à accomplir des actes de violence.
  • La voie de fait recouvre tout acte de violence à l’encontre des biens ou des personnes. Constituent également une voie de fait le fait d’enlever une partie de la toiture, de défoncer au moyen d’une masse la porte d’entrée, ou de passer par une fenêtre laissée ouverte.
  • La violence contre les choses peut consister dans l’escalade d’un mur, d’une terrasse, d’un portail bas et en mauvais état, le forçage d’une serrure, le bris d’un carreau ou d’une vitre ou le descellement des barreaux d’une fenêtre.

Ainsi, l’existence d’une introduction illicite n’a pu être retenue lorsque la porte d’un local violé n’était pas fermée à clés. En effet il n’y avait eu ni ruse, ni menace, ni voie de fait contre les personnes ou les biens, ni violence…

Il faut également rappeler l’art 1301 du code civil, qui tempère cette notion de violation dans des cas bien particuliers. Cet article traite de la « Gestion d’affaire » et permet entre autres, à chacun de pénétrer dans le domicile d’autrui dans le but de préserver ce dernier d’un péril imminent en l’absence de son propriétaire ou si ce dernier est inconscient. On peut citer par exemple l’introduction dans le domicile d’autrui pour venir en aide à une personne inconsciente, pour éteindre un incendie, pour faire des travaux urgent afin d’arrêter une fuite d’eau, etc….

1.2  Prescription

Le délai de prescription pour violation de domicile est en générale de 6 ans. Cependant si la violation de domicile est suivie de viol, d’un meurtre ou d’autres circonstances aggravantes, elle devient un crime et la période pour déposer plainte est alors portée à 20 ans. Les circonstances aggravantes sont précisées aux article 311-4 à 311-11 du code pénal. On peut citer

  • Le fait de commettre un vol à plusieurs,
  • Lorsque l’infraction est commise par une personne qui est détentrice de l’autorité publique ou prend indûment avoir la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique
  • Lorsque qu’un vol est accompagné ou suivi de violences ou porte sur du matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours,
  • Lorsque le vol est facilité par l’état d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur
  • Lorsque l’infraction est commise avec usage ou menace d’une arme.

1.3 L’absence de violation de domicile

Comme mentionné au dernier alinéa du paragraphe 1.1, la gestion d’affaire est l’un des cas, où l’on peut intervenir dans le domicile d’autrui sans que cela puisse être qualifié de violation de domicile.

Un officier de police judiciaire peut également, dans le cadre d’une procédure de flagrant délit (prévue à l’art 53 du code de procédure pénale), se rendre au domicile des personnes qui paraissent avoir participé au crime pour y procéder à une perquisition (art 56 du Code de procédure pénale). Cette perquisition ne peut se faire qu’en présence de la personne incriminée ou à défaut en présence d’un représentant désignée par elle ou à défaut de 2 témoins ne dépendant pas de l’autorité judiciaire.

De plus, l’article 59 du même code précise que « Sauf réclamation faite de l’intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures. »

Mais quelles sont les autres cas prévus par la loi que mentionnent les article 226-4 du code pénal.

Il peut s’agir

  • Des cas déjà mentionnés :
    • Gestion d’affaire
    • Procédure de flagrant délit
  • Des procédures d’exécution forcées, faites suites à des titres exécutoires.
    • Les titres exécutoires sont (art L111-3 du code des procédures civiles d’exécution)
      • Les décisions judiciaires ou administratives lorsqu’elles ont acquis leur caractère exécutoire (délais, enregistrement,)
      • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution,
      • Des extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties,
      • Des actes notariés revêtus de la formule exécutoire,
      • Des accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce ou à leur séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire
      • Des titres délivrés par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur.
    • Seuls peuvent procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice
    • Comme pour les cas de flagrant délits, l’intervention ne peut intervenir qu’à certaines heures. En effet l’art L141-1 du code de procédure civile d’exécution précise que « Aucune mesure d’exécution ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié, si ce n’est en vertu d’une autorisation du juge en cas de nécessité. Aucune mesure d’exécution ne peut être commencée avant six heures et après vingt et une heures si ce n’est en vertu d’une autorisation du juge en cas de nécessité et seulement dans les lieux qui ne servent pas à l’habitation »*
    • De plus l’huissier ne peut pénétrer dans les locaux qu’avec l’accord de la personne ou sinon, uniquement (art L141-2 du même code) « en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution »
  • Des intervention d’ouvriers mandatés pour des travaux décidés en Assemblée générale de copropriété (article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)
    • Pour cela l’habitant ou le propriétaire doit avoir été informé par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), au moins 8 jours à l’avance, de la date de réalisation des travaux, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens
  • Des interventions des agents de la force publique chargés de l’exécution d’un mandat d’amener, d’arrêt et de recherche ou d’une demande d’extradition ou d’un mandat d’arrêt européen (art L134 du code de procédure pénale).
    • Comme précédemment, l’agent ne peut pas s’introduire dans le domicile d’un citoyen avant 6 heures ni après 21 heures.
  • Des interventions des agents de la force publique sans mandat mais dans ce cas uniquement avec l’assentiment express et écrit de la personne chez laquelle l’opération a lieu,
  • Des interventions des agents de la force publique avec autorisation, écrite et motivée, du juge des libertés et de la détention, et ce uniquement si l’enquête est relative à un crime ou à un délit qui est puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal le justifie. (art 76 du code de procédure pénale).
    • Il s’agit des biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre ou de ceux qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction. Il peut aussi s’agir, lorsque la loi le prévoit de tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
  • Des visites domiciliaires des agents de l’administration fiscale, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, dans le cadre de la recherche la preuve d’une fraude fiscale (art 16B du Livre des procédures fiscales)
    • Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter,
    • Le juge désigne le chef du service qui nomme l’officier de police judiciaire chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement
    • La visite, ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures.
    • Elle est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l’administration des impôts
  • Des agents assermentés de l’Agence régionale de santé (ARS) dans le cadre d’opérations de contrôles prévues aux articles  1421-1 et 1435-7 du code de santé publique
    • Entre 6h et 21h
    • Soit avec l’autorisation de l’occupant du local d’habitation soit sinon avec une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
  • Des visites du maire ou du représentant de l’état dans le département (dans ce dernier cas uniquement pour l’insalubrité mentionné au 4e du l’art 511-2 du code de la construction et de l’habitation) ,en vue de protéger la sécurité et la santé des personnes relativement aux situation suivantes :
    • Risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants ou des tiers
    • Le fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation
    • L’entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu’il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers
    • L’insalubrité, telle qu’elle est définie aux articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du code de la santé publique. C’est dire des locaux présentant un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes. Sont déclarés insalubres :
      • Les locaux avec présence de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils et aux conditions mentionnés à l’article L. 1334-2
      • les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante,
      • les pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ou dépourvues d’éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë,
      • les locaux par nature impropres à l’habitation,
      • locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation
    • Art (511-7) du CCH : « Lorsque les lieux sont à usage total ou partiel d’habitation, les visites ne peuvent être effectuées qu’entre 6 heures et 21 heures. L’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux est nécessaire lorsque l’occupant s’oppose à la visite ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès aux lieux ne peut pas être atteinte »

1.3.1      Protection des abus

Or les cas mentionnés au paragraphe précédent, l’art 432-8 du code pénal protège l’inviolabilité du domicile en punissant de 2 ans de prison et de 30 000e d’amende toute personne « dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, qui s’introduire ou tente de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci ».

Quoi de neuf ?

2 Les Nouveauté de la loi « Anti Squat »

Cette loi étend la notion de squat par un nouvel article 315-1 qui est ajouté au code pénal.

Le squat concerne dorénavant également les locaux à usage commercial, agricole ou professionnel. Il étend également la notion d’habitation prévu à l’article 226-4 du même code, car il n’exige pas que le local d’habitation contienne des meubles.

Si, comme nous l’avons mentionné au §1, les locaux non meublés et ceux à autre destination que l’habitation, semblaient ne pas pouvoir être considérés comme pouvant être le domicile d’une personne, cet article 315-1 permet donc de réprimer une atteinte aux biens qui ne sont ni des domiciles principaux ni des résidences secondaire. Ainsi un propriétaire non occupant,(un bailleur par exemple), s’il ne peut se prétendre victime d’une violation de domicile, peut en maintenant se déclarer victime de l’occupation frauduleuse des locaux qui lui appartiennent. Il en va de même pour le propriétaire d’un local commercial, d’un entrepôt ou d’un bureau,…

Il est même possible d’envisager qu’un locataire élisant son domicile dans le local loué et son propriétaire puissent, pour l’un au titre du 226-4, et pour le second au titre du 315-1, se porter ensemble partie civile en cas d’occupation illicite par une tierce personne du local loué.

La loi « anti Squat » augmente les peines encourues :

  • L’article 226-4 du code pénal prévoit maintenant une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000e d’amende au lieu d’un an et 15 000e précédemment en cas de squat.
  • Elle triple également les peines prévues à l’article 316-6-1 du code pénal qui réprime la mise à disposition illégale d’un bien appartenant à autrui en les passant également à 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amendes. Il peut par exemple s’agir du cas d’une agence immobilière ayant en charge la location d’un appartement et qui le loue sans en prévenir le propriétaire en s’accaparant ainsi la totalité des loyers ou du cas d’une sous location illicite.

Comme mentionné précédemment, la loi étend également la notion de domicile à « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non » faisant ainsi rentrer les résidences secondaires, occupées ou non, dans le cadre du délit de squat.

Elle crée à l’article 226-4-2-1 du code pénal un nouveau délit visant à réprimer la propagande ou la publicité de méthode visant à faciliter ou inciter à commettre des actions de squat. Sont ici visées, bien que le gouvernement s’en défende, les associations qui encourageaient l’occupation des locaux non occupées dans les grandes villes. Sont également viser les sites ou autres médias indiquant comment forcer une serrure ou fournissant des conseils en vue de pérenniser l’installation dans un squat.

Elle crée également un nouveau délit, qui nous parait plus anecdotique, tellement il y a de conditions d’application, faisant encourir une amende de 7 500€ à un locataire qui se maintiendrait plus de 2 mois dans un local

  • en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux
  • sauf en période de trêve hivernale (du 1 Novembre au 31 Mars)
  • sauf si le logement appartient à un bailleur social ou à un établissement publique
  • sauf si le locataire s’est vu octroyer des délais supplémentaires par le juge pour se reloger

Plus prosaïquement la loi modifie les articles 412-6 du code des procédures civiles relatives à la période hivernale et 412-3 du même code relatives aux délais accordé par le juges pour permettre au locataire de se reloger, en excluant de leur domaine d’application les introductions sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. En d’autres termes les squatters ne bénéficieront plus de la trêve hivernale ni du bénéfice de délais supplémentaires pour trouver un autre logement.

Elle modifie également l’article 38 de la loi 2007-290 du 5 Mars 2007, instituant un droit opposable au logement ; en permettant les mesures d’expulsion par le préfet aux squat dans tous les locaux d’habitation après que le propriétaire ou son ayant droit ait déposé plainte, et fait la preuve que le logement constitue son domicile ou simplement sa propriété et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, par le maire ou par un commissaire de justice. Le préfet conserve cependant toujours le droit de ne pas engager la mise en demeure de quitter les lieux en motivant sa décision par un motif « impérieux d’intérêt général ». Pourront notamment être mis en avant à ce titre, des motifs liés à l’ordre public, à la sécurité publique et la santé publique, au maintien des objectifs de politique sociale.

La loi ajoute également l’obligation d’ajouter une clause résolutoire dans tous les contrats de location signés après le 29/07/2023 prévoyant « la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ». Elle réduit le délai de remboursement de la dette à 6 semaines au lieu de 2 mois. Elle précise que les dettes supérieures à 2 mois de loyer doivent être signaler, à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions, par l’huissier chargé de la mise en demeure de payer,

3 Que faire en cas d’abandon du domicile par le locataire

C’est dans ce cas, à l’article 14 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 qu’il faut se référer. Il indique qu’:« en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :

  • au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du code civil ;
  • au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
  • au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
  • au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.

Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :

  • au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ;[c’est-à-dire s’il n’est pas déjà co-titulaire du bail]
  • aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
  • au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
  • aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier. »

Mais que se passe-t-il si tous les éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants ?

C’est cette fois l’article 14-1 de la même loi, dans sa version du 27/07/2023 qui précise la procédure à suivre pour ne pas risquer d’être attaqué pour violation de domicile. Elle renvoie au décret 2011-945 du 10/08/2011 pour le détail de la procédure.

Le propriétaire doit effectuer une mise en demeure, au locataire, par commissaire de justice, de justifier de son occupation du logement.

Si après 1 mois, il n’y a eu aucune réponse, le commissaire de justice peut dans le cadre des procédures d’exécution forcées mentionnées au §1.3 constaté l’abandon du logement.

Une requête doit alors être faite auprès du greffe du tribunal judiciaire dont dépend le logement, accompagnée du procès-verbal de l’huissier constatant l’abandon.

Le juge des contentieux de la protection peut alors constater la résiliation du bail et ordonner la reprise des lieux.

Son ordonnance doit être signifiée par huissier au dernier domicile connu du locataire dans les 2 mois à compter de son prononcé. Cette signification doit obligatoirement informer le locataire de la manière dont il peut contester l’ordonnance du juge. Le défaut de signification rend l’ordonnance caduque.

Lorsque l’inventaire contenu dans le procès-verbal de l’huissier de justice fait état de biens laissés sur place, le juge statue sur leur sort.

Le locataire peut contester la résiliation du bail dans le délai d’1 mois à compter de la signification par l’huissier.

Lorsque le délai d’opposition d’1 mois est expiré, l’Ordonnance devient définitive. L’huissier dresse alors un procès-verbal de reprise des lieux. C’est uniquement à partir de ce moment que le propriétaire-bailleur peut retrouver son logement et le relouer.

Si, à l’inverse, le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le bailleur sauf, pour celui-ci, à procéder selon les voies de droit commun mentionnées au chapitre suivant.

4 La procédure classique de récupération du logement

Cette procédure est régie par l’article 15 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 et permet au bailleur de donner congés à son locataire soit pour reprendre ou vendre l’appartement soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant comme le paiement des loyers.

Cet article 15 peut être invoqué par

  • les bailleurs personnes physique,
  • les bailleurs *, société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus,
  • Par tout membre d’une indivision qui a donné le bien en location

Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.

Mais comme nous le verrons ci-dessous, la procédure n’est pas un long fleuve tranquille et dépend du motif du congé.

4.1 La reprise

La reprise ne peut être faite que pour le bailleur lui-même, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Si le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, la reprise peut également être faite au profit de l’un des associés.

Si le locataire était déjà présent au moment de l’acquisition du bien et que le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur ne peut intervenir qu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la date d’acquisition.

4.2 La vente

Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis et le locataire peut donc ainsi préempter le logement.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Le locataire peut de nouveau décider d’acquérir le biens à ces nouvelles conditions.

De manière générale, le congé pour vente ne peut intervenir qu’au terme du contrat de location en cours.

Si le locataire était déjà présent au moment de l’acquisition du logement, et que le terme du contrat de location intervient moins de 3 ans après l’acquisition, le congé pour vente ne peut être donné qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours.

4.3 Le NON-PAIEMENT des loyers

La procédure en cas de non-paiement s‘apparente pour le propriétaire à un parcourt du combattant et va s’étaler sur plusieurs mois.

Elle est explicitée en détail sur le site du service publique à l’adresse : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31272.

Comme nous le verrons ci-dessous, même avec une décision de justice en faveur du propriétaire, il est possible que le locataire reste dans les lieux, si le préfet refuse de prêter son concours à l’expulsion. Certes, la loi anti squat, prévoit dans ce cas une amende de 7 500€ mais c’est l’état qui, éventuellement, la percevra et non le propriétaire.

Pour la suite de ce paragraphe, la date de l’impayé est le lendemain de la date d’exigibilité du loyer indiqué dans le bail.

En résumé, en cas de loyers impayés, vous devez :

  • 1) Faire un courrier simple demandant la régularisation du loyer dans le mois de la date de l’impayé (un SMS ou un mail peut aussi convenir)
  • 2) Sans retour du locataire, le mettre en demeure, dans le mois suivant la date d’exigibilité, par LRAR, de payer les loyers impayés sous 8 jours
  • 3) En cas de non-paiement, activer la caution du locataire ou l’assurance loyer impayé dans les 60j de l’impayé (ces délais sont importants si vous êtes passé pas la garantie Visale d’Action Logement) et il est important qu’à minima, deux relances au locataire aient été effectuées (cf fiche « déclaration de l’impayé » sur le site de la garantie Visale.
  • 4) Lorsque le locataire bénéficie d’une aide au logement (APL, ALF, ALS), vous devez en plus signaler l’impayé à la Caf (ou la MSA),
  • 5.1) Pour les baux sans clause résolutoire
    • Vous devez saisir le juge des contentieux de la protection dont dépend le logement, pour demander le paiement de la dette et des frais de justice, la résiliation du bail, l’expulsion du locataire et la fixation du montant d’une indemnité d’occupation.
    • Le juge détermine ensuite s’il y a lieu de résilier le bail et procéder à l’expulsion du locataire ou s’il est possible de mettre en place un échéancier de remboursement
    • Si le juge a ordonné la résiliation du bail, ou si le locataire ne respecte pas l’échéancier de remboursement déterminé par le juge, vous devez alors demander à un commissaire de justice de signifier au locataire la décision du juge au locataire et de lui délivrer un commandement à quitter les lieux
    • le locataire a alors 2 mois pour quitter le logement (mais le juge peut avoir réduit ou supprimé ce délai au locataire de mauvaise volonté). Durant le délai qui lui est accordé pour quitte le logement, le locataire peut saisir le juge de l’exécution pour lui demander un délai supplémentaire (ou délai de grâce). Ce délai supplémentaire peut aller d’un mois à 1 an maximum. Le juge prend sa décision en tenant compte de la situation du locataire (âge, état de santé…) et de sa bonne volonté.
      • Note 1 : Dès que le bail est résilié, le locataire devient occupant sans droit ni titre, à qui vous facturez une indemnité d’occupation et non plus un loyer. Son montant est fixé par le juge qui décide de résilier le bail.
      • Note 2 : Si le locataire a déposé un dossier de surendettement, la commission de surendettement peut, dès que le dossier de surendettement est déclaré recevable, saisir le tribunal judiciaire pour que le juge suspende provisoirement les mesures d’expulsion.
    • À l’issue du délai laissé au locataire pour quitter le logement, vous devez charger un commissaire de justice de procéder à l’expulsion du locataire (
      • Attention   Seul un commissaire de justice peut se charger de l’expulsion du locataire :
      • Vous ne devez pas entrer dans le logement avant l’intervention du commissaire de justice, ni faire changer la serrure, ni toucher aux meubles. Dans le cas contraire, vous risquez d’être poursuivi pour violation de domicile.
      • Si vous faites l’expulsion par vous-même, vous risquez jusqu’à 3 ans de prison et 30 000 € d’amende.
  • 5.2) Pour les baux avec clause résolutoire
    • Vous devez charger un commissaire de justice de faire parvenir au locataire puis à sa caution un commandement à payer
    • Le locataire a alors 6 semaine pour payer sa dette. S’il ne le fait pas vous devez saisir le juge des contentieux et de la protection en lui demandant de condamner le locataire à payer sa dette et les frais de justice, de constater que le bail est résilié, d’ordonner l’expulsion du locataire et de fixer le montant d’une indemnité d’occupation.
    • L’audience a lieu au moins 6 semaines après que le locataire a reçu l’assignation
    • La suite de la procédure est alors la même qu’au point 5.1.

Si le locataire refuse de quitter le logement, l’huissier doit alors avoir recourt au représentant de l’état dans le département (généralement le préfet). Si ce dernier accepte de prêter son concours, l’huissier peut alors procéder de force à l’expulsion accompagné d’un serrurier et de la police ou la gendarmerie.

Mais il est également possible que le représentant de l’état refuse de procéder à l’expulsion. Dans ce cas un indemnisation devrait être dû au propriétaire conformément à l’article 153-1 du code des procédures civiles d’exécution. Mais à notre connaissance, en date du mois d’Aout 2024, le décret précisant le montant ou le mode de calcul de cette indemnisation n’a toujours pas été promulgué.

Enfin Lorsque le locataire a une solution de relogement, l’expulsion peut avoir lieu tout au long de l’année, dès que le délai pour quitter le logement est dépassé. Mais s’il n’a pas de solution de relogement, l’expulsion n’est pas possible durant la trêve hivernale (du 1ier novembre au 31 mars (inclus) de l’année suivante). Si le terme du délai pour quitter le logement intervient durant cette période, l’expulsion est reportée

4.4      Le cas des personnes âgées

Si le locataire a plus de 65 ans, ou s’il héberge une personne de plus de 65 ans et si ses ressources (ou les ressources cumulées du locataire et de la personne âgée hébergée) sont inférieures en 2024, pour une personne seule, à 26 044 € à Paris ile de France et 22 642 € en province ou pour un couple à 38 925e à Paris et région parisienne et 30 238e en province, alors il doit lui être proposé un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi du 01/09/1948 c’est-à-dire selon la localisation dans l’arrondissement, le canton ou la communes ou les arrondissements, cantons ou communes limitrophes de son lieu actuel d’habitation (rayon de 5 km)

Cependant si le bailleur est lui-même une personne répondant à une des condition du précédant alinéa (âge ou ressources) alors il n’est pas tenu de reloger le locataire.

De plus, la Cour de cassation (3e chambre civile, 15 octobre 2014 décision 13-16.990)jugé que la règle de protection du locataire âgé ne s’applique pas en cas de résiliation judiciaire du bail pour manquement du locataire à ses obligations, quelle que soit la faute commise (impayés de loyers, défaut d’assurance, sous-location…). Le propriétaire pourra donc mettre en œuvre la procédure de non-paiement des loyers mentionnées au §4.3 mais il risquera probablement de faire face à un refus du préfet de prêter son concours à l’expulsion par le commissaire de justice, en cas du refus du locataire âgé de quitter les lieux. En effet les préfets sont tenus de reloger les demandeurs reconnus prioritaires.

Publié par Pierre-Yves GENET dans Juridique, 0 commentaire